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Indice poisson rivière

L' indice poisson rivière (IPR) est un des indices utilisés en France pour utiliser l'ichtyofaune (peuplements de poissons) des rivières en tant qu'indicateur de la qualité de la rivière qui les abrite. Il présuppose que la qualité de la faune piscicole donne une image de l'état écologique général du milieu.
L’IPR vise en particulier Ă  Ă©valuer l'Ă©cart existant entre la qualitĂ© du peuplement Ă©chantillonnĂ© par pĂŞche Ă©lectrique sur un site (dit « station Â») et l'Ă©copotentialitĂ© piscicole du site (un Ă©tat de rĂ©fĂ©rence qui serait ce qu'on imagine ĂŞtre la population piscicole qui devrait ĂŞtre prĂ©sente s'il n'y avait pas eu d'impacts significatifs de l'homme sur le milieu) et en amont et en aval. Pour cela il modĂ©lise[1] les peuplements piscicoles tels qu'ils devraient ĂŞtre selon :

l'IPR été normalisé sous l'égide de l'AFNOR qui l'a validé en , de manière qu'il puisse être utilisé dans différents environnements, en France métropolitaine.

Histoire

Cet indice a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans le cadre d'un programme scientifique et technique (clos en 2001), notamment pour rĂ©pondre aux demandes de la Directive cadre sur l'eau (DCE) en matière d'Ă©valuation provisoire de la qualitĂ© des masses d'eau, et pour mieux Ă©valuer le chemin restant Ă  parcourir pour atteindre le « bon Ă©tat Ă©cologique Â» (cible de la DCE pour 2015).

Il repose sur deux hypothèses. La première est que le poisson est une bonne espèce sentinelle de la qualité des milieux aquatiques[2]. La seconde est que l'intégrité écologique d'un cours d'eau se traduit par la présence de communautés piscicoles spécifiques des milieux présents de la source à l'estuaire [3].

C'est un outil d'évaluation environnementale et d'aide à la décision, qui s'intègre dans une approche État/Pression/Réponse, privilégiant de plus en plus une gestion restauratoire des écosystèmes et de la trame bleue, plutôt que des actions artificielles de réempoissonnement, elles-mêmes sources de nouveaux risques (ex : pollution génétique, introduction de parasites, ou de microbes antibiorésistants, etc) ;

Éléments méthodologiques

Le calcul de l'indice repose sur la mesure des anomalies (au sens d'Ă©cart Ă  la normale, de « dĂ©viations Â», mĂ©triques ou de peuplement) rĂ©putĂ©es ĂŞtre dues aux perturbations anthropiques.
Les paramètres pris en compte sont réputés refléter l'état écologique de la masse d'eau (au point de mesure), via

  • la composition du peuplement piscicole
  • sa richesse taxonomique
  • sa structure trophique (des proies aux prĂ©dateurs)
  • son abondance en poissons

La version normalisée de l’IPR donne une valeur, qui est la somme des valeurs des 7 métriques suivantes :

  1. nombre total d'espèces (NTE) ;
  2. nombre d'espèces lithophiles (NEL) ;
  3. nombre d'espèces rhéophiles (vivant dans le courant) (NER) ;
  4. densitĂ© d'individus « tolĂ©rants Â» (DIT) ;
  5. densité d'individus invertivores (DII) ;
  6. densité d'individus omnivores (DIO) ;
  7. densité totale d’individus (DTI).

Le score de ces « mĂ©triques Â» dĂ©crit l'importance de l’écart (dit « dĂ©viation ») entre le constat rĂ©sultant de l'Ă©chantillonnage et la valeur de la mĂ©trique « attendue Â» en situation de rĂ©fĂ©rence. L'Ă©valuation est probabiliste ; Quelle probabilitĂ© y a-t-il d'atteindre la situation "idĂ©ale" ?

