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Histoire du Cachemire

Cet article présente les faits saillants de l'histoire du Cachemire, une région montagneuse du sous-continent indien qui désigne, depuis la partition des Indes et la disparition du Jammu-et-Cachemire, l'ensemble du territoire constituant cette ancienne principauté.

Aujourd'hui, le Cachemire est partagé entre l'Inde, le Pakistan et la Chine.

Période védique

Antiquité

PĂ©riode hunnique

  • Huns Alkhon (370-670 ou 380-560)

PĂ©riode hindouiste et bouddhiste

Anciennement peuplée, la région est gagnée à la culture hindoue au moins dÚs le VIe siÚcle avant notre Úre. Elle appartient à plusieurs reprises aux grands empires de l'Inde notamment sous Ashoka et Kanishka[1].

L'empereur maurya Ashoka est souvent crĂ©ditĂ© d'avoir fondĂ© la ville de Srinagar. Au VIIIe siĂšcle, le Cachemire devient un État indĂ©pendant et conquĂ©rant. Le roi LalitĂąditya (en) (725-753) Ă©tend sa domination depuis les plaines du Pendjab jusqu'Ă  la rĂ©gion montagneuse du Ladakh. Il englobe temporairement le royaume de KĂąnnauj. LalitĂąditya fait venir des artisans des pays conquis et dĂ©veloppe l'agriculture grĂące au drainage et Ă  la mise en place de l'irrigation du bassin de Srinagar qui constitue le cƓur de son royaume. Il fait bĂątir des villes et des temples dont celui cĂ©lĂšbre de MĂąrtĂąnda. Le Cachemire est alors un foyer important de la culture sanskrite oĂč prospĂšrent simultanĂ©ment bouddhisme et une Ă©cole particuliĂšre du shivaĂŻsme[1].

Le Cachemire Ă©tait autrefois un pays d’apprentissage du bouddhisme, peut-ĂȘtre avec l'Ă©cole dominante de Sarvāstivāda. Les moines bouddhistes d'Asie centrale ont visitĂ© le royaume. À la fin du IVe siĂšcle de notre Ăšre, le cĂ©lĂšbre moine koutchĂ©en KumārajÄ«va, nĂ© d'une famille noble indienne, a Ă©tudiĂ© DÄ«rghāgama et Madhyāgama au Cachemire sous Bandhudatta. Il est devenu plus tard un traducteur prolifique qui a aidĂ© Ă  rĂ©pandre le bouddhisme en Chine. Sa mĂšre Jiva semble avoir pris sa retraite au Cachemire. VimalākáčŁa, un moine bouddhiste, s'est rendu Ă  Kucha au Cachemire. Il a modifiĂ© KumārajÄ«va en Vinayapiáč­aka.

Cette civilisation se maintient jusqu'Ă  l'introduction de l'islam au XIVe siĂšcle[1].

  • Dynastie Karkota (en) (Cachemire, 625-855)
  • Dynastie Utpala (en) (Cachemire, 855-1003)
  • Dynastie Lohara (en) (Cachemire, 1003-1320)

