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Grotte de Bruniquel

La grotte de Bruniquel, Ă  Bruniquel, Tarn-et-Garonne, France, a livrĂ© des traces d'activitĂ© humaine en milieu souterrain datant de 176 500 ans avant le prĂ©sent. Elle a Ă©tĂ© occupĂ©e par l'homme de NĂ©andertal qui y a construit une structure composĂ©e de près de 400 morceaux de stalagmites juxtaposĂ©s, alignĂ©s et superposĂ©s[1] - [2].

Grotte de Bruniquel
Structure de spéléofacts
découverte dans la grotte de Bruniquel.
Localisation
Coordonnées
44° 03′ 43″ N, 1° 40′ 34″ E
Pays
Région française
DĂ©partement
Vallée
Vallée de l'Aveyron
Localité voisine
Caractéristiques
Type
Altitude de l'entrée
150 m
Longueur connue
500 m
PĂ©riode de formation
Occupation humaine
Patrimonialité
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
GĂ©olocalisation sur la carte : Occitanie
(Voir situation sur carte : Occitanie)
Géolocalisation sur la carte : Midi-Pyrénées
(Voir situation sur carte : Midi-Pyrénées)
GĂ©olocalisation sur la carte : Tarn-et-Garonne
(Voir situation sur carte : Tarn-et-Garonne)

Ces structures constituent en l'Ă©tat actuel des recherches (2017) la plus ancienne construction humaine connue au monde[3].

La grotte est fermée au public pour études scientifiques. À défaut, il est possible de visiter la salle consacrée à cette cavité aux châteaux de Bruniquel.

DĂ©couverte et description

L'inventeur de la cavité est Bruno Kowalczewski, spéléologue qui découvre en , en surplomb de l'Aveyron, l'entrée d'une grotte de la taille d'un terrier de lapin, qu'il désobstrue sur une période de plus de deux ans, pour tomber sur une vaste galerie habitée jadis par des ours bruns qui y ont laissé leurs traces. Elle est explorée ensuite et protégée par la Société spéléo-archéologique de Caussade (SSAC)[4].

GĂ©ologie

La cavité se développe dans les calcaires dolomitisés du Bajocien au Jurassique.

Spéléométrie

Le dĂ©veloppement[alpha 1] est d'environ 500 m[5], sous la forme d'une galerie ponctuĂ©e de salles plus vastes.

Étude de la grotte

Une grotte occupée par les ours et les hommes

Elle livre une quarantaine de bauges d'ours et de nombreux ossements d'animaux (chevaux, bisons, cerfs) qui y ont été nécessairement introduits par l'homme[6].

Première étude

L'Ă©tude est menĂ©e par Michel Soulier, alors prĂ©sident de la SSAC, et par François Rouzaud, spĂ©lĂ©ologue et conservateur en chef du patrimoine Ă  la Direction rĂ©gionale des affaires culturelles de la rĂ©gion Midi-PyrĂ©nĂ©es. En 1992 et 1993, ils prospectent l'ensemble de la grotte et procèdent notamment au relevĂ© de structures faites de tronçons de stalagmites. En 1995, ils font dater par le carbone 14 un morceau d'os brĂ»lĂ© trouvĂ© sur la structure : le carbone 14 n'est plus dĂ©celable, ce qui indique un âge supĂ©rieur Ă  47 600 ans. Les travaux sont interrompus Ă  la mort de François Rouzaud en 1999.

Nouvelles Ă©tudes

Sophie Verheyden, chercheuse Ă  l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique, visite la grotte en 2011[7], poussĂ©e par la curiositĂ© après avoir examinĂ© certaines des photographies de la grotte exposĂ©es aux châteaux de Bruniquel[8]. Elle contacte alors Dominique Genty, chercheur au CNRS au Laboratoire des Sciences du climat et de l'environnement (LSCE, CEA-CNRS-UVSQ, Saclay, France), spĂ©cialiste des concrĂ©tions, qui connaissait l'existence et l'intĂ©rĂŞt de cette structure. Il la met en contact avec Jacques Jaubert pour envisager une opĂ©ration archĂ©ologique et pour dater la structure par la mĂ©thode uranium-thorium, avec Michel Soulier, mandatĂ© et autorisĂ© par les propriĂ©taires. Deux campagnes de relevĂ©s et prĂ©lèvements se dĂ©roulent aux printemps 2014 et 2015, sous la direction de Jacques Jaubert et Sophie Verheyden. Elles aboutissent aux rĂ©sultats publiĂ©s dans Nature en 2016 : les structures ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es il y a près de 180 000 ans[9].

