George Eliot
George Eliot, de son vrai nom Mary Ann (ou Mary Anne) Evans, est une romancière anglaise née le à Nuneaton et morte le dans le quartier de Chelsea, à Londres. Elle est considérée comme un des plus grands écrivains victoriens. Ses romans, qui se situent dans une Angleterre provinciale (les Midlands ruraux), sont connus pour leur réalisme et leur profondeur psychologique.
Nom de naissance | Mary Ann Evans |
---|---|
Alias |
George Eliot |
Naissance |
Nuneaton, Warwickshire, Royaume-Uni |
Décès |
Chelsea, Londres, Royaume-Uni |
Activité principale |
Ĺ’uvres principales
- Adam Bede (1859)
- Le Moulin sur la Floss (1860)
- Silas Marner (1861)
- Romola (1862-1863)
- Middlemarch (1871-1872)
- Daniel Deronda (1876)
Elle prit un nom de plume à consonance masculine afin que son œuvre soit prise au sérieux. Même si les autrices de cette période publiaient librement sous leur vrai nom, l'usage d'un nom masculin lui aurait permis de s'assurer que ses œuvres ne soient pas perçues comme de simples romans d'amour. L'autre facteur décisif a pu être le souhait d'être jugé séparément de son travail d'éditeur et de critique déjà reconnu et le désir de préserver sa vie privée des curiosités du public et notamment sa relation scandaleuse avec George Henry Lewes, un homme marié avec qui elle vécut plus de 20 ans.
Biographie
Mary Ann Evans est la troisième enfant de Robert Evans et Christiana Pearson. Son père, Robert Evans, est régisseur au château d'Arbury Hall, appartenant à la famille Newdigate (Warwickshire) et habite avec sa famille une ferme en bordure de la propriété. D'un précédent mariage de son père avec Harriet Poynton, Mary Anne a un demi-frère et une demi-sœur. Au début des années 1820, la famille déménage quelque part entre Nuneaton et Coventry.
Les débuts dans la vie sont difficiles, dans une société britannique aux classes sociales très hiérarchisées. La jeune Marian (contraction de Mary Anne) se révèle d'un caractère obstiné et ombrageux. Grâce à la position de son père dans le manoir, elle se voit autorisée à fréquenter la bibliothèque du château ; c'est là qu'elle fera son éducation dans les livres, à la lecture de Walter Scott, de Shakespeare. À treize ans, elle est envoyée dans une école de religieuses baptistes à Coventry, où elle apprend le français et découvre Pascal. Très vite, la religion prend une grande influence dans sa vie.
En 1836 sa mère meurt et Mary Anne rentre chez elle pour endosser son nouveau rôle de maîtresse de maison, mais elle continue ses études sous la houlette d'un précepteur et continue sa correspondance avec Maria Lewis, une de ses institutrices devenue son amie. Cependant, les contraintes de l'ère victorienne sont pesantes pour la jeune fille. Elle cherche fréquemment la compagnie de son frère Isaac qu'elle accompagne à Londres. Et lorsqu'Isaac se marie, elle emménage avec son père à Foleshill (en) près de Coventry. Là , son monde s'élargit, et Marian peut fréquenter d'autres cercles dans le clergé local ; elle fait la connaissance de Sara Hennell, gouvernante chez les Bonham-Carter, parents de Florence Nightingale. Elle se lie aussi avec le couple Charles et Cara Bray. Lui est un fabricant de rubans et consacre sa fortune à des projets philanthropiques et à construire des écoles. Sa première œuvre publiée est la traduction de David Strauss La vie de Jésus (1846).
Peu après la mort de son père, en mai 1848, elle part pour la Suisse avec les Bray. C'est à cette époque à Genève qu'elle se lie d'amitié pour les D'Albert-Durade. En février 1850, le peintre Alexandre-Louis-François Durade fait un portrait d'elle en plusieurs copies, dont l'original se trouve aujourd'hui à Londres à la National Portrait Gallery. Ils restent liés et le peintre sera également le traducteur de plusieurs de ses œuvres[1].
