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Holacratie

L'holacratie (ou parfois holocratie[1], holacracy en anglais) est une forme de management constitutionnel, fondĂ©e sur la mise en Ɠuvre formalisĂ©e de modes de prise de dĂ©cision et de rĂ©partition des responsabilitĂ©s communs Ă  tous dans une constitution[2]. OpĂ©rationnellement, elle permet de dissĂ©miner les mĂ©canismes de prise de dĂ©cision au travers d'une organisation avec une autoritĂ© distribuĂ©e et des Ă©quipes autoorganisĂ©es, se distinguant des modĂšles pyramidaux Ă  approche descendante, plus classiques[3].

Origine

Le systĂšme holacratique fut dĂ©veloppĂ© progressivement entre 2001 et 2006 par Brian Robertson au sein de son entreprise de production de logiciels (Ternary Software) avant d'ĂȘtre formalisĂ© sous ce nom en 2007. Il se donne pour objectif de mettre au point des mĂ©canismes de gouvernance plus efficaces[4].

Le terme holacratie est dĂ©rivĂ© de holarchie et de holon, mots introduits en 1967 par Arthur Koestler dans son livre Le Cheval dans la locomotive[5] - [6]. Une holarchie est composĂ©e de holons (mot composĂ© du grec: áœÎ»ÎżÎœ, forme neutre de áœÎ»ÎżÏ‚ signifiant le "tout" et de la terminaison "on" renvoyant Ă  la partie). Un holon est pour Koestler Ă  la fois un tout et la partie d'un tout. Une holarchie est donc une structure complexe dans laquelle chaque sous-systĂšme est conjointement autonome et dĂ©pendant de la structure plus large dans laquelle il s'insĂšre[7]. Ces principes se rĂ©pĂštent tout au long d'une Ă©chelle de complexitĂ©. Koestler pense ainsi l'organisation des systĂšmes vivants depuis la cellule jusqu'aux organismes complexes et considĂšre qu'il doit en ĂȘtre de mĂȘme pour des systĂšmes sociaux sains[8]. Pour lui, les systĂšmes pyramidaux qui se sont imposĂ©s comme la norme dans les organisations et dans les sociĂ©tĂ©s humaines sont sources de violence et d’inefficacitĂ©, et mettent l'avenir de l'humanitĂ© en pĂ©ril[5].

Robertson prolonge la vision de Koestler en l'appliquant aux organisations humaines. Il conçoit donc qu'une Ă©quipe projet est une entitĂ© autonome construite autour d’une finalitĂ©. Elle est souveraine dans son fonctionnement interne, mais dĂ©pendante (vers le haut de la structure holarchique) des attentes de la structure plus large dans laquelle elle s'insĂšre. Elle doit, selon le mĂȘme principe, respecter l'autonomie des membres qui contribuent Ă  son fonctionnement (vers le bas de la structure holarchique).

C'est par l’intermĂ©diaire du philosophe Ken Wilber et de la thĂ©orie intĂ©grale que Robertson a eu connaissance de ces concepts[9] - [10] - [11].

Ce mode de management horizontal cherche à renverser la logique du management traditionnel[12]. L'autorité et les prises de décisions sont distribuées sur l'ensemble de la structure, à des individus ou à des collectifs (cercles). Des entreprises se sont essayées à ce modÚle, comme Zappos, Danone, Mr. Bricolage[13] ou encore Castorama[14], mais l'expérience a été courte pour cette derniÚre[15].

Influences

L'holacratie est souvent comparĂ©e Ă  la sociocratie, un systĂšme de gouvernance dĂ©veloppĂ© beaucoup plus tĂŽt, elle aussi inspirĂ©e des systĂšmes vivants et prĂŽnant les principes d'auto-organisation. Sociocratie et holacratie s’appuient sur des processus de dĂ©cisions prĂ©cis et structurĂ©s, accordent un rĂŽle central Ă  la raison d'ĂȘtre de l’organisation et des cercles qui la composent. Ainsi, les quatre principes fondamentaux de la sociocratie se retrouvent-t-ils dans l'holacratie : gouvernance par cercles, double lien, gestion par consentement et Ă©lection sans candidat.

