Gravity Probe B
Gravity Probe B (GP-B, ou GPB) est un satellite scientifique amĂ©ricain qui fonctionne entre 2004 et 2005 avec l'objectif de vĂ©rifier l'effet Lense-Thirring, une des consĂ©quences de la thĂ©orie de la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale d'Albert Einstein. Le dĂ©veloppement du satellite est supervisĂ© par l'universitĂ© Stanford. Pour vĂ©rifier cet effet, le satellite emporte plusieurs gyroscopes d'une extrĂȘme prĂ©cision dont la dĂ©rive est mesurĂ©e en utilisant comme rĂ©fĂ©rentiel une Ă©toile dont le mouvement est connu avec prĂ©cision. L'expĂ©rience rencontre plusieurs dĂ©boires et donne des rĂ©sultats que certains scientifiques considĂšrent comme ambigus ou n'apportant pas de preuves supplĂ©mentaires par rapport Ă des expĂ©riences antĂ©rieures. NĂ©anmoins en , l'universitĂ© Stanford et la NASA annoncent que les donnĂ©es recueillies fournies par Gravity Probe B permettent de confirmer l'effet Lense-Thirring.
Organisation | NASA / Université Stanford |
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Domaine | Relativité générale |
Type de mission | Orbiteur |
Statut | Mission achevée |
Lancement | 20 avril 2004 |
Lanceur | Delta II 7920-10C |
Fin de mission | 8 décembre 2010 |
Identifiant COSPAR | 2004-014A |
Site | http://einstein.stanford.edu |
Masse au lancement | 3 100 kg |
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Source d'Ă©nergie | Panneaux solaires |
Puissance Ă©lectrique | 606 kW |
Orbite | Orbite polaire |
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Altitude | 640 km |
Inclinaison | 90° |
Contexte
L'idĂ©e de recourir Ă un satellite pour vĂ©rifier certains aspects de la thĂ©orie de la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale remontent au dĂ©but de l'Ăšre spatiale. Gravity Probe B est une mission de la NASA dĂ©veloppĂ©e avec le dĂ©partement de physique de l'universitĂ© Stanford aux Ătats-Unis, et la compagnie Lockheed Martin comme premier sous-contractant. Cette mission est la deuxiĂšme expĂ©rience de physique fondamentale portant sur la gravitĂ© dans l'espace, aprĂšs Gravity Probe A (en) (GP-A) en 1976.
Objectifs
La mission Gravity Probe a pour objectifs de vérifier deux des prédictions liées à la théorie de la relativité générale :
- l'effet Lense-Thirring (ou effet gravito magnĂ©tique ou gravitomagnĂ©tisme) prĂ©voit qu'Ă proximitĂ© d'un corps cĂ©leste ayant un moment cinĂ©tique trĂšs important, l'espace et le temps c'est-Ă -dire le rĂ©fĂ©rentiel local se trouve entraĂźnĂ© dans un mouvement de rotation. Le mouvement induit est trĂšs faible et il ne peut ĂȘtre facilement dĂ©tectĂ© qu'aux abords d'un objet particuliĂšrement massif comme un trou noir. Toutefois si on dispose d'un dĂ©tecteur d'une sensibilitĂ© suffisante on peut dĂ©tecter l'effet Lense-Thirring dĂ» Ă la Terre. Cet effet induit une rotation extrĂȘmement faible de 0,042 seconde d'arc par an d'un objet placĂ© sur une orbite terrestre Ă 640 km d'altitude ;
- l'effet de précession géodétique ou effet Einstein-de Sitter découle de la courbure de l'espace-temps créée par le champ gravitationnel d'un objet. Dans le cas d'un objet placé sur une orbite à 640 km d'altitude cet effet induit une rotation de 6,6 secondes d'arc par an. Cet effet est déjà vérifié notamment à travers l'influence de la Terre sur la Lune avec une précision de 1 %.
Principe de l'expérience
Principe
Un gyroscope est un instrument qui donne la position angulaire de son rĂ©fĂ©rentiel par rapport Ă un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en (ou inertiel). Un gyroscope, sous l'influence de diffĂ©rentes forces (magnĂ©tisme, accĂ©lĂ©rations subies...) perd progressivement de sa prĂ©cision. Si on parvient Ă faire descendre au-dessous d'un certain seuil les dĂ©rives affectant le gyroscope, les modifications angulaires qui subsistent correspondent majoritairement Ă la dĂ©rive liĂ©e aux deux effets citĂ©s plus haut. Au dĂ©but de l'expĂ©rience, l'axe du satellite et du gyroscope est alignĂ© avec celui d'une Ă©toile quasiment fixe dont le dĂ©placement est parfaitement connu. Un tĂ©lescope pointĂ© sur l'Ă©toile permet de maintenir l'axe du satellite pointĂ© vers l'Ă©toile avec une prĂ©cision extrĂȘme. La dĂ©rive du gyroscope est dĂ©duite de l'Ă©cart entre l'axe du satellite et l'axe du gyroscope compte tenu des mouvements propres de l'Ă©toile. Les deux effets peuvent ĂȘtre mesurĂ©s en mĂȘme temps car ils agissent selon des axes orthogonaux[1].
