Forme pronominale du verbe en français
En grammaire française, la forme pronominale (ou voix pronominale) est une forme de conjugaison des verbes dans laquelle un pronom réfléchi, tenant la fonction syntaxique d'un complément d'objet direct ou complément d'objet indirect, renvoie en principe au sujet grammatical (qui remplit le plus typiquement le rÎle sémantique d'agent).
Certains verbes du fait de leur sĂ©mantique ne peuvent qu'ĂȘtre rĂ©flexifs, comme « se parjurer » â l'objet du parjure est nĂ©cessairement le sujet de l'action. Mais plus gĂ©nĂ©ralement, sur le plan grammatical, la forme pronominale est celle oĂč l'objet est un pronom rĂ©flĂ©chi, indĂ©pendamment de son rĂŽle sĂ©mantique sous-jacent. De telles formes sont courantes dans les langues romanes.
En français, cette forme de conjugaison se caractĂ©rise notamment par l'utilisation de l'auxiliaire ĂȘtre aux temps composĂ©s, ce qui la rapproche de la voix passive. La plupart des verbes peuvent se conjuguer Ă la forme pronominale ; pour certains (les verbes pronominaux « subjectifs ») le sens et la syntaxe ne se relient pas simplement Ă la forme non pronominale ; et enfin d'autres (les verbes « essentiellement pronominaux ») n'existent que sous forme pronominale.
Introduction
La grammaire française distingue traditionnellement trois voix : active (qui est la voix non marquĂ©e, employĂ©e par dĂ©faut), passive et pronominale, laquelle recouvre sous une mĂȘme forme plusieurs diathĂšses (trait dĂ©crivant comment s'organisent en particulier les rĂŽles d'agent et de patient par rapport Ă l'action exprimĂ©e par le verbe : moyen (c'est-Ă -dire normale), mais aussi rĂ©flĂ©chi, rĂ©ciproque, ou dĂ©causatif).
Un verbe de forme pronominale est, en grammaire, un verbe qui est conjugué avec un pronom complément renvoyant au sujet, et qui a, selon les cas, en français, un sens réfléchi, réciproque, passif, ou « essentiellement pronominal ».
- Je me regarde dans le miroir
- Peigne-toi !
- Nous nous parlons pour passer le temps
- Ce livre se vend bien
Aux temps composĂ©s, ils utilisent exclusivement l'auxiliaire ĂȘtre .
- Elle s'est Ă©vanouie.
N.B. : Une forme telle que : Tu la regardes n'est donc pas pronominale, les deux pronoms tu (sujet) et la (complĂ©ment) n'ayant pas le mĂȘme rĂ©fĂ©rent.
N.B. : à l'exception du cas des verbes « essentiellement pronominaux », on préfÚre souvent parler de construction, de tournure ou de forme (parfois : de voix) pronominale que de verbe pronominal.
Classement sémantique des verbes pronominaux
En grammaire française, un verbe pronominal est un verbe transitif qui est conjugué avec un pronom complément d'objet renvoyant au sujet. Cette construction peut correspondre à différents sens :
Les verbes pronominaux de sens réfléchi
Il se lave Le sujet exerce l'action sur lui-mĂȘme
On parle de verbe rĂ©flĂ©chi quand l'ĂȘtre dĂ©signĂ© par le sujet exerce une action sur lui-mĂȘme (physiquement, mentalementâŠ), ou dans son intĂ©rĂȘt. Dans ce cas, le pronom rĂ©flĂ©chi dĂ©signe l'agent lui-mĂȘme, et est en mĂȘme temps l'objet de l'action.
- « Elle se regarde dans le miroir » : l'action est regarder, l'agent est Elle, identique à l'objet.
- Il se lave soigneusement (= il lave son corps)
- Vous vous cultiverez en fréquentant les bibliothÚques (= vous cultiverez votre esprit)
- Elle s'est achetĂ© un tĂ©lescope (= elle l'a achetĂ© pour elle-mĂȘme)
Par extension, on dira par exemple :
- Je me gare ici tous les jours (en réalité, je gare ma voiture)
Habituellement le pronom prĂ©cĂ©dant le verbe est de la mĂȘme personne que le sujet.
- Je me lĂšve
- Ils se regardent dans le miroir
Les verbes pronominaux de sens réciproque
Ils se battaient Le sujet exerce l'action sur un autre Ă©lĂ©ment exprimĂ© par le mĂȘme sujet
Les verbes rĂ©ciproques expriment une action qu'un sujet pluriel ou collectif exerce non pas sur lui-mĂȘme, mais chacun sur chacun des autres ĂȘtres exprimĂ©s par le sujet.