L'holacratie va cependant plus loin en rendant la structure plus flexible. Elle met un accent particulier sur la gouvernance itĂ©rative, les processus adaptatifs, s'inspirant par lĂ  des mĂ©thodes agiles et du lean management. Van de Kamp considĂšre que l’holacratie amĂšne le concept d’agilitĂ©, dĂ©jĂ  fortement prĂ©sent dans les processus de conception de l’industrie du logiciel, au niveau de la structure de l’entreprise[16] - [17]. L'holacratie est compatible avec la thĂ©orie des parties prenantes. Sa structure mĂȘme du pilotage permet effectivement Ă  de nombreuses parties prenantes d'ĂȘtre reprĂ©sentĂ©es au niveau de la gouvernance d'une organisation et pour de nombreuses organisations partageant les mĂȘmes intĂ©rĂȘts d'ĂȘtre liĂ©es Ă  un niveau de gouvernance.

La constitution holacratie

La constitution est le document répertoriant toutes les rÚgles de l'holacratie. La version 5.0 est sortie en juin 2021, elle comporte 5 chapitres[18] :

  1. Structure organisationnelle
  2. RÚgles de coopérations
  3. RĂ©union de triage
  4. Autorité distribuée
  5. Processus de gouvernance

Quatre outils clés

Raison d'ĂȘtre

Le fondement de l'outil holacratie repose sur une identification de la raison d'ĂȘtre de l’organisation. La raison d'ĂȘtre est dĂ©crite comme Ă©tant "le potentiel crĂ©atif le plus profond que l’Organisation peut durablement exprimer dans le monde, compte tenu de toutes les contraintes auxquelles celle-ci est soumise et de toutes les choses dont elle dispose[19]. L'holacratie attribue Ă  la raison d'ĂȘtre un rĂŽle superordonnant, fĂ©dĂ©rant l’action des individus qui vont contribuer Ă  sa rĂ©alisation. Pour cela, l'organisation va se structurer en cercles, chacun ayant lui-mĂȘme une raison d'ĂȘtre contribuant Ă  la raison d’ĂȘtre globale tout en restant autonome dans son fonctionnement. Chaque cercle comporte Ă©galement des rĂŽles qui portent aussi une raison d'ĂȘtre. La raison d'ĂȘtre est ainsi dĂ©clinĂ©e Ă  tous les niveaux : organisation, cercle, rĂŽle.

RĂŽle

Le rĂŽle est l'entitĂ© de base en holacratie. Les rĂŽles ne correspondent pas aux fonctions qui existent dans des organisations traditionnelles et qui s’apparentent plus Ă  des statuts[16].

Un « RĂŽle » est une entitĂ© organisationnelle dotĂ©e d’un nom descriptif et d’une ou plusieurs caractĂ©ristiques suivantes :

  • la « Raison d’Être », qui dĂ©signe une capacitĂ©, un potentiel ou un but inaccessible que le rĂŽle va poursuivre ou manifester au nom de l’organisation.
  • un ou plusieurs « Domaines », qui sont des choses que le rĂŽle est le seul Ă  pouvoir contrĂŽler et rĂ©glementer comme sa propriĂ©tĂ©, au nom de l’organisation.
  • une ou plusieurs « RedevabilitĂ©s », qui dĂ©signent des activitĂ©s dans la durĂ©e de l’organisation que le rĂŽle va mettre en Ɠuvre[20].

Les membres de l’organisation peuvent cumuler plusieurs rĂŽles. Le rĂŽle en holacratie renvoie Ă  un objectif clair (raison d'ĂȘtre), et si l’objectif n’a plus lieu d’ĂȘtre, le rĂŽle disparaĂźt. Selon les circonstances, les rĂŽles Ă©mergent, puis disparaissent dynamiquement, tout comme les cercles.

Tension

Les tensions sont essentielles Ă  l’évolution de la structure[4]. Robertson dĂ©finit la tension comme l’écart ressenti entre ce qui est et ce qui pourrait ĂȘtre.

On distingue des tensions de gouvernance (lorsque le besoin se fait sentir de faire évoluer la structure) et des tensions opérationnelles (liées au fonctionnement quotidien).

