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Jacques Rivière

Jacques Rivière, né le à Bordeaux (Gironde), mort le à Paris, est un homme de lettres français, directeur de La Nouvelle Revue française de 1919 jusqu'à sa mort, et ami d'Alain-Fournier, avec qui il échangea une abondante correspondance avant de devenir son beau-frère.

Biographie

Fils d'un grand médecin bordelais, professeur d'obstétrique à la Faculté de médecine de Bordeaux, Jacques Rivière se lie d’amitié avec Alain-Fournier, le futur auteur du Grand Meaulnes, sur les bancs du lycée Lakanal, à Sceaux[1], où tous deux préparent le concours d’entrée à l’École normale supérieure. Ils y échouent l'un comme l'autre. Revenu à Bordeaux en 1905, il continue d'entretenir avec lui une correspondance quasi quotidienne où l’on voit se dessiner le goût particulier de chacun pour la littérature. À cette même époque, il fait la connaissance de Gabriel Frizeau et surtout d'André Lhote, avec qui il parle peinture.

Rivière obtient sa licence ès lettres à Bordeaux, fait son service militaire, puis revient en 1907 à Paris préparer l’agrégation de philosophie et une thèse en Sorbonne sur La Théodicée de Fénelon, tout en gagnant modestement sa vie comme enseignant au lycée Stanislas. La musique de Claude Debussy le requiert. Il subit tour à tour les influences de Maurice Barrès, André Gide, André Suarès et Paul Claudel, avec qui il entre en correspondance et qui cherche à le convertir au catholicisme (et il se convertit de fait : à Noël 1913, dans la chapelle des Bénédictines de Paris, il communie. Témoin encore cette prière : "Vous m'avez précipité entre mes frères afin, peut-être, que dans mes efforts pour remonter vers Vous, je ne revienne pas seul, mais que je vous ramène tous ceux parmi lesquels j'étais pris".) Le , il épouse la jeune sœur d’Alain-Fournier, Isabelle (1889-1971), dont il aura deux enfants, Jacqueline (1911-1944), religieuse et Alain (1920-2010), devenu moine Bénédictin à En-Calcat de 1937 à 1967[2], et qui laisse deux filles, Blanche et Agathe Rivière-Corre (née en 1971), conférencière.

D’abord collaborateur à L’Occident, il devient secrétaire de rédaction de La Nouvelle Revue française (NRF) en 1911[3]. Il entreprend alors la rédaction de critiques littéraires, qu’il rassemble et publie sous le titre d’Études, où il révèle un excellent sens de la psychologie. À partir de 1912, il seconde Jacques Copeau à la direction de la revue.

Il est mobilisé en 1914 au 220e régiment d'infanterie et fait prisonnier de guerre le , dès les premières échauffourées. Incarcéré au camp de Königsbrück en Saxe, il tente de s’en évader, ce qui lui vaut d'être transféré au camp disciplinaire de Hülsberg en Hanovre ; il y consigne son journal de captivité, publiés en 1974 sous le titre Carnets. Gravement malade, il est transféré en Suisse en 1917 et interné jusqu’à la fin de la guerre[4]. À son retour en France, en 1918 il publie L'Allemand, souvenirs et réflexions d'un prisonnier de guerre qu'il rééditera en 1924.

Avant même la fin du conflit, il songe à relancer La NRF dont la parution avait été interrompue. Sous sa nouvelle direction, elle reparaît le . Rivière y déploie de remarquables qualités en publiant Marcel Proust, François Mauriac, Paul Valéry, Saint-John Perse, Jean Giraudoux et Jules Romains, mais aussi, plus audacieusement encore, Louis Aragon. En 1919, il reçoit le prix Blumenthal. On a souvent dit que Jacques Rivière avait négligé sa propre carrière d’écrivain, au bénéfice de l'œuvre de ses amis. De fait, il n'écrira qu’un court roman psychologique, Aimée, paru en 1922, inspiré de son amour pour Yvonne Gallimard, l'épouse de Gaston Gallimard, tandis qu'un second roman sur le même thème de l'amour à sens unique, l'inachevé Florence, sera publié à l'initiative de sa veuve dix ans après sa mort. Mais son œuvre critique reste un modèle de lucidité, d'analyse et de prose française.

