Faisceau (mathématiques)
En mathĂ©matiques, un faisceau est un outil permettant de suivre systĂ©matiquement des donnĂ©es dĂ©finies localement et rattachĂ©es aux ouverts d'un espace topologique. Les donnĂ©es peuvent ĂȘtre restreintes Ă des ouverts plus petits, et les donnĂ©es correspondantes Ă un ouvert sont Ă©quivalentes Ă l'ensemble des donnĂ©es compatibles correspondantes aux ouverts plus petits couvrant l'ouvert d'origine. Par exemple, de telles donnĂ©es peuvent consister en des anneaux de fonctions rĂ©elles continues ou lisses dĂ©finies sur chaque ouvert.
En géométrie, aussi bien d'ailleurs en géométrie algébrique qu'en géométrie différentielle, la notion de faisceau est une généralisation de celle d'ensemble des sections d'un fibré vectoriel. Dans ce cadre, la base du fibré est une variété algébrique ou une variété différentielle.
Les faisceaux ont Ă©tĂ© introduits par Jean Leray en topologie algĂ©brique lorsqu'il Ă©tait en captivitĂ© durant la Seconde Guerre mondiale[1]. Sous l'impulsion, notamment, d'Henri Cartan[2], de Jean-Pierre Serre[3] et d'Alexandre Grothendieck[4] - [5] (Ă qui on doit le terme prĂ©faisceau), les faisceaux ont pris par la suite une importance considĂ©rable dans de nombreux domaines des mathĂ©matiques oĂč l'on cherche Ă passer, pour un problĂšme donnĂ©, d'une solution locale Ă une solution globale. Les obstructions Ă un tel passage s'Ă©tudient grĂące Ă la cohomologie des faisceaux.
Préfaisceaux
DĂ©finition d'un prĂ©faisceau â Soit X un espace topologique et une catĂ©gorie. Un prĂ©faisceau d'objets sur X est la donnĂ©e de :
- pour tout ouvert U de X, un objet appelé objet des sections de sur U (ou au-dessus de U) ;
- pour tout ouvert V inclus dans U, un morphisme , appelé morphisme de restriction de U sur V ;
tels que :
- pour tout ouvert U ;
- pour toutes inclusions d'ouverts W â V â U.
est appelé objet des sections globales.
De façon équivalente[6], on peut définir un préfaisceau comme un foncteur contravariant de la catégorie des ouverts de X (avec les inclusions comme morphismes) dans .
Les prĂ©faisceaux les plus courants sont Ă valeurs dans des catĂ©gories concrĂštes (catĂ©gories des ensembles, groupes, anneaux, espaces vectoriels, algĂšbres, modules, espaces topologiques, groupes topologiques, etc.). Dans ce cas, pour tous ouverts V â U, on note :
et un élément s'appelle une section de au-dessus de U. On écrit au lieu de .
Exemples
- L'exemple fondamental de prĂ©faisceau est celui oĂč les morphismes de restriction sont les restrictions usuelles de fonctions. Notamment sur une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle (resp. une variĂ©tĂ© analytique) X, pour tout ouvert U â X, l'ensemble des fonctions indĂ©finiment dĂ©rivables de U vers les complexes (resp. l'ensemble des fonctions analytiques Ă valeurs complexes) est un anneau. Ces anneaux forment un prĂ©faisceau d'anneaux sur X en considĂ©rant les restrictions usuelles des fonctions.
- On peut de mĂȘme considĂ©rer l'ensemble des distributions sur la variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle X (resp. l'ensemble des hyperfonctions sur la variĂ©tĂ© analytique rĂ©elle X) si cette variĂ©tĂ© est de dimension finie et paracompacte (par exemple s'il s'agit d'un ouvert non vide de ); cet ensemble est un groupe abĂ©lien. On obtient le prĂ©faisceau des distributions (resp. des hyperfonctions) sur X en considĂ©rant les restrictions de ces distributions (resp. de ces hyperfonctions) Ă des ouverts de X.
