Gaspar Gratiani
Gaspar Gratiani, Graziani ou Grazziani (né vers 1575 / 1580 assassiné le ) est un gentilhomme de fortune vénitien, né en Dalmatie, qui a été prince de Moldavie de 1619 à 1620. La monarchie était élective dans les principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, comme en Transylvanie et en Pologne voisines : le prince (voïvode, hospodar ou domnitor selon les époques et les sources) était élu par (et souvent parmi) les boyards : pour être nommé, régner et se maintenir, il s'appuyait sur les partis de boyards et fréquemment sur les puissances voisines, habsbourgeoise, polonaise, russe et surtout ottomane, car jusqu'en 1859 les deux principautés étaient vassales de la « Sublime Porte » ottomane dont elles étaient tributaires[1].
Biographie
Gaspar Gratiani (Graziani) entre au service de plusieurs cours européennes du fait de sa connaissance des langues et effectue des missions diplomatiques auprès de l’Empire ottoman.
Également très apprécié du gouvernement de la « Sublime Porte » il est nommé Drogman. Pour le remercier de ses bons services le doge de Venise lui accorde le titre de duc de Naxos et de Paros en 1616. Ainsi intégré parmi les Phanariotes, et vu sa loyauté envers les Ottomans, il entrevoit la possibilité d‘obtenir le trône de Moldavie, car à cette époque, l'élection des princes moldave et valaque par le Conseil des boyards (Sfatul domnesc) compte de moins en moins face à l'agrément du candidat par le Sultan ottoman et son entourage, de sorte que les trônes des principautés roumaines se jouent de moins en moins à Bucarest et à Jassy, et de plus en plus à Constantinople. Il se convertit alors rapidement du catholicisme au christianisme orthodoxe et il est nommé prince de Moldavie en remplacement de Radu Mihnea le .
Une fois en place, Gaspar Graziani commence à négocier une alliance avec le roi Sigismond III de Pologne qui envisageait une action militaire contre la puissance turque. Après la défaite des troupes polonaises à la bataille de Țuțora, il tente de se réfugier en Pologne mais il est assassiné dans le village de Branistea par deux boyards fidèles au prince Alexandru IV Iliaș, lui-même vassal fidèle des Ottomans. Iliaș succède à Gratiani sur le trône.
Notes
- Le candidat au trône devait ensuite "amortir" ses "investissements" par sa part sur les taxes et impôts, verser en outre le tribut aux Ottomans et s'enrichir néanmoins. Pour cela, un règne d'au moins un an était nécessaire, mais la "concurrence" était rude, certains souverains ne parvenaient pas à se maintenir assez longtemps sur le trône, et devaient réessayer. Cela explique la brièveté de beaucoup de règnes, les règnes interrompus et repris, et parfois les règnes à plusieurs (co-princes). En fait, le gouvernement était assuré par le Mare Vornic (premier ministre), ses ministres (spatar-armée, vistiernic-finances, paharnic-économie, logofat-intérieur... approximativement) et par le Sfat domnesc (conseil des boyards).
Concernant le tribut aux Turcs, la vassalité des principautés roumaines envers l'Empire ottoman ne signifie pas, comme le montrent par erreur beaucoup de cartes historiques, qu'elles soient devenues des provinces turques et des pays musulmans. Seuls certains territoires moldaves et valaques sont devenus ottomans : en 1422 la Dobrogée au sud des bouches du Danube, en 1484 la Bessarabie alors dénommée Boudjak, au nord des bouches du Danube (ce nom ne désignait alors que les rives du Danube et de la mer Noire), en 1538 les rayas de Brăila alors dénommée Ibrahil et de Tighina alors dénommée Bender, et en 1713 la raya de Hotin. Le reste des principautés de Valachie et Moldavie (y compris la Moldavie entre Dniestr et Prut qui sera appelée Bessarabie en 1812, lors de l'annexion russe) ont conservé leurs propres lois, leur religion orthodoxe, leurs boyards, princes, ministres, armées et autonomie politique (au point de se dresser plus d'une fois contre le Sultan ottoman). Les erreurs cartographiques et historiques sont dues à l'ignorance ou à des simplifications réductrices. Voir Gilles Veinstein et Mihnea Berindei : L'Empire ottoman et les pays roumains, EHESS, Paris, 1987.
Bibliographie
- Alexandru Dimitrie Xenopol Histoire des Roumains de la Dacie trajane : Depuis les origines jusqu'à l'union des principautés. E Leroux Paris (1896)
- Nicolas Iorga Histoire des Roumains et de la romanité orientale. (1920)
- (ro) Constantin C. Giurescu & Dinu C. Giurescu, Istoria Românilor Volume III (depuis 1606), Editura Ştiinţifică şi Enciclopedică, Bucureşti, 1977.
- Jean Nouzille La Moldavie, Histoire tragique d'une région européenne, Ed. Bieler, (ISBN 2-9520012-1-9).
- Gilles Veinstein, Les Ottomans et la mort (1996) (ISBN 9004105050).
- Joëlle Dalegre Grecs et Ottomans 1453-1923. De la chute de Constantinople à la fin de l’Empire Ottoman, L’Harmattan Paris (2002) (ISBN 2747521621).