Jacques Rivière a involontairement préparé sa propre succession en engageant dès 1919 Jean Paulhan comme secrétaire[5]. La correspondance avec Antonin Artaud, parce qu'elle pose crûment la question de la possibilité même de la littérature, sera sans doute sa contribution la plus significative au genre littéraire[6].

Il meurt le à Paris d’une fièvre typhoïde[7].

Son épouse Isabelle se consacre après sa mort au classement de ses manuscrits et à la publication de ses œuvres, en même temps que de celles de son frère Alain-Fournier. Mais ce travail, en particulier la publication partielle des carnets de captivité de son mari sous le titre À la trace de Dieu et de sa correspondance avec Claudel, rencontre de vives réactions de la part de plusieurs des amis et collaborateurs de Jacques Rivière à La NRF, suscitant de douloureuses polémiques sur la foi de l'écrivain et sur la mission, littéraire ou spirituelle, de La NRF.

Il est à préciser qu'Isabelle Rivière est intervenue dans plusieurs des manuscrits de son défunt époux, en complétant ses récits où, par exemple, il cherchait à mettre en avant sa détresse et sa souffrance de prisonnier de guerre, de textes relatifs au catholicisme, ce qui était hors contexte. De nombreux amis écrivains de Jacques Rivière, dont Paulhan, ou André Breton, pensaient que même inachevées, il fallait faire paraître ces œuvres littéraires telles quelles, ce qui les rendait plus fortes, et que les ajouts d'Isabelle Rivière relatifs au catholicisme, gâchaient les contenus de ses créations. Ils ne critiquaient pas le catholicisme, ou les croyances d'Isabelle Rivière, dont ils respectaient les deuils, mais défendaient le caractère singulier d'écrits dont des ajouts extérieurs changeaient fondamentalement la perception, ainsi que la puissance émotionnelle, et surtout, le sens.

Ĺ’uvres

Publications en revues

  • « Les ciels », Art & DĂ©coration, vol.XXIX, janvier-juin 1911, p. 47-59 (consulter en ligne).
  • « RenĂ© Bichet », La Nouvelle Revue française, no 50, , p. 312-316.
  • « Paul Claudel », La Revue rhĂ©nane, 1re annĂ©e, no 5, , p. 235-242.
  • « Francis Jammes », La Revue rhĂ©nane, 1re annĂ©e, no 7, , p. 390-392 [texte en allemand].
  • « Alain-Fournier», La Nouvelle Revue Française, numĂ©ros du , et , article repris en introduction Ă  Miracles, Gallimard, 1924.

Publications en volumes

  • Études, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1912, 272 p.
  • L’Allemand : Souvenirs et rĂ©flexions d'un prisonnier de guerre, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1918, 256 p. (“PrĂ©face pour la rĂ©impression”, 1924)
  • AimĂ©e, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1922, 222 p.
  • Ă€ la trace de Dieu, avec une prĂ©face de Paul Claudel, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1925, 347 p.
  • De la sincĂ©ritĂ© avec soi-mĂŞme, Paris, Les Cahiers de Paris, 1925, 111 p..
  • Correspondance de Jacques Rivière et Alain-Fournier, 1926-1928
  • Correspondance avec Paul Claudel, 1926
  • Correspondance 1912-1924, Valery Larbaud & Jacques Rivière, Ă©dition Ă©tablie, annotĂ©e et introduite par Françoise Lioure, Éditions Claire Paulhan, Paris, 2006 (ISBN 2-912222-23-0)
  • De la Foi prĂ©cĂ©dĂ© de De la sincĂ©ritĂ© avec soi-mĂŞme, Paris, Éditions de la Chronique des Lettres françaises, 1927, 103 p.
  • Carnet de guerre - aoĂ»t-, aux Éditions de la Belle Page, 1929, 139 p.
  • « Pour et contre une SociĂ©tĂ© des Nations », Cahiers de la Quinzaine, 1930, 63 p.
  • Rimbaud, Simon Kra, (1931), 235 p.
  • Moralisme et LittĂ©rature, dialogue avec Ramon Fernández, CorrĂŞa, 1932, 205 p.
  • Florence, CorrĂŞa, 1935 (roman inachevĂ©)
  • « Deux prophĂ©ties », in Chroniques de Minuit, Minuit, 1945, p. 103-116
  • Nouvelles Études, Gallimard, 1947, 321 p.
  • Correspondance avec Marcel Proust / 1914-1922, Plon, 1956, 325 p.
  • Carnets 1914-1917, Fayard, 1977
  • La peinture, le CĹ“ur et l'Esprit. Correspondance inĂ©dite (1907-1924). AndrĂ© Lhote, Alain-Fournier, Jacques Rivière, William Blake & Co, texte Ă©tabli et prĂ©sentĂ© par Alain Rivière, Jean-Georges Morgenthaler et Françoise Garcia, 1986.
  • Correspondance avec Gaston Gallimard, Gallimard, 1994, 265 p.
  • Russie, prĂ©face de RaphaĂ«l Aubert, Éditions de l'Aire, 1995, 52 p.
  • Etudes (1909-1924), Gallimard, 1999, 633 p.
  • Le Roman d'aventure, Éditions des Syrtes, 2000, 128 p.
  • Correspondance 1912-1925 (avec Aline Mayrisch), Ă©dition Ă©tablie et annotĂ©e par Pierre Masson et Cornel Meder, Centre d'Études gidiennes, 2007, 194 p.
  • De la sincĂ©ritĂ© d'ĂŞtre soi-mĂŞme, Editions Le Festin, 2013, 128 p. (ce volume comprend aussi les textes : De la foi et Chasse Ă  l'orgueil).