Un IPR de 0 signifie qu'il n'y a aucun écart entre la situation mesurée et la situation jugée "idéale"; Un IPR élevé signale un écart important et donc un rattrapage à faire afin de respecter la DCE. L'IPR est aussi en moyen d'affecter des classes de qualité aux différentes parties des cours d'eau, selon l'échelle suivante :

Score IPRQualité estimée
inférieur ou égal à 7Qualité excellent
Score compris entre 7 et 16Bonne qualité
Score compris entre 16 et 25Qualité médiocre
Score compris entre 25 et 36Mauvaise qualité
Score supérieur à 36Très Mauvaise qualité

Limites de la méthode

Pour être utile, et pour être renseigné à grande échelle, un bon indice ou indicateur doit être ni trop simplifiant, ni trop complexe.
Tous les indices relatifs au Vivant ou concernant des systèmes complexes ont leurs limites. L' Indice poisson rivière doit être utilisé avec une certaine prudence, en raison des facteurs suivants :

  • La qualitĂ© d'une population piscicole peut en partie ĂŞtre gravement affectĂ©e Ă  moyen ou long terme par des problèmes situĂ©s hors du bassin versant. Par exemple, la rĂ©gression des anguilles (s'aggravant depuis les annĂ©es 1980) pourrait aussi ĂŞtre due aux perturbateurs endocriniens, Ă  des toxique ou Ă  des dĂ©sĂ©quilibres Ă©cologiques existant en mer des sargasses auxquels elles sont exposĂ©es durant leur parcours migratoires (Ă  l'aller pour les reproducteurs, et au retour pour les larves leptocĂ©phales puis civelles). Il reste nĂ©anmoins intĂ©ressant de constater le recul des anguilles, car leur rĂ©gression induit des changements, probablement nĂ©gatif dans le rĂ©seau trophique et les cycles biologiques du cours d'eau, et il traduit aussi des pollutions (pesticides, organochlorĂ©s qui s'accumulent volontiers dans leurs tissus gras) et donc un mauvais Ă©tat Ă©cologique du cours d'eau.
  • Dans des pays oĂą la pression anthropique est importante depuis plus de 2000 ans (Europe de l'Ouest par exemple), la rĂ©gression ou la disparition, souvent sur une grande partie de son aire de rĂ©partition, d'une faune sauvage prĂ©datrice pour tout ou partie piscivore (loutres, hĂ©rons, ours, lynx, phoques et cĂ©tacĂ©s dans les estuaires, etc.) qui jouait un rĂ´le important Ă  long terme via la sĂ©lection naturelle et la limitation des parasitoses ou pathologies contagieuses des poissons a dĂ©jĂ  affectĂ© le bon Ă©tat Ă©cologique de tous les cours d'eau et de leur bassin versant. Il en va de mĂŞme de la disparition des embâcles naturels et des castors (C. fiber en Eurasie et C. canadensis en AmĂ©rique du Nord et de leurs barrages (lĂ  oĂą ils existaient autrefois, dans presque tout l'hĂ©misphère nord tempĂ©rĂ©, dont en France).
    Or, les « stations » utilisées pour les états de références bien qu'étant jugées parmi les plus « naturelles » aujourd'hui, sont généralement en situation déjà dégradée de ce point de vue, en France métropolitaine au moins (mais ceci vaut aussi pour une part croissante de la Guyane et d'autres territoires d'outre-mer si l'on voulait y développer des IPR ; les barrages, l'aménagement de certains « sauts », les dégâts de l'orpaillage, la pêche et la chasse par des moyens moderne ou la déforestation ont déjà des impacts importants sur de nombreux cours d'eau.
  • MalgrĂ© un nombre croissants d'indices archĂ©o-palĂ©ontologiques[4], on ignore quelle Ă©tait prĂ©cisĂ©ment le niveau de richesse piscicole avant, pendant la prĂ©histoire quand les embâcles naturels ou les barrages de castors Ă©taient bien plus nombreux, ou mĂŞme durant le Moyen Ă‚ge, et on mesure mal comment les activitĂ©s de l'homme ont pu ou non affecter les rĂ©seaux trophiques depuis 10 000 ans. Localement, la surpĂŞche (par nasses, filets, empoisonnement) peut avoir Ă©tĂ© significative, dès l'antiquitĂ© et certainement depuis la renaissance. Le choix d'un Ă©tat de rĂ©fĂ©rence pose donc des questions scientifiques encore non rĂ©solues, et des questions d'Ă©thique environnementale ; Quel degrĂ© de naturalitĂ© faut il considĂ©rĂ© comme "cible" associĂ©e au « bon Ă©tat Ă©cologique » des rivières ?. Le choix actuel est d'aligner le bon Ă©tat sur le meilleur Ă©tat actuel, par type de milieu et contexte. C'est un compromis juridiquement et techniquement sĂ©curisant, mais qui peut ĂŞtre Ă©cologiquement ou objectivement insatisfaisant.
