Indien au trou
LâIndien au trou (en portugais : Ăndio do Buraco), nĂ© vers 1960 et mort en , est, au moment de sa mort, le dernier survivant dâun groupe ethnique inconnu dâAmazonie (les Tanaru) probablement massacrĂ© par les fermiers et les accapareurs de terres durant les annĂ©es 1980 et 1990[1]. Ă la suite de cet Ă©vĂ©nement, lâhomme, dont on estime quâil est nĂ© vers 1960, a commencĂ© Ă errer, seul, dans la rĂ©gion amazonienne situĂ©e Ă lâouest de RondĂŽnia, prĂšs de la ville de Corumbiara[2]. Son surnom[3] vient dâun trou dâenviron un mĂštre de longueur, un demi-mĂštre de largeur et plus de trois mĂštres de profondeur, systĂ©matiquement retrouvĂ© Ă lâintĂ©rieur des huttes de paille quâil a construites[4].
Naissance |
Date et lieu inconnus |
---|---|
DĂ©cĂšs | |
Nationalité | |
Activités |
Inconnu, chasseur-cueilleur |
Les registres de la Fondation nationale de lâIndien (FUNAI) relĂšvent son existence Ă partir de 1996, mais ce nâest que lâannĂ©e suivante que les agents de la fondation peuvent Ă©tablir un contact visuel avec lui. Bien quâils nâaient jamais communiquĂ© avec lâhomme, il est supposĂ©, sur la base de traces et de rĂ©cits de tribus connues dans la rĂ©gion, que sa famille a Ă©tĂ© assassinĂ©e en 1995 par des personnes voulant prendre possession de terres autochtones. Cette mĂȘme raison a motivĂ© pendant des annĂ©es le gĂ©nocide dâinnombrables peuples autochtones des rĂ©gions amazoniennes[1] - [2] - [5].
Le 24 aoĂ»t 2022, il est retrouvĂ© mort par la FUNAI Ă son domicile, « allongĂ© dans le hamac et ornĂ© [de plumes dâara] comme sâil attendait la mort », comme lâa commentĂ© plus tard un expert autochtone. Le corps est transfĂ©rĂ© Ă Porto Velho pour autopsie, dans le but dâĂ©tablir la cause du dĂ©cĂšs. Le 27 aoĂ»t 2022, lâexpert autochtone Marcelo dos Santos dĂ©clare que lâhomme doit ĂȘtre enterrĂ© au mĂȘme endroit oĂč il a vĂ©cu et est mort, dans un mĂ©morial construit par lâĂtat, et que le territoire doit ĂȘtre immĂ©diatement protĂ©gĂ© car il risque dâĂȘtre envahi et dĂ©gradĂ©[6].
GĂ©nocide
En 1986, plusieurs rĂ©cits sur le massacre en RondĂŽnia dâautochtones isolĂ©s ont commencĂ© Ă se rĂ©pandre. Les assassinats auraient commencĂ© aprĂšs la construction dâune route dans le sud de lâĂtat dans les annĂ©es 1970, et se sont poursuivis dans la dĂ©cennie suivante. AprĂšs ces rapports, Marcelo Santos, un employĂ© de la FUNAI, accompagnĂ© du cinĂ©aste Vincent Carelli, se rendent dans la rĂ©gion et rĂ©ussissent Ă filmer des ustensiles et des traces tĂ©moignant de lâexistence dâun ancien village dans le lieu indiquĂ©, avant dâĂȘtre chassĂ©s par un fermier qui leur interdit de revenir. DiscrĂ©ditĂ© et accusĂ© dâĂȘtre un ennemi du dĂ©veloppement, Santos quitte la fondation et lâhistoire tombe dans lâoubli[7] - [8] - [9].
