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Halide Edib Adıvar

Halide Edib Adıvar (turc ottoman : ŰźŰ§Ù„ŰŻÙ‡ Ű§ŰŻÙŠŰš Ű§ŰŻÙŠÙˆŰ§Ű±), nĂ©e en 1882 ou 1884, et morte le , est une femme de lettres, enseignante, femme politique et une fĂ©ministe turque.

Halide Edib Adıvar
Illustration.
Portrait de Halide Edib dans le journal Vakit (tr) du .
Fonctions
Membre de la Grande Assemblée nationale de Turquie
–
(3 ans, 11 mois et 22 jours)
Élection 14 mai 1950 (tr)
Circonscription Ä°zmir
LĂ©gislature IXĂšme (en)
Biographie
Date de naissance ou
Lieu de naissance Constantinople (Empire ottoman)
Date de décÚs
Lieu de décÚs Istanbul (Turquie)
Nature du décÚs Insuffisance rénale
SĂ©pulture CimetiĂšre de Merkezefendi (en)
Nationalité Ottomane puis turque
Parti politique Parti républicain progressiste
Parti démocrate
Conjoint
Salih Zeki (en) (m. 1901–1911)

Adnan Adıvar (en) (m. 1917–1955)
DiplĂŽmĂ©e de ÜskĂŒdar American Academy
Profession Écrivaine, enseignante

Biographie

Jeunesse et Ă©ducation

Halide Edib est nĂ©e Ă  Constantinople, capitale de l'Empire ottoman. Son pĂšre Ă©tait un des secrĂ©taires du sultan ottoman AbdĂŒlhamid II. Elle est Ă©duquĂ©e, dans un premier temps, au domicile de ses parents par des prĂ©cepteurs. Ce sont eux qui Ă©veillent sa curiositĂ© pour la littĂ©rature europĂ©enne et ottomane. Ils lui donnent Ă©galement des cours de thĂ©ologie, de philosophie et de sociologie, lui apprennent Ă  jouer du piano, et lui enseignent l’anglais, le français et l’arabe[1]. Elle reçoit Ă©galement des cours de mathĂ©matiques par le mathĂ©maticien et astronome ottoman, Salih Zeki (en). En 1893, elle fait un bref passage Ă  l’American College for Girls, auquel elle retournera en 1899 afin d’ĂȘtre diplĂŽmĂ©e. Elle est une des premiĂšres bacheliĂšres de son Ă©poque, en 1901.

DĂ©but de sa vie d'adulte

La mĂȘme annĂ©e, elle Ă©pouse son professeur privĂ© de mathĂ©matiques, Salih Zeki, nĂ© en 1864 et donc de vingt ans son aĂźnĂ©. De leur union naissent deux fils : Ayetullah et Hikmetullah.

Dans la mĂȘme pĂ©riode, le dĂ©clin, financier et militaire, de l’empire ottoman favorise le dĂ©veloppement d'une opposition intĂ©rieure Ă  l'autoritarisme du sultan AbdĂŒlhamid. S’inspirant de la RĂ©volution française de 1789 et d'idĂ©es d'intellectuels, tels que Namik Kemal, l’opposition se cristallise autour du mouvement des Jeunes-Turcs. La crise devient de plus en plus forte en ce dĂ©but de XXe siĂšcle et se transforme progressivement en insurrection. Le sultan AbdĂŒlhamid est contraint, pour enrayer cette contestation, d'annoncer en la convocation du Parlement et la remise en vigueur de la Constitution ottomane de 1876 (une constitution d'inspiration plus libĂ©rale, instaurant un rĂ©gime parlementaire et qui avait Ă©tĂ© suspendue)[2].

Dans ce contexte, Halide Salih, de retour d'un sĂ©jour en Angleterre, cĂŽtoie avec passion le milieu intellectuel de la capitale, et publie des articles dans des journaux et revues, notamment Tanin (journal fondĂ© en 1908 par le poĂšte Tevfik Fikret), Mehasin, Musavver Muhit, et Resimli Kitap. Ces articles, qui portent principalement sur le statut des femmes et leur Ă©ducation, suscitent de vives rĂ©actions dans les milieux traditionalistes et conservateurs. À la suite d'un de ses articles dans le Tanin, elle intervient, Ă  la demande du ministĂšre de l’Éducation, pour adapter la pĂ©dagogie et l'enseignement dans les Ă©coles de filles de Constantinople, puis renonce rapidement Ă  cette mission Ă  la suite de dĂ©saccords[3]. C'est Ă  cette Ă©poque qu'elle publie Ă©galement ses premiers romans[4].

