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Foudre en boule

La foudre en boule, ou foudre globulaire, est un phĂ©nomĂšne mĂ©tĂ©orologique rare restant inexpliquĂ©. Il s'agit d'une sphĂšre lumineuse d’une vingtaine de centimĂštres qui apparaĂźt au cours d’un orage. Les connaissances Ă  son sujet sont trĂšs fragmentaires : le phĂ©nomĂšne n’a pu ĂȘtre reproduit expĂ©rimentalement qu’en 2007.

Gravure du XXe siÚcle de Louis Poyet (La Nature - Année 1901, p. 361) illustrant le phénomÚne de foudre en boule.

Description

Boule de feu descendant dans une habitation par le Dr G. Hartwig, Londres, 1886.

L’apparition de la foudre en boule peut avoir lieu aprĂšs celle d’un Ă©clair. Elle est gĂ©nĂ©ralement jaune tirant vers le rouge, mĂȘme si elle peut ĂȘtre bleue, verte ou blanche. Elle est souvent accompagnĂ©e de crĂ©pitements ou d’un sifflement aprĂšs le tonnerre et d’une odeur d’ozone, de soufre ou d’oxyde nitrique. Son diamĂštre varie gĂ©nĂ©ralement de vingt Ă  quarante centimĂštres et sa durĂ©e de vie varie entre une et cinq secondes. Elle peut rester immobile ou bien se dĂ©placer horizontalement Ă  une vitesse de quelques mĂštres par seconde, avec un mouvement de rotation sur elle-mĂȘme. Les boules de foudre se montrent souvent sensibles aux champs Ă©lectromagnĂ©tiques, attirĂ©es par les fils et les prises Ă©lectriques, ou encore les voitures. Une boule de foudre peut s’éteindre de deux maniĂšres. Le premier mode est explosif, rapide et accompagnĂ© d’un bruit violent. Le second est une extinction silencieuse dont la durĂ©e est variable. La luminositĂ© de la boule peut ĂȘtre trĂšs forte ou au contraire faible, tandis que sa tempĂ©rature peut atteindre les 1 700 °C. Cependant, dans son sillage, la tempĂ©rature ne dĂ©passe pas 60 °C d’aprĂšs certains tĂ©moignages. Des tĂ©moins rapportent mĂȘme en avoir vu traverser des avions ou encore des fenĂȘtres ou des murs ; ou encore aprĂšs un Ă©vĂ©nement orageux intense et prĂ©alablement Ă  une grĂȘle de trĂšs fort calibre (huit centimĂštres de diamĂštre environ) ; lors d'une pĂ©riode de forte humiditĂ© de l'air, durant prĂšs de deux heures, Ă  intervalles de dix minutes environ ; des boules de foudre de quelques centimĂštres de diamĂštre, suivies d'un panache trĂšs lumineux de plusieurs mĂštres, se dĂ©plaçant Ă  faible allure sur des trajectoires presque rectilignes, parallĂšlement au sol, Ă  quelques mĂštres de l'observateur et avec une persistance d'une minute au moins Ă  chaque fois.

En 2013, des scientifiques chinois parviennent Ă  enregistrer une boule de feu sur le terrain (boule d'un diamĂštre apparent de 5 mĂštres, se dĂ©plaçant horizontalement Ă  30 km/h et ayant un spectre qui indique qu'elle contient notamment du silicium, du calcium et du fer, les mĂȘmes Ă©lĂ©ments que dans le sol) Ă  l'aide de camĂ©ras vidĂ©os et de spectrographes observant un orage[1].

Théories

Concernant ce phénomÚne, on possÚde trÚs peu de connaissances, fondées principalement sur des témoignages. On ne sait donc pas encore comment la foudre en boule se crée, mais il existe différentes théories.