En 1995, Santos revient Ă la FUNAI, cette fois en tant que directeur de la rĂ©gion des personnes isolĂ©es de RondĂŽnia. Il est retournĂ© sur les lieux du massacre avec Carelli, Ă la recherche de survivants, et accompagnĂ© cette fois par des journalistes du journal Estado de S. Paulo. LâexpĂ©dition a prouvĂ© lâexistence dâautochtones dans la rĂ©gion. FilmĂ©s et photographiĂ©s, ils sont Ă la une des principaux journaux du BrĂ©sil. Les fermiers, en revanche, ont contestĂ© les images en prĂ©tendant quâil sâagissait de montages fabriquĂ©s par la FUNAI[7].
Contacts
LâexpĂ©dition a poursuivi sa recherche des traces des groupes assassinĂ©s et dâĂ©ventuels survivants. Ils ont trouvĂ© des huttes de paille, Ă diffĂ©rents endroits, avec un grand trou creusĂ© Ă lâintĂ©rieur. Ils ont par la suite baptisĂ© celui qui les construisait et y habitait lâ« Indien au trou ». Celui-ci a finalement Ă©tĂ© vu Ă lâintĂ©rieur de lâune de ces maisons, mais il a fui sans prendre contact. Parmi les tĂ©moignages de sa vie quotidienne, il y avait une petite zone de plantation utilisĂ©e pour cultiver du maĂŻs et du manioc, des piĂšges pour la chasse et des signes dâextraction du miel dans les ruches, en plus de la hutte dotĂ©e de cette fosse ouverte Ă lâintĂ©rieur. Il se serait servi de ce trou Ă la fois comme piĂšge et pour se protĂ©ger lui-mĂȘme[10]. Câest cette caractĂ©ristique qui est maintenant utilisĂ©e pour identifier les lieux dâhabitation dĂ©truits du groupe ethnique auquel lâhomme isolĂ© appartiendrait[2] - [4] - [7].
Depuis 1997, plusieurs expĂ©ditions de la FUNAI sont envoyĂ©es au RondĂŽnia pour dĂ©couvrir la localisation et les conditions de survie de cette personne. En 1998, des dĂ©crets gouvernementaux viennent Ă©tablir une rĂ©serve territoriale qui lui est exclusivement dĂ©diĂ©e autour de ses lieux de vie. Toutes les expĂ©ditions menĂ©es Ă©chouent Ă communiquer avec lâ« Indien » : il Ă©vitait toute approche, abandonnant les lieux ou rĂ©agissant de maniĂšre agressive sâil se sentait pris au piĂšge. Il a mĂȘme lancĂ© des flĂšches sur les employĂ©s de la fondation, blessant lâun dâeux en 2006. AprĂšs cet Ă©pisode, la FUNAI a dĂ©cidĂ© de changer de stratĂ©gie : en 2007, elle a Ă©tabli une zone interdite de 80 kilomĂštres autour de la rĂ©gion oĂč vit lâhomme, tout en surveillant son errance et en veillant Ă la protection de sa rĂ©serve territoriale. La seule forme de communication maintenue avec lui est une offrande de nourriture, laissĂ©e au milieu de la forĂȘt[2] - [4] - [11].
Tentative dâassassinat et organisation de la protection
En 2009, Vincent Carelli sort le long mĂ©trage primĂ© « Corumbiara », contenant des enregistrements cinĂ©matographiques de peuples autochtones isolĂ©s dans la rĂ©gion amazonienne. Lâune des scĂšnes du film montre un fermier qui menace de tirer sur lâ« Indien au trou » sâil le voit. En novembre de la mĂȘme annĂ©e, lâun des postes de contrĂŽle de la FUNAI dans la rĂ©serve est attaquĂ© et ravagĂ© par un groupe armĂ©. La bande dĂ©truit une antenne de radio, des panneaux solaires photo-voltaĂŻques, des tables, des chaises des Ă©tagĂšres et un poĂȘle Ă bois, laissant devant la base deux cartouches de fusil de chasse utilisĂ©es. Selon la fondation, il sâagissait de lâĆuvre de fermiers de la rĂ©gion, mĂ©contents de la restriction imposĂ©e Ă lâutilisation de la terre autochtone Tanaru, qui compte 8 070 hectares et se trouve Ă proximitĂ© de Corumbiara. Les traces observĂ©es sur le site indiquent cependant que lâ« Indien » aurait survĂ©cu Ă lâattaque[1] - [12].
