Georges Saakadzé
Georges SaakadzĂ© (en gĂ©orgien : áááá áá áĄááááá«á, Giorgi Saakadze ; nĂ© vers 1570, mort le ), Ă©galement connu sous le nom de Grand Mouravi (en gĂ©orgien : áááá áááŁá ááá, didi mouravi), de MĆ«rÄv-Beg en Iran et de Maghraw-Bey dans lâEmpire ottoman, est un noble gĂ©orgien qui a exercĂ© les fonctions de Mouravi (« bailli » ou « gouverneur ») de Tiflis et joue un rĂŽle politique et militaire important dans la GĂ©orgie orientale au dĂ©but du XVIIe siĂšcle.
Biographie
La famille SaakadzĂ© est issue de la petite noblesse des aznauri, mais Georges n'est pas un parvenu dâorigine roturiĂšre comme le voudront ses adversaires nobles ni un « fils du peuple » comme le prĂ©senteront ses thurifĂ©raires marxisants. Son pĂšre Siaush SaakadzĂ© est un officier qui joue un rĂŽle important dans lâarmĂ©e du roi Simon Ier de Karthli, dans laquelle Georges fait ses premiĂšres armes (1588-1593). Au dĂ©but du rĂšgne du jeune roi Louarsab II de Karthli, Georges SaakadzĂ© est promu en 1608 Ă la fonction de Mourav de Tbilissi, Tskhinvali, et Dvaleti.
Lâinfluence et le prestige de Saakadze sâaccroissent lorsquâen juin 1609 il dĂ©truit Ă Tashiskari une armĂ©e dâinvasion de Tatars de CrimĂ©e menĂ©e par Djelal Pacha qui, aprĂšs la prise de Bagdad par l'Iran, vient renforcer les troupes ottomanes qui opĂšrent en GĂ©orgie et qui ont pour mission de sâemparer du roi Louarsab II[1].
En 1611, le roi Louarsab II Ă©pouse Macrine, la sĆur de Georges SaakadzĂ©, ce qui accroĂźt le ressentiment de la haute noblesse Ă son Ă©gard, qui craint lâambition et les aspirations au pouvoir de ce parvenu reprĂ©sentant dâune classe sociale quâelle juge infĂ©rieure et qui est devenu lâhomme le plus puissant du Karthli. La noblesse de Karthli se divise en deux partis : lâun menĂ© par Parsardam II Tsitsischvili, prince de Satsitsiano (1609-1640), et Shadiman Baratashvili, et lâautre par SaakadzĂ© et ses partisans. Le premier triomphe en mai 1612 lorsque la haute noblesse persuade le roi Louarsab II de la trahison de Georges SaakadzĂ©, qui est obligĂ© de sâenfuir en Iran pour sauvegarder sa vie, et lorsque le roi Louarsab II accepte dâannuler son union avec Macrine pour Ă©pouser une princesse de MingrĂ©lie.
Ă la cour dâIspahan, Georges SaakadzĂ©, qui se convertit Ă lâislam, est reçu avec faveur. Il sait faire rapidement apprĂ©cier ses compĂ©tences militaires dans la guerre contre lâEmpire ottoman et gagne la confiance de Chah Abbas Ier dont il devient en outre le conseiller pour les affaires gĂ©orgiennes. En 1614, SaakadzĂ© prend ainsi sa revanche sur la haute noblesse et le roi en participant Ă lâinvasion du Karthli par lâarmĂ©e de Chah Abbas Ier qui met fin au rĂšgne de Louarsab II, qui doit sâenfuir en ImĂ©rĂ©thie comme Teimouraz Ier de KakhĂ©tie. Pendant la pĂ©riode 1613-1617, environ 200 000 GĂ©orgiens sont dĂ©portĂ©s en Iran afin de dĂ©velopper lâagriculture et lâartisanat des provinces.
En 1619, le Chah le nomme vekil (« rĂ©gent ») du roi Bagration musulman Bagrat Khan, quâil installe Ă la tĂȘte du Karthli. Georges SaakadzĂ© devient ainsi le maĂźtre du royaume. En 1623, 10 000 KakhĂ©tes qui rĂ©sistaient Ă la dĂ©portation sont massacrĂ©s par les Perses. Lâattitude de SaakadzĂ© lors de ce drame demeure discutable.