À son retour à Londres, elle séjourne quelque temps auprès de son frère et change son prénom pour Marian. C'est dès cette période que date son intention de vivre de sa plume. Elle s'installe chez John Chapman, l'éditeur de sa traduction de la Vie de Jésus. Chapman vient d'acheter le journal de gauche, The Westminster Review (en), et Marian devient son assistante en 1851. Marian est fascinée par cet homme, qui ne s'embarrasse pourtant pas du scandale puisqu'il vit entre sa femme et sa maîtresse laquelle habite sous son toit. Mais c'est aussi un homme cultivé, qui compte de nombreuses relations mondaines dans les milieux de l'édition, et Marian compte bien dans son ambition profiter de l'envergure d'un tel personnage. Ce n'est pas étonnant si, de manière discrète d'abord puis plus franchement, la jeune Marian s'éprend de son employeur. Dans le milieu littéraire londonien essentiellement masculin, elle étonne voire scandalise par sa présence. C'est cependant là qu'elle rencontre Herbert Spencer, qui est à l'époque une figure du milieu intellectuel. Il vient alors de publier Social Statics, il est rédacteur en chef de The Economist. Marian tombe éperdument amoureuse de lui, mais il la repousse.
Le philosophe et critique George Henry Lewes rencontre Marian Evans en 1851, et en 1854 ils décident de vivre ensemble. Lewes était alors marié à Agnes Jervis, mais gardait une pratique de libre union ; d'ailleurs, en plus des trois enfants du couple, Agnes en eut d'autres d'un autre homme (Thornton Hunt). Cette pratique ouverte de ce qui était considéré comme de l'adultère empêche Lewes de divorcer. En 1854, Marian et George voyagent ensemble en Allemagne, allant à Weimar et Berlin. Marian continue ses recherches sur la théologie en s'appliquant à la traduction de l'ouvrage de Ludwig Feuerbach L'essence du christianisme et de L'Éthique de Spinoza, restée inachevée.
Ce voyage en Allemagne fait aussi office de lune de miel pour le couple, et Marian accole le nom de Lewes au sien. L'adultère à cette époque n'était pas rare, mais le fait que le couple Lewes-Evans s'affiche ouvertement comme un couple en dehors des liens du mariage scandalise leur entourage. De retour en Angleterre, Marian se tient à l'écart des sociétés littéraires de Londres et se consacre désormais à devenir une romancière à part entière. Une volonté qu'elle affiche dans un de ses derniers billets pour le Review. Elle adopte le pseudonyme de George Eliot.
En 1857 Amos Barton, le premier volet des Scenes of Clerical Life (Scènes de la vie du clergé), est publié dans le Blackwood's Magazine et fut très bien reçu. Son premier roman, publié en 1859, s'intitule Adam Bede et fut un succès immédiat, mais très vite l'intérêt se porta sur l'identité réelle de l'auteur, que l'on pensait être pasteur, ou femme de pasteur. Après la parution d'Adam Bede, on en attribua la paternité à Joseph Liggins. Finalement, la vraie George Eliot révéla son identité : c'était elle, Marian Evans Lewes, qui en était l'auteur.
La maison où George Eliot mourut, no 4 Cheyne Walk à Chelsea, possède une blue plaque commémorative depuis 1949[2].
Œuvre littéraire
En 1856, George Eliot publie une étude sur la publication en cinq volumes de John Ruskin sur les peintres modernes. Elle publie son premier roman en 1859. Ses œuvres romanesques Adam Bede, Le Moulin sur la Floss et Silas Marner sont des écrits politiques. Dans Middlemarch, elle raconte l'histoire des habitants d'une petite ville anglaise, à la veille du projet de Loi de Réforme de 1832. Le roman est remarquable par sa profonde perspicacité psychologique et le caractère sophistiqué des portraits.
