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Goguryeoan

Le goguryeoan (ou goguryeo, koguryŏ, koguryŏan, rarement goguryeoïque[1] - [2], plus précisément, le puyŏ-koguryŏ commun[3]) était la langue du royaume de Goguryeo, un des trois royaumes historiques de Corée (avec Baekje et Silla). Cette langue est peu attestée et certaines théories la concernant sont controversées. Selon d'anciens textes chinois, les langues de Buyeo, d'Okjeo, de Dongye et de Goguryeo étaient semblables et différentes de celles des Yilou, des Mohe (peuples toungouses[4]), et des Samhan (au Sud de la Corée)[5]. Ces langues ont donc été regroupées en langues buyeo[6]. Le goguryeoan aurait également été semblable à la langue de Baekje (ou au moins de sa classe dirigeante) selon le livre des Liang[7].

Goguryeoan
Extinction possiblement entre le VIIème et le Xème siècle
Langues filles Balhae?, moyen coréen?
Région Anciennement Mandchourie, Nord de la Corée (royaume de Goguryeo)
Écriture hanja
Classification par famille
Codes de langue
ISO 639-3 zkg
Étendue Langue individuelle
Type Langue ancienne
Glottolog kogu1234
Carte
Image illustrative de l’article Goguryeoan
Carte des langues buyeo, le goguryeoan est en bleu ciel.
  • Buyeo
  • Goguryeoan
  • Balhae
  • Okjeo
  • Ye-maek
  • Baekjean
  • Histoire

    Christopher I. Beckwith subdivise l'histoire du koguryŏ en trois périodes, avec en plus le proto-koguryŏ qui précède lesdites périodes[8] :

    • le proto-koguryŏ[9]
    • le koguryŏ archaïque (ou koguryŏ ancien), la langue des écrits chinois du IIIe siècle[10].
    • le vieux koguryŏ (ou koguryŏ médiéval), la langue parlée durant le Moyen Âge, jusqu'à l'extinction de la langue[11].
    • le post-koguryŏ, qui correspond aux formes qui ont pu exister après l'extinction de cette langue. Selon Vovin, le parhae et le moyen coréen descendent du koguryŏ[12] - [13].

    Robbeets (2020), qui, comme Beckwith, soutient une origine japonique au koguryŏ, propose des subdivisions aux langues puyŏ. Ainsi, il appartiendrait au sous-groupe macro-goguryeo, lui-même appartenant au groupe macro-buyeo. Il aurait émergé durant le IIIe siècle, puis se serait éteint au VIe siècle[14].

    Koguryŏ archaïque

    Toujours selon Beckwith, le koguryŏ archaïque (ou maek, ou puyŏ-koguryŏ archaïque) était parlé au Sud de la Mandchourie, dans le Liaodong et à l'extrême-Nord de la Corée durant l'Antiquité tardive. Le ye-maek et l'okchŏ auraient été des dialectes du koguryŏ archaïque. À la suite d'une expédition des Wei durant les années 240, qui a étudié les territoires de Goguryeo et de Buyeo, des mots et des morphèmes grammaticaux ont été listés dans San kuo chih[15].

    Vieux koguryŏ

    Selon Beckwith encore, le vieux koguryŏ est attesté par des listes de mots, des morphèmes grammaticaux et des toponymes rédigées au cours du VIIIe siècle. Le Samguk Sagi, rédigé au cours du XIIe siècle, comprend des toponymes du centre de la Corée dont certains ont été identifiés comme d'origine japonique. Beckwith les interprète comme représentant la langue de Goguryeo, mais cet argument est rejeté par Vovin, Whitman et Robbeets[16]. Il note que ces toponymes sont également issus du royaume de Dongye, qui a précédemment été conquis par Goguryeo[17], il en déduit que les variétés puyŏ-koguryŏ auraient été parlées sur la côte orientale de la Corée, jusqu'à Jinhan[18].

    Classification

    La théorie la plus soutenue[19] sur l'origine de cette langue, est qu'il s'agit d'une langue coréanique de la branche buyeo[19]. Le livre des Wei, qui contient une liste de mots goguryeoans dont les racines seraient coréaniques, soutient cette hypothèse[20]. Cependant, sa position par rapport au moyen coréen (l'ancêtre du coréen et du jeju) est débattue. La théorie dominante affirme que le moyen coréen descend du sillan[21] - [22] - [23], la langue de Silla, qui, après avoir unifié la péninsule coréenne en 676[24], l'aurait imposé dans le reste des territoires, tandis qu'une théorie plus minoritaire et contestée suggère qu'il descend du goguryeoan[25] - [26] - [27]. Aucun consensus n'a encore été trouvé.

