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Famine en Corée du Nord

L'Ă©pisode de famine en CorĂ©e du Nord peut ĂȘtre datĂ© Ă  partir de juillet 1994 (aprĂšs la mort de Kim Il-sung) jusqu’en 1997[1], avec un pic de mortalitĂ© en 1997. La premiĂšre phase de 1990 Ă  1994 fut une pĂ©nurie avec une rĂ©duction des rations, la seconde de 1994 Ă  1997 fut la famine Ă  proprement parler[2].

Famine en Corée du Nord
Pays Drapeau de la Corée du Nord Corée du Nord
Lieu Tout le pays
PĂ©riode 1994-1998
Victimes 600 000 Ă  1 million de morts
ConsĂ©quences Militarisation de l'Ă©conomie ; aide alimentaire de la CorĂ©e du Sud, de la Chine, des États-Unis, du Japon et de l'Union europĂ©enne
Famine nord-coréenne
Hangeul 북한Ʞ귌
Hanja è‹Šé›Łì˜ èĄŒè»
Romanisation révisée gonanui haenggun
McCune-Reischauer konanĆ­i haenggun

Le déclin économique de la Corée du Nord, d'importantes inondations détruisant les récoltes au milieu des années 1990[3] (elles auraient recouvert prÚs de 30 % du pays pendant l'été 1995[4]) et la chute du bloc soviétique en sont les causes principales[5].

En Corée du Nord le terme de « famine » (gigeun) n'est pas utilisé, elle est appelée « marche forcée » (gonan-ui haenggun)[6], la premiÚre utilisation du terme est visible dans le journal du 1er janvier 1996 Rodong Sinmun[1] ; cette dénomination fait référence au récit de Kim Il-sung et de ses compagnons de résistance, qui avaient dû se replier en Sibérie, subissant le climat rude et le manque de denrées dans la fin des années 1930[7].

Causes

Les causes de la famine en Corée du Nord sont multiples, mais les principales sont :

  • Catastrophes naturelles, de fortes pluies associĂ©es Ă  des typhons suivies par des sĂ©cheresses, qui eurent d’autant plus de consĂ©quences que l’environnement fut endommagĂ© par les dĂ©forestations Ă  partir des annĂ©es 1960 (pour « remodeler la nature »), le dĂ©boisement pour compenser la moindre production d’énergie et par l’érosion des sols qui s’ensuivit[8] - [9].
  • Agriculture intensive, qui dĂ©pendante des engrais, des pesticides et de la traction mĂ©canique, a Ă©tĂ© profondĂ©ment touchĂ©e par la chute du bloc soviĂ©tique, et par la fin des liens privilĂ©giĂ©s du rĂ©gime avec l’URSS et la Chine[10]. En outre, la CorĂ©e du Nord prĂ©sente des conditions peu propices Ă  l'agriculture du fait de la latitude septentrionale du pays et le manque de terres arables[11].
  • La volontĂ© du rĂ©gime de rĂ©aliser l’autosuffisance du pays et d'accroitre les dĂ©penses militaires, au dĂ©triment du dĂ©veloppement Ă©conomique[11].

L’ONU estime que la famine est liĂ©e pour 85 % aux problĂšmes du secteur agricole et Ă  15 % par les catastrophes naturelles[12].

La CorĂ©e du Nord n’a pas pu, ou pas voulu, recourir au montant de devises suffisant pour acheter des denrĂ©es sur le marchĂ© international. Sans accĂšs aux institutions financiĂšres internationales, elle n’a pas pu emprunter de devises (l’État Ă©tant sous sanctions amĂ©ricaines et avec une forte dette extĂ©rieure)[9].

Conséquences

Selon les Nations-Unies en 1998, une malnutrition aiguĂ« touchait prĂšs de 18% de la population et 62% des enfants de moins de 9 ans Ă©taient touchĂ©s par le rachitisme[12]. Alors que pour l’UNICEF 800 000 enfants souffraient de rachitisme[2] - [13].

Selon le PAM, les couches de la population vulnérable, composées des enfants, des femmes enceintes et des vieillards (représentant 4,7 millions de personnes) furent sévÚrement touchées par ces pénuries[2].

Les autoritĂ©s nord-corĂ©ennes auraient arrĂȘtĂ© de tenir Ă  jour les registres des dĂ©cĂšs pour les annĂ©es 1997-1998[2].

Nombre de victimes

Évolution du nombre de morts entre 1995 et 1998 selon le Korea Bouddhist Sharing Movement en 1999, 3 500 000 morts en tout sur 4 ans [14] - [15].

Les estimations du nombre de victimes varient de 0,6 Ă  3,5 millions de morts sur une population totale de 22 millions, par la faim ou Ă  la suite de maladies liĂ©es Ă  la famine[16] - [17].

Selon Hwang Jang-yop en 1999, le nombre de morts Ă  la fin de l’annĂ©e 1997 se cumulait Ă  2,5 millions de victimes.

Selon la Good Friend (anciennement Korea Bouddhist Sharing Movement) le nombre de morts Ă©tait de 3,5 millions de victimes.

Selon Philippe Pons en 2016, l’estimation la plus vraisemblable se situerait entre 600 000 morts et 1 000 000 morts[18] (estimation Ă©tabli par Daniel M. Goodkind et Lorain West (en 2001 et 2011), Haggard et Noland (en 2007))

L'universitaire américain et directeur du Korea-Pacific Program Stephan Haggard fait également état de 600 000 à un million de morts[11].

Toutefois, le manque d'informations ne permet pas de prendre la mesure exacte de cette famine. La réalité des chiffres mis en avant est remise en question par des ONG qui se sentent manipulées par les autorités nord-coréennes[19].