Sa description de la société rurale séduit un large public. Elle partage avec William Wordsworth, le goût du détail de la vie simple et ordinaire de la vie à la campagne.
Avec Romola, roman historique publié en 1862, George Eliot situe son récit à la fin du XVe siècle à Florence. Il est basé sur la vie du prêtre italien Girolamo Savonarola[3].
Postérité
Son œuvre est remarquée par Virginia Woolf en 1919[4] qui écrit à propos de Middlemarch : « One of the few English novels written for grown-up people » (« L’un des rares romans anglais écrits pour les grandes personnes »). En France, Albert Thibaudet, Marcel Proust, André Gide, Charles Du Bos reconnaissent son talent[5].
En 1994, le critique littéraire Harold Bloom place George Eliot parmi les écrivains occidentaux les plus importants de tous les temps[6]. En 2007, dans un sondage publié par The Times, Middlemarch est élu dixième plus grande œuvre littéraire jamais écrite[7].
De nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision font connaître l’œuvre de George Eliot auprès d'un large public. En 2018, l'historienne française Mona Ozouf rend hommage à George Eliot et fait le parallèle avec une autre écrivaine, George Sand[8].
L'autrice de comic strip Jan Eliot a pris ce nom de plume en hommage Ă George Eliot[9]
Ĺ’uvres
Romans
- Adam Bede, Londres : Blackwood, 1859. - traduction en français lire en ligne sur Gallica - traduction de François d’Albert-Durade, revue et préfacée par Dominique Jean, Paris : Archipoche, 2022.
- The Mill on the Foss, Le Moulin sur la Floss, Londres : Blackwood, 1860 - traduction en français lire en ligne sur Gallica et lire en ligne sur Gallica - texte présenté, traduit et annoté par Alain Jumeau, Paris : Gallimard, 2003 (ISBN 978-2-0704-2627-0)
- Silas Marner, the Weaver of Raveloe, 1861 - traduction en français lire en ligne sur Gallica - Silas Marner, le tisserand de Raveloe, préface inédite de Marie Darrieussecq, traduction de Pierre Leyris, révisée par Alain Jumeau, Paris : Gallimard, 2023.
- Romola, 1862-1863 [lire en ligne]
- Felix Holt, the Radical (en), roman industriel, 1866 [lire en ligne]
- Middlemarch, 1871-72 - traduction en français lire en ligne sur Gallica
- Daniel Deronda, 1876, vol. 1 et 2, texte présenté, traduit et annoté par Alain Jumeau, Paris : Gallimard, 2010
Poésie
- The Choir Invisible, 1867.
- The Spanish Gypsy (poème dramatique), 1868 [lire en ligne]
- Agatha, 1869 [lire en ligne]
- Brother and Sister, 1869 [lire en ligne]
- How Lisa Loved the King, 1869.
- Armgart, 1871 [lire en ligne]
- Stradivarius, 1873 [lire en ligne]
- The Legend of Jubal, 1874 [[ lire en ligne]]
- Arion, 1874 [[ lire en ligne]]
- A Minor Prophet, 1874 [lire en ligne]
- A College Breakfast Party, 1879
- The Death of Moses, 1879 [lire en ligne]
- From a London Drawing Room
- Count That Day Lost
- I Grant You Ample Leave
Autres Ĺ“uvres
- Scènes de la vie cléricale (Scenes of Clerical Life), 1857
- Tribulations du révérend A. Barton (The Sad Fortunes of the Rev. Amos Barton)
- Mr Gilfil's Love Story
- La Conversion de Jeanne (Janet's Repentance) - Texte sur Gallica
- Le Voile soulevé (The Lifted Veil (en)), 1859
- Brother Jacob, 1864
- Impressions of Theophrastus Such (en), 1879
Œuvres dérivées
Adaptations cinématographiques
- Silas Marner
- 1909 : A Fair Exchange réalisé par David W. Griffith
- 1911 : Silas Marner réalisé par Theodore Marston