    Une autre théorie sur son origine est la parenté avec les langues japoniques, dont les langues buyeo constitueraient la branche continentale[23]. Ces théories sont controversées. Le principal argument réside dans la liste des noms de lieux du chapitre 37 du Samguk sagi, qui comporte des toponymes dans les territoires au centre et au Sud de la Corée conquis par Silla, dont certains ressemblant aux langues japoniques[28]. Cet argument est critiqué car le cœur historique de Goguryeo ne contient pas ou peu de toponymes d'origine japonique[29]. Selon Whitman (2011), ces toponymes sont le reflet de la langue japonique qui était parlée à cet endroit-là (pseudo-koguryŏ), et pas la langue de Goguryeo elle-même[30]. De plus, des langues anciennement parlées en Mandchourie (jurchen et khitan) contiennent des emprunts coréaniques. Cela s'expliquerait selon Vovin par le fait que la région ait été politiquement dominée par Goguryeo puis Balhae (dont la langue, le balhae aurait été coréanique selon lui).

    D'autres auteurs soutiennent que le goguryeoan est une langue toungousique[31].

    Phonologie

    Beckwith a reconstruit les voyelles[32] et les consonnes[33] du vieux koguryŏ.

    Voyelles

    Antérieure Centrale Postérieure
    Fermée i [i] ɨ [ɨ]

    ü [ʉ]

    u [u]
    Moyenne e [e] o [o] (aw)
    Ouverte a [a]

    Consonnes

    Comparaison lexicale

    Lexique

    Beckwith liste des des mots et des morphèmes grammaticaux en koguryŏ archaïque et en vieux koguryŏ. Ils sont glossés et identifiés de manière certaine[35].

    Lexique koguryŏ
    français koguryŏ archaïque vieux koguryŏ puyŏ-paekche
    marqueur du génitif attributif *na : *nâ *na : *nəy ~ *ɨr
    grande montagne *ɣapma *ɦaɨp
    roi *kar *key : *key *kar 'roi, chef tribal, haut représentant, ministre'
    devant *kor
    droit *kör
    ville fermée par des murs, fort *kuru *kuər : *χuər ~ *kuər
    jaune *kweru *kuər
    régent(e), vrai, roi *makri(p)kar *makrikey
    bien, excellant *meyŋ *mey
    capitale *ortu : *ortə ~ *ortʋ
    derrière, nom d'une tribu du nord de Goguryeo *tsiar ~ *tswiar > *tśɨr + *i > *tśɨrɨ 'nord'
    tirer à l'arc *tüŋ *tśü
    (re)sembler *wi
    gauche *źör ~ *dźir
    suffixe du morphème génitif attributif *na *ɨr : *ɨn
    morphème des verbes dérivatoires *pi : *pi < *-pu-i
    suffixe du morphème adjectival attributif *si : *si ~ śi
    morphème des noms dérivatoires *tsi : *tsi < *tu-i
    suffixe diminutif *u : *ʋ
    pied *ɦa : *ɣwəy
    regarder, observer ɦa : *a
    tube, cave, caverne, trou *ɦaɨp : *aɨp
    ouest *ɦaɨp : *aɨp ~ *ɣap
    grande montagne, escarpé *ɣapma 'grande montagne' *ɦaɨp : *aɨp ~ *ɣaɨp ~ *kaɨp ~ *ɦaɨp ~ *ap [in]
    pauvre, épuisé *ɦatśir : *atśin
    entrer *i ~ *yi
    superviser, emprisonner *im
    tête *kan : *kən ~ *kɨr ~ *kɨn
    fleur de poireau *kakey
    vautour *kami : *kammi
    cave, caverne, trou *kaɨpi ~ *kaɨp : *kaɨppi
    représentant, ministre *kar *ka(r)
    charrue *kar : *kalir
    est (point cardinal) *kati : *kaṭi
    militaire, guerrier *key : *key ~ ɣey
    canine (dent) *keyr : *keylir
    arbre, bois *kɨr : *kɨn ~ *kɨnir ~ ɣey
    courageux *kɨr : *kɨn
    monticule, ruines d'une ville *kɨr : *kɨn
    lettre, écrit, notes, traces *kɨr : *kɨnlir
    enfant *ku : *gu
    région sauvage, terre en friche *kuərɦɨy : *kuərɨy
    bouche *kuɘrtsi : *χuərtsi ~ *kuaɨr ~ *kʋtsi
    ours *kum : *kuŋ(m)
    pin *kur : *guli / *ku : *gu
    épais, dense, honnête *kutsi : *gutsi
    jade *kʋ
    cygne *kʋɦɨy : *kʋɨy
    chevreuil *kʋsi : *kʋsi ~ *kʋśɨ
    peuplier, saule *kü ~ *kɨ
    cœur *kür ~ *kɨr : *külir ~ *kɨlir
    s'évader, s'enfuir, esquiver *məwk
    bras, épaule *maɨ
    une sorte d'arbre (littéralement : un grand saule) *makɨr : *maɨkɨn
    correct, vrai *makri ~ makari
    anneau, cercle *mawir
    poulain *merʋ
    fleuve, eau *mey
    ail *meyr : *meylir
    femelle, yin *miŋ
    bannière, signal *miŋ
    arbre érudit, Sophora japonica *miŋkɨr : *miŋkɨn
    graine *miŋpar : *miŋbuar
    trois *mir
    poutre de toit, pont *mur
    découpage, section, division, festival *mutsɨ
    sept *nan
    plomb *namur : *nəymur
    bambou *na : *na ~ *nay
    terre, province/préfecture *na : *nwəy ~ *naw ~ *nəy
    dans, à l'intérieur de *na : *nəy ~ *na
    blanc *naɣei
    sable *nair : *nwəir
    eaux troubles (comme sous une cascade) *namey : *nwəymey
    long *namey : *nwəymey
    terre *nʋ : *nʋ ~ *nʋ
    mer *pa
    montagne, précipice *paɦɨy : *paɨɨy ~ *paɨy ~ *paɣey
    homme *paɨ
    rencontrer *paɨk