Le gyroscope
Le cĆur du gyroscope est constituĂ© par une sphĂšre (le rotor) de la taille d'une boule de ping-pong qui est placĂ©e en rotation rapide (initialement prĂ©vu jusqu'Ă 10 000 tours par minute mais en opĂ©ration environ 4 300 tours par minute) dans une cavitĂ© dans laquelle le vide est fait. La sphĂšre est mise en suspension Ă©lectriquement par six Ă©lectrodes. Dans l'espace, il suffit d'une tension infime (100 millivolts) pour rĂ©aliser cette mise en suspension ce qui constitue une des justifications de la mission. La dĂ©rive de l'axe de rotation de la sphĂšre est mesurĂ©e par effet Meissner : la sphĂšre est rendue supraconductrice en Ă©tant recouverte d'une mince couche de niobium et refroidie Ă une tempĂ©rature de 1,8 kelvin ; dans ces conditions, un champ magnĂ©tique se crĂ©e alignĂ© sur l'axe de rotation ; la dĂ©rive du champ magnĂ©tique et donc de l'axe de rotation est calculĂ©e Ă l'aide de capteurs SQUID capable de mesurer des champs magnĂ©tiques trĂšs faibles. Pour Ă©liminer toute consĂ©quence d'une panne et faciliter le calibrage quatre gyroscopes sont embarquĂ©s dont deux tournent dans un sens et deux dans l'autre.
Pour s'affranchir de toutes les sources de dérive autres que celles mesurées et réaliser ainsi un gyroscope un million de fois plus précis que tout ce qui est développé jusqu'à présent :
- le rotor, taillé dans du quartz, constitue une sphÚre parfaite et homogÚne : les défauts de surface sont inférieurs à 10 nanomÚtres et les écarts de densité interne sont inférieurs à 2 millioniÚmes ;
- un vide presque parfait est réalisé dans la cavité dans laquelle le rotor est logé. La pression est inférieure à 10-12 torr ;
- un blindage magnétique à plusieurs niveaux constitué notamment par des plaques métalliques en phase supraconductrice fait chuter la force du champ magnétique terrestre et solaire ressenti par le gyroscope à 10-17 gauss ;
- les accélérations résiduelles que subit le satellite sont en permanence neutralisées et leur valeur résiduelle est maintenue à valeur inférieure à 10-11 g ;
- la charge électrique est inférieure à 108 électrons ;
- le dipÎle électrique est inférieur à 0,1 V/m.
La mesure de la dérive
Le télescope a une précision de pointage de 0,0001 seconde d'arc. L'étoile utilisée comme référence est HR 8703, IM Pegasi, une étoile trÚs brillante donc facilement repérable, dont la position et la dérive sont connues avec une trÚs grande précision (0,0002 seconde d'arc par an) grùce à une campagne d'observations effectuée avant le lancement en utilisant l'interférométrie à trÚs longue base. Le télescope de type Cassegrain est réalisé dans un bloc de quartz fondu. Son ouverture est de 15 cm et sa focale de 3,75 m. Il existe la technique différentielle pour mesurer le déplacement de l'étoile.
Le satellite est en rotation lente autour de l'axe de visée du télescope pour supprimer des dissymétries éventuelles.
Caractéristiques du satellite
Le tĂ©lescope et les gyroscopes sont plongĂ©s dans un vase Dewar (une bouteille thermos) haut de 2,5 mĂštres contenant 2 441 litres d'hĂ©lium liquide qui maintiennent leur tempĂ©rature Ă 2,3° kelvins durant les 16 mois que doit durer la mission. Chaque rotor est enfermĂ© dans deux demi-coquilles en quartz. Un bloc de quartz de forme rectangulaire contient les quatre gyroscopes et est situĂ© au centre de masse du satellite. Le tĂ©lescope est fixĂ© dans le prolongement du bloc contenant les gyroscopes. L'ensemble de ces instruments est enfermĂ© dans un tube long de deux mĂštres dans lequel un vide poussĂ© est maintenu et qui forme un blindage contre les influences externes. Des centaines de cĂąbles pĂ©nĂštrent au sommet de cette structure et mettent en relation l'instrumentation qu'elle contient et l'Ă©lectronique situĂ©e Ă l'extĂ©rieur du vase Dewar. Au fur et Ă mesure qu'il se rĂ©chauffe, l'hĂ©lium passe en phase gazeuse, est recueilli et utilisĂ© par 16 micro propulseurs groupĂ©s par paires qui servent Ă contrĂŽler la position et maintiennent le rotor en chute libre. Le gaz est en permanence expulsĂ© par les 16 propulseurs de maniĂšre symĂ©trique donc sans crĂ©er d'accĂ©lĂ©rations ni de changement d'orientation : pour effectuer une correction, l'expulsion du gaz est rendue dissymĂ©trique. La poussĂ©e minimale permet d'effectuer une correction de l'orbite de 3 ĂâŻ10â6° et du pointage de 3 ĂâŻ10â7°. Trois magnĂ©to-coupleurs, qui gĂ©nĂšrent un couple de force en exploitant le champ magnĂ©tique terrestre sont Ă©galement utilisĂ©s pour corriger l'orientation du satellite[2] - [3].