Mouvement de population

De nombreux Nord-Coréens, se comptant en dizaines de milliers, ont traversé le Tumen pour aller dans la préfecture autonome coréenne de Yanbian, située dans la province du Jilin en Chine[20].

Cannibalisme

L'Institut pour l'unification nationale (KINU), un organisme public sud-coréen, relate dans son Livre blanc l'existence de plusieurs cas de cannibalisme[21]. Cependant, l'importance du cannibalisme est à relativiser pour les années 2000, il s'agirait de cas isolés, parmi les 230 transfuges interrogés, seuls une dizaine ont mentionné des pratiques cannibales[22].

ContrÎle par le régime

Pour reprendre le contrĂŽle sur les mouvements de population et sur le pays, le rĂ©gime a, Ă  partir de mars 1997, Ă©mis de nouvelles cartes d’identitĂ© pour replacer les populations dans leur rĂ©gion attribuĂ©e[23], par ailleurs l’utilisation du terme « famine » faisait l’objet de rĂ©primande[23]. Les chiffres des statistiques et recensements de la population sont volontairement falsifiĂ©s et tronquĂ©s, pour dissimuler le nombre exact des victimes de la famine.

Économique

L’effritement du systĂšme public de distribution a eu de profonds effets, un systĂšme de marchĂ© noir est apparu, soit un systĂšme fondĂ© sur l’offre et la demande, se basant dans un premier temps sur le troc, puis dans un second temps sur la monnaie[24]. Le dĂ©veloppement de ce marchĂ© parallĂšle incita l’action individuelle[24].

Aide internationale

La RDPC a fait appel à l’aide internationale en septembre 1995[25] pour la premiùre fois de son histoire[10].

Le régime nord-coréen a alors demandé à des experts de la FAO et du PAM de venir constater la situation sur place, ce qui a été fait en décembre 1995, les experts en ont conclu que la situation était alarmante mais pas catastrophique[10].

En 1996, la FAO annonçait qu’il y a eu « une dĂ©gradation de la situation plus importante que prĂ©vu » qui pouvait Ă©voluer en « empirant »[10].

DĂ©but 1997 la PAM annonça le risque d’une famine[10].

Le PAM insista sur le poids de la situation avec pour objectif de dĂ©bloquer des fonds, tout en minimisant la dimension du drame[25]. Mais l’aide internationale fut paralysĂ©e par les motivations chinoises qui souhaitaient ne pas propager de bruit sur les soucis au risque d’encourager des franchissements Ă  sa frontiĂšre avec la CorĂ©e du Nord[25], la Chine dĂ©signant les rĂ©fugiĂ©s nord-corĂ©ens comme des « immigrants Ă©conomiques en situation illĂ©gale »[25].

Le HCR minimisa ou ignora la famine pour Ă©viter d’attirer la colĂšre de la Chine[25].

Entre 1995 et 2005 la CorĂ©e du Nord a reçu 2,3 Mds d’USD (dont 67 % fut reçu sous forme de denrĂ©es alimentaires)[2].

Bibliographie

  • Jasper Becker, La Famine en CorĂ©e du Nord, 1998, un des premiers tĂ©moignages de la catastrophe qui se dĂ©roula dans les annĂ©es 1990 en CorĂ©e du Nord[26]

Notes et références

  1. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 331 + note de bas de page numĂ©ro 1
  2. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 360
  3. (en) Don Oberdorfer et Robert Carlin, The Two Koreas : A Contemporary History, Basic Books, , 560 p. (ISBN 978-0-465-03123-8), p. 290.
  4. (en) Adrian Buzo, The Making of Modern Korea, Londres, Routledge, , 230 p. (ISBN 978-0-415-23749-9, lire en ligne), p. 175.
  5. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 332
  6. Philippe Pons, « L'exceptionnalisme de la CorĂ©e du Nord », Critique, vol. n° 848-849, no 1,‎ , p. 28 (ISSN 0011-1600 et 1968-3901, DOI 10.3917/criti.848.0021, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Philippe Pons, « CorĂ©e du Nord : une impasse, fruit d’une histoire nĂ©gligĂ©e », Le DĂ©bat, vol. 198, no 1,‎ , p. 103 (ISSN 0246-2346 et 2111-4587, DOI 10.3917/deba.198.0103, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 326
  9. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 359
  10. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 357
  11. « Corée du Nord : la famine organisée », sur Alternatives Economiques,
  12. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 358
  13. « The State of the World's Children 1998 », sur www.unicef.org (consulté le )
  14. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 339 note de bas de page numĂ©ro 4
  15. « Trois millions de personnes sont mortes de faim depuis 1995 en CorĂ©e du Nord », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. (en) Stephan Hagard et Marcus Noland, Famine in North Korea: markets, aid and reform, New York, Columbia University Press, 2007.
  17. (en) Marcus Noland, Sherman Robinson et Tao Wang, Famine in North Korea: Causes and Cures, Institute for International Economics, 1999 [PDF].
  18. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 340
  19. Romain Franklin, Corée du Nord : la famine « manipulée ». Le président de MSF déplore l'opacité et les contraintes qui entourent la lutte contre la disette, Libération, .
  20. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 351
  21. Jacques Follorou, Des cas de cannibalisme avérés en Corée du Nord, Le Monde, 18 mai 2012.
  22. Famine : les Nord-coréens pratiquent-ils le cannibalisme ?, Atlantico, 18 mai 2012.
  23. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 365
  24. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 366
  25. Philippe Pons, CorĂ©e du Nord, un État-guĂ©rilla en mutation, Gallimard, coll. « La Suite des temps », , 720 p. (ISBN 9782070142491), page 341
  26. Marc Epstein, La Corée du Nord, un paradis de cauchemar L'Express, 6 octobre 2005

Lien externe

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