Un contemporain la décrit comme « une légÚre, toute petite personne, avec des masses de cheveux auburn et de grands yeux orientaux, expressifs. Elle a des opinions sur la plupart des sujets, et discute les problÚmes de la journée d'une maniÚre qui charme, pas tellement à cause de ce qu'elle dit, mais parce que c'est tellement différent de ce que l'on attend[5] ».

En 1910, elle divorce de Salih Zeki, celui-ci ayant pris une seconde Ă©pouse comme l'y autorise le droit islamique, et reprend son nom de Halide Edip. En 1911, de retour d'un nouveau sĂ©jour en Angleterre, elle frĂ©quente les « Foyers turcs », partisans du panturquisme, un mouvement nationaliste turc. Leur objectif Ă©tait d’encourager le progrĂšs Ă©conomique et social. C’est d'ailleurs au sein de ces foyers que sont donnĂ©s les premiers cours mixtes, symbole d’une grande avancĂ©e pour l’époque. Halide Edip en devient la premiĂšre femme membre en 1912, alors qu'Ă©clatent les guerres balkaniques. Sous l'influence de mouvements nationalistes, elle publie en 1912 son roman, Yeni Turan[4]. Elle cofonde Ă©galement une organisation pour la promotion des femmes, Taali-i Nisvan[6].

PremiÚre Guerre mondiale et génocide des Arméniens : un rÎle controversé

En pleine guerre mondiale, entre 1916 et 1917, elle intervient comme inspecteur ottoman pour les Ă©coles Ă  Damas et Beyrouth. Elle dirige un orphelinat armĂ©nien au collĂšge Saint-Joseph du Mont-Liban Ă  Antoura. Sur ordre de Djemal Pacha, dont le rĂŽle est connu dans le gĂ©nocide armĂ©nien[7] - [8], elle donne Ă  ces enfants armĂ©niens des noms musulmans et leur enseigne la religion musulmane. Elle se dĂ©fend de toute participation au gĂ©nocide, Ă©crivant, en 1918, « Nous avons massacrĂ© la population innocente armĂ©nienne [
] En effet, nous avons essayĂ© de dĂ©truire les ArmĂ©niens grĂące Ă  des mĂ©thodes propres au Moyen Âge. Nous vivons aujourd'hui les temps les plus tristes et sombres de notre vie nationale[1]. » « Moi, je me suis opposĂ©e au fait que les enfants armĂ©niens portent des prĂ©noms turcs ou musulmans. Djemal Pacha a expliquĂ© la nĂ©cessitĂ© de la façon suivante : Ă  Damas, il y avait un certain nombre d’orphelinats dirigĂ©s par les ArmĂ©niens qui Ă©taient soutenus par l’équipe dirigeante de Djemal Pacha. Ceux-lĂ  n’acceptaient que les enfants armĂ©niens. Il n’y avait aucune place dans ces orphelinats et financiĂšrement il n’y avait plus de possibilitĂ© d’accorder de l’aide. Ayin Tura[note 1] Ă©tait prĂ©vu uniquement pour les enfants musulmans et il y avait toujours des places. Pour que les enfants armĂ©niens non rĂ©cupĂ©rĂ©s par les orphelinats armĂ©niens soient acceptĂ©s dans Ayin Tura, il Ă©tait obligatoire de les appeler avec des prĂ©noms turcs ou musulmans. En vĂ©ritĂ©, il n’y avait pas d’enseignement religieux. C'est-Ă -dire qu’il n’y avait pas de volontĂ© de convertir ces enfants Ă  l’islam[9]. » Son rĂŽle est en rĂ©alitĂ© fortement controversĂ©. Probablement du fait de son idĂ©ologie nationaliste et panturque, elle entretient une relation ambigĂŒe avec les ArmĂ©niens. Son ambivalence Ă©tait dĂ©jĂ  visible dans sa relation avec le prĂȘtre et musicien armĂ©nien Komitas. Ils deviennent amis en 1914 et Halide Edip l’invite rĂ©guliĂšrement Ă  venir chanter chez elle. Lorsqu’elle dĂ©crit cette pĂ©riode dans ses Ă©crits, elle semble occulter toute rĂ©fĂ©rence Ă  l’ArmĂ©nie. Tout d’abord, elle se rĂ©fĂšre Ă  sa musique comme Ă©tant « anatolienne »[1], et non armĂ©nienne, en ajoutant qu’il avait volĂ© ces musiques aux turcs en « changeant les paroles en armĂ©nien »[1]. Lui niant toute gĂ©nĂ©alogie armĂ©nienne, elle Ă©crit Ă©galement « qu’il soit Turc ou ArmĂ©nien, il Ă©tait un nationaliste armĂ©nien ; mais dans son tempĂ©rament et dans son coeur, il Ă©tait indubitablement un Turc anationalien »[1]. Leur relation se finit lors du gĂ©nocide armĂ©nien dont Komitas fut une victime.