Le but ultime de l'holacratie est que toute tension ressentie par toute personne, oĂč qu’elle soit dans l’organisation, peut ĂȘtre transformĂ©e de façon rapide et fiable, en Ă©volution de l’organisation qui ait du sens, dans la mesure oĂč cela reste pertinent par rapport Ă  la raison d’ĂȘtre de l’organisation.

Deux formats de réunions

Il existe deux types de réunions en holacratie, des réunions de gouvernance et des réunions de triage.

Ces deux réunions sont organisées par le rÎle de secrétaire et facilitées par le rÎle de facilitateur. Chaque cercle est autonome pour organiser ses réunions de gouvernance et de triage et a donc son propre secrétaire et facilitateur, élus par les membres du cercle.

Les rĂ©unions de gouvernance sont facilitĂ©es selon le processus de prise de dĂ©cision intĂ©grative[21] (PDI) alors que les rĂ©unions de triage utilisent le processus de triage[22]. C’est Ă  l’occasion des rĂ©unions de gouvernance que de nouveaux cercles et rĂŽles sont dĂ©finis ou supprimĂ©s. C’est donc en rĂ©solvant les tensions que la structure Ă©volue.

Dans la prise de dĂ©cision intĂ©grative de la rĂ©union de gouvernance, les dĂ©cisions sont prises lorsque personne n'a Ă©mis d’objection Ă  la proposition. Cela implique d'intĂ©grer toutes les perspectives dans le processus de prise de dĂ©cision[23]. Le but n'est pas de trouver la meilleure dĂ©cision, mais de prendre rapidement des petites dĂ©cisions qui permettent d’avancer en considĂ©rant que cela fait progresser vers le dĂ©ploiement de la raison d’ĂȘtre.

L'holacratie permet aux organisations qui y ont recours de bénéficier du savoir ambiant dans leur entreprise, de fonctionner avec transparence et d'accroßtre la motivation des parties prenantes.

Limites et critiques

L'holacratie suscite de nombreuses critiques. D’aucuns considĂšrent que le mode de prise de dĂ©cision peut ĂȘtre perçu comme chaotique et confus[24]. D’autres soulignent le fait que des cercles et des rĂŽles puissent disparaĂźtre trĂšs brutalement induit un sentiment d’insĂ©curitĂ© chez certains salariĂ©s[25]. Damien Richard, Ă  la suite d'une Ă©tude par interview rĂ©alisĂ©e dans sept entreprises ayant adoptĂ© le modĂšle[26], considĂšre que ce mode de fonctionnement ne peut convenir qu’à des personnes qui souhaitent un environnement de travail caractĂ©risĂ© par «un haut niveau de rĂ©flexivitĂ©, d’autonomie et de partage des fonctions».

Trois limites sont reconnues par Bernard Marie Chiquet, pourtant consultant en holacratie, pour adopter un tel systĂšme :

