Hyperpérion
L'hyperpĂšre (grec : ΜÏÎŒÎčÏΌα áœÏÎÏÏÏ ÏÎżÎœ (nomisma hyperpyrion), litt : monnaie trĂšs raffinĂ©e) est une piĂšce de monnaie byzantine créée sous l'empereur Alexis Ier ComnĂšne en 1092, pour remplacer le nomisma, version grecque de lâancien solidus romain. L'hyperpĂšre avait une teneur dâor Ă©levĂ©e (gĂ©nĂ©ralement 900/1000 Ă 950/1000, soit 21,6 Ă 22,8 carats, d'oĂč son nom) et pesait de 4,45 Ă 4,48 grammes. Elle sera utilisĂ©e, soit comme piĂšce de monnaie jusque vers 1367, alors quâon verra un retour aux seules monnaies dâargent et de bronze, soit comme unitĂ© de compte virtuelle jusquâĂ la chute de lâEmpire byzantin en 1453[1].
Hyperpérion Unité monétaire actuelle | |
![]() HyperpĂšre de Manuel Ier ComnĂšne | |
Pays officiellement utilisateurs |
Empire Byzantin |
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Autres pays utilisateurs |
Royaume bagratide d'Arménie |
Chronologie | |
Contexte
Le systĂšme monĂ©taire de lâEmpire byzantin Ă©tait Ă lâorigine basĂ© sur le « solidus » dâor romain pesant 4,55 grammes et avait une teneur dâor de 24 carats (1/72e de la livre romaine)[2] . Celui-ci disparut lors de la grande pĂ©riode dâinflation ayant affectĂ© la deuxiĂšme moitiĂ© du IIIe siĂšcle et un nouveau systĂšme prit forme progressivement sous DioclĂ©tien (r. 284 â 305) et son successeur Constantin le Grand (r. 306 â 337) ; ce nouveau systĂšme sombra Ă son tour au dĂ©but du Ve siĂšcle lors des invasions barbares et dut ĂȘtre rĂ©formĂ© par lâempereur Anastase Ier (r. 491 â 518). Progressivement le terme latin « solidus » fut remplacĂ© par son Ă©quivalent grec, le « nomisma »[3].
Jusquâau dĂ©but du XIe siĂšcle le nomisma demeurera dâune relative puretĂ©, son contenu en or variant entre 23 et 23,5 carats. Ă partir de lâempereur Michel IV (r. 1034 â 1041) on assista Ă une dĂ©valuation progressive de la valeur de la monnaie byzantine par lâaffaiblissement de son contenu en or[4]. Dâabord lente, cette dĂ©valuation sâaccĂ©lĂ©ra progressivement. Dâune puretĂ© de 21 carats (87,5% pur) sous Constantin IX (r. 1042-1055), on passa Ă 18 carats (75% pur) sous Constantin X (r. 1059-1067), Ă 16 carats (66,7% pur) sous Romain IV (r. 1068-1071), Ă 14 carats (58% pur) sous Michel VII (r. 1071-1078), Ă 8 carats (33 % pur) sous NicĂ©phore III (r. 1078-1081) et de 8 carats Ă prĂšs de 0 durant la premiĂšre partie du rĂšgne dâAlexis Ier (r. 1081-1118)[5].
La rĂ©forme dâAlexis Ier
Lorsque ce dernier prit le pouvoir en 1081, les finances de lâĂtat Ă©taient dans un complet dĂ©sordre. Lâempereur dut dâabord dĂ©prĂ©cier la valeur du nomisma pour payer lâarmĂ©e levĂ©e pour faire face Ă Robert Guiscard en 1082. Les dĂ©valuations successives sous ses prĂ©dĂ©cesseurs sâĂ©taient accompagnĂ©es dâune hausse des prix telle quâelle avait valu Ă Michel VII (r. 1071 â 1078) le surnom de ParapinakĂšs parce que sous son rĂšgne le nomisma nâachetait plus quâun modios de blĂ©, moins un pinakion (1/4 de modios) [6]. En 1092, tirant parti du rĂ©pit que lui laissait la guerre contre les Seldjoukides, Alexis profita du couronnement de son fils Jean pour cĂ©lĂ©brer lâĂ©vĂšnement en remplaçant lâancien systĂšme monĂ©taire basĂ© sur le nomisma par un nouveau systĂšme basĂ© sur lâ « hyperpĂšre » (en grec hyperpyron, signifiant « hyper-raffinĂ© »)[7]. Le systĂšme permit de rĂ©tablir une Ă©quivalence claire entre les diffĂ©rentes piĂšces de monnaie dont lâenchevĂȘtrement avait créé le chaos dans le systĂšme fiscal.