De fait, pour certains observateurs comme son ancienne camarade de classe Aghavnie Yeghenian[10], elle est l’une des figures de proue derriĂšre la turquification et l’islamisation imposĂ©es Ă  l’orphelinat[11]. Certains tĂ©moignages d’anciens pensionnaires de l’orphelinat sont accablants : « Mon petit frĂšre et moi avions Ă©tĂ© emmenĂ©s au Liban et placĂ©s dans un orphelinat turc ouvert par la vicieuse et infĂąme prĂ©fĂ©rĂ©e de Kemal Ataturk, Halide Hanim Edib Adıvar (
). Mais ces orphelinats n’avaient pas Ă©tĂ© crĂ©Ă©s pour des raisons humanitaires : ils Ă©taient fait pour « turquifier » les enfants armĂ©niens qui avaient Ă©tĂ© rendus orphelins par les Jeunes Turcs dont Halide Edib faisait partie »[12]

« La majoritĂ© des enfants punis ne pouvaient pas marcher pendant plusieurs semaines. Certains ont perdu leurs dents, d’autres ont eu le nez cassĂ©. La majoritĂ© se sont Ă©vanouis en appelant Ă  l’aide. Pendant plus de deux ans, c’était rĂ©current. »[12] S’il n’est fait aucune mention de son rĂŽle direct dans l’imposition de ces sĂ©vices, Halide Edib Ă©tait bien prĂ©sente. De fait, c’est plutĂŽt pour son inaction qu’elle est critiquĂ©e, puisqu’elle n’interfĂ©rait d’aucune maniĂšre : « Elle ne semblait pas s’en soucier (
) elle disait Ă©crire un livre sur les orphelins (
) pensait-elle Ă  notre souffrance ? À notre terrible passĂ©, Ă  notre sombre futur ? Avait-elle le moindre instinct maternel qui aurait pu lui permettre de compatir avec notre situation ? DĂšs lors que les cloches sonnaient et que nous allions en cours, elle retournait dans ses quartiers et y restait jusqu’à la tombĂ©e de la nuit, oĂč elle rĂ©apparaissait pour la mise en berne du drapeau[12]. »

Fin de la PremiĂšre Guerre mondiale et guerre d’indĂ©pendance turque

Halide Edip Adıvar avec Mustapha Kemal, en janvier 1923, à la gare de Gebze.

Elle se remarie en 1917 avec le docteur Adnan Adıvar (en), et prend l'annĂ©e suivante un emploi en tant que maĂźtre de confĂ©rences en littĂ©rature Ă  la facultĂ© des lettres de l'universitĂ© d'Istanbul. Elle est, dans la mĂȘme pĂ©riode, de plus en plus active dans le mouvement nationaliste de Turquie. Elle devient membre de l'organisation secrĂšte Karakol[4] (crĂ©Ă©e Ă  la suite de l'occupation de Constantinople par les troupes françaises, anglaises et italiennes, en [13])[14]. Elle participe Ă©galement Ă  une activitĂ© de contrebande pour renforcer l'armement du mouvement nationaliste, ainsi qu'Ă  des meetings politiques[4]. Elle est nommĂ©e Ă  titre honorifique major de l'armĂ©e nationaliste.