Lors de la reprise des hostilitĂ©s avec lâEmpire ottoman, SaakadzĂ© sert comme gĂ©nĂ©ral dans lâarmĂ©e perse de 1621 Ă 1623. Sa valeur militaire amĂšne Chah Abbas Ier Ă le promouvoir au printemps 1625 dans lâĂ©tat-major de Kartchika-Khan qui commande une armĂ©e de 35 000 hommes destinĂ©e Ă mettre fin Ă la rĂ©bellion en GĂ©orgie orientale. Cette derniĂšre est menĂ©e par le propre beau-frĂšre de SaakadzĂ©, le prince Zourab Sidamoni dâAragvi (1620-1630), et le roi Teimouraz Ier de KakhĂ©tie, beau-frĂšre de Louarsab II de Karthli qui veut recueillir sa succession. SaakadzĂ© ne tarde pas Ă prendre contact avec les deux chefs de lâinsurrection.
La rencontre dĂ©cisive intervient lors de la bataille de Martqopi le . LâarmĂ©e iranienne, forte de 30 000 hommes commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral en chef en personne, se prĂ©sente devant les forces gĂ©orgiennes rĂ©unies. Georges SaakadzĂ©, qui est dans les rangs perses, tue de sa lance Kartchika-Khan devant sa tente avant de retourner ses troupes et de les unir Ă lâarmĂ©e gĂ©orgienne qui Ă©crase les envahisseurs ; la capitale Tiflis est prise et les GĂ©orgiens interviennent en KakhĂ©tie[2]. En reprĂ©sailles, Chah Abbas Ier fait mettre Ă mort Paata, le jeune fils de Georges SaakadzĂ© qui a Ă©tĂ© laissĂ© en otage Ă la cour dâIspahan. Cette grande victoire met fin Ă la tentative dâimplantation de nomades turcomans qizilbash en GĂ©orgie Ă la place des populations locales prĂ©cĂ©demment dĂ©portĂ©es en Iran. Les troupes de KakhĂ©tie et de Karthli unies mĂšnent une expĂ©dition contre les garnisons perses de Gandja et du Karabagh.
La contre-offensive iranienne ne tarde pas Ă sâorganiser et la nouvelle armĂ©e dâinvasion de 60 000 hommes commandĂ©s par le renĂ©gat Isa Khan, le propre gendre dâAbbas Ier, remporte le contre les 20 000 hommes des forces gĂ©orgiennes du Karthli et de la KakhĂ©tie rĂ©unis la coĂ»teuse victoire de Marabda prĂšs de la riviĂšre Algeti, oĂč pĂ©rissent 9 000 GĂ©orgiens et 14 000 Qizilbash[3].
Ă la fin de 1625, SaakadzĂ© met en dĂ©route les Iraniens prĂšs dâAspindza et sâempare des importantes forteresses dâAtskuri et de Khertvisi. Il invite alors Teimouraz Ier de KakhĂ©tie Ă prendre la couronne de Karthli et Ă unir de facto les deux principautĂ©s. SaakadzĂ© se retire ensuite dans les montages du Caucase oĂč il organise une puissante rĂ©sistance contre les forces du Chah et tue 12 000 soldats iraniens dans la vallĂ©e de la Ksani[4]. Abbas Ier sera finalement obligĂ© de reconnaĂźtre Teimouraz Ier comme roi de Karthli en 1629.
Bien quâau dĂ©but de lâannĂ©e 1626, Georges SaakadzĂ© expulse encore les garnisons iraniennes de plusieurs forteresses du Karthli, lâunitĂ© des GĂ©orgiens Ă©clate bientĂŽt du fait de lâopposition entre SaakadzĂ© et le roi Teimouraz Ier au sujet du contrĂŽle du gouvernement du Karthli. Le conflit se termine sur un champ de bataille fratricide prĂšs du lac Bazaleti Ă lâautomne 1626[5]. La victoire de lâarmĂ©e royale gĂ©orgienne oblige Georges SaakadzĂ© Ă sâexiler Ă Constantinople et Ă entrer au service du sultan Ibrahim Ier. SaakadzĂ© nâhĂ©site pas Ă revenir Ă lâislam et obtient le gouvernement de Konya. Il combat contre les Iraniens Ă Erzurum en 1627-1628 et au Samtskhe en 1628.
Cependant le Grand vizir Ekrem HĂŒsrev Pacha ne tarde pas Ă lâaccuser de trahison et le fait exĂ©cuter avec son fils aĂźnĂ© Avtandil et 40 personnes de son entourage gĂ©orgien le .
Union et descendance
Selon Cyrille Toumanoff, Georges SaakadzĂ© a Ă©pousĂ© Nino Sidamoni, fille Baadour Sidamoni et sĆur de Nougzar Ier Sidamoni, duc d'Aragvi, dont :
- Paata, exécuté comme otage en Iran en 1623 ;
- Avtandil, exécuté avec son pÚre par les Ottomans ;
- Vakhtang ;
- Kai-Khosrov ;
- Tarkhan, ancĂȘtre de la famille princiĂšre gĂ©orgienne des Tarkhan-Mouravi ;
- Béjan ou Agapet, abbé de Kvatakhevi (1643) ;
- Jotham ou Joram (1643-1663) ;
- Christophe, abbé de Kvatakhevi (1663) ;
- David, vers 1663 ;
- Schiosh, vers 1663, pÚre de Joseph Saakadzé, métropolitain de Tiflis (1662-1688) ;
- Djandier, vers 1663 ;
- Marie, Ă©pouse de Parad, Pacha d'Aspindza ;
- Ne, Ă©pouse de Schoschita II, duc de Ratcha (?-1684) ;
- Ne, épouse de Théïmouraz II de Mukhran ;
- Ne, épouse de Jessé II, duc de Ksani (1659-1675).
