Frederick Lugard
Frederick John Dealtry Lugard ( – ), 1er baron Lugard, était un officier britannique, un explorateur de l'Afrique et un administrateur colonial – gouverneur de Hong Kong (1907-1912) puis gouverneur général du Nigéria (1914-1919). Il fut un praticien et l'un des plus connus parmi les théoriciens de l'Indirect rule (« gouvernement indirect ») en matière coloniale.
Gouverneur général du Nigéria (d) | |
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Gouverneur du Nigéria du Nord (en) | |
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Charles Lindsay Temple (en) | |
Gouverneur de Hong Kong | |
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Francis Henry May (en) | |
Gouverneur du Nigéria du Nord (en) | |
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Percy Girouard (en) | |
Membre du Conseil privé du Royaume-Uni | |
Membre de la Chambre des lords |
Naissance | |
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Décès |
(Ă 87 ans) Dorking |
Nationalité | |
Formation |
Collège royal militaire de Sandhurst Rossall School (en) |
Activités | |
Père |
Frederick Grueber Lugard (d) |
Mère |
Mary Jane Howard (d) |
Fratrie |
E.J. Lugard (d) |
Conjoint |
Flora Shaw (Ă partir de ) |
Parti politique | |
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Arme | |
Grade militaire | |
Conflit | |
Distinctions |
Le très honorable |
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Au service de la colonisation britannique
Fils d'un aumônier militaire, Lugard naquit à Madras, en Inde, en 1858. Il étudia à l'Académie royale militaire de Sandhurst et commença en 1878 une carrière dans l'armée coloniale britannique. Il participa à plusieurs campagnes : en Afghanistan (1879-1880), au Soudan (1884-1885) et en Birmanie (1886-1887). En 1888, il mena une expédition organisée par les colons britanniques du Nyasaland contre des trafiquants d'esclaves arabes et fut gravement blessé. L'année suivante, il entra au service de la British East Africa Company pour laquelle il explora le bassin du fleuve Sabaki, au Kenya. En 1890, il partit assurer la domination britannique en Ouganda, dont il fut l'administrateur militaire pendant deux ans (1890-1892). Il chassa du territoire avec une poignée de soldats soudanais les Pères blancs et Mgr Hirth de ses missions au profit des Anglicans. Ce dernier s'installa en Afrique orientale allemande.
Rentré en Angleterre en 1892, il convainquit le premier ministre William Gladstone de renforcer la présence britannique en Ouganda. En 1894, Lugard repartit en Afrique, cette fois pour défendre les intérêts de la Royal Niger Company au Nigéria, en particulier contre la concurrence française. Après une expédition au Botswana pour le compte de la British West Charterland Company (1896-1897), il revint au Nigéria avec pour mission de constituer une troupe indigène destinée à protéger les intérêts britanniques dans l'arrière-pays de Lagos. Il fut le premier commandant de la West African Frontier Force, corps d'armée conçu pour empêcher toute ingérence française au Nigéria[1], ce à quoi s'attela Lugard de 1897 à 1899. Après le règlement du différend colonial franco-britannique, la question perdit de son importance[2].
Un administrateur colonial habile
Lugard quitta son commandement militaire pour devenir haut-commissaire du Protectorat du Nigeria du Nord, de 1900 à 1906. Quand il prit ses fonctions, la domination britannique dans la région était plus théorique que réelle. Il s'efforça d'organiser l'administration coloniale de ce vaste territoire en dépit de l'hostilité du sultan de Sokoto et d'autres chefs peuls. Il y eut des opérations militaires durant toute cette période pour soumettre les populations indigènes, notamment en 1903 et 1906.
Il dirigea une opération militaire contre le village révolté de Satiru, au cours de laquelle 2 000 rebelles furent tués. Les prisonniers furent exécutés et leurs têtes plantées sur des piques[3].
En 1902, Lugard épousa Flora Shaw, journaliste de grande influence au Times, spécialiste des affaires coloniales, ce qui contribua à l'influence de Lugard sur la politique coloniale britannique et à sa célébrité ultérieure dans les milieux de l'administration coloniale[4].
Durant son mandat de gouverneur de Hong Kong (1907-1912), il proposa vainement de rétrocéder Weihaiwei à la Chine en échange d'une cession à perpétuité des Nouveaux Territoires. Lugard œuvra aussi à la naissance de l'Université de Hong Kong, en 1911, en dépit des réticences du Colonial Office et des hommes d'affaires implantés à Hong Kong.