PĂ©riode musulmane

Les musulmans et les hindous du Cachemire, ont vĂ©cu dans une relative harmonie, depuis le mode de vie soufi que quelques musulmans ont suivi au Cachemire, complĂ©tĂ© par la tradition Rishi de Pandits cachemirien. [Citation nĂ©cessaire] Cela a conduit Ă  une culture syncrĂ©tique, oĂč les hindous et les musulmans ont vĂ©nĂ©rĂ© les mĂȘmes saints et priĂ© dans les mĂȘmes sanctuaires [citation nĂ©cessaire]. Bulbul Shah, cĂ©lĂšbre saint soufi, a Ă©tĂ© capable de convertir Rinchan Shah, qui Ă©tait alors prince de Kashgar Ladakh, Ă  un mode de vie islamique. En vertu de cette pratique musulmane, hindous et bouddhistes Cachemiris ont gĂ©nĂ©ralement connu une coexistence pacifique. Au fil du temps, toutefois, la gouvernance Soufie a cĂ©dĂ© la place Ă  des monarques musulmans. Certains dirigeants cachemiris, comme le Sultan Zain-ul-Abidin, ont Ă©tĂ© tolĂ©rants Ă  l'Ă©gard de toutes les religions, d'une maniĂšre comparable Ă  Akbar. Cependant, plusieurs dirigeants musulmans du Cachemire ont Ă©tĂ© intolĂ©rants envers d’autres religions. Le Sultan Sikandar Butshikan du Cachemire (AD 1389-1413) est souvent considĂ©rĂ© comme le pire d'entre eux. Les historiens ont enregistrĂ© un grand nombre de ses atrocitĂ©s. Les dossiers Tarikh-i-Firishta ainsi que des ordonnances interdisant la rĂ©sidence Ă  tout autres que les musulmans au Cachemire rĂ©vĂšlent que Sikandar a persĂ©cutĂ© les hindous. Il a Ă©galement ordonnĂ© la destruction de toutes les « images d'or et d'argent ». Le Tarikh-i-Firishta outre: « Beaucoup de brahmanes, plutĂŽt que d'abandonner leur religion ou leur pays se sont eux-mĂȘmes empoisonnĂ©s. Certains se sont enfuis. AprĂšs l'Ă©migration des brahmanes, Sikandar a ordonnĂ© la destruction de tous les temples au Cachemire. Ayant brisĂ© toutes les images au Cachemire, (Sikandar) a acquis le titre de "Destructeur des idoles"[2] La chronique des rois du Cachemire, Rajatarangini, est le seul texte historique Ă©crit en sanskrit. Une traduction en persan a Ă©tĂ© effectuĂ©e pour l'empereur Akbar sur son ordre aprĂšs son invasion du Cachemire. Un rĂ©sumĂ© de son contenu est donnĂ© par Abul Fazl dans l'Ain-i-Akbari. Le Rajatarangini a Ă©tĂ© Ă©crit par Kalhana vers le milieu du XIIe siĂšcle. Son travail a repris dans six livres des Ă©crits qui sont maintenant perdus. Le Rajatarangini est le premier d'une sĂ©rie de quatre histoires qui enregistrent les annales du Cachemire. Partant d'une interprĂ©tation de l'histoire traditionnelle trĂšs ancienne, le Rajatarangini remonte jusqu’au rĂšgne de Sangrama Deva, (c. 1006 av. J.C.). Le deuxiĂšme ouvrage, par Jonaraja, continue l'histoire de l'endroit oĂč Kalhana l’a quittĂ©e, et, entrant dans la pĂ©riode musulmane, donne un compte rendu du rĂšgne de Zain-ul-ab-ad-din, 1412. Le quatriĂšme rĂ©cit, appelĂ© Rajavalipatak par Prajnia Bhatta, complĂšte l'histoire de l'intĂ©gration du Cachemire par l’empereur Moghol Akbar, 1588.

  • Dynastie Shah Mir (en) (Cachemire, 1339-1561)
  • Dynastie Chak (en) (Cachemire, 1561-1586)

Domination afghane (1752-1819)

DÚs le début du XIXe siÚcle, la vallée du Cachemire était passé sous le contrÎle de l'Empire Durrani de l'Afghanistan.

Domination sikh (1819-1846)

En 1780, aprÚs la mort de Ranjit Deo, le Raja de Jammu, le royaume du Jammu (au sud de la vallée du Cachemire), a été envahi par les Sikhs en vertu de Ranjit Singh de Lahore jusqu'en 1846[3]. Ranjit Singh, s'est distingué dans les campagnes, en particulier lors de l'annexion de la vallée du Cachemire par les Sikhs en 1819. lEn raison de ses services il a été nommé gouverneur de Jammu en 1820. Avec l'aide de Zorawar Singh, Gulab Singh a conquis le Ladakh et le Baltistan, régions de l'est et du nord-est de Jammu[3].

En 1845, la PremiĂšre Guerre anglo-sikh a Ă©clatĂ©, et Gulab Singh est apparu comme un bon mĂ©diateur. Il est devenu le conseiller de confiance de Sir Henry Lawrence. Deux traitĂ©s ont Ă©tĂ© conclus. Par le premier, l'État de Lahore et la colline entre les pays Beas et l'Indus, (c'est-Ă -dire l'Ouest du Punjab) ont Ă©tĂ© remis Ă  l’autoritĂ© britannique, contre l'Ă©quivalent d’un crore (roupies). Par le second, les Britanniques ont annexĂ© pour 75 lakhs (roupies) tous les pays de collines ou de montagne situĂ©es Ă  l'est de l'Indus et Ă  l'ouest de Ravi »(c'est-Ă -dire la vallĂ©e du Cachemire)[3]. Peu de temps aprĂšs la mort de Gulab Singh en 1857, son fils, Ranbir Singh, a ajoutĂ© les Ă©mirats du Hunza, Gilgit et Nagar au royaume.