- Dans le plan complexe, une équation différentielle ordinaire, linéaire et à coefficients holomorphes, étant donnée, les espaces de solutions sur des ouverts évitant les points singuliers de l'équation forment un préfaisceau d'espaces vectoriels de dimension égale à l'ordre de l'équation.
Les exemples ci-dessus de préfaisceaux sont des faisceaux (voir infra).
Morphismes de préfaisceaux et de faisceaux
Les prĂ©faisceaux sur un ensemble X peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des objets d'une catĂ©gorie, dont les flĂšches sont dĂ©finies comme suit.
DĂ©finition d'un morphisme de prĂ©faisceaux et d'un morphisme de faisceaux â Ătant donnĂ© deux prĂ©faisceaux et sur un mĂȘme espace topologique X, un morphisme de prĂ©faisceaux est la donnĂ©e d'une famille de morphismes pour tout ouvert U, telle que, pour toute section s de sur U on ait :
Un morphisme de faisceaux (voir infra) est un morphisme de préfaisceaux entre deux faisceaux.
Fibres et germes
Soit un préfaisceau sur X à valeurs dans une catégorie qui admet des limites inductives. La fibre (EGA, 0.3.1.6) (terminologie anglaise : « stalk », tige) de en un point x de X est par définition l'objet de limite inductive
- ,
la limite Ă©tant prise sur tous les ouverts contenant x, la relation d'ordre sur ces ouverts Ă©tant l'inclusion , et les morphismes de transition Ă©tant les morphismes de restriction .
Lorsque est une catégorie concrÚte, l'image canonique d'une section s dans est le germe de s au point x, noté sx.
Remarque. Certains auteurs appellent germe de en un point x ce qui est appelé ci-dessus la fibre de en ce point.
Faisceaux
DĂ©finition d'un faisceau
Reprenons l'exemple des fonctions sur une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle X. La propriĂ©tĂ© de ces fonctions d'ĂȘtre indĂ©finiment diffĂ©rentiables est locale. Il est donc possible de « recoller » des fonctions coĂŻncidant sur les intersections de leur domaine de dĂ©finition (y compris lorsque cette partie est vide) en une fonction globale. Il en irait de mĂȘme pour des fonctions continues ou plus gĂ©nĂ©ralement de classe . Il en va de mĂȘme, bien que ce soit moins Ă©vident, pour des distributions sur une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle paracompacte de dimension finie, ou pour des fonctions analytiques ou des hyperfonctions sur une variĂ©tĂ© analytique rĂ©elle paracompacte de dimension finie. C'est cette propriĂ©tĂ© qu'on souhaite ici gĂ©nĂ©raliser Ă partir de la notion de prĂ©faisceau.
DĂ©finition
Condition pour qu'un prĂ©faisceau d'ensembles soit un faisceau â Un prĂ©faisceau d'ensembles sur X est appelĂ© faisceau lorsque pour tout ouvert V de X, rĂ©union d'une famille d'ouverts , et pour toute famille de sections de sur les ouverts , vĂ©rifiant :
il existe une unique section s de sur V telle que : .
Remarque
Comme la famille vide constitue un recouvrement de l'ouvert vide, la condition ci-dessus entraĂźne que est un singleton .
Autres cas
On dĂ©finit de mĂȘme, sur un espace topologique X, un faisceau de groupes (resp. de groupes abĂ©liens, d'anneaux, etc.) comme Ă©tant un prĂ©faisceau de base X Ă valeurs dans la catĂ©gorie des groupes (resp. des groupes abĂ©liens, des anneaux, etc.) qui vĂ©rifie la condition ci-dessus.
Définition générale
Examinons maintenant le cas d'un faisceau sur X à valeurs, de maniÚre générale, dans une catégorie (EGA, 0.3.1) :
DĂ©finition gĂ©nĂ©rale d'un faisceau â
Un préfaisceau sur X à valeurs dans une catégorie est appelé faisceau si la condition suivante est vérifiée :
Pour tout objet de , est un faisceau d'ensembles.