- Les deux hommes se battaient Ă mort, pour l'honneur
- Nous nous parlons pour passer le temps
Avec le sens réciproque , le pronom réfléchi peut correspondre à deux constructions grammaticales :
- « Elles se combattent » : l'action est de combattre, l'agent est L'une et l'autre, l'objet est ici l'une l'autre - l'agent et l'objet recouvrent les mĂȘmes personnes.
- « Elles s'envoient des cadeaux » : l'action est de envoyer, l'agent est L'une et l'autre, mais l'objet est ici des cadeaux. Le pronom "se" renvoie bien au sujet, mais n'est pas complĂ©ment d'objet direct - Elles envoient des cadeaux Ă elles. Le pronom rĂ©flĂ©chi correspond Ă un complĂ©ment d'objet second, et la description de l'action peut ĂȘtre complĂ©tĂ©e par un objet indĂ©pendant : des cadeaux.
Les verbes pronominaux de sens successif
Un petit nombre de verbes pronominaux définissent des relations de consécutivité temporelle ou spatiale :
- Les jours se suivent
- Les révélations s'enchaßnent
Dans « Les jours se suivent », le sens est qu'un jour suit un autre jour, donc l'action est suivre, l'agent est les jours, et l'objet est un autre jour â dans ce cas, l'objet est diffĂ©rent de l'agent.
Les verbes pronominaux de sens passif
Les verbes pronominaux passifs sont utilisĂ©s quand le sujet est inanimĂ©. Dans ce type de constructions, le sujet subit l'action sans l'accomplir lui-mĂȘme. Ordinairement l'agent n'est pas indiquĂ© et reste vague : la forme pronominale traduit alors la notion de dĂ©causatif :
- La porte s'est refermée brusquement
- Les petits appartements se vendent mieux que les grands
- Ce vin se boit trĂšs frais
- Tout s'oublie avec le temps
Dans « Ces voitures se vendent bien » : l'action est de vendre, l'objet (de la vente) est bien la voiture, mais l'agent de la vente n'est évidemment pas la voiture, sujet apparent. La forme pronominale à sens passif a précisément pour but de ne pas évoquer l'agent.
Mais... par quel agent ?
Cette forteresse a été construite par Richard.
Dans le cas oĂč la forme pronominale remplace une forme passive, la rĂšgle est que le participe passĂ© s'accorde avec le sujet, parce que le sujet est alors objet de l'action :
- « Cette rÚgle s'est appliquée de tout temps. »
- « Cette ville ne s'est pas construite en un jour. »
Sur le fond, une telle forme pronominale relie une action ("construire") à l'objet de cette action ("cette ville"), mais ne précise pas l'agent. Au contraire, contrairement à la forme passive normale qui permet d'introduire un complément d'agent, la forme pronominale a ceci de particulier qu'elle verrouille cette question et rend impossible l'ajout d'un agent, dont la place est déjà formellement prise par le pronom "se". Comparer en effet :
- « Cette ville a été construite rapidement par Saint Louis. »
- « Cette ville s'est construite rapidement [* par ???]. »
Le sens est bien celui d'une forme passive, ce qui justifie entiĂšrement l'accord du participe, mais la forme pronominale interdit toute question sur l'agent et impose de considĂ©rer que l'agent est l'objet lui-mĂȘme, mĂȘme quand une telle idĂ©e est Ă©videmment absurde (une ville ne peut pas construire une ville, encore moins se construire elle-mĂȘme).
C'est cette propriété qu'a la forme pronominale d'exclure un complément d'agent qui explique que pour presque tous les verbes essentiellement pronominaux, l'accord se fait avec le sujet, considéré à la fois comme agent et objet.
Cas particuliers
Dans le cas du verbe mourir, la forme pronominale se mourir insiste sur l'aspect imperfectif, ou inaccompli :
- Madame se meurt, Madame est morte ! (Bossuet)
Analyse de la forme pronominale
Fonctions du pronom réfléchi
Les pronoms réfléchis peuvent jouer le rÎle de:
- ComplĂ©ment d'objet direct (COD): Pierre se regarde dans le miroir (Pierre se regarde lui-mĂȘme)
- ComplĂ©ment d'objet indirect (COI): Elle se parle toute seule (Elle se parle Ă elle-mĂȘme)
Sujet et objet de l'action
Les formes pronominales se conjuguent avec l'auxiliaire Ătre. Par rapport Ă l'action qu'est "disputer", il y a deux maniĂšre d'identifier l'agent et l'objet dans une forme comme « Ils se sont disputĂ©s » :
- On peut considĂ©rer que l'agent est "ils" dans une tournure active, "se" est objet de la dispute, et le sens est que "ils ont disputĂ© (se = eux-mĂȘmes)" ;
- On peut considĂ©rer au contraire que l'objet est "il" dans une tournure passive, "se" joue alors le rĂŽle d'un complĂ©ment d'agent, et le sens est que "* ils sont disputĂ©s par (se = eux-mĂȘmes)".