LâhyperpĂšre demeura une piĂšce dâor dâun poids qui sâapprochait de celui de lâancien solidus, et son contenu en or fut rehaussĂ© Ă 20,5 carats (20,5 carats pour 4,1 gramme, comparĂ© Ă 24 / 4,8 grammes pour le solidus) la diffĂ©rence sâexpliquant par la nĂ©cessitĂ© de recycler les anciennes piĂšces de monnaie[8] - [9]. On introduisit des alliages pour remplacer les piĂšces dâargent. Lâancien millaresion fut remplacĂ© par deux piĂšces faites dâalliage : lâaspre trachy, fait dâĂ©lectrum (alliage dâor et dâargent), et le stamenon, fait de billon (alliage d'argent et de cuivre)[7] - [10].
Selon Michael Hendy, « la rĂ©forme du systĂšme monĂ©taire par Alexis en 1092 se voulait et rĂ©ussit Ă produire une reconstitution du systĂšme monĂ©taire sur une base entiĂšrement nouvelle [âŠ] Seule la rĂ©forme de DioclĂ©tien avait Ă©tĂ© dâune telle ampleur »[11].
Ceci lui permit de procĂ©der Ă une rĂ©forme du systĂšme de fiscalitĂ© pour lâadapter au nouveau systĂšme monĂ©taire, faisant quadrupler la rentrĂ©e des impĂŽts[12].
Le systĂšme monĂ©taire, qui devait durer jusquâau dĂ©but du XIVe siĂšcle, se prĂ©sentait donc ainsi :
- HyperpĂšre ; or (85%)
- Aspre trachy ; electrum ; valeur = 1/3 dâhyperpĂšre
- Stamenon ou aspre trachy ; billon ; valeur = 1/48 dâhyperpĂšre
- Tetarteron ; cuivre ; valeur=1/864 dâhyperpĂšre.
Au cours des siĂšcles suivants
Au fil des annĂ©es, lâhyperpĂšre subit des dĂ©valuations progressives. Durant la pĂ©riode nicĂ©enne, son aloi en or devait tomber Ă 18 carats, puis Ă 15 sous Michel VIII PalĂ©ologue (r. 1259-1282) et Ă 12 carats sous son fils, Andronic II PalĂ©ologue (r. 1282-1328). Durant cette mĂȘme pĂ©riode, la qualitĂ© des piĂšces dĂ©clina de telle sorte quâau cours du XIVe siĂšcle, le poids des piĂšces Ă©tait loin dâĂȘtre uniforme[13]. Les derniers hyperpĂšres, et donc les derniĂšres piĂšces dâor byzantines, furent frappĂ©s sous lâempereur Jean VI CantacuzĂšne (r. 1347-1354) alors quâon se tourna vers un systĂšme basĂ© sur lâargent. Le nom dâhyperpĂšre fut toutefois conservĂ©, mais uniquement comme monnaie de rĂ©fĂ©rence, dont la valeur Ă©tait de 24 keratia [14] - [9].