Voyons quelques exemples fondamentaux.
Faisceau de modules
Soit un faisceau d'anneaux sur un espace topologique X. On appelle -module Ă gauche un faisceau d'ensembles de base X muni de la structure suivante : pour tout ouvert U, on se donne sur une structure de module Ă gauche sur l'anneau , de telle sorte que l'application de restriction () soit un homomorphisme de modules compatible avec l'homomorphisme d'anneaux . Pour tout , par passage Ă la limite inductive sur les ouverts dĂ©croissants , la fibre est un -module Ă gauche, et la donnĂ©e de ces fibres pour tout , avec la structure de -module Ă gauche qui vient d'ĂȘtre prĂ©cisĂ©e, Ă©quivaut Ă celle du -Module Ă gauche .
Faisceau de groupes topologiques
Soit la catégorie des groupes topologiques (avec pour morphismes les homomorphismes continus). Un faisceau sur X à valeurs dans est un faisceau de groupes tel que, pour tout ouvert U et tout recouvrement de U par des ouverts , la topologie du groupe soit la moins fine rendant continues les restrictions . Un morphisme de faisceaux de groupes topologiques est un morphisme de faisceaux de groupes tel que pour tout ouvert U, est continu (EGA, 0.3.1.4).
On dĂ©finirait de mĂȘme un faisceau d'anneaux topologiques ou un faisceau de modules topologiques sur un faisceau d'anneaux topologiques.
Généralisation, Topos
Dans la dĂ©finition ci-dessus, le faisceau est un foncteur d'un type particulier de la catĂ©gorie des ouverts d'un espace topologique dans une catĂ©gorie . On peut envisager un cas plus gĂ©nĂ©ral : soit une « petite catĂ©gorie » (c.-Ă -d. une catĂ©gorie dont la classe des objets est un ensemble) admettant des produits fibrĂ©s, et une catĂ©gorie. Un prĂ©faisceau sur Ă valeurs dans est, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, un foncteur contravariant de vers . On peut munir d'une structure appelĂ©e « topologie de Grothendieck »[7]. Cela consiste Ă dĂ©finir pour tout objet U de des « familles couvrantes » de U, Ă savoir des familles de morphismes qui ont des propriĂ©tĂ©s analogues au recouvrement d'un ouvert U d'un espace topologique X par une famille d'ouverts , les morphismes, dans ce cas, Ă©tant les inclusions. La catĂ©gorie , munie d'une topologie de Grothendieck, s'appelle un site. Un faisceau sur le site Ă valeurs dans se dĂ©finit Ă partir de la notion de prĂ©faiceau en raisonnant, mutatis mutandis, comme si Ă©tait un espace topologique habituel[8], une intersection de parties ouvertes Ă©tant remplacĂ©e par le produit fibrĂ©. On appelle topos toute catĂ©gorie Ă©quivalente Ă la catĂ©gorie des faisceaux d'ensembles sur un site. La notion de topos gĂ©nĂ©ralise celle d'espace topologique. Il existe toutefois nombre d'exemples qui n'ont pas de rapport avec la topologie : si G est un groupe, la catĂ©gorie des ensembles sur lesquels G opĂšre est un topos ; le « topos ponctuel », c.-Ă -d. la catĂ©gorie des faisceaux sur lâespace rĂ©duit Ă un point, nâest autre que la catĂ©gorie des ensembles[9].
Soit X un objet de . Le foncteur représentable est, d'aprÚs ce qui précÚde, un préfaisceau, dit « représenté par X ». Le foncteur covariant canonique , de la catégorie dans la catégorie des faisceaux d'ensembles sur , est pleinement fidÚle[10], et permet donc d'identifier X avec le préfaisceau , ainsi que la catégorie avec la catégorie des préfaisceaux sur . La « topologie canonique » sur se définit comme étant la topologie (de Grothendieck) la plus fine (c.-à -d. celle qui a le plus de familles couvrantes) pour laquelle les foncteurs représentables sont des faisceaux ; en choisissant sur une topologie (de Grothendieck) moins fine que la topologie canonique, on peut donc identifier le site avec son topos[9].