Notoriété posthume
Giorge SaakadzĂ© demeure un des personnages les plus populaires mais Ă©galement des plus controversĂ©s de lâhistoire de la GĂ©orgie. Lâhistoriographie traditionnelle, largement influencĂ©e par le prince Vakhoucht Bagration et Marie-FĂ©licitĂ© Brosset, le considĂšre comme un aventurier fĂ©odal, un ambitieux et un fauteur de troubles.
La premiĂšre tentative de rĂ©habilitation de Georges SaakadzĂ© est lâĆuvre de son petit-fils, le mĂ©tropolitain de Tiflis Joseph SaakadzĂ©, qui a Ă©crit sur lui un long poĂšme intitulĂ© « Le Grand Mouravi » (en gĂ©orgien ááááááŁá áááááá, didmouraviani, 1681-1687).
Les historiens nationalistes modernes soulignent le rĂŽle quâil a jouĂ© dans la mise en Ă©chec en 1625 du plan de Chah Abbas Ier de transformer lâest de la GĂ©orgie en un khanat qizilbash.
Les historiens dâobĂ©dience marxiste de la RĂ©publique socialiste soviĂ©tique de GĂ©orgie lâont prĂ©sentĂ© comme un hĂ©ros national populaire luttant contre les forces fĂ©odales et les impĂ©rialismes Ă©trangers. Ă l'Ă©poque de la Seconde Guerre mondiale, Staline lui-mĂȘme nâa pas hĂ©sitĂ© en 1940 Ă proclamer que « le Grand Mouravi avait Ă©tĂ© pour la GĂ©orgie un espoir dâunification et dâĂ©tablissement de lâabsolutisme royal visant Ă la liquidation du pouvoir des princes ». Ă une Ă©poque oĂč les films historiques et les biographies dâinspiration patriotiques sont trĂšs prisĂ©s en URSS, le metteur en scĂšne Michael Tchiaourelli[6] consacre en 1942-1943 un film Ă la gloire de Georges SaakadzĂ©[7].
Dans lâĂ©dition française de son Histoire de la GĂ©orgie de 1951, Alexandre Manvelichvili qualifie Georges SaakadzĂ© de « glorieux patriote »[8].
Notes et références
- Alexandre Manvelichvili, Histoire de la GĂ©orgie, Paris, Nouvelles Ăditions de la Toison d'Or, , 476 p., p. 286.
- Nodar Assatiani et Alexandre Bendianachvili, Histoire de la Géorgie, Paris, l'Harmattan, , 335 p. [détail des éditions] (ISBN 2-7384-6186-7, présentation en ligne), p. 188.
- En 1624 selon Marie-FĂ©licitĂ© Brosset, MatĂ©riaux pour servir Ă lâHistoire de la GĂ©orgie, p. 201.
- Nodar Assatiani et Alexandre Bendianachvili, op. cit., p. 190.
- Marie-Félicité Brosset, op. cit., p. 201.
- Ou Mikhail Chiaureli, metteur en scÚne géorgien.
- GĂ©rard Peron, Histoire du CinĂ©ma, Ăditions Gisserot, 2001 (ISBN 2877475573), p. 45.
- Alexandre Manvelichvili, op. cit., p. 290.
Voir aussi
Bibliographie
- Nodar Assatiani et Alexandre Bendianachvili, Histoire de la Géorgie, Paris, l'Harmattan, , 335 p. [détail des éditions] (ISBN 2-7384-6186-7, présentation en ligne), p. 185-190.
- Marie-Félicité Brosset, Histoire de la Géorgie depuis l'Antiquité jusqu'au XIXe siÚcle, partie 2 : Histoire moderne. Livraison 1, Adamant Media Corporation (ISBN 0543944808), p. 53-59 & 489-497.
- Alexandre Manvelichvili, Histoire de la GĂ©orgie, Paris, Nouvelles Ăditions de la Toison d'Or, , 476 p., p. 286-290.
- Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l'Antiquité jusqu'au XIXe siÚcle : Tables généalogiques et chronologiques, Rome, , p. 443-444.
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- (en) Giorgi Saakadze sur lâInternet Movie Database.