Cette pĂ©riode lui inspire diffĂ©rents rĂ©cits les annĂ©es suivantes, TĂŒrk'Ă»n AteƟten Imtiharu (Le BaptĂȘme du feu du Turc), en 1922, et Vurun Kahpeye (À mort la traĂźnĂ©e), en 1923, ainsi que des romans, notamment : AteƟten Gömlek (La Chemise de feu) en 1922, Kalb Ağrısı (Le cƓur a ses chagrins) en 1924, et Zeyno'nun Oğlu (Le Fils de Zeyno) en 1928[15].

La République turque est proclamée le . Le général Mustafa Kemal en devient le premier président. Mais il durcit le régime les années suivantes, interdisant les syndicats et les partis d'opposition, au profit d'un parti unique. Un véritable culte de la personnalité est instauré. Halide Edib et son mari, devenus des opposants indésirables, doivent quitter la Turquie.

Vie en exil et retour

Ils sĂ©journent quatre ans en Angleterre, puis dix ans en France[15]. Elle est invitĂ©e aux États-Unis, en 1928 et 1932, pour une sĂ©rie de confĂ©rences, puis en Inde[15]. Elle s'intĂ©resse particuliĂšrement en Inde au mouvement pour l'indĂ©pendance, ainsi qu'Ă  l'existence d'une identitĂ© islamique, parmi d'autres, au sein de cette nation[16]. En 1935, elle publie The Clown and his Daughter, titre anglais qui devient en turc, en 1936, Sinekli Bakkal, en en français Rue de l'Épicerie aux Mouches. C'est son ouvrage le plus cĂ©lĂšbre et longtemps l’Ɠuvre littĂ©raire la plus vendue en Turquie[15].

La mort d'AtatĂŒrk en 1938 lui permet de revenir en Turquie l'annĂ©e suivante, Ă  la veille de la Seconde Guerre mondiale. En 1940, elle fonde la chaire de philologie anglaise, Ă  la facultĂ© des lettres de l'universitĂ© d'Istanbul, chaire qu'elle anime durant dix ans. En 1950, candidate du Parti dĂ©mocrate, elle est Ă©lue dĂ©putĂ©e Ă  la Grande AssemblĂ©e nationale de Turquie. Elle en dĂ©missionne en 1954.

Elle est décédée le à Istanbul et a été enterrée au cimetiÚre de Merkezefendi (en)[17].

Idéologie

Halide Edip est considĂ©rĂ©e aujourd’hui comme une figure complexe, faisant jouer ses diffĂ©rentes identitĂ©s — ottomane, turque, musulmane, fĂ©minine, et intellectuelle. Dans ses ouvrages, elle tente d’analyser la transition rapide Ă  laquelle la sociĂ©tĂ© est confrontĂ©e Ă  la suite de la PremiĂšre guerre mondiale. Ses romans brassent donc un large panel de personnages, issus de diffĂ©rentes classes sociales[18].

À l’image de son surnom, « mĂšre des turcs », elle aurait rĂ©ussi Ă  crĂ©er un point d’intersection entre diffĂ©rentes idĂ©ologies considĂ©rĂ©es au dĂ©part comme rivales : la modernitĂ©, l’Islamisme, l’occidentalisation, et la question des femmes[19].

Nationalisme

Halide Edip Adıvar est une fervente nationaliste turque. Elle est plus particuliĂšrement associĂ©e au courant panturque, voire touraniste, en tĂ©moignent les nombreuses associations dont elle faisait partie, les articles qu’elle publiait, son adhĂ©sion au mouvement nationaliste turque, et sa vision ambigĂŒe des ArmĂ©niens.

Dans ses romans, Halide Edip Adıvar a beaucoup dĂ©fendu le panturquisme. NĂ©e au XIXe siĂšcle, cette idĂ©ologie est popularisĂ©e par certains courants Jeunes-Turcs au dĂ©but du XXe siĂšcle, influençant grandement la jeune auteure. L’objectif est d’appeler Ă  l’union des peuples turcophones au sein d’une mĂȘme nation. Dans son livre Yeni Turan (tr), publiĂ© en 1912, Adıvar va mĂȘme plus loin et appelle Ă  l’unification des peuples turcs en Asie centrale, en Siberie et dans le Caucase dans un Empire dirigĂ© par la Turquie : c’est le touranisme.