  • Des modèles ont Ă©tĂ© proposĂ©s pour donner des valeurs de chaque mĂ©trique de l'IPR pour n'importe quel point du rĂ©seau hydrographique national. L'Ă©tat de rĂ©fĂ©rence « idĂ©al » est en France basĂ© sur des Ă©chantillonnages de 650 stations jugĂ©es pas ou faiblement impactĂ©es par l'Homme, et distribuĂ©es dans toute la France. Il n'est cependant pas aisĂ© de dĂ©limiter les hydro-Ă©corĂ©gions[5] les zonations Ă©cologiques des eaux courantes (surtout du point de vue de la faune aquatique[6] - [7] qui peut ĂŞtre sensible Ă  des nuances de tempĂ©rature, luminositĂ©, qualitĂ© de l'eau... qui nous sont cachĂ©es.
  • Les populations et densitĂ© de poissons Ă©voluent saisonnièrement et fortement selon les rĂ©gions et type de cours d'eau et de portion de cours d'eau. Les populations de certaines espèces (anguille, vairon, goujon connaissent une certaine cyclicitĂ©, et des rassemblements de poissons peuvent se produire Ă  des endroits diffĂ©rents selon les annĂ©es). Des crues ou sĂ©cheresses importantes, suivies de problèmes d'Ă©rosion ou turbiditĂ©, Ă  certaines Ă©poques de l’annĂ©e peuvent affecter ces populations d'une manière laissant penser que la qualitĂ© Ă©cologique du milieu s'est dĂ©gradĂ©e, ou amĂ©liorĂ©e[8]. Des mesures rĂ©pĂ©tĂ©e sur un pas de temps assez longs sont nĂ©cessaires pour dessiner des tendances sĂ»res.
  • Cet indice peut ignorer les effets dans un premier temps discrets de certains polluants (ex perturbateurs endocriniens) ou d'effets globaux tels que ceux du rĂ©chauffement climatique[9] qui semble en cours. Ce rĂ©chauffement cause une remontĂ©e des poissons vers le nord bien plus rapide en mer qu'en rivière ou malgrĂ© la prĂ©sence d'un nombre croissant de canaux mettant en communication des bassins versants Ă©loignĂ©s, les poissons ne peuvent migrer aussi rapidement pour gagner des milieux plus appropriĂ©s Ă  leurs exigences Ă©cologiques.
  • Il ne faut pas non plus attendre de cet indice qui explique les rĂ©gression ou l'augmentation de tel ou tel type ou guildes de poissons observĂ©es dans tout ou partie du milieu.
  • En cas d'augmentation de l'Ă©cart, alerte utilement sur l'existence d'impacts nĂ©gatifs (Ă©ventuellement passĂ©s inaperçus pour d'autres groupes d'espèces), mais il peut aussi y avoir localement quelques biais d'interprĂ©tation, par exemple
    • si le point d'Ă©chantillonnage est mal choisi. Ce peut ĂŞtre le cas pour un site qui serait un puits Ă©cologique, c'est-Ă -dire apparemment riche en poissons, mais en fait « alimentĂ© » par des individus provenant de sous-populations diffĂ©rentes de l'amont ou de l'aval. Ce peut ĂŞtre le cas en situation de piège Ă©cologique pouvant donner une fausse impression de bon Ă©tat Ă©cologique. Une approche fine par bassin et mĂ©tapopulation peut limiter ces risques de biais, mais est plus coĂ»teuse et longue.
    • si on confond une augmentation naturelle de population ou de taille de certains poissons avec l'effet de rempoissonnements non dĂ©clarĂ©s aux opĂ©rateurs.
    • dans une eau peu profonde, des pĂŞches Ă©lectriques mal faites ou trop souvent rĂ©pĂ©tĂ©es pourraient affecter les alevins, la rĂ©ussite de la ponte et certaines espèces (voir article PĂŞche Ă©lectrique).
    • un certain nombre de mares, Ă©tangs, prairies (frayères Ă  brochets par exemple) temporairement inondĂ©es peuvent ĂŞtre naturellement ou artificiellement temporairement reliĂ©es Ă  des eaux courantes (lors d'inondation ou par le jeu de vannes ou dĂ©versoirs de trop-plein de retenues. L'importance de leurs impacts positifs ou nĂ©gatifs et de leur valeur Ă©cologique pour divers groupes d'espèces au sein de l'ichtyofaune ou d'une mĂ©tapopulation restent discutĂ©s et mal mesurĂ©s[10].
    • Enfin, pour l'ESA-CNRS (laboratoire Écologie des Eaux Douces et des Grands Fleuves) ou le MNHN, chargĂ© de l'inventaire de la biodiversitĂ© en France, le caractère plus ou moins patrimonial ou mĂŞme autochtone de certaines espèces de poissons assez rĂ©cemment introduites (ou dĂ©placĂ©es) en France est encore discutable ou a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă  tort[11].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Descamps (H.), Naiman (R. J.), 1989. – « L’écologie des fleuves », La Recherche, vol. 20, n° 208, p. 310-319.