En , alertĂ©es par lâattaque, les organisations de dĂ©fense des autochtones publient une lettre attirant lâattention sur les conditions critiques des groupes isolĂ©s dâAmazonie, en particulier des tribus de RondĂŽnia. Le message, adressĂ© au prĂ©sident du BrĂ©sil de lâĂ©poque, Luiz InĂĄcio Lula da Silva, se plaignait Ă©galement de la menace pesant sur les groupes dont des constructions laissent les traces dans la vallĂ©e du GuaporĂ© et du Rio Madeira. En mai de la mĂȘme annĂ©e, les Nations unies tiennent une rĂ©union de consultation sur les directives de protection des peuples autochtones isolĂ©s et en contact initial dâAmazonie et du Gran Chaco. Les procureurs du ministĂšre public fĂ©dĂ©ral ont affirmĂ© que lâinstitution tentait dâappliquer le « principe de prĂ©caution » afin dâĂ©viter tout contact et toute modification des terres habitĂ©es par les autochtones, compte tenu de lâinterdĂ©pendance de ces peuples avec lâenvironnement dans lequel ils vivent[13] - [14].
Fictionalisation
Lâhistoire de lâ« Indien au trou » a Ă©tĂ© transposĂ©e en un livre, Ă©crit par le journaliste amĂ©ricain Monte Reel : The Last of the Tribe: The Epic Quest to Save a Lone Man in the Amazon, publiĂ© en 2010 par la maison dâĂ©dition Simon & Schuster[15]. Les droits cinĂ©matographiques du livre ont Ă©tĂ© achetĂ©s par une productrice dâHollywood[16].
Références
- (pt) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en portugais intitulĂ© « Ăndio do Buraco » (voir la liste des auteurs).
- (pt) « Ataque Ă Funai coloca em risco Ășltimo sobrevivente de povo indĂgena », sur RondĂŽnia Digital.
- (en) « The Most Isolated Man on the Planet », sur Slate.
- « Les traces de âlâIndien au trouâ », sur Courrier international (consultĂ© le ).
- (pt) « EXPEDIĂĂO DA FUNAI ENCONTRA VESTĂGIOS DO 'ĂNDIO DO BURACO », sur G1 (consultĂ© le ).
- (es) « El Ășltimo mohicano de la Amazonia », sur El Mundo.
- (pt) Rubens Valente, « SĂmbolo da resistĂȘncia dos indĂgenas isolados no paĂs, âĂndio do buracoâ Ă© achado morto », AgĂȘncia PĂșblica,â (lire en ligne)
- (pt) « Massacre de Ăndios isolados em RondĂŽnia Ă© tema de filme », sur Socioambiental.
- (pt) Julio Olivar (AgĂȘncia AmazĂŽnia), « Corumbiara, filme movido a indignação », sur Gentedeopiniao (consultĂ© le ).
- (pt) « Expedição da Funai encontra vestĂgios que indicam boa saĂșde do 'Indio do Buraco' », sur Funai.
- Emeline Férard, « "L'Indien du trou", dernier membre d'une communauté autochtone, retrouvé mort au Brésil », sur Geo.fr, (consulté le )
- (pt) « Isolado, Ășltimo sobrevivente de tribo foge dos brancos em RondĂŽnia », sur G1 Globo Amazonia (consultĂ© le ).
- (pt) « Ăndio do Buraco, que vive sozinho em ĂĄrea da Funai, Ă© alvo de tiros », sur Folha Online.
- (pt) « Entidades reclamam a Lula de condiçÔes de Ăndios isolados em RondĂŽnia », sur Folha Online.
- (pt) « MPF/RO discute em reuniĂŁo da ONU situação de povos indĂgenas isolados », sur Jus Brasil (consultĂ© le ).
- (en) Eric Simons, « The Last of the Tribe, by Monte Reel », sur SFGate (consulté le ).
- (pt) « Jornalista americano narra vida de Ăndio isolado no Brasil », sur folha.com.