Les deux analyses conduisent au mĂȘme sens, mais l'accord du participe et l'emploi du verbe Ătre montrent que la forme pronominale est hĂ©ritĂ©e de la conjugaison passive, signifiant que l'objet a pour caractĂ©ristique d'avoir subi ou d'ĂȘtre en train de subir (passivement) l'action exprimĂ©e par le verbe.
Les verbes occasionnellement pronominaux
Les verbes occasionnellement pronominaux sont des verbes transitifs qui sont normalement employĂ©s dans une construction non pronominale, mais qui peuvent ĂȘtre aussi employĂ©s Ă la forme pronominale.
- Je regarde la télévision ou Je la regarde (verbe non pronominal)
- Je me regarde dans le miroir (verbe pronominal)
Les verbes essentiellement pronominaux
Les verbes essentiellement pronominaux sont des verbes qui s'emploient uniquement à la forme pronominale (on parle alors de verbes pronominaux lexicalisés) :
- Il se suicide (on ne peut pas dire « suicider quelqu'un », sauf dans un contexte ironique)
On range aussi dans cette catégorie les verbes pronominaux qui sont également employés à la forme non pronominale, mais avec une signification différente.
- S'adapter (« tenir compte du monde extérieur, se transformer, s'acclimater ») / Adapter (« ajuster ») ou (« transposer »)
- S'apercevoir (« se rendre compte ») / Apercevoir (« voir »)
- S'attendre (« escompter, prĂ©voir ») / Attendre ( « ĂȘtre dans l'expectative »)
Certains verbes pronominaux lexicalisés peuvent recevoir un complément d'objet, direct ou indirect[1] :
- Elles se sont rappelé leur jeunesse (c.o.d. ; pas d'accord à rappelé)
- Je me doute du refus de Pierre (c.o.i.)
Les verbes pronominaux subjectifs
On appelle verbe pronominal subjectif, ou verbe essentiellement pronominal (ou : de sens lexicalisé) une forme verbale dans laquelle le pronom réfléchi n'a pas de fonction grammaticale précise.
Ce sont des verbes qui avaient un sens réfléchi ou réciproque en ancien français. Aujourd'hui, ces verbes n'ont pas ce sens, mais ils conservent toujours le pronom. C'est pour cette raison qu'il faut remonter à l'ancienne langue et à l'étymologie pour analyser ce type de verbe pronominal.
- Elle s'en va laissant tout derriĂšre elle
Construction des verbes pronominaux
Lâinfinitif dâun verbe pronominal est toujours prĂ©cĂ©dĂ© par le pronom rĂ©flĂ©chi se (sâ): se coucher, se laver, sâappelerâŠ
Pour un verbe Ă une forme simple, on utilise les pronoms rĂ©flĂ©chis me (mâ), te (tâ), se (sâ), nous ou vous :
- Je me lĂšve [ÊÉmÉlÉ:v]
- Tu te lĂšves [tytÉlÉ:v]
- Il / elle / on se lĂšve [ilsÉlÉ:v] / [ÉlsÉlÉ:v] / [Ă”sÉlÉ:v]
- Nous nous levons [nunulÉvĂ”]
- Vous vous levez [vuvulÉve]
- Ils / elles se lĂšvent [ilsÉlÉ:v] / [ÉlsÉlÉ:v]
Pour les verbes aux temps composĂ©s, on utilise l'auxiliaire ĂȘtre, qui est placĂ© entre le pronom rĂ©flĂ©chi et le verbe :
- Je me suis levĂ©(e) [ÊÉmÉsujlÉve]
- Tu t'es levĂ©(e) [tytelÉve]
- Il/elle/on s'est levĂ©(e) [ilselÉve] / [ÉlselÉve] / [Ă”selÉve]
- Nous nous sommes levĂ©(e)s [nunusomlÉve]
- Vous vous ĂȘtes levĂ©(e)s [vuvuzÉtlÉve]
- Ils/elles se sont levĂ©(e)s [ilsÉsĂ”lÉve] / [ÉlsÉsĂ”lÉve]
à l'impératif, le pronom est placé aprÚs le verbe avec un trait d'union :
- Couche-toi [kuÊtwa]
- Couchons-nous [kuÊĂ”nu]
- Couchez-vous [kuÊevu]
Le verbe pronominal et la négation
Quand le verbe pronominal est conjugué à un temps simple, on met les marques de négation avant le pronom réfléchi et aprÚs le verbe.
