Gazauto
Gazauto est la marque déposée d'un gazogène au charbon de bois, breveté par M. Libault en 1936[1].
Concept et prototype
Pendant la guerre 1914-1918, M. Libault voit pour la première fois un véhicule équipé au gazogène. Cela lui donne l’idée une fois rentré de s’intéresser au procédé et de l’améliorer. Il faut d’abord choisir quel combustible employer, les gazogènes pouvant fonctionner au bois, au charbon de bois, ou charbon. Son désir de trouver une source d’énergie vraiment locale le fait opter pour le bois et le charbon de bois. La Nièvre est en effet un département dont près d’un tiers du sol est occupé par la forêt. M. Libault effectue des essais comparatifs entre alimentation au bois et au charbon de bois qui l’amènent à choisir le charbon de bois.
Il remarque, en effet, que le gazogène à bois nécessite une épuration parfaite de l’eau et des goudrons produits par la combustion, et que celle-ci ne peut se faire que dans un appareillage encombrant, lourd et aussi coûteux. D’autre part, si le bois est relativement bon marché, la manutention, le sciage en petits morceaux, le stockage pour le sécher en font un combustible plus cher que le charbon de bois.
Le charbon de bois est plus facile à transporter puisque pour remplacer 5 litres d’essence, il faut compter 12 kilogrammes de bois ou 6 kilogrammes de charbon de bois. Un gazogène à charbon de bois est donc progressivement mis au point avec les caractéristiques suivantes, qui sans cesse améliorées, vont en faire l’un des meilleurs gazogènes à charbon de bois :
- foyer en acier spécial supprimant les garnitures réfractaires ;
- tuyère infusible à refroidissement par air, résistant aux hautes températures du foyer, avec clapet d’aspiration d’air empêchant à l’arrêt les retours de flamme ;
- cendrier-grille assurant une marche parfaite pendant une longue distance, et ceci sans nettoyage du foyer. Ce dispositif supprime ainsi la perte de puissance provoquée par la dépression exagérée dans le générateur due à la formation des cendres et mâchefers au bout d’un certain kilométrage ;
- épurateur à triple effet assurant : la déshumidification du gaz, la précipitation des grosses poussières, l’épuration définitive et absolue des gaz sur tissus spéciaux. Un dispositif de montage de ces tissus sur cadres élastiques permet un nettoyage presque automatique de ceux-ci ;
- mélangeur à réglage d’air automatique, véritable carburateur à gaz, permettant la marche au gaz sans qu’il soit nécessaire de régler l’air à chaque instant.
Ce gazogène, intitulé par M. Libault « Le Gazauto », permet donc un allumage rapide, un départ instantané et un long parcours sans nettoyage du foyer ni de l’épuration. Et quand ce travail est nécessaire, il s’accomplit en quelques minutes et sans effort. Enfin, le rechargement de la trémie se fait aussi rapidement que le remplissage d’un réservoir à essence et sans arrêt du moteur, par une porte de grand diamètre, dont la fermeture étanche s’opère automatiquement, par quelques tours de vis.
La mise au point du Gazauto est pratiquement terminée en 1936. Il est à noter que ce gazogène fut mis au point sans ingénieur et sans bureau d’études par des personnes ayant un sens inné de la mécanique, progressant par essais successifs. Ainsi, un véritable instinct de la solution idéale permit à M. Libault et à son équipe de trouver la forme et la composition de la tuyère infusible.
Brevets
Le , M. Libault dépose son premier brevet concernant le Gazauto au charbon de bois. Il porte sur le montage d’ensemble et s’intitule « Perfectionnements aux installations et notamment aux gazogènes, aux épurateurs et aux mélangeurs utilisés pour l’alimentation des moteurs ». Les principaux éléments du montage sont repris dans des brevets ultérieurs.
Le est déposé le brevet concernant « la tuyère perfectionnée »[2]. Le , c’est « l’épurateur à dépoussiérage automatique », et le « le refroidisseur-dépoussiéreur auto-régulateur de température à réglage thermostatique ».
le « le mélangeur ».
La recherche concernant le gazogène à bois et à charbon n’est pas pour autant abandonnée puisque le , M. Libault dépose son brevet concernant le « gazogène perfectionné pour combustibles minéraux »,
le son brevet concernant « le générateur polycombustible de gaz pauvre » et le son brevet concernant des « perfectionnements aux gazogènes à bois ».
La plupart de ces brevets seront déposés dans des pays étrangers[1]. Ainsi le brevet principal du en Allemagne, Autriche, Espagne, Italie, Portugal. Le Gazauto sera construit sous licence dans de nombreux pays.
Essais officiels
- Le
- un Gazauto est essayé à la Station Centrale d'Essais des Machines du ministère de l'Agriculture.