Pour autant, il lui sera beaucoup reprochĂ© son inconstance idĂ©ologique. En effet, elle reste fortement influencĂ©e par l’Occident : son adhĂ©sion aux idĂ©es de W. Wilson Ă  la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale[18] puis son exil en Europe et aux États-Unis en sont les symboles. Pour de nombreux dĂ©tracteurs, cela lui aurait empĂȘchĂ© de proposer des solutions durables et crĂ©dibles pour soutenir un projet panturque.

FĂ©minisme

Dans les Ă©crits d’Halide Edip Adıvar, les hĂ©ros sont trĂšs souvent des femmes — nationalistes, idĂ©alistes, Ă©ducatrices de masse, modernes et modernisĂ©es, fortes, qui se dressent contre l’oppression. Si elle nie toute ressemblance autobiographique, elle reconnaĂźt toutefois l’influence de ses expĂ©riences personnelles dans chacun de ses personnages fĂ©minins[20].

Par exemple, dans son premier roman, Seviye Talip, elle raconte l’histoire d’une femme ayant le courage de quitter son Ă©poux ; dans Rue de l’épicerie aux mouches, elle dĂ©crit le combat de Rabia, la fille d’un forain animateur de spectacles populaires, qui s’oppose au traditionalisme de son grand-pĂšre, ce qui peut faire Ă©cho Ă  sa propre vie.

Au contraire, elle est critiquée pour ses héros masculins, souvent dépeints comme des obstacles aux combats des héros féminins[18].

D’ailleurs, l’idĂ©e nationaliste de l’auteure ne peut se dissocier de l’idĂ©e qu’elle se fait de la place des femmes dans la sociĂ©tĂ© turque. En effet, elle met au centre de sa rĂ©flexion le rĂŽle de la famille et des femmes en tant que contributrices Ă  la formation de la RĂ©publique — en tĂ©moigne son discours Ă  l’universitĂ© Jamia Millia Islamia Ă  New Delhi en 1935. Pour Halide Edip Adıvar, les femmes sont des agents du nationalisme au mĂȘme titre que les hommes[19].

D’aprĂšs Elif GözdaƟoğlu KĂŒĂ§ĂŒkalioğlu, doctorant de l'UniversitĂ© de Bilkent d'Istanbul, qui a travaillĂ© sur le lien entre nationalisme et genre en Turquie, de nombreux romans de cette Ă©poque — dont ceux d’Halide Edip Adivar — dĂ©peignent les femmes comme ayant une double position dans le processus de crĂ©ation de l’identitĂ© nationale turque : elles seraient Ă  la fois sujet et objet du changement[21].

D’un cĂŽtĂ©, elles sont socialement et politiquement impliquĂ©es dans les problĂ©matiques nationalistes. Par leur Ă©ducation et leur visibilitĂ© dans les espaces publics, elles reprĂ©sentent des sujets modernes ayant un rĂŽle Ă  jouer dans la formation de l’identitĂ© collective turque.

D’un autre, il est attendu d’elles qu’elles se conforment aux valeurs morales et aux traditions collectives - surtout pour ce qui touche Ă  l’identitĂ© sexuelle. Une « femme idĂ©ale », au sens nationaliste du terme, est une femme asexuĂ©e, capable de couvrir son identitĂ© sexuelle pour ĂȘtre l’égale de l’homme.