Faisceau des sections d'un espace étalé
Soit X un espace topologique. On appelle espace Ă©talĂ© de base[11] X un couple (E, p) oĂč E est un espace topologique et p est un homĂ©omorphisme local de E dans X (c.-Ă -d. tout point de X appartient Ă un ouvert que p applique homĂ©omorphiquement sur un ouvert). Pour tout sous-ensemble S de X, on appelle section de (E, p) au-dessus de S une application continue telle que pour tout . Soit, pour tout ouvert U, l'ensemble des sections de (E, p) au-dessus de U. Alors (muni des morphismes de restriction aux ouverts des applications ) est un faisceau d'ensembles de base X, appelĂ© faisceau des sections de l'espace Ă©talĂ© (E, p). On montre le rĂ©sultat suivant[6] :
ThĂ©orĂšme â Tout faisceau d'ensembles de base X est isomorphe au faisceau des sections d'un espace Ă©talĂ©, unique Ă un isomorphisme prĂšs.
On peut identifier le faisceau d'ensembles et l'espace étalé (E, p), ce qui explique pourquoi de nombreux auteurs définissent un faisceau comme étant un espace topologique vérifiant les conditions idoines (c'est le point de vue dû à Michel Lazard[2] ; celui présenté ci-dessus a été développé ultérieurement par Grothendieck[4] - [5]).
Faisceau associé à un préfaisceau
Soit un prĂ©faisceau. On appelle faisceau associĂ© au prĂ©faisceau un faisceau muni d'un morphisme de prĂ©faisceaux possĂ©dant la propriĂ©tĂ© universelle suivante : pour tout morphisme dans un faisceau, il existe un unique morphisme tel que . Le faisceau associĂ©, s'il existe, est unique. Dans le cas des prĂ©faisceaux Ă valeurs dans une catĂ©gorie oĂč la limite inductive existe (par exemple les catĂ©gories des ensembles, des groupes, des anneaux, des algĂšbres sur un anneau, des modules sur un anneau etc.), le faisceau associĂ© existe. Le morphisme induit un isomorphisme des fibres .
Le faisceau se construit explicitement de la maniĂšre suivante dans le cas oĂč le prĂ©faisceau , dĂ©fini sur l'espace topologique X, est Ă valeurs dans une catĂ©gorie concrĂšte oĂč la limite inductive existe : pour tout ouvert U de X, soit l'ensemble des fonctions s' de U dans la rĂ©union disjointe tel que pour tout et il existe un voisinage ouvert V de x, , et tels que pour tout . Alors est le faisceau associĂ© Ă . Pour des raisons Ă©videntes, il est Ă©galement appelĂ© le faisceau des sections de . Si est un faisceau, le morphisme est un isomorphisme.
Section au-dessus d'un ensemble quelconque
Soit X un espace topologique métrisable, S une partie de X, et un faisceau de base X. L'ensemble des sections de au-dessus de S se définit par
c.-à -d. une section de au-dessus de S est un germe de section définie dans un voisinage ouvert de S.
Faisceau induit sur un ensemble quelconque
On définit comme suit le faisceau induit sur S, noté : pour tout sous-ensemble V de S, relativement ouvert par rapport à S, l'ensemble de ses sections au-dessus de V coïncide avec .