Principauté des Dogrùt (1846-1947/1952)

Les DogrĂąts constituent la dynastie de maharadjahs qui rĂ©gna sur la principautĂ© de Jammu-et-Cachemire de 1820 Ă  1952, date Ă  laquelle la monarchie fut abolie. Le dernier maharadjah rĂ©gnant dut choisir, lors de l'indĂ©pendance des Indes, en 1947, Ă  quel nouvel État : de l'Inde ou du Pakistan, il devait intĂ©grer son État. Il choisit l'Inde et cela provoqua le premier conflit armĂ© entre les deux nouveaux États.

Quatre souverains se succédÚrent :

  • 1820-1856 Gulab-Singh (1792-1857), abdiqua
  • 1856-1885 Ranbir-Singh (1830-1885)
  • 1885-1925 Pratap-Singh (1848-1925)
  • 1925-1952 Hari-Singh (1895-1961)

Le yuvaradjah (prince hĂ©ritier) de Jammu-et-Cachemire Karan-Singh, fils du maharadjah Hari-Singh, devint chef de l'État (sardar i risayat) de l'État de Jammu-et-Cachemire en 1952, lorsque le pays devint une rĂ©publique. Il le resta jusqu'en 1957, date Ă  laquelle l'État de Jammu-et-Cachemire fut dĂ©finitivement intĂ©grĂ© Ă  l'Inde.

DĂ©colonisation britannique et ses suites (1947-1956)

Le démantÚlement de l'Empire des Indes en 1947 entraßne un changement d'équilibre important dans la sous-région cachemirienne.

À la veille de la dĂ©colonisation, l'État princier (native state, selon le lexique britannique de l'Ă©poque) du Cachemire est autonome, dirigĂ© par un prince et chef de guerre qui a rachetĂ© le territoire pour 7,5 millions de roupies lors du TraitĂ© d'Amritsar. En vertu de cet accord, il est de facto un homme Ă  la solde du Royaume-Uni, qui garde donc sa tutelle sur le Cachemire par intermĂ©diaire interposĂ©. Ce systĂšme d'État princier s’apparente Ă  une variante de la stratĂ©gie britannique traditionnelle de contrĂŽle indirect par le truchement d’un (micro) État vassalisĂ©, bĂ©nĂ©ficiant d’une relative autonomie. Dans le cas du Cachemire, il est intĂ©grĂ© au sein mĂȘme du territoire sous contrĂŽle britannique et confiĂ© Ă  un mahĂąrĂąja de confession opposĂ©e Ă  celle de ses sujets. L’association d’un seigneur hindou Ă©tranger Ă  une population musulmane marque le dĂ©but des premiĂšres tensions au Cachemire.

Le processus de dĂ©colonisation s’engage en 1947. La commission Radcliffe est chargĂ©e de tracer les frontiĂšres des États indĂ©pendants. Elle accorde Ă  trois États princiers le droit de l’autodĂ©termination afin d’ĂȘtre rattachĂ© au Pakistan ou Ă  l’Inde, ou de conserver son autonomie. C'est le cas du Cachemire. Contrairement aux deux autres États princiers qui choisissent le rattachement, le processus aboutit Ă  un conflit armĂ©. Au moment de la Partition, et alors que, finalement, il semble s’orienter vers un rattachement Ă  l’Inde suivant la confession de son prince Hari Singh, le Cachemire est envahi. Le Pakistan orchestre en effet une offensive armĂ©e des tribus pachtounes de la province frontaliĂšre du Nord-Ouest. Le mahĂąrĂąja demande l'aide de l'Inde qui s'engage alors dans une guerre avec le Pakistan. C'est le dĂ©but de la 1re Guerre indo-pakistanaise.

Elle ne prend fin qu'avec l’intervention de l’ONU. En 1948, une rĂ©solution onusienne demande le retrait des troupes pakistanaises et l’organisation par l’Inde d’un « plĂ©biscite libre et impartial ». Avec l’accord de Karachi, l’ONU impose en juillet 1949 la Line of Control, ligne de cessez-le-feu entre les deux camps, dont l’étanchĂ©itĂ© est assurĂ©e par une force d’observation. Mais le Pakistan refuse de rendre les territoires conquis qui finissent par constituer une nouvelle province, l’Azad Kashmir (le Cachemire libre). L’Inde en tire argument pour ne pas organiser le rĂ©fĂ©rendum qu’elle a toute chance de voir basculer en faveur du Pakistan tant la domination musulmane est Ă©crasante au sein de la population kashmirie. En 1950, un article de la Constitution indienne octroie Ă  l’État de Jammu-et-Cachemire une relative autonomie vis-Ă -vis du pouvoir central. Mais ce n’est qu’en 1956 que l’AssemblĂ©e constituante de l’État de Jammu et Cachemire vote le rattachement Ă  l’Inde. NĂ©anmoins, le Pakistan maintient son occupation sur le reste du Cachemire.