De fait, seules les femmes qui se tuent Ă  la tĂąche dans leur travail tout en Ă©tant socialement actives, Ă©duquĂ©es (y compris au niveau des rapports sexuels) et qui laissent leur fĂ©minitĂ© de cĂŽtĂ© peuvent ĂȘtre assimilĂ©es Ă  des « mĂšres de la nation ». Elles sont vues comme l’idĂ©al-type de la femme nationaliste. À cet Ă©gard, Handan, de Halide Edip Adıvar, publiĂ© en 1912, est plutĂŽt rĂ©vĂ©lateur. Handan est une jeune femme trĂšs Ă©duquĂ©e et politisĂ©e. Elle est mariĂ©e, mais elle tombe amoureuse de son cousin, Refik Cemal. Lui aussi Ă©prouve des sentiments pour elle, mais il est promis Ă  une autre femme, peu Ă©duquĂ©e. Le dĂ©calage entre les deux femmes est un thĂšme phare du roman, Refik rappelant souvent l’importance de l’éducation des femmes et le rĂŽle qu’elles peuvent jouer dans la sociĂ©tĂ©. MalgrĂ© le fait que son mari la trompe Ă  plusieurs reprises, Handan lui reste fidĂšle tout au long du roman avant de mourir de la mĂ©ningite. Ici, les Ă©lĂ©ments principaux sont donc prĂ©sents, de l’importance de l’éducation pour les femmes Ă  leur chastetĂ© en passant par l’oubli de ce qui font d’elles des femmes.

Postérité

Le cratÚre vénusien Adivar a été nommé en son honneur[22].

Sa vie aventureuse pour le mouvement nationaliste turc a inspiré un personnage des Aventures du jeune Indiana Jones, interprété par Zuhal Olcay[23] - [24]. Plusieurs de ses romans ont donné lieu à des films[25].

Principales publications

  • Seviye Talip (1910).
  • Yeni Turan (1912).
  • Handan (1912).
  • Mevut HĂŒkĂŒmler (1918).
  • Son Eseri (1919).
  • AteƟten Gömlek (1922).
  • Çıkan Kuri (1922).
  • Kalb Ağrısı (1924).
  • Vurun Kahpeye (1926).
  • The Memoirs of Halide Edib, New York-London, The Century, 1926 (publiĂ© en anglais).
  • The Turkish Ordeal, New York-London, The Century, 1928 (mĂ©moire, publiĂ© en anglais).
  • Zeyno'nun Oğlu (1928).
  • Turkey Faces West, New Haven-London, Yale University Press/Oxford University Press, 1930.
  • The Clown and His Daughter (titre anglais, publiĂ© en 1935 et, en turc, Sinekli Bakkal en 1936 ; traduit en français en 1944 sous le titre Rue de l'Épicerie aux Mouches).
  • TĂŒrkĂŒn AteƟle Ä°mtihanı (mĂ©moire, publiĂ© en 1962 ; traduction en anglais : House with Wisteria).

Publications en français

  • De quoi s'agit-il ?, texte turc accompagnĂ© d'une traduction française par Solange Roux, Paris, Ă©ditions E. de Boccard, 1939.
  • Rue de l'Épicerie aux Mouches, traduit de l'Ă©dition originale par Stella Corbin, grand Prix turc du roman, Ä°stanbul, Ă©ditions P.M., 1944.
  • La Fille de Smyrne, Alger, Ă©ditions Afkar, Impr. Koechlin, 1948.