De 1367 Ă la chute de lâEmpire byzantin en 1453, le systĂšme monĂ©taire prendra la forme suivante :
- HyperpÚre (maintenant devenue une simple unité de compte)
- Stavraton ; argent ; valeur = œ hyperpĂšre
- Demi-stavraton ; argent ; valeur = ÂŒ dâhyperpĂšre
- Aspre (Doucatopoulon/duchatelo) ; argent ; valeur = 1/16 dâhyperpĂšre
- Tournesion ; cuivre ; valeur = 1/192 dâhyperpĂšre
- Follaro ; cuivre
Ailleurs en Europe
Le terme « hyperpĂšre » sera adoptĂ© sous diverses formes par diffĂ©rents Ătats dâEurope (en latin : perperum, en italien : perpero) et des Balkans (perpera Ă Raguse, perper en Serbie et au MontĂ©nĂ©gro, etc.) soit pour dĂ©signer diffĂ©rentes piĂšces de monnaie, gĂ©nĂ©ralement dâargent, soit comme unitĂ©s de compte[15]. En Europe de lâOuest lâhyperpĂšre sera frĂ©quemment appelĂ© bezant[N 1], en particulier par les marchands italiens.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Hyperpyron » (voir la liste des auteurs).
Notes
- AbrĂ©viation de Byzantius nummus, câest-Ă -dire « monnaie de Byzance ».
Références
- Pour un tableau de lâĂ©volution des piĂšces de monnaie au cours des cinq phases du systĂšme monĂ©taire byzantin, voir Grierson (1999) pp. 43-45.
- Grierson 1999, p. 3.
- Grierson 1999, p. 1.
- Voir Kazhdan (1991) « Michael IV Paphlagon », vol. 2, p. 1365 et « Nomisma », vol. 3, p. 1490.
- Cheynet (2007) p. 309.
- SkylitzÚs Continué, éd. TsolakÚs, p. 162, Zonaras, CSHB III, p. 712.
- Treadgold 1997, p. 618.
- Grierson 1999, p. 11.
- Kazhdan 1991, p. 964-965.
- Grierson 1999, p. 2.
- Hendy (1985) p. 513
- Sheppard 2008, p. 620.
- Grierson 1999, p. 11-12.
- Grierson 1999, p. 12.
- Kazhdan 1991, p. 965.
Bibliographie
- (fr) Cheynet, Jean-Claude. Le Monde byzantin, II LâEmpire byzantin (641-1204). Paris, Presses universitaires de France, 2007. (ISBN 978-2-13-052008-5).
- (en) Philip Grierson, « Hyperpyron », dans AlexanderKazhdan, The Oxford Dictionary of Byzantium, Oxford and New York, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-504652-6).
- (en) Philip Grierson, Byzantine Coins, London, Methuen, (ISBN 978-0-416-71360-2).
- (en) Philip Grierson, Byzantine Coinage, Washington D.C, Dumbarton Oak Research Library and Collection, (ISBN 0-88402-274-9).
- (en) Hendy, Michael F. The Economy, Fiscal Administration and Coinage of Byzantium. London, Variorum Reprints, 1989. (ISBN 0-86078-253-0).
- (en) Hendy, Michael F. Studies in the Byzantine Monetary Economy c. 300â1450. Cambridge, Cambridge University Press, 1985. (ISBN 0-521-24715-2).
- (en) Alexander Kazhdan (dir.), The Oxford Dictionary of Byzantium, Oxford & New York, Oxford University Press, (ISBN 0-19-504652-8).
- (en) Morrison, CĂ©cile. "Coin Usage and Exchange Rates in Badoerâs Libro dei Conti", Dumbarton Oaks Papers, 55 (2001), pp. 217-245.
- (en) Pamuk, Sevket. A Monetary History of the Ottoman Empire, Cambridge University Press, 2000, (ISBN 0-521-44197-8).
- (en) Jonathan Sheppard (dir.), The Cambridge History of the Byzantine Empire (c. 500-1492), Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-83231-1).
- (en) Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society., Stanford (California), Stanford University Press, (ISBN 978-0-804-72630-6).
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- (de) Sommer, Andreas Urs. Katalog der byzantinischen MĂŒnzen in der MĂŒnzsammlung der Georg-August-UniversitĂ€t Göttingen. UniversitĂ€tsverlag Göttingen, Göttingen 2003, (ISBN 3-930457-30-X), S. 180 (En ligne) PDF ; 1,6 MB ; consultĂ© le 9 mars 2017.