Le satellite dispose par ailleurs pour contrÎler son orientation de deux gyroscopes standard, de quatre récepteurs GPS, de capteurs stellaires et de capteurs solaires. Le recours aux capteurs stellaires est nécessaire pour aligner le télescope sur son étoile, compte tenu de l'étroitesse du champ optique de celui-ci (30 secondes d'arc). Quatre panneaux solaires de 3,5 sur 1,3 mÚtre s'étendent de part et d'autre de la sonde à la maniÚre des ailes d'un moulin à vent. Un pare-soleil tubulaire prolonge le télescope et permet de limiter les réflexions parasites.
DĂ©roulement de la mission
Lancement et calibration
Le lancement de GP-B est effectuĂ© le , Ă 16 h 57 min 23 s TU par un lanceur Delta II depuis la base base de lancement de Vandenberg, aux Ătats-Unis. La fenĂȘtre de lancement est trĂšs Ă©troite car le plan orbital du satellite doit passer par l'Ă©toile de rĂ©fĂ©rence, IM Pegasi (en). Le satellite est placĂ© sur une orbite polaire de 642 km avec une prĂ©cision de 100 mĂštres par rapport Ă la valeur visĂ©e. Les panneaux solaires sont dĂ©ployĂ©s, puis le tĂ©lescope est orientĂ© de maniĂšre Ă pointer vers l'Ă©toile servant de repĂšre. La phase de calibration est lancĂ©e. Celle-ci planifiĂ©e pour durer deux mois mais va s'Ă©taler en fait sur quatre mois. Durant cette phase on se rend compte que deux des 16 micro propulseurs, chargĂ©s de maintenir le rotor du gyroscope en chute libre en annulant les accĂ©lĂ©rations, ne fonctionnent pas correctement sans doute du fait de la contamination de leurs mĂ©canismes par des particules Ă©trangĂšres. Il faut reconfigurer le logiciel contrĂŽlant les micro propulseurs pour qu'il puisse assurer sa tĂąche avec 14 engins seulement. Le deuxiĂšme problĂšme est beaucoup plus grave. Les rotors des gyroscopes sont placĂ©s en rotation rapide par un jet d'hĂ©lium gazeux qui est pompĂ© par la suite. Mais ce processus ne parvient pas Ă imprimer une vitesse de rotation aussi rapide que prĂ©vu (entre 3 700 et 5 000 tours par minute au lieu des 8 000-10 000 tours par minute envisagĂ©s) rendant l'alignement de l'axe de rotation des rotors sur l'axe du tĂ©lescope beaucoup plus long que prĂ©vu[4].
La phase de recueil des données scientifiques
La phase de calibration est officiellement achevée le : trois des rotors sont alignés mais le quatriÚme est toujours en cours d'alignement et cette tùche n'est achevée que deux semaines plus tard. Le personnel du constructeur du satellite Lockheed Martin transfÚre la responsabilité des opérations à l'équipe constituée par l'université Stanford. Les opérateurs doivent surveiller le fonctionnement du satellite et traiter les anomalies qui surviennent telle qu'une éruption solaire affectant le fonctionnement de l'ordinateur de bord. En , alors que le satellite ne dispose plus que d'une quantité d'hélium liquide disponible assurant un fonctionnement sur 2 à 3 mois, la phase de calibration postérieure débute sur certains des gyroscopes. Il s'agit d'effectuer de nouveaux tests pour évaluer les erreurs systématiques et le moment d'une force des rotors. Le , l'hélium est épuisé mettant fin à la phase de recueil des données[5].
RĂ©sultats
Les analystes de l'université Stanford et de la NASA annoncent le que les données reçues de Gravity Probe B confirment deux prévisions d'Albert Einstein[6] - [7] - [8]. Mais cette analyse est critiquée par certains.
Notes et références
- (en) « Gravity Probe B :Overview of the GP-B Mission », université Stanford.
- (en) « Gravity Probe B : Fully integrated Payload and spacecraft », université Stanford (consulté le ).
- (en) « Gravity Probe B: Unique Technology Challenges & Solutions », Université de Stanford.
- (en) « Gravity Probe B : Launch & Checkout », université Stanford (consulté le ).
- (en) « Gravity Probe B :On-Orbit Mission Operations », université Stanford (consulté le ).
- Information transmise par les auteurs de l'article (en) en:Gravity Probe B.
- Sur le site de Stanford : (en) « Stanford's Gravity Probe B confirms two Einstein theories ».
- Les résultats sont publiés en ligne par la revue scientifique Physical Review Letters.