ProblĂšme du Cachemire

Deux Cachemire, une ligne de démarcation

Carte du découpage du Cachemire

Le diffĂ©rend quant au Cachemire opposant l'Inde et le Pakistan depuis la Partition a dĂ©bouchĂ© sur deux autres conflits armĂ©s en 1949 et 1965, auxquels s'ajoute la guerre de 1971 Ă  l'issue de laquelle le Bangladesh est devenu indĂ©pendant. À ce conflit interĂ©tatique, s'ajoute corrĂ©lativement, depuis 1989, un soulĂšvement interne au Cachemire qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

Les affrontements et les guerres se sont succĂ©dĂ© afin de repousser la Line of Control vers l’est ou l’ouest, selon le camp envisagĂ©. De part et d'autre de cette ligne de dĂ©marcation se situent donc deux territoires au statut international flou : le Jammu-et-Cachemire indien et l'Azad Cachemire pakistanais.

La 3e guerre indo-pakistanaise en 1971 s’achĂšve par une victoire indienne mais la pression internationale oblige l’Inde Ă  Ă©vacuer les terres conquises et Ă  libĂ©rer 90 000 prisonniers. L’accord de Simla en 1972 marque le retour au statu quo ante pour le Cachemire. En 1989, le retrait soviĂ©tique aprĂšs la dĂ©faite de l'Union soviĂ©tique contre l'Afghanistan change de nouveau la donne, entraĂźnant la radicalisation de l’Islam au Cachemire. Un virage fondamentaliste dans la lutte armĂ©e s’amorce qui n’existait pas auparavant. Au lendemain du dĂ©part soviĂ©tique se dĂ©clenche ainsi une insurrection au Cachemire rĂ©clamant dĂ©sormais le rattachement au Pakistan, qui durant toute la guerre a soutenu l’Afghanistan.

En 1999, la tension entre les deux États culmine dans le conflit du Kargil Ă  la suite des mouvements de troupes rĂ©guliĂšres et irrĂ©guliĂšres pakistanaises qui traversent la ligne de contrĂŽle et prennent position dans les hauteurs himalayennes du Cachemire, menaçant des voies de circulation et entraĂźnant une rĂ©ponse de l'Inde. Le Pakistan tente Ă  ce moment-lĂ  de couper en deux la route Srinagar–Leh et d’établir ainsi une nouvelle Line of Control. La tension entre les deux nations est alors Ă  son comble, mais la pression diplomatique des États-Unis force le Pakistan Ă  se retirer des territoires qu'il avait occupĂ©s. La rĂ©solution de crise entraĂźne le renversement du pouvoir civil et le coup d'État militaire qui porte le gĂ©nĂ©ral Pervez Musharraf au pouvoir en octobre.

Entrée en jeu de la Chine

La rĂ©gion orientale de l'ancien État princier du Cachemire, l'Aksai Chin, inhabitĂ©, a Ă©tĂ© en proie Ă  un diffĂ©rend frontalier. À la fin du XIXe siĂšcle et du dĂ©but du XXe siĂšcle, bien que des accords aient Ă©tĂ© signĂ©s entre la Grande-Bretagne, l'Afghanistan et la Russie sur la frontiĂšre nord du Cachemire, la Chine n'a jamais acceptĂ© ces accords, et la position officielle chinoise n'a pas changĂ© avec les communistes en 1949. Vers le milieu des annĂ©es 1950, l'armĂ©e chinoise Ă©tait entrĂ©e dans la partie nord-est du Ladakh[4]. « En 1956-57, ils avaient terminĂ© une route militaire Ă  travers l'Aksai Chin zone pour assurer une meilleure communication entre le Xinjiang et l'ouest du Tibet. L’Inde a fait la dĂ©couverte tardive de cette route Ă  la frontiĂšre entre les deux pays. Ceci a conduit Ă  la guerre sino-indienne d’octobre 1962. »[4] La Chine a occupĂ© l'Aksai Chin depuis le dĂ©but des annĂ©es 1950 et, en outre, une zone frontaliĂšre de prĂšs de 8 % du territoire, le Trans-Karakoram Tract, a Ă©tĂ© cĂ©dĂ©e par le Pakistan Ă  la Chine en 1963.