Exemples
- Soit A un ensemble non vide, X un espace topologique, et le prĂ©faisceau sur X dĂ©fini par pour tout ouvert U non vide de X et , les morphismes de restriction Ă©tant tous Ă©gaux Ă l'identitĂ© . Pour tout , et ce prĂ©faisceau est donc appelĂ© le prĂ©faisceau constant de fibre A sur X. On a , et une section est un point de A en tant que rattachĂ© Ă l'ouvert U, autrement dit c'est une application constante de U dans A, ou encore une application de la forme qui, en tant qu'application , est constante. Notons que si et sont deux ouverts disjoints, et si et sont deux sections dĂ©finies respectivement sur et , il n'existe pas en gĂ©nĂ©ral de fonction constante dĂ©finie sur qui coĂŻncide avec sur et avec sur , sauf si A est un singleton ; en Ă©cartant ce cas, le prĂ©faisceau considĂ©rĂ© n'est donc pas un faisceau dĂšs qu'il existe dans X deux ouverts disjoints, c'est-Ă -dire lorsque X n'est pas un espace topologique irrĂ©ductible. L'espace Ă©talĂ© est lorsque A est muni de la topologie discrĂšte. Cet espace s'identifie au faisceau associĂ© au prĂ©faisceau . Pour tout ouvert U de X, est l'ensemble des applications continues , autrement dit l'ensemble des applications localement constantes de U dans A (constantes lorsque U est connexe). Ce faisceau est appelĂ© faisceau simple de base X et de fibre A (certains auteurs l'appellent faisceau constant de base X et de fibre A, terminologie qui peut ĂȘtre trompeuse puisque ses sections ne sont pas en gĂ©nĂ©ral des fonctions constantes ; par ailleurs on dĂ©finit le faisceau localement constant, mais il a une autre signification).
- De la mĂȘme maniĂšre, on peut dĂ©finir le prĂ©faisceau des fonctions rĂ©elles bornĂ©es sur un espace topologique X, mais ce prĂ©faisceau n'est pas, en gĂ©nĂ©ral, un faisceau, car la bornitude n'est pas une propriĂ©tĂ© locale. Une section est une fonction bornĂ©e sur U, et le faisceau des sections de est donc le faisceau des fonctions localement bornĂ©es sur X. Celui-ci coĂŻncide avec si, et seulement si de tout recouvrement de X par une famille d'ouverts, on peut extraire un sous-recouvrement fini, c'est-Ă -dire si X est un espace quasi-compact.
- Les fonctions dĂ©rivables forment un faisceau, de mĂȘme que les fonctions ou holomorphes, que les distributions, les hyperfonctions, etc. C'est dĂ» au fait que, cette fois, la dĂ©finition de ces objets est locale et que par « recollement » on peut passer du local au global.
- Soit p un point fixé d'un espace topologique séparé X et E un ensemble. On peut définir un préfaisceau qui à un ouvert U associe E si U contient p et un singleton sinon. L'application de restriction de U à V est l'identité ou l'unique application de E dans le singleton suivant l'appartenance de p à U et V. On vérifie que c'est un faisceau, dit « gratte-ciel ». La fibre en de ce faisceau est le singleton si x est différent de p et E si x=p.
- Dans une catégorie , muni d'une topologie de Grothendieck moins fine que la topologie canonique, soit un objet de cette catégorie: alors est un faisceau sur le site , comme on l'a dit plus haut.
Image directe et image inverse
Soit une application continue entre deux espaces topologiques. Soit un prĂ©faisceau sur . Son image directe par est le prĂ©faisceau qui Ă tout ouvert de associe , les applications de restrictions sont Ă©videntes. Si est un faisceau, il en est de mĂȘme pour .
La construction de l'image inverse est plus dĂ©licate. Soit un prĂ©faisceau sur , Ă valeurs dans une catĂ©gorie oĂč la limite inductive existe. Ă tout ouvert de , on associe la limite inductive des lorsque W parcourt l'ensemble des ouverts de Y contenant . Lorsque est un faisceau, ce procĂ©dĂ© ne donne pas un faisceau en gĂ©nĂ©ral et est alors par dĂ©finition le faisceau associĂ© Ă ce prĂ©faisceau.
Les constructions d'image directe et d'image inverse sont adjointes dans le sens suivant : Soient , des faisceaux sur , respectivement. Alors on a une bijection canonique entre et .
Morphismes injectifs et morphismes surjectifs
Un morphisme de faisceaux sur est injectif si est injectif pour tout ouvert de . Il est surjectif si les morphismes de fibres sont surjectifs. Les morphismes injectifs sont exactement les monomorphismes dans la catégorie des faisceaux sur , et les morphismes surjectifs sont exactement les épimorphismes dans cette catégorie.