Liens externes

Références

  1. Oberdorff (T.), Pont (D.), Hugeny (B.), Porcher (J.-P.), 2002b. – « Development and validation of a fish-based index (FBI) for the assessment of “river health” in France », Freshwater Biology, vol. 47, n° 9, p. 1720-1734.
  2. Girard (P.), 1998. – « Le poisson sentinelle de milieux aquatiques : pertinence et optimisation des indicateurs sanitaires », Bulletin français de la Pêche et de la Pisciculture, vol. 71, n° 350-351, p. 429-443.
  3. Karr, J.R, 1981, Assessment of biotic integrity using fish communities, Fisheries, n°6, p 21-27
  4. Jean-Jacques Cleyet-Merle, Les figurations de poissons dans l'art paléolithique ; lien Bulletin de la Société préhistorique française, 1987, Vol. 84, n°10-12 E&T ; pp. 394-402
  5. Andriamahefa (H.), 1999. – Les hydro-écorégions du bassin de la Loire. Morphologie, hydrologie, pressions anthropiques sur les cours d’eau et les bassins-versants, thèse de doctorat, Université Jean-Monnet, Saint-Étienne, 272 p
  6. Illies (J.), Botosaneanu (L.), 1963. –, « Problèmes et méthodes de la classification et de la zonation écologique des eaux courantes considérées surtout du point de vue faunistique », Mitteilungen der Internationale Vereinigung für theorische and angewandte Limnolologie, vol. 12, p. 1-57.
  7. Cohen (P.), 1998. Régionalisation de l’habitat physique du poisson. Approche multi-scalaire et application au bassin de la Loire, France, thèse de doctorat, Université Claude-Bernard, Lyon, 266 p
  8. Carte de l’absence ou de la présence par groupe d’années du chevesne en Creuse (mesures CSP, conception Clavé Y., Touchart L., Maillardet J., réalisation Maillardet J.) - Map of multi-annual absence or presence of chubs in the Creuse department
  9. Buisson, Laetitia (2009) Poissons des rivières françaises et changement climatique :impacts sur la distribution des espèces et incertitudes des projections. (Potential impacts of climate change on the distribution of freshwater fishes in French streams and uncertainty of projections.) (résumé)
  10. Bartout (P.), 2006. – Pour un référentiel des zones humides intérieures de milieu tempéré : l’exemple des étangs en Limousin (France), typologies, régionalisation, thèse de doctorat en géographie, Université de Limoges, 497 p (http://epublications.unilim.fr/theses/index.php?id=1587 Résumé] et [texte intégral])
  11. H. Persat et P. Keith ; La répartition géographique des poissons d'eau douce en France : qui est autochtone et qui ne l'est pas ? ; Bull. Fr. Pêche Piscic. N° 344-345, 1997, Les introductions d'espèces dans les milieux aquatiques continentaux en métropole Bull. Fr. Pêche Piscic. (1997), DOI:10.1051/kmae:1997007
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