Les prĂ©tentions chinoises sur la sous-rĂ©gion kashmirie sont fondĂ©es sur une continuitĂ© topographique (haut plateau tibĂ©tain). Le territoire contrĂŽlĂ© par la Chine est, de plus, inhabitĂ© et dĂ©sertique. La Chine s’est installĂ©e dans le nord-est de la rĂ©gion aprĂšs les guerres sino-indiennes de 1959-1960 et 1962 et s’impose progressivement comme un tiers encombrant dans un jeu initialement indo-pakistanais. L’implantation chinoise est entĂ©rinĂ©e par le dĂ©veloppement d’infrastructures de communication. Depuis 1957, une route relie le Xinjiang au Tibet (la route nationale chinoise 219) et depuis 1978 elle connecte le Xinjiang au Pendjab.

Une périphérie économique, ethnique et religieuse

Du fait de sa topographie de haute montagne et de son isolement dans les rĂ©seaux de communication nationaux respectifs, l'ex-royaume du Cachemire est devenu un refuge pour les minoritĂ©s religieuses ainsi qu’un conservatoire culturel et identitaire. Le compartimentage du territoire favorise le dĂ©veloppement de logiques communautaires, voire tribales. Ce statut coĂŻncide Ă©troitement avec celui de pĂ©riphĂ©rie Ă©conomique. La mise en valeur agricole, principale activitĂ© de la rĂ©gion avec l’artisanat (filage de la soie, depuis le dĂ©clin du tissage du kashmir, sculpture sur bois et papier mĂąchĂ©) s’avĂšre plus difficile que dans les plaines indiennes oĂč les techniques agricoles sont beaucoup plus Ă©laborĂ©es Ă  la suite de la rĂ©volution verte.

Certes, les musulmans composent l’écrasante majoritĂ© (94 %) de la population de l'ex-royaume. Mais la situation confessionnelle de la rĂ©gion est pourtant loin de constituer une base solide pour un quelconque dĂ©coupage. Ainsi, si le Pakistan rĂ©clame le Cachemire en vertu de l’unitĂ© musulmane, l’Azad Cachemire constitue(rait) cependant une forte minoritĂ© chiite pour un pays Ă  majoritĂ© sunnite. Au sein mĂȘme de l’État indien de Jammu-et-Cachemire, les variations gĂ©ographiques de la rĂ©partition religieuse sont importantes.

L'ex-royaume du Cachemire rassemble donc des confettis de particularismes conflictuels qui mettent en Ă©chec la fonction ethnico-religieuse de la « frontiĂšre » (Line of Control) de 1949. L’absence d’adhĂ©sion nationale aux valeurs d'un centre politique semble expliquer en grande partie l’explosion de la revendication des particularismes religieux, qui tentent de se constituer en diffĂ©rences spatiales.

Point de vue pakistanais

Le Pakistan, bien que bĂąti sur une structure fĂ©dĂ©rale, fonde son unitĂ© sur le rassemblement des musulmans. À la suite de la Partition de l’Empire des Indes britanniques en 1947, de gigantesques transferts de population eurent donc lieu, de sikhs vers l’Inde et de musulmans vers le Pakistan. C’est donc la poursuite de cette dĂ©marche que demande le Pakistan au vu des 94 % de musulmans prĂ©sents au Cachemire.

Étant donnĂ© le rapport de force entre l’Inde et le Pakistan, ce dernier ne peut lutter face au boom indien, tant dĂ©mographique qu’économique et militaire. C’est pourquoi Islamabad s’est engagĂ© dans un processus d’internationalisation afin d’impliquer le concert des nations dans un rĂšglement multilatĂ©ral. Le Pakistan rĂ©clame donc depuis 1947 l’application du principe onusien de l’autodĂ©termination assistĂ©e par des observateurs : internationaliser le conflit est un moyen de s’assurer des appuis extĂ©rieurs qui contrebalancent le poids indien dans les possibles nĂ©gociations. Ainsi, le Pakistan est susceptible d’éviter toute forme de chantage de la part du camp indien. La cession Ă  la Chine d’une partie infinitĂ©simale des Territoires du Nord en 1963 a ainsi permis au Pakistan de s’assurer les bonnes grĂąces d’un alliĂ© de poids, qui a officiellement soutenu sa position d’un rĂ©fĂ©rendum au Cachemire, prenant ainsi le contrepied de la diplomatie indienne.

NĂ©anmoins, cette revendication n’a jusqu’ici que peu abouti. DĂšs lors, le recours au financement des factions musulmanes sĂ©paratistes militarisĂ©es peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un pis-aller illĂ©gal au recours onusien lĂ©gal. C'est en effet un moyen de provoquer le dĂ©litement intĂ©rieur indien au Cachemire afin d’obtenir une forme d’autodĂ©termination qui ferait sans nul doute la part belle au Pakistan.