Tout d’abord, la thĂ©orie du modĂšle chimique explique que, puisque les boules de foudre apparaissent en gĂ©nĂ©ral pendant un violent orage, un impact de foudre a lieu. En frappant le sol, il vaporise des particules de silicium en train de brĂ»ler, d’oxygĂšne et de carbone qui s’associent entre elles pour former de longues chaĂźnes. Ces filaments qui brĂ»lent lentement ont tendance Ă  se replier sur eux-mĂȘmes pour former des boules (cf. analogie avec les polymĂšres). Ces particules, de taille micro voire nanomĂ©trique, sont chargĂ©es nĂ©gativement. Celles-ci peuvent alors former une sphĂšre qui va lentement s’oxyder Ă  l’air. Cette thĂ©orie a Ă©tĂ© avancĂ©e par John Abrahamson et James Dinniss de l’universitĂ© de Canterbury en Nouvelle-ZĂ©lande, dont les travaux ont Ă©tĂ© poursuivis par Antonio Pavo et Gerson Paiva, deux chercheurs de l'UniversitĂ© fĂ©dĂ©rale du Pernambouc au BrĂ©sil qui ont rĂ©ussi Ă  produire le phĂ©nomĂšne en vaporisant un mince substrat de silicium Ă  l’aide d’un arc Ă©lectrique de 140 A[2]. La thĂ©orie chimique n'explique cependant pas l'Ă©norme quantitĂ© d'Ă©nergie Ă©lectrique contenue, capable de faire griller des appareils Ă©lectriques, ni les grĂ©sillements perçus par les tĂ©moins.

La physique des plasmas peut fournir une explication Ă  l'Ă©nergie contenue. La boule de foudre contiendrait un plasma, formĂ© Ă  partir d’un gaz ordinaire dans lequel la foudre provoque l’arrachement d’un ou de plusieurs Ă©lectrons Ă  un grand nombre d'atomes et de molĂ©cules. Ces atomes et molĂ©cules sont alors ionisĂ©s, et on dit que l’état plasma est atteint lorsque suffisamment d’atomes ont Ă©tĂ© ionisĂ©s pour que le milieu adopte un comportement macroscopique qui s'Ă©carte de celui d'un gaz ordinaire. La boule de plasma serait parcourue par des lignes de courant Ă©lectrique bouclĂ©es sur elles-mĂȘmes et s’interpĂ©nĂ©trant de façon Ă  se confiner mutuellement par les champs magnĂ©tiques qu’elles crĂ©ent. Ceci est rendu possible pour de trĂšs hautes tempĂ©ratures (3 000 °C), qui sont largement obtenues aprĂšs le passage d’un Ă©clair. Une fois crĂ©Ă©e, la boule dissipe son Ă©nergie sous forme thermique et lumineuse. Cela diminue sa tempĂ©rature, jusqu’à ce que la conductivitĂ© du plasma soit trop faible pour assurer la stabilitĂ©. La boule de feu finit alors son existence en se dĂ©sagrĂ©geant. En 2006, cette thĂ©orie est expĂ©rimentĂ©e par une Ă©quipe de chercheurs israĂ©liens (Eli Jerby et Vladimir Dikhtyar) qui parviennent Ă  crĂ©er des mini-boules de feu (trois centimĂštres de diamĂštre) grĂące Ă  un simple four Ă  micro-ondes modifiĂ© qui bombarde de micro-ondes un Ă©chantillon en silicium. Cependant cette expĂ©rience n'est qu'un demi-succĂšs car les mini-boules de feu ne survivent que quelques milliĂšmes de seconde (soit 1 000 Ă  100 000 fois moins que le phĂ©nomĂšne observĂ© dans la nature)[3].

Cependant aucune de ces deux théories, qui font intervenir de la matiÚre, n'explique les observations de certains témoins qui ont vu la foudre en boule traverser un mur.