En 1912, Lugard retourna en Afrique comme gouverneur des deux protectorats du Nigeria (Nord et Sud) avec pour mission de les fusionner en une colonie unique. Cette fusion fut controversée parmi les milieux coloniaux de Lagos mais ne rencontra guère d'opposition dans le reste du pays.
De 1922 à 1936, Frederick Lugard fut le représentant de la Grande-Bretagne à la Commission des Mandats de la Société des Nations.
Un théoricien du gouvernement indirect (indirect rule)
En 1922, Lugard publia ses réflexions dans un livre intitulé The Dual Mandate in British Tropical Africa, ouvrage immédiatement traduit dans plusieurs langues et qui érigea Lugard en autorité incontestée en matière d'administration coloniale[4]. Il y défendait une politique de gouvernement indirect (indirect rule) pour les colonies africaines. Lugard justifiait la domination coloniale au nom de la propagation du christianisme et de la lutte contre la barbarie. L'État britannique devait s'impliquer selon lui dans la colonisation pour protéger non seulement les missionnaires mais aussi les chefs locaux et les populations autochtones aussi bien des guerres tribales que des ambitions étrangères. À ce titre, il estimait nécessaire que la Grande-Bretagne assure sa domination sur les terres vacantes avant que d'autres puissances coloniales, comme l'Allemagne, le Portugal ou la France ne s'en emparent. La colonisation, par l'exportation des matières premières, l'imposition des indigènes et l'utilisation de leur travail peu onéreux, devait contribuer à l'enrichissement de la Grande-Bretagne. Il lui fallait conserver ses colonies pour demeurer une grande puissance.
Pour ce faire, Lugard poussait au maintien de chefs indigènes pour l'administration locale. Confier des responsabilités aux autochtones aux échelons intermédiaires du pouvoir présentait pour lui l'avantage de diminuer les risques de révoltes, les indigènes préférant obéir à des gens leur ressemblant, parlant leur langue et partageant leurs coutumes. Cette pratique de gouvernement indirect, qui permettait de contrôler la colonie avec un effectif militaire et administratif réduit, rencontra un certain succès, par exemple au Nord-Nigéria, laboratoire de sa politique d'Indirect Rule : « une fois les émirs les plus hostiles écartés, Lord Lugard laissa en place l'édifice politique, judiciaire et religieux hérité de l'empire musulman de Sokoto »[5]. Lugard choisit ainsi de décourager les volontés missionnaires chrétiennes issues de la métropole, considérant que l'islam était une religion à la fois trop bien implantée pour être délogée et particulièrement adaptée à la direction de peuples « semi-civilisés ». Il était donc nécessaire de préserver au mieux le Nord-Nigéria des influences déstabilisatrices en matière religieuse. Ainsi, les missionnaires n'étaient autorisés à s'y rendre qu'à la demande expresse des émirs. L'enseignement coranique y fut maintenu, le développement d'une scolarisation de type occidental freiné[5].
Ĺ’uvres
En 1893, Lugard publia The Rise of our East African Empire, ouvrage partiellement autobiographique. Il fut l'auteur de plusieurs rapports relatifs au Nigéria pour le Colonial Office. Son œuvre principale, The Dual Mandate in British Tropical Africa, fut publiée en 1922.
Notes et références
- Isabelle Surun (dir), Les sociétés coloniales à l'âge des Empires (1850-1960), Atlande, 2012, p. 78.
- Dans Le Niger, voie ouverte à notre empire africain (1905), voici comment le capitaine français Eugène Lenfant décrit Lugard, qu'il avait rencontré lors de sa mission sur le Niger : « Mon interlocuteur est un homme de taille moyenne, sec, et qui paraît absolument grillé par le soleil ; il compte actuellement dix-neuf années de séjour au Soudan. Le général Lugard parle fort peu ; c'est un homme instruit, très perspicace et très aimable, doublé d'un administrateur énergique et judicieux. » Le Niger voie ouverte à notre empire africain par le capitaine Eugène Lenfant (1905)
- Bruce Vandevort, Wars of Imperial Conquest in Africa, 1830–1914, UCL Press, 1998, page 652
- Sylvie Aprile et Michel Rapoport (dir), Le monde britannique, 1815-(1914)-1931, Atlande, 2010, p. 238
- Bernard Salvaing, « Colonisation, islam et christianisme en Afrique noire », in Dominique Borne et Benoît Falaize (dir), Religion et colonisation, Atelier, 2009, p. 119