Point de vue indien

New Delhi voit d’un Ɠil inquiet les revendications cachemirie d’indĂ©pendance dans la mesure oĂč elles remettent en cause l’origine mĂȘme de l’Inde. Pour ce rĂ©gime laĂŻc Ă  structure fĂ©dĂ©rale, l’assimilation du Cachemire est en effet la preuve mĂȘme de la rĂ©ussite de son modĂšle politique, capable de coiffer par un pouvoir central rĂ©duit Ă  l’essentiel des entitĂ©s rĂ©gionales diverses et partiellement autonomes grĂące Ă  leurs assemblĂ©es. La perte du Cachemire, de quelque façon que ce soit, serait donc une porte ouverte Ă  toute aspiration de mĂȘme nature dans le reste de l’Union, et donc une menace Ă  terme pour sa structure Ă©tatique.

Du fait mĂȘme de sa position politique sur le Cachemire, l’Inde refuse donc tout pluripartisme dans les nĂ©gociations avec le Pakistan. Elle estime en effet que le conflit doit ĂȘtre rĂ©glĂ© en "interne", au sein de l’Union indienne, puisque c’est son modĂšle d’assimilation qui est remis en cause. C’est pour cette mĂȘme raison qu’elle tente de circonvenir les pourparlers avec le Pakistan dans un Ă©change bilatĂ©ral, dĂ©nonçant comme ingĂ©rence toute tentative tierce officielle de se constituer en arbitre. AprĂšs la fin de la guerre avec le Pakistan en 1965, l’Inde a ainsi obtenu avec l’accord de Simla de 1972 le principe d’un rĂšglement uniquement bilatĂ©ral. Ce cadre restreint lui permet d’instaurer Ă  la table des nĂ©gociations un rapport de force avec le Pakistan qui lui est favorable et ainsi d’imposer ses vues plus facilement.

Point de vue chinois

La Chine contrÎle la partie nord-est (Aksai Chin et le Trans-Karakoram Tract). L'Inde dispose de la majorité du glacier de Siachen, y compris la Saltoro Ridge passe, alors que le Pakistan contrÎle le territoire sud-ouest de la Saltoro Ridge.

Le rĂŽle de la Chine dans le conflit va en croissant. Pour ce rĂ©gime Ă  pouvoir central fort, il s’agit d’affirmer son autoritĂ© dans des territoires qu’elle a longtemps dĂ©laissĂ©s en raison de leur difficile accessibilitĂ©. Mais sa montĂ©e en puissance passe aussi par une maĂźtrise complĂšte du territoire national, le dĂ©veloppement des infrastructures routiĂšres dĂ©jĂ  mentionnĂ©es en Ă©tant la preuve.

Nucléarisation du conflit

Le contentieux autour du Cachemire prend une rĂ©sonance d’autant plus importante que les trois États qu’il oppose sont des puissances nuclĂ©aires.

Le dĂ©veloppement des capacitĂ©s militaires de l’Inde a dĂ©butĂ© aprĂšs la dĂ©faite contre la Chine en 1962 et l’accession de la Chine en 1964 au rang de puissance nuclĂ©aire. L’Inde a alors entamĂ© diffĂ©rents programmes de dĂ©veloppement de ses armes conventionnelles et un programme nuclĂ©aire militaire (le nuclĂ©aire civil Ă©tait envisagĂ© depuis l’indĂ©pendance) longtemps restĂ© secret. C’est donc en rĂ©ponse Ă  la menace chinoise que l’Inde est entrĂ©e dans le club nuclĂ©aire.

Par ricochet, le Pakistan a dĂ» lui aussi se doter de l’armĂ©e nuclĂ©aire afin de rester une menace pour l’Inde. En effet, le Pakistan aurait Ă©tĂ© dans l’incapacitĂ© de faire pression sur l’Inde s’il n’avait Ă©tĂ© en mesure de faire jeu Ă©gal avec sa grande rivale. Pour pouvoir rester un acteur crĂ©dible de la sous-rĂ©gion et revendiquer le Cachemire, le Pakistan ne pouvait se passer de l’arme nuclĂ©aire sous peine de devenir une puissance marginale.

En rĂ©ponse aux essais nuclĂ©aires indiens (mai 1998), le Pakistan a effectuĂ© les siens propres (juin 1998). Cependant, la nuclĂ©arisation du Pakistan n’a jamais Ă©tĂ© rĂ©ellement perçue comme une menace par l’Inde, mĂȘme si le Ghauri dont le Pakistan a fait l’essai en avril 1998 possĂšde une portĂ©e suffisante pour atteindre New Delhi. La menace pakistanaise est dĂ©sormais indirecte. Elle rĂ©sulte surtout de son « alliance » avec la Chine depuis 1963 qui pourrait Ă©ventuellement se solder par un appui militaire ou des transferts de technologies.