Spéléofacts

Une structure organisée

Dans l'une des salles de la grotte, Ă  336 mètres de l'entrĂ©e, une construction formĂ©e par des groupements de concrĂ©tions (morceaux de stalagmites) a Ă©tĂ© dĂ©couverte sur le sol de la cavitĂ©. ConstituĂ©e d'une grande structure annulaire (6,7 Ă— 4,5 m) et d'une autre plus petite (2,2 Ă— 2,1 m), c'est la première construction connue Ă  base de stalagmites. Elle est composĂ©e de 399 morceaux qui, mis bout Ă  bout, auraient une longueur de 112 mètres pour une masse totale d'environ 2,2 tonnes[9]. Les tronçons utilisĂ©s, qualifiĂ©s de « spĂ©lĂ©ofacts »[alpha 2], ont Ă©tĂ© calibrĂ©s (ceux de la plus grande structure ont des tailles similaires et sont plus grands que ceux de la petite) et ordonnĂ©s en rangs superposĂ©s (jusqu'Ă  quatre). Certains Ă©lĂ©ments plus courts ont servi d'Ă©tais ou de cales.

Dix-huit points de combustion ont également été identifiés, repérés par l'altération de la calcite (rougie ou noircie par la suie, ou éclatée par la chaleur) et/ou par des vestiges de combustible dont des os calcinés (notamment le fragment de radius d'ours partiellement calciné dont on avait tenté la datation en 1995)[10]. La disposition des structures de combustion suggère qu'elles ont servi à l'éclairage[10].

Datations

Les spĂ©lĂ©ofacts sont surmontĂ©s de petites stalagmites ayant poussĂ© sur les fragments constituant les structures annulaires. La calcite au-dessus et au-dessous du contact entre un spĂ©lĂ©ofact et la calcite de ces petites stalagmites a Ă©tĂ© prĂ©levĂ©e en quatorze points diffĂ©rents et datĂ©e par la mĂ©thode uranium-thorium, ce qui a permis d'Ă©valuer l'âge de ces constructions Ă  176 500 ± 2 000 ans. Cet âge a ensuite Ă©tĂ© confirmĂ© par la datation de la couche de calcite recouvrant un fragment d'os brĂ»lĂ© trouvĂ© au sein d'une des structures dĂ©montrant dĂ©finitivement la prĂ©sence humaine Ă  cet endroit.

Une Ĺ“uvre de l'homme de NĂ©andertal

L'âge minimum obtenu en 1995 pour l'os d'ours calcinĂ©[11], soit plus de 47 600 ans, suggĂ©rait dĂ©jĂ  que la construction soit l’œuvre de l'homme de NĂ©andertal, car cet âge est nettement plus ancien que celui de l'arrivĂ©e des premiers hommes modernes dans la rĂ©gion. Mais cette suggestion suscitait en 1995 le scepticisme, pouvant correspondre aux derniers NĂ©andertaliens (Homo neanderthalensis) ou aux tout premiers hommes modernes (Homo sapiens) arrivĂ©s en Europe occidentale. De plus, l'os d'ours, certes collectĂ© Ă  l'entrĂ©e de la grotte et brĂ»lĂ© par les constructeurs, aurait aussi pu ĂŞtre de beaucoup antĂ©rieur aux spĂ©lĂ©ofacts.