  1. Les jeux politiques toxiques peuvent continuer Ă  se jouer dans l’entreprise, le systĂšme ne s'adressant qu'aux rĂŽles de chacun et Ă  l'organisation, indĂ©pendamment des personnes. Il est donc nĂ©cessaire de le coupler avec d'autres approches relationnelles, afin d'Ă©viter de pousser Ă  l'extrĂȘme un systĂšme trop rationnel, ne traitant pas de l'humain[27].
  2. L'exigence managériale qu'impose une telle pratique et l'incapacité des managers à pouvoir exercer leur rÎle de Premier Lien s'ils n'ont pas un minimum d'écoute et de compréhension envers leurs collaborateurs.
  3. Le leadership distribuĂ© est inaccessible pour la plupart des employĂ©s. Une des clĂ©s de l'holacratie est la capacitĂ© de chacun Ă  «prendre son pouvoir» au sein de l'entreprise. Or, l’holacratie ne propose aucun outil pour permettre aux salariĂ©s de sortir du schĂ©ma de subordination imposĂ© par le contrat de travail. Tout repose sur la capacitĂ© des Premiers Liens Ă  les conforter dans leur droit Ă  l’autonomie.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Holacracy » (voir la liste des auteurs).
  1. Office québécois de la langue française, 2018
  2. Introduction: HolacracyÂź Constitution, HolacracyOne, (lire en ligne)
  3. Rudd, Olivia, Business Intelligence Success Factors: Tools for Aligning Your Business in the Global Economy, John Wiley & Sons, Apr 27, 2009
  4. Vincent Grosjean (Chercheur Ă  l'INRS), Jacques LeĂŻchlĂ© et Laurent ThĂ©veny, « Les nouvelles formes d'organisation du travail : opportunitĂ©s ou illusions ? », HygiĂšne et SĂ©curitĂ© du Travail, Paris, INRS, vol. 245,‎ , p. 6-9 (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Arthur Koestler (trad. de l'anglais), Le cheval dans la locomotive : le paradoxe humain [« The Ghost in the machine »], Paris, Les Belles Lettres, (1re éd. 1967), 384 p. (ISBN 978-2-251-20037-8)
  6. David Allen, Brian J. Robertson, Bernard Marie Chiquet, La révolution Holacracy: Le systÚme de management des entreprises performantes, Alisio, mars 2016, 256 p. 54
  7. Koestler, Arthur, The Ghost in the Machine, Penguin Group, 1967
  8. « La notion de holon chez Arthur Koestler », sur https://colibris-nancy.fr/, (consulté le )
  9. (en) « holons: turtles all the way up, turtles all the way down », sur https://integrallife.com/ (consulté le )
  10. (en) Aimee Groth et Aimee Groth, « Is holacracy the future of work or a management cult? », sur Quartz at Work (consulté le )
  11. (en-US) Brian Robertson, « Brian Robertson, Author at Integral Leadership Review » (consulté le )
  12. « Comment l'holacratie renverse le management traditionnel | Toucan Toco », sur toucantoco.com (consulté le )
  13. « Auch : grùce à l'holacratie, les salariés d'un magasin de bricolage sont devenus leur propre patron », sur France 3 Occitanie (consulté le )
  14. L'Express.fr - L'entreprise
  15. « Holacracy chez Castorama : trop tard ou trop tÎt ? », sur Holacracy up, (consulté le )
  16. (en) Peplin Van de Kamp, « Holacracy – A radical Approach to Organizational Design », Elements of the Software Development Process-Influences on Project Success and Failure,‎ (lire en ligne)
  17. (en-GB) Igor Denisov, Vasko Vassilev et Emil Velinov, « Holacracy and Obliquity: contingency management approaches in organizing companies », Problems and Perspectives in Management, vol. 16, no 1,‎ , p. 330–335 (ISSN 1810-5467, DOI http://dx.doi.org/10.21511/ppm.16(1).2018.32, lire en ligne, consultĂ© le )
  18. Introduction: HolacracyÂź Constitution, HolacracyOne, (lire en ligne)
  19. Brian Robertson, « Section 5.2.3 de la Constitution Holacracy »
  20. Brian Robertson, « Section 1.1 de la constitution »
  21. Bernard Marie CHIQUET, « Carte Processus Réunion de Gouvernance », sur igipartners.com
  22. Bernard Marie CHIQUET, « Carte Processus Réunion de Triage »
  23. (en-US) « Feature Article: Organization at the Leading Edge: Introducing Holacracyℱ Evolving Organization - Integral Leadership Review » (consultĂ© le )
  24. Ethan Bernstein, John Bunch, Niko Canner et Michael Lee, « Beyond the Holacracy Hype », Harvard Business Review, no July–August 2016,‎ (ISSN 0017-8012, lire en ligne, consultĂ© le )
  25. « What are the advantages and disadvantages of Holacracy? - Quora », sur www.quora.com (consulté le )
  26. Damien Richard, Zouhair Benbrahim, Didier Chabanet et CĂ©line Perea, « L’holacratie : une nouvelle gouvernance tournĂ©e vers la gestion des risques ?: », Question(s) de management, vol. n° 28, no 2,‎ , p. 131–139 (ISSN 2262-7030, DOI 10.3917/qdm.202.0131, lire en ligne, consultĂ© le )
  27. Karsenty, Laurent., Libérer l'entreprise, ça marche ? (ISBN 978-2-36630-098-7 et 2-36630-098-0, OCLC 1131724631, lire en ligne), chap. 8 Damien Richard et Jean-Luc Christin. (« Les effets réels d'un systÚme holacratique et de nouvelles perspectives »)

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

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