La dissuasion nuclĂ©aire semble donc dĂ©sormais fonctionner, entraĂźnant une stabilisation de la sous-rĂ©gion par sanctuarisation du territoire. Les positions de chacun apparaissent figĂ©es car tout changement territorial est susceptible de faire l’objet d’un chantage Ă  la bombe nuclĂ©aire, provoquant quelques escalades qui nĂ©anmoins n’aboutissent pas dans les faits.

Hégémonie asiatique en question

La rĂ©gion est divisĂ©e entre les trois pays qui connaissent un diffĂ©rend territorial : Le Pakistan contrĂŽle la partie nord-ouest (Nord et l'Azad Cachemire), l'Inde contrĂŽle le centre et le sud (Jammu-et-Cachemire) ainsi que le Ladakh, enfin la Chine contrĂŽle la partie nord-est (Aksai Chin et le Trans-Karakoram Tract). L’Inde contrĂŽle 141 338 km2 (54 571 miles carrĂ©s) du territoire, le Pakistan 85 846 km2 (33 145 miles carrĂ©s) et la Chine, le reste soit 37 555 km2 (14 500 miles carrĂ©s).

Ni l'Inde ni le Pakistan n'ont officiellement reconnu l'adhĂ©sion des zones revendiquĂ©es par les autres. L’Inde revendique ces zones, y compris la zone "cĂ©dĂ©e" Ă  la Chine par le Pakistan dans le Trans-Karakoram Tract en 1963 tandis que le Pakistan revendique toute la rĂ©gion Aksai Chin et Trans-Karakoram Tract. Les deux pays se sont battus lors de plusieurs guerres dĂ©clarĂ©es sur le territoire. La guerre indo-pakistanaise de 1947 a crĂ©Ă© les vĂ©ritables frontiĂšres d'aujourd'hui, le Pakistan dĂ©tenant environ un tiers du Cachemire et l'Inde la moitiĂ©, avec une ligne de contrĂŽle Ă©tablie par l'Organisation des Nations unies. La guerre indo-pakistanaise de 1965 a abouti Ă  une impasse et un cessez-le-feu nĂ©gociĂ© par l'ONU.

MĂȘme si le conflit persiste et que Pakistan et Inde ne trouvent pas de rĂ©el terrain d’entente, il est devenu depuis 1999 l’objet d’un "dialogue composite" qui a permis depuis de maintenir les dĂ©rapages Ă  l’état d’accrochage. Il est en fait de plus en plus difficile pour le Pakistan de contester de façon directe la position indienne en raison de son Ă©mergence progressive en tant que grande puissance. Le dĂ©sĂ©quilibre du rapport de force entre le Pakistan et l’Inde allant en s’accroissant, le premier subit de plus en plus la volontĂ© du second. Ceci explique aussi en partie que le Pakistan ne se soit plus lancĂ© dans une action militaire Ă©tatique. Au contraire, il s'est aventurĂ©, jusqu'en 2001 semble-t-il en tout cas, dans le soutien financier Ă  des groupes paramilitaires, voire terroristes, actifs au Cachemire indien.

En rĂ©alitĂ©, les enjeux stratĂ©giques de la rĂ©gion tendent Ă  se dĂ©placer de la Line of Control issue de l'accord de 1949 entre Inde et Pakistan Ă  la frontiĂšre sino-indienne, dont la fonction est politico-stratĂ©gique. Les incursions chinoises lors des guerres de 1959-1960 et 1962 ont permis Ă  la Chine d’investir de petits territoires au Cachemire, mais suffisamment pour exister au sein du rapport de force. Les revendications de chacun paraissent beaucoup moins vives que sur la Line of Control et l’Inde a en partie acceptĂ© l’état de fait de l’installation chinoise, comme l'attestent les nĂ©gociations sino-indiennes d'avril 2005.

NĂ©anmoins, cette opposition autour du Cachemire entre les deux pays tĂ©moigne d’une possible lutte quant au statut de puissance dominante en Asie. Tant qu’aucun des deux États n’avaient les moyens techniques suffisants pour maĂźtriser cet espace difficile - ce qui est encore en partie le cas pour l’Inde - la barriĂšre montagneuse de la chaĂźne himalayenne a constituĂ© le support d’une frontiĂšre politique limitant les deux aires culturelles hindoue et sinisĂ©e. L’Inde considĂšre ainsi l’ensemble du sous-continent comme son aire d’influence naturelle oĂč elle exerce sa domination. Il en va de mĂȘme pour la Chine de l’autre cĂŽtĂ© de l’Himalaya, qui argue d’ailleurs d'une continuitĂ© gĂ©ographique entre le Tibet et les plateaux du Ladakh ainsi qu’une continuitĂ© religieuse du bouddhisme pour justifier son installation. Le Cachemire constitue donc un symbole de leur emprise rĂ©gionale pour ces deux puissances qui aspirent Ă  devenir des modĂšles pour l’ensemble de l’Asie.