    Emprunts du mandchou et du jurchen

    Vovin (2013) compare certains glosses issus de différents stades historiques du coréen, avec des emprunts lexicaux du mandchou ou du jurchen ainsi que certains mots de langues japoniques[36].

    Comparaison coréanique - mandchou/jurchen
    français coréanique mandchou/jurchen japonique
    racine en moyen coréen : pwùlhwúy en mandchou : fulehe
    frais en moyen coréen ancien : sikun, moyen coréen : sìk- en jurchen : šingun, en mandchou : singkeyen
    pente raide, falaise en moyen coréen : pyèlh, pìlèy, pìlyèy; en coréen moderne : pyelang en mandchou : biyoran [b’oran]
    appuyer fortement en moyen coréen : cìcúl-, coréen moderne : cicilu- en mandchou : cecere-
    il, elle, ceci, cela en moyen coréen : í en jurchen : in-i ‘son’, mandchou : i ‘ceci’
    dire, faire en moyen coréen : ho- ~ hoy- < proto-coréen *hyo- en jurchen et en mandchou : se- ‘dire’
    petite sœur, sœur d'un mâle en moyen coréen : nwùGùi ‘sœur d'un mâle’ en jurchen : neu’u, niyohun ‘petite sœur’
    pâle en moyen coréen : nyèth- en mandchou : nitan, nitara- ‘délavé’
    Bouddha en moyen coréen : pwùthyè en mandchou : fucihi
    temple bouddhiste en moyen coréen : tyél en jurchen : taira en vieux japonais : tera
    miso, pâte de soja fermentée en moyen coréen : myècwú en mandchou : misu-n en moyen japonais : miso (en se basant sur l'histoire phonologique de ces trois langues, Vovin (2013) affirme que le coréen a pu être un donneur de mots pour le japonais et le mandchou[37].)
    peigne du métier à tisser en moyen coréen : pòtóy en mandchou : fatan ‘une sorte de peigne utilisé pour travailler la soie sur le métier à tisser’ en vieux japonais : pata ‘métier à tisser’
    éventail en moyen coréen ancien : pwuchay, en moyen coréen : pwùchéy ~ pwùcháy en jurchen : fus[h]eku
    graine en moyen coréen : psi en mandchou : pisen
    radis en moyen coréen : mwùzwú (il s'agirait d'un emprunt relativement tardif, en effet : *mwuswu en proto-coréen > mwùzwú en moyen coréen.) en jurchen : niam-muju
    marque du génitif en vieux coréen : -hi en jurchen et en mandchou : -i
    forme verbale finie en vieux coréen : -Wi < *-bi en jurchen et en mandchou : -bi