Le résultat est concluant : le gazogène a consommé 0,456 kg de charbon de bois par cheval-heure développé sur l'arbre moteur à la puissance de 36,5 ch et 1 304 tr/min, bien que la fermeture imparfaite du gazogène ait pu accidentellement, pendant 10 min environ, provoquer une baisse sensible de puissance. Le poids du charbon de bois consommé à l'heure étant de 16,63 kg.
- En juin-
- un autre essai officiel est fait par la Commission d’Expériences de l’Armée. Les essais sont effectués sur un camion Rochet-Schneider type 420, pesant 10 t en charge. La distance parcourue est de 3 088 km sur le circuit Vincennes-Jossigny, particulièrement difficile en raison de ses cent virages et ses côtes à pourcentage important. L’expérience dure 72 heures à une vitesse moyenne de 43,08 km/h. La consommation de charbon est de 42,400 kg. La côte de Torcy (800 m à 6 %) est montée en 35 s, le plat de Jossigny (500 m en lancé) est effectué en 28 s. L’armée satisfaite de cet essai achète le camion.
Économie du Gazauto
Un Gazauto non monté coûte de 8 000 à 10 000 francs.
Le procédé est économique, car si l’on prend un camion de 5 à 6 tonnes d’une marque quelconque, l’équipement complet au Gazauto de ce véhicule coûte en moyenne de 10 à 15 000 francs.
Ce camion consomme aux 100 kilomètres :
- à l’essence : 40 litres à 2,50 F = 100 F ;
- au Gazauto : 50 kilogrammes de charbon de bois à 600 F la tonne, soit 30 F + 2 F d’essence pour les départs = 32 F.
Cela représente une économie de 68 F aux 100 kilomètres à laquelle viennent s’ajouter la diminution des primes d’assurance et la suppression de toutes les taxes au poids, à l’encombrement, municipales, ainsi que la taxe de circulation interdépartementale qui s’élève à 500 francs par tonne de poids total pour les camions et 125 francs par place pour les cars.
Si donc ce véhicule roule 100 kilomètres par jour, et 25 jours par mois, un rapide calcul montre que l’amortissement est très rapide, cinq mois au maximum. Or la durée d’un gazogène est longue, certains appareils fonctionnent cinq ans sans aucune usure.
DĂ©veloppement industriel
La clientèle vient de toute la France jusqu’à Plagny (Nièvre). De grandes marques, telles Michelin, Byrrh, Suze, Gervais, Nestlé-Graff, Les Malteries Franco-Belges, font équiper leurs camions de Gazauto ; de même, des administrations telles la SNCF, et la Ville de Paris.
La réussite du Gazauto est concrétisée par son adoption dès 1936 par deux grandes marques de camions : Rochet-Schneider et Saurer, qui le monte sur leurs véhicules neufs. Mais jusqu’en 1939, le gazogène n’a pas l’essor qu’il mérite et ceci s’explique par le seul fait que, l’essence étant disponible partout et à des prix abordables, les usagers hésitent à changer leurs habitudes, d’autant que certaines réalisations trop hâtives ont fait régner quelques doutes sur les résultats pratiques à attendre de la technique du gazogène dont on souligne les inconvénients en négligeant les avantages. La déclaration de guerre en et les mois de « drôle de guerre » qui suivent font apparaitre le problème sous un jour nouveau. L’essence doit être réservée aux besoins militaires et est donc contingentée. Des décrets des et indiquent que seuls les véhicules à gazogènes sont autorisés à circuler librement. L’emploi du gazogène devient donc une nécessité.
Fin 1940, l’inventeur du Gazauto aménage son usine, qui emploie 110 ouvriers pour produire en série. Il sort environ 5 Gazauto par jour. Cette production peut sembler faible, mais il faut considérer que tous les éléments sont façonnés et soudés sur place. Ces appareils sont soit montés sur place, soit envoyés à un réseau d’agents. Dès 1940, dans la zone non occupée, on compte plus de 250 agents et sous-agents monteurs du Gazauto, dans plus de 40 départements y compris l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Afrique française, l’Indochine, le Laos, le Cambodge. Les établissements Libault ne peuvent plus assurer seuls la production tellement les carnets de commande sont chargés. Le Gazauto est donc construit sous licence par plusieurs grandes entreprises dont Gazo-Industrie qui fabrique des Gazauto à charbon de bois, mais aussi à charbon.
Neuf types de Gazauto sont déterminés permettant ainsi au gazogène de s’adapter sur tous les véhicules existants. Un effort particulier est accompli en ce qui concerne l’esthétique et l’intégration du Gazauto dans la carrosserie des voitures, faisant de ce montage un modèle du genre. Ainsi la Nervastella Renault dont le générateur est camouflé dans la malle arrière, l’épurateur dans un faux cache de roue de secours et le refroidisseur sous le châssis.
Notes et références
- Le Gazauto, sur blogspot.fr, consulté le 15 avril 2017
- Le Gazauto, inventé à Sermoise, sur lasermoisienne.fr, consulté le 5 juin 2017
Articles connexes
Lien externe
- Le Gazauto (plusieurs photos et documents)