Dans les deux cas, on considĂšre que la persistance de la foudre en boule ainsi que son insensibilitĂ© Ă  la convection (ne s'Ă©lĂšve pas malgrĂ© une forte tempĂ©rature) peuvent ĂȘtre maintenues par les forts rayonnements Ă©lectromagnĂ©tiques de la foudre. L’AcadĂ©mie des sciences de la fĂ©dĂ©ration de Russie organise tous les ans les confĂ©rences RCCNT-BL (Russian Conferences on Cold Nuclear Transmutation of Chemical Elements and Ball Lightning). Ces confĂ©rences font rĂ©guliĂšrement le point sur les recherches actives qui sont menĂ©es sur ces sujets en Russie. Le phĂ©nomĂšne de la « foudre en boule » est en effet particuliĂšrement Ă©tudiĂ© par les Ă©quipes qui travaillent sur la fusion contrĂŽlĂ©e et sur la propulsion spatiale. Le vocable de « plasmoĂŻde » est la dĂ©nomination scientifique de la foudre en boule. Il existe deux types de plasmoĂŻdes : le type alpha (anneau de courant Ă©lectrique confinĂ© par son champ) et le type bĂȘta (dĂ©charge Ă©lectrique enroulĂ©e selon la surface d’un tore et confinant son propre champ magnĂ©tique). Dans les deux cas, les lois de Maxwell font que la variation, dĂ©croissante, du courant induit une augmentation du champ magnĂ©tique, ce qui concourt Ă  la persistance du phĂ©nomĂšne pendant un temps variable. VĂ©ritables vortex d’énergie Ă©lectrique condensĂ©e et auto-confinĂ©e, les plasmoĂŻdes permettront peut-ĂȘtre de surmonter les Ă©normes problĂšmes techniques rencontrĂ©s dans les installations de type tokamak.

Il a été suggéré que la foudre en boule est basée sur des oscillations non linéaires à symétrie sphérique de particules chargées dans le plasma[4] - [5] - [6] - [7] - [8] - [9] - [10] - l'analogue d'un soliton spatial Langmuir. Ces oscillations ont été décrites dans les deux approches classique[5] - [6] - [10] et quantique[4] - [7] - [8] - [9]. On a constaté que les oscillations de plasma les plus intenses se produisent dans les régions centrales de la foudre en boule. Il a été suggéré que les états de particules chargées, qui oscillent radialement, avec des tours orientées de maniÚre opposée - l'analogue de paires de Cooper - pourraient apparaßtre à l'intérieur d'une foudre en boule[7] - [9]. Ce phénomÚne, à son tour, peut conduire à un état supraconducteur (sur la matiÚre) dans une foudre en boule. L'idée de la supraconductivité dans une foudre en boule était considérée précédemment[11] - [12]. La possibilité de l'existence d'une foudre en boule avec un noyau composite a été également abordée dans ce modÚle[8].

Culture

  • Durant l'histoire, de nombreux phĂ©nomĂšnes de foudre en boule ont pu ĂȘtre observĂ©s. Par exemple en 1753, alors qu'un savant russe nommĂ© Georg Richmann pratiquait une expĂ©rience, il a Ă©tĂ© frappĂ© Ă  la tĂȘte par une boule de feu qui l'a tuĂ© sur le coup[13].
  • Le phĂ©nomĂšne de foudre en boule est Ă©voquĂ© dans le roman Voyage au centre de la Terre (1864) de Jules Verne. Une foudre en boule est observĂ©e par l'Ă©quipage de l'expĂ©dition lors d'un violent orage pendant la traversĂ©e sur la mer Lidenbrock.
  • Dans le film Soleil trompeur de Nikita Mikhalkov (1994) une boule de feu traverse la maison, sans que les habitants s'en aperçoivent par une Ă©clatante journĂ©e d'Ă©tĂ©[14].
  • Le roman Boule de foudre de Liu Cixin (2004) est centrĂ© autour de la quĂȘte fictive de chercheurs et militaires chinois pour la comprĂ©hension du phĂ©nomĂšne et sa possible utilisation, notamment en tant qu'arme[15].
    Dans une note Ă  la fin du roman, l'auteur tĂ©moigne avoir lui-mĂȘme vu une foudre en boule Ă  l'Ă©tĂ© 1981 au cours d'une tempĂȘte dans la ville de Handan, Ă  l'extrĂ©mitĂ© sud de la rue Zhonghua[16].