Bibliographie

  • Adrien Jans, La PensĂ©e de Jacques Rivière, Coll. Essais et Portraits, Bruxelles, Éditions de la CitĂ© ChrĂ©tienne, 1938.
  • Jean Lacouture, Une adolescence du siècle : Jacques Rivière et la NRF, Paris, Éditions du Seuil, 1994.
  • Élisabeth Dousset, « Le patrimoine Alain-Fournier/Jacques Rivière dans le dĂ©partement du Cher », Revue Jules Verne 12, 2011, p. 90-94.
  • Collectif : Jacques Rivière. Jean PrĂ©vost, Europe, no 1082-1083-1084, juin-juillet-, avec des textes de JĂ©rĂ´me Roger, Jean-Richard Bloch, Claude Lesbats, Michel Jarrety, Éric Benoit, Adrien Cavallaro, Philippe Sollers, Christophe Pradeau, Karen Haddad, Jean-Baptiste Para, Christiane Weissenbacher, Pauline Bruley, Françoise Garcia, Alix Tubman-Mary, François TrĂ©molières, Bernard Baillaud, Agathe Rivière-Corre.
  • Les illustres de Bordeaux : catalogue, vol. 1, Bordeaux, Dossiers d'Aquitaine, , 80 p. (ISBN 978-2-84622-232-7, prĂ©sentation en ligne)

Liens externes

Notes et références

  1. Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, Echo Library, 2008, p.5.
  2. Dont une fille, Agathe Rivière-Corre, secrétaire de l'association du Bulletin des amis de Jacques Rivière et d'Alain-Fournier.
  3. Michael Einfalt, « Quelques remarques sur la position de Jean Schlumberger au sein de la NRF », dans : Gilbert-Lucien Salmon/Pascal Mercier, Jean Schlumberger et la Nouvelle revue française: actes du colloque de Guebwiller et Mulhouse des 25 et 26 décembre 1999, Éditions L'Harmattan, 2004, p.178.
  4. (en) Martin Turnell, Jacques Riviere, READ BOOKS, 2007, p.10.
  5. Martyn Cornick, «La Nouvelle Revue Française de Jean Paulhan et le modernisme», dans : Jean Yves Guérin, La Nouvelle revue française de Jean Paulhan: (1925 - 1940 et 1953 - 1968) : actes du colloque de Marne-la-Vallée (16 - 17 octobre 2003), Éditions Le Manuscrit, 2006, p.32.
  6. Olivier Penot-Lacassagne, « «Antonin Artaud», variation sur un nom», dans : Valérie-Angélique Deshoulières, Poétiques de l'indéterminé: le caméléon au propre et au figuré, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1998, p.288.
  7. Gerald Prince, Guide du roman de langue française : 1901-1950, Volume 1, University Press of America, 2002, p.113.
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