    Références

    1. (en) Andrew Logie, « Notes on the languages of the Three Kingdoms », sur Koreanology, (consulté le )
    2. « 국회전자도서관 », sur dl.nanet.go.kr (consulté le )
    3. Beckwith (2005), p. 49
    4. Byington, Mark E. (2016). The Ancient State of Puyŏ in Northeast Asia. Harvard University Asia Center. p. 36. (ISBN 9780674737198).
    5. Lee et Ramsey 2011, p. 35.
    6. Lee et Ramsey 2011, p. 34-35.
    7. Lee et Ramsey 2011, p. 44.
    8. Beckwith (2004), p. 1
    9. Beckwith (2004), p. xiv
    10. Beckwith (2004), p. xiii
    11. Beckwith (2003)
    12. Vovin 2013, p. 224-226, 237-238.
    13. Vovin (2015), p. 251
    14. Robbeets (2020), p. 6
    15. Beckwith (2004), p. 40-41
    16. Beckwith (2004), p. 41-42
    17. Beckwith (2004), p. 45
    18. Beckwith (2004), p. 41
    19. Whitman 2013, p. 249-250.
    20. Vovin 2013, p. 228-232.
    21. Lee et Ramsey 2000, p. 274-275.
    22. Janhunen (2010), p. 290.
    23. Beckwith 2004, p. 27-28.
    24. Encyclopedia of World History, Vol II, P371 Silla Dynasty, Edited by Marsha E. Ackermann, Michael J. Schroeder, Janice J. Terry, Jiu-Hwa Lo Upshur, Mark F. Whitters, (ISBN 978-0-8160-6386-4)
    25. Vovin 2013, p. 237-238.
    26. Unger (2009), p. 87.
    27. Ostler (2012), p. 1-2
    28. Lee et Ramsey 2011, p. 37.
    29. Lee et Ramsey 2011, p. 40-41.
    30. Whitman 2013, p. 154.
    31. Sohn (1999), p. 39.
    32. Beckwith (2004), p. 109
    33. Beckwith (2004), p. 114
    34. Beckwith (2004), p. 110
    35. Beckwith (2004), p. 250-254
    36. Vovin (2013), p. 224-226
    37. Vovin (2013), p. 225

    Voir aussi

    Bibliographie

    • (en) Alexander Vovin, From Koguryo to Tamna: Slowly riding to the South with speakers of Proto-Korean, Korean Linguistics, (lire en ligne Accès libre)
    • (en) Alexander Vovin, Korean as a Paleosiberian Language, France, EHESS/CRLAD, (lire en ligne Accès libre)
    • (en) Christopher I. Beckwith, Ancient Koguryo, Old Koguryo, and the Relationship of Japanese to Korean, Indiana University, (lire en ligne Accès libre)
    • (en) Christopher I. Beckwith, Koguryo, the Language of Japan's Continental Relatives, Brill, (ISBN 978-90-04-13949-7, lire en ligne Accès libre)
    • (en) Christopher I. Beckwith, The Ethnolinguistic History of the Early Korean Peninsula Region: Japanese-Koguryoic and other Languages in the koguryo, Paekche and Silla kingdoms, Journal of Inner and East Asian Studies, (lire en ligne Accès libre)
    • (en) Ho-Min Sohn, The Korean Language, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-36123-1)
    • (en) Iksop Lee et S. Robert Ramsey, The Korean Language, SUNY Press, (ISBN 978-0-7914-4831-1, DOI 10.1075/kl.15.2.03vov.)
    • (en) James Marshall Unger, The role of contact in the origins of the Japanese and Korean languages, Honolulu, University of Hawaii Press, (ISBN 978-0-8248-3279-7)
    • (en) John Whitman, « A History of the Korean Language, by Ki-Moon Lee and Robert Ramsey », Korean Linguistics, no 15 (2), , p. 246–260 (DOI 10.1075/kl.15.2.05whi).
    • (en) Juha Janhunen, Reconstructing the Language Map of Prehistorical Northeast Asia, Studia Orientalia, (lire en ligne)
    • (en) Ki-Moon Lee et S. Robert Ramsey, A History of the Korean Language, coll. « Cambridge University Press », (ISBN 978-1-139-49448-9, lire en ligne Accès libre)
    • (en) Martine Robbeets et Mark J. Hudson, Archaeolinguistic evidence for the farming/language dispersal of Koreanic, Oxford, Oxford University Press, (lire en ligne Accès libre)
    • (en) Nicholas Ostler, Review of J. Marshall Unger: The Role of Contact in the Origins of the Japanese and Korean Languages, Journal of Sociolinguistics, (lire en ligne Accès libre)

    Articles connexes

    Liens externes

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