Des bandes dessinées évoquent ce phénomÚne :

Notes et références

  1. (en) Jianyong Cen, Ping Yuan et Simin Xue, « Observation of the Optical and Spectral Characteristics of Ball Lightning », Physical Review Letters, vol. 112, no 3,‎ (DOI 10.1103/PhysRevLett.112.035001)
  2. « Des chercheurs brésiliens créent des boules de foudre », sur Le Figaro, (consulté le ).
  3. (en) « Fireballs excited by Microwaves »
  4. M. Dvornikov and S. Dvornikov, “Electron gas oscillations in plasma: Theory and applications”, in ‘Advances in Plasma Physics Research, Vol. 5’, ed. by F. Gerard (New York, Nova Science Publishers, Inc., 2006), p. 199-212, (ISBN 1-59033-928-2), physics/0306157
  5. Maxim Dvornikov, « Formation of bound states of electrons in spherically symmetric oscillations of plasma », Physica Scripta, vol. 81,‎ (DOI 10.1088/0031-8949/81/05/055502, arXiv 1002.0764, lire en ligne)
  6. Maxim Dvornikov, « Axially and spherically symmetric solitons in warm plasma », Journal of Plasma Physics, vol. 77,‎ , p. 749–764 (ISSN 1469-7807, DOI 10.1017/S002237781100016X, arXiv 1010.0701, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. (en) Maxim Dvornikov, « Effective attraction between oscillating electrons in a plasmoid via acoustic wave exchange », Proc. R. Soc. A, vol. 468,‎ , p. 415-428 (ISSN 1364-5021 et 1471-2946, DOI 10.1098/rspa.2011.0276, arXiv 1102.0944, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Maxim Dvornikov, « Quantum exchange interaction of spherically symmetric plasmoids », Journal of Atmospheric and Solar-Terrestrial Physics, vol. 89,‎ , p. 62-66 (DOI 10.1016/j.jastp.2012.08.005, arXiv 10.1016/j.jastp.2012.08.005, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Maxim Dvornikov, « Pairing of charged particles in a quantum plasmoid », Journal of Physics A: Mathematical and Theoretical, vol. 46,‎ (DOI 10.1088/1751-8113/46/4/045501, arXiv 1208.2208, lire en ligne)
  10. M. Dvornikov, « Stable Langmuir solitons in plasma with diatomic ions », Nonlinear Processes in Geophysics, vol. 20,‎ , p. 581-588 (DOI 10.5194/npg-20-581-2013, arXiv 1203.0258, lire en ligne)
  11. (en) G. C. Dijkhuis, « A model for ball lightning », Nature, vol. 284,‎ , p. 150-151 (DOI 10.1038/284150a0, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. (en) M. I. Zelikin, « Superconductivity of plasma and fireballs », Journal of Mathematical Sciences, vol. 151,‎ , p. 3473-3496 (ISSN 1072-3374 et 1573-8795, DOI 10.1007/s10958-008-9047-x, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. (en) Ronald W. Clarke, Benjamin Franklin, a Biography, Random House, , 530 p. (ISBN 978-1-84212-272-3, présentation en ligne), p. 87
  14. Alexia Aversano, Allison Casadei, Sophie Mauro, Clotilde Portehaut, « Soleil trompeur. Analyse cinématographique », sur ac-grenoble.fr (consulté le )
  15. Simon Chodorge, « Boule de foudre, l’innovation en dĂ©fense vue par la science-fiction », L'Usine Nouvelle,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Liu Cixin (trad. Nicolas Giovanetti), Boule de foudre, Actes Sud, (ISBN 978-2-330-12558-5), p. 437

Voir aussi

Bibliographie

  • Renaud de La Taille, « Une brillante Ă©nigme : la foudre en boule », Science et Vie, no 770,‎ , p. 54-57 / 196
  • James Brian Mitchell, « Le mystĂšre de la foudre en boule enfin Ă©lucidĂ© », La Recherche, no 497,‎ , p. 42–45 (ISSN 0029-5671, lire en ligne, consultĂ© le ).

Articles connexes

Liens externes

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