Notes et références

Notes

  1. Nom de l'orphelinat pour musulmans.

Références

  1. (en) Halidé Edib, House with Wisteria : Memoirs of Turkey Old and New, Transaction Publishers, (ISBN 978-1-4128-1540-6, lire en ligne)
  2. Ternon 2002, p. 197-260.
  3. Erol 2011, p. VII.
  4. Çeri 2013, p. 48.
  5. Ellison et Granville 1915.
  6. Erol 2011, p. IX.
  7. « Génocide arménien : quatre questions pour comprendre ce qui s'est passé il y a cent ans », sur Franceinfo, (consulté le )
  8. « Arménie : mon grand-pÚre, ce génocidaire », sur L'Obs (consulté le )
  9. « Turquie : Djemal Pacha, le sauveur des Arméniens ? / CollectifVAN.org », sur www.collectifvan.org (consulté le ).
  10. (en) Aida Alayarian, Consequences of Denial : The Armenian Genocide, Routledge, (ISBN 978-0-429-91215-3, lire en ligne)
  11. (en) Selim Deringil, « “Your Religion is Worn and Outdated”. Orphans, Orphanages and Halide Edib during the Armenian Genocide: The Case of Antoura », Études armĂ©niennes contemporaines, no 12,‎ , p. 33–65 (ISSN 2269-5281, DOI 10.4000/eac.2090, lire en ligne, consultĂ© le ).
  12. (en) Selim Deringil, « “Your Religion is Worn and Outdated”. Orphans, Orphanages and Halide Edib during the Armenian Genocide: The Case of Antoura », Études armĂ©niennes contemporaines, no 12,‎ , p. 33–65 (ISSN 2269-5281, DOI 10.4000/eac.2090, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Criss 1999, p. 99-102.
  14. Giles Milton : Le Paradis perdu.1922, La destruction de Smyrne la tolĂ©rante., 2013, Éd. Libretto (ISBN 978-2752908810).
  15. Çeri 2013, p. 49.
  16. Genç 2014, Daily Sabah.
  17. (en-US) « Mrs. Halide Edib Adivar Dies », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le ).
  18. (en-US) « Biographie de Halide Edip Adivar », sur La Biographie (consulté le )
  19. (en) Ansev Demirhan, « Halide Edib:Turkish Nationalism and theFormation of the Republic », Graduate Teses and Dissertations,‎ (lire en ligne)
  20. « Halide Edip Adivar », sur www.turkishculture.org (consulté le ).
  21. Elif Gozdasoglu Kucukalioglu, « The Representation of Women as Gendered National Subjects in Ottoman–Turkish Novels (1908–1923) », Journal of Gender Studies, vol. 16, no 1,‎ , p. 3–15 (ISSN 0958-9236, DOI 10.1080/09589230601116109, lire en ligne, consultĂ© le )
  22. Working Group for Planetary System Nomenclature 1995, p. 12.
  23. (en) Les Aventures du jeune Indiana Jones sur l’Internet Movie Database
  24. (en) « Documentary Previews », sur Indy in the classroom.
  25. (en) Halide Edip Adivar sur l’Internet Movie Database

Voir aussi

Bibliographie

  • Bahriye Çeri, « Adivar, Halide Edip [Istanbul 1884 - id. 1964] », dans BĂ©atrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le Dictionnaire universel des crĂ©atrices, Éditions des femmes, , p. 48-49.
  • Guzine Dino, « Le roman turc hier et aujourd'hui », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • (en) Sibel Erol, « Introduction », dans Halide Edip Adivar, House with Wisteria: Memoirs of Turkey Old and New, Transaction Publishers, (lire en ligne), p. VII-XXXVI.
  • (en) Grace M. Ellison et Edward Granville, An Englishwoman in a Turkish Harem, Methuen, (lire en ligne).
  • (en) Working Group for Planetary System Nomenclature, Gazetteer of Planetary Nomenclature 1994, Washington, International Astronomical Union, United States Government Printing Office, , 295 p. (lire en ligne), p. 12
  • (en) Kaya Genç, « Halide Edip Adıvar's “Inside India” to be published in Turkish for the first time », Daily Sabah,‎ (lire en ligne).
  • NilĂŒfer Göle, Musulmanes et modernes. Voile et civilisation en Turquie, La DĂ©couverte, , 465 p. (lire en ligne).
  • Ahmet Insel, « Au nom de l'humanitĂ©, cette conduite Ă©tait un crime. Une analyse de la demande de pardon aux ArmĂ©niens », Esprit, no 6,‎ , p. 83-93 (DOI 10.3917/espri.1006.0083., lire en ligne).
  • (en) Encyclopedia of Women Social Reformers : M-Z. 2, vol. 2, ABC-CLIO, , 478 p. (lire en ligne), « Edip, Halide (known as Halide Salih from 101 to 1910 ; also Halide Adivar) (1883-1964) Turkey », p. 217-218.
  • (en) Roberta Micallef, « Turkish Women Write War », dans Annika Rabo et Bo Utas (dir.), The Role of the State in West Asia, Swedish Research Institute in Istanbul, , 194 p. (lire en ligne), p. 25-36.
  • (tr) Kemal ÖztĂŒrk, Halide, TimaƟ, , 200 p..

Le contexte

  • (en) N. B. Criss, Istanbul Under Allied Occupation, 1918-1923, BRILL, (ISBN 90-04-11259-6, lire en ligne).
  • Yves Ternon, Empire ottoman. Le dĂ©clin, la chute, l'effacement, Kiron/FĂ©lin, , 575 p..

Webographie

Articles connexes

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