- Je me lĂšve avant dix heures du matin â Je ne me lĂšve pas avant dix heures du matin
- Elles se rĂ©veillent de bonne heure â Elles ne se rĂ©veillent pas de bonne heure
Quand le verbe pronominal est conjugué à un temps composé, on met les marques de négation avant le pronom réfléchi et aprÚs les verbe auxiliaire.
- Je me suis rĂ©veillĂ© â Je ne me suis pas rĂ©veillĂ©.
- Il s'est dĂ©pĂȘchĂ© â Il ne s'est pas dĂ©pĂȘchĂ©
à l'impératif, on place le pronom réfléchi avant le verbe et on met les marques de négation avant le pronom et aprÚs le verbe.
- Cache-toi â ne te cache pas
- Approche-toi â ne t'approche pas
Le verbe pronominal et l'interrogation
Dans une phrase interrogative, le pronom réfléchi reste toujours avant le verbe et on utilise les formes habituelles de construction de l'interrogation: l'inversion, l'expression est-ce que et l'intonation.
- Il se peigne â Se peigne-t-il ?
- Il se peigne â Est-ce qu'il se peigne?
- Il se peigne â Il se peigne ?
Si on utilise l'inversion dans l'interrogation et le verbe est dans un temps composé, le sujet se place aprÚs le verbe auxiliaire:
- S'est-il peigné ?
Le verbe pronominal dans l'interrogation négative
Pour faire la négation d'une phrase interrogative, on place les marques de négation avant le pronom réfléchi et aprÚs le verbe.
- Il ne se peigne pas?
- Est-ce qu'il ne se peigne jamais ?
Si on utilise l'inversion pour la construction de l'interrogation, on doit placer les marques de négation avant le pronom réfléchi et aprÚs le sujet.
- Ne se peigne-t-il pas ?
- Ne se lĂšve-t-il jamais avant dix heures du matin?
Si le verbe est à un temps composé, on place la premiÚre marque de négation avant le pronom réfléchi et la deuxiÚme marque entre le verbe auxiliaire et le verbe.
- Est-ce qu'il ne s'est jamais peigné ?
Si on utilise l'inversion pour construire l'interrogation, la deuxiÚme marque de négation est placée aprÚs le sujet:
- Ne nous sommes-nous jamais rencontrés ?
- Ne se sont-ils jamais rencontrés ?
Comparaison avec d'autres langues
Il n'y a pas d'équivalence absolue entre les utilisations des formes pronominales en français et dans d'autres langues. L'usage réciproque notamment est souvent traité différemment :
- (français) Ils se parlent â (anglais) They talk (are talking) to each other, (allemand) Sie reden miteinander, (russe) Oni govoriat (razgovarivaĂŻout) droug s drougom
Le grec ancien, parmi d'autres langues, utilisait pour certains verbes la voix moyenne dans le sens pronominal ou réfléchi du français :
- λοÏÎżÎŒÎ±Îč « je me lave », ÎłÏ ÎŒÎœÎŹÎ¶ÎżÎŒÎ±Îč « je m'exerce ».
Le russe connaßt un pronom réfléchi spécifique (siebia), valable pour toutes les personnes :
- Ia siebia vylietchil(a), on siebia vylietchil « je me suis soignĂ©(e) [moi-mĂȘme], il s'est soignĂ© [lui-mĂȘme] »
L'espagnol peut utiliser une forme pronominale impersonnelle lĂ oĂč le français utilisera une autre tournure :
- Se vende (« à vendre »)
Notes
- M. Arrivé, F. Gadet, M. Galmiche, La grammaire d'aujourd'hui, Flammarion, 1985 (rééd. 1993, (ISBN 978-2081120037))
Bibliographie
- Claire Chuilon, Grammaire pratique : Le français de A à Z, Paris, Hatier, (ISBN 978-2-278-03243-3)
- Monique Callamand, Grammaire vivante du français : Exercices d'apprentissage 1, Paris, Larousse, , 119 p. (ISBN 978-2-19-039301-8)
- Maurice Grevisse et André Goose, Le bon usage : grammaire française, Paris, DeBoeck Duculot, , 1600 p. (ISBN 978-2-8011-1404-9)
- Suzanne-G Chartrand, Denis Aubin, Blain Raymon et Claude Simard, Grammaire pédagogique du français d'aujourd'hui, Québec, Graficor, , 397 p. (ISBN 2-89242-560-3)
- Sylvie Poisson-Quinton, Reine Mimran et MichÚle Mahéo-Le Codiac, Grammaire expliquée du français, Tours, CLE International, , 430 p. (ISBN 978-2-09-033703-7)
- Y. Delatour, D. Jennepin, M. Léon-Dufour et B. Teyssier, Nouvelle grammaire du français : Cours de civilisation française de la Sorbonne, Paris, Hachette, , 367 p. (ISBN 2-01-155271-0)