Lutte anti-terroriste, une nouvelle donne ?

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis sont entrĂ©s en guerre en l’Afghanistan afin de mener une "guerre contre le terrorisme", entraĂźnant le passage de nombreux rĂ©fugiĂ©s afghans pro-talibans au Cachemire. Ce dernier, tout comme pendant la guerre contre les soviĂ©tiques, est donc redevenu une base de repli active pour les miliciens afghans. Il semble ainsi avĂ©rĂ© que des camps d’entraĂźnement se soient installĂ©s Ă  la "frontiĂšre" entre les Territoires du Nord sous domination pakistanaise et l’Inde. Ces camps feraient dĂ©sormais aussi partie du cursus honorum privilĂ©giĂ© des indĂ©pendantistes cachemiris.

L'adoption de l'attentat comme nouvelle mĂ©thode d'action pour les indĂ©pendantistes est la principale consĂ©quence de ce changement. Le premier attentat-suicide menĂ© par des sĂ©paratistes du Cachemire a lieu le , Ă  Srinagar[5]. Le , une voiture piĂ©gĂ©e explose devant l'AssemblĂ©e lĂ©gislative du Cachemire, faisant 30 morts, puis le , un homme tire sur la foule au Parlement de New Delhi, faisant sept morts[6]. L'attentat-suicide du , attribuĂ© Ă  un groupe basĂ© au Pakistan, n’a pas Ă©tĂ© condamnĂ© par le Pakistan.

En 2002, c’est Ă  nouveau le Parlement de New Delhi qui a Ă©tĂ© visĂ© par un attentat Ă  la voiture piĂ©gĂ©e, attribuĂ© Ă  des indĂ©pendantistes cachemiris basĂ©s au Pakistan. À la suite du tollĂ© international, le Pakistan s’est vu dans l’obligation de condamner ces attentats. MalgrĂ© ces attaques, une rencontre de hauts fonctionnaires des deux pays l'annĂ©e suivante entraĂźne une diminution de la tension. Le Premier ministre indien, Atal Bihari Vajpayee dĂ©cide de "tendre la main de la paix au Pakistan" (avril 2003), Ă  l'occasion d'un discours Ă  Shimla. Le , en marge d'un sommet de la SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation) Ă  Islamabad, est relancĂ© le "dialogue composite", qui doit dĂ©sormais officiellement porter sur toutes les questions opposant l'Inde et le Pakistan, y compris le Cachemire. L'alternance Ă  New Delhi, qui porte au pouvoir le parti du CongrĂšs et un nouveau premier ministre, Manmohan Singh, ne remet pas en cause ce rapprochement. Des groupes de travail avancent dans tous les domaines. En avril 2005, une ligne de bus est pour la premiĂšre fois ouverte entre Srinagar et Muzaffarabad tandis qu'en visite Ă  New Delhi, le PrĂ©sident Musharraf indique qu'Ă  ses yeux, le processus de paix est "irrĂ©versible". Fin 2009, l'armĂ©e indienne a annoncĂ© le retrait de deux divisions d'infanterie du Cachemire indien, en raison de l'amĂ©lioration de la situation sĂ©curitaire[7].

En septembre 2013 (26), une double attaque pakistanaise en Inde a fait encore remonter la tension entre l'Inde et le Pakistan. le fondamentalisme religieux pakistanais pousse les rebelles à entreprendre des actions de plus en plus osées


Notes et références

  1. Jacques Dupuis, Histoire de l'Inde, Kailash, , 2e Ă©d., p. 169.
  2. Vivek Chadha, Low Intensity Conflicts in India: An Analysis, SAGE Publications, , 513 p. (ISBN 978-0-7619-3325-0, lire en ligne), p. 38.
  3. (en) « Kashmir: History », Imperial Gazetteer of India, vol. 15,‎ , p. 94-95.
  4. « Kashmir », dans EncyclopÊdia Britannica (lire en ligne) (consulté le ).
  5. Robert A. Pape, The Strategic Logic of Suicide Terrorism, originellement publié dans American Political Science Review 97 (3), août 2003, p. 323-361.
  6. Sans compter, pour ces deux attentat-suicides, l'auteur lui-mĂȘme (Robert Pape, 2003, op.cit.).
  7. « Blogger », sur blogspot.com (consulté le ).

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