- 1913 : Silas Marner réalisé par Charles Brabin
- 1916 : Silas Marner réalisé par Ernest C. Warde
- 1920 : Are Children to Blame? réalisé par Paul Price
- 1922 : Silas Marner réalisé par Frank P. Donovan
Éditions en ligne, traductions françaises
Listes
Ĺ’uvres
- (en) George Eliot, The Mill on the Floss, Forgotten Books, , 474 p. (lire en ligne)
- (en) George Eliot, MiddleMarch, Forgotten Books, , 908 p. (lire en ligne)
- (en) George Eliot, Sylas Marner and Scenes of Clerical Life, Fields, Osgood, , 332 p. (lire en ligne)
- (en) George Eliot, Romola, Harper & brothers, (lire en ligne) (volume V de Novels of George Eliot)
- (en) George Eliot, Adam Bede, Felix Holt, and Scenes of clerical life, Fields, Osgood, (lire en ligne) (volume 1 de Novels of George Eliot)
- Traductions françaises
- George Eliot (trad. M.-J. M.), Middlemarch, Calmann LĂ©vy, (lire en ligne) sur Wikisource
- George Eliot (trad. A.-F. D'Albert-Durade), Romola ou Florence et Savonarole, t. 1, Hachette, , 326 p. (lire en ligne)
- George Eliot (trad. Auguste Malfroy), Silas Marner, le tisserand de Raveloe, Paris, Hachette, , 338 p. (lire en ligne) (Google Books)
- George Eliot (trad. Ernest David), Daniel Deronda, vol. 2, Paris, Calmann LĂ©vy, (lire en ligne) (Google Books)
- Felix Holt, le radical (trad., éd. : Alain Jumeau), Préface de Mona Ozouf, Gallimard, Folio classique (n° 6817), 2021, (ISBN 9782072858505), [lire en ligne]
Notes et références
- Valérie Fehlhbaum, « Qui est cette femme? », notice sur le tableau intitulé "M.-A. Evans" (George Eliot), sur Bibliothèque de Genève Le Blog, (consulté le ).
- (en) « George Eliot Blue Plaque, Chelsea », sur openplaques.org (consulté le )
- Martin Bidney, A Companion to the Victorian Novel, Westport, Greenwood Press, , 100–101 p., « Philosophy and the Victorian Literary Aesthetic »
- Woolf, Virginia. "George Eliot." The Common Reader. New York: Harcourt, Brace, and World, 1925. pp. 166–76.
- Jean-Louis Tissier, « Une voix de George », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Bloom, Harold. 1994. The Western Canon: The Books and School of the Ages. p. 226. New York: Harcourt Brace.
- Lev Grossman, « The 10 Greatest Books of All Time », TIME,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Ozouf, Mona., L'autre George : Ă la rencontre de George Eliot, Paris, Gallimard, 242 p. (ISBN 978-2-07-280202-7 et 2072802024, OCLC 1055833680, lire en ligne)
- Washington Post chat transcript, 24 octobre 2003.
Voir aussi
Bibliographie
- Price Leah (trad. Valérie Cossy), « Genre et lectorat : le cas de George Eliot », Nouvelles Questions Féministes (Vol. 22),‎ , p. 28-41 (lire en ligne)
- Mona Ozouf, L’Autre George. A la rencontre de George Eliot, Paris, Gallimard, , 256 p. (ISBN 978-2-07-280202-7)
- Nicole Blachier, Le monde provincial et sa présentation dans les romans de George Eliot (1819-1880) - thèse 3è cycle, faculté des langues et lettres de Grenoble 1974 - 2 volumes (un livret de photos et vues sur la vie de l'écrivain)
Liens externes
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- Store norske leksikon
- Treccani
- Universalis
- VisuotinÄ— lietuviĹł enciklopedija
- « À la découverte de George Eliot » avec Mona Ozouf, émission de France culture du 10/11/2018 : Répliques par Alain Finkielkraut, site consulté le
Crédit d'auteurs
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « George Eliot » (voir la liste des auteurs).