L'âge des spĂ©lĂ©ofacts, obtenu par datation de la calcite, soit presque 180 000 ans, lève les derniers doutes de l'attribution de cet agencement en milieu souterrain profond Ă  des NĂ©andertaliens. Ceux-ci maĂ®trisaient donc l'Ă©clairage et son entretien, et la conception et la rĂ©alisation de structures sophistiquĂ©es. Plus encore, ils s'Ă©taient dĂ©jĂ  appropriĂ© le monde souterrain, presque 130 000 ans avant les hommes du PalĂ©olithique supĂ©rieur (Ă  l'exemple de la grotte Chauvet dont la première occupation est de 37 000 Ă  33 500 ans AP).

Cette structure organisée suggère que l'homme de Neanderthal avait dès cette époque un niveau d'organisation sociale plus complexe que ce que l'on pensait auparavant. En l'absence de traces d'autres activités humaines sur ce site, la destination et la signification des structures annulaires restent inconnues.

Notes et références

Notes

  1. En spéléologie, le développement correspond à la longueur cumulée des galeries interconnectées qui composent un réseau souterrain.
  2. « SpĂ©lĂ©ofact » est un mot-valise forgĂ© par les chercheurs Ă  partir de « spĂ©lĂ©othème Â» et « artefact Â» pour dĂ©signer ce nouveau type d'artefact.

Références

  1. Nicolas Delesalle, « Grotte de Bruniquel : c'est définitif, Néandertal n’était pas la moitié d'un idiot », Télérama,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. Jaubert 2016.
  3. Jordi Rosell Ardèvol, « Moi, Néandertal », Histoire et civilisations, Le Monde / National Geographic, no 28,‎ , p. 33-50 (lire en ligne, consulté le ).
  4. Site de la Société spéléo-archéologique de Caussade
  5. Jean-Yves Bigot, Fédération française de spéléologie, Spéléométrie de la France. Cavités classées par département, par dénivellation et développement, GAP, coll. « Spelunca, n° 27 », , 160 p. (ISBN 2-7417-0291-8).
  6. Grotte de Bruniquel ‑ Le mystère Néanderta, Agence de Développement Touristique de Tarn-et-Garonne
  7. Hervé Morin, « Néandertal s'aventurait au fond des grottes, 140 000 ans avant « Homo sapiens » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. « Sophie Verheyden, une Belge au cĹ“ur de la dĂ©couverte de la grotte de Bruniquel Â», Le Soir, .
  9. (en) Jacques Jaubert, Sophie Verheyden, Dominique Genty, Michel Soulier, Hai Cheng, Dominique Blamart, Christian Burlet, Hubert Camus, Serge Delaby, Damien Deldicque, R. Lawrence Edwards, Catherine Ferrier, François Lacrampe-Cuyaubère, François Lévêque, Frédéric Maksud, Pascal Mora, Xavier Muth, Édouard Régnier, Jean-Noël Rouzaud, Frédéric Santos, « Early Neandertal constructions deep in Bruniquel Cave in southwestern France », Nature, no 534,‎ , p. 111–114 (DOI 10.1038/nature18291)
  10. « Pré-Histoire de France », sur Carone 14, France Culture (consulté le )
  11. H. Valladas, CEA, LSCE, France in Rouzaud et al., 1995, Spelunca n° 60.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • F. Rouzaud, M. Soulier et Y. Lignereux, « La grotte de Bruniquel », Spelunca, 5e sĂ©rie, no 60,‎ , p. 27-34.
  • Jacques Jaubert, « Que faisait NĂ©andertal dans la grotte de Bruniquel ? », Pour la Science, no 465,‎ , p. 26-35. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Jacques Jaubert, « Les Ă©tranges structures de Bruniquel », Dossier Pour la Science, no 94,‎ , p. 96-103.

Liens externes

Articles

  • « Les mystères de la grotte de Bruniquel », L'HumanitĂ©,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Catherine Mallaval, « Mais qui s'est arrĂŞtĂ© Ă  Bruniquel ? », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • (en) Jean Clottes, « What did ice age people do in the deep caves ? », Expedition, University of Pennsylvania Museum of Archaeology and Anthropology, vol. 47, no 3,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

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