Noyau, image, quotient
Soit un morphisme de faisceaux de groupes abĂ©liens (resp. de -Modules Ă gauche, oĂč est un faisceau d'anneaux de base X) sur un espace topologique .
- Le noyau de est le faisceau défini par .
- L'image de est le faisceau associé au préfaisceau .
- Le conoyau de est le faisceau associé au préfaisceau
La catégorie des faisceaux de groupes abéliens (resp. des -Modules à gauche) sur X est une catégorie abélienne, et on a la suite exacte
- .
- En particulier, si est l'inclusion d'un sous-faisceau , alors son conoyau est le faisceau quotient de par . On note ce quotient par . En général, est différent de car le « foncteur section » n'est pas exact (il est exact à gauche mais non à droite en général). En revanche, on a pour les fibres l'égalité car le « foncteur fibre »
est exact, d'oĂč l'exactitude de la suite
- .
Faisceau des germes d'homomorphismes
Soit un faisceau d'anneaux sur un espace topologiques X et , deux -Modules à gauche sur X. Le préfaisceau
est un faisceau de groupes abéliens noté , et appelé faisceau des germes d'homomorphismes de dans . Pour tout , on a
Soit . Le germe est reprĂ©sentĂ© par, disons, , oĂč U est un voisinage ouvert de x. Puisque , induit un morphisme de fibres . Par consĂ©quent, il existe une application canonique
qui n'est ni injective ni surjective en général (elle est bijective si est un « faisceau cohérent »[3]).
Produit tensoriel de faisceaux
Soit un faisceau d'anneaux sur un espace topologiques X, un -Module à droite et un -Module à gauche. On appelle produit tensoriel de et le faisceau de groupes abéliens noté engendré par le préfaisceau . La fibre de ce faisceau au point est le groupe abélien
- .
Typologie des faisceaux
Nous présentons ci-dessous trois types de faisceaux : les faisceaux flasques et les faisceaux mous, introduits par Godement[6] et la notion (introduite antérieurement par Henri Cartan[12]) de faisceau fin.
Définition et propriétés générales
- Soit un faisceau sur un espace topologique X, à valeurs dans une catégorie concrÚte. Ce faisceau est flasque si pour tout ouvert U de X, le morphisme de restriction est surjectif.
- Le fait pour un faisceau d'ĂȘtre flasque est une propriĂ©tĂ© locale. Par consĂ©quent, est flasque si, et seulement si pour tous ouverts tels que , l'application est surjective.
- Pour tout ouvert U, le « foncteur section » est exact sur la catégorie des faisceaux flasques de groupes abéliens (ou de -Modules à gauche sur un faisceau d'anneaux ).
Exemples
- Les fonctions réelles quelconques sur un espace topologique forment un faisceau flasque.
- Comme on le voit facilement, tout faisceau simple sur un espace topologique irréductible est flasque (« théorÚme de Grothendieck »[6]).
- Il en va de mĂȘme du faisceau des fonctions rĂ©elles bornĂ©es sur un espace topologique quasi-compact.
- Soit X une variété analytique réelle paracompacte de dimension n. Le faisceau des germes d'hyperfonctions sur X est flasque[13].
Définition et propriétés générales
- Soit X un espace topologique paracompact et un faisceau sur X, à valeurs dans une catégorie concrÚte. Ce faisceau est mou si toute section au-dessus d'un fermé se prolonge à X tout entier.
- Pour un faisceau, le fait d'ĂȘtre mou est une propriĂ©tĂ© locale: si tout point de X possĂšde un voisinage ouvert U tel que toute section de au-dessus d'un sous-ensemble fermĂ© de X, contenu dans U, se prolonge Ă U, alors est un faisceau mou.
- Soit X un espace topologique métrisable (donc paracompact) ; pour tout sous-ensemble localement fermé S de X (c.-à -d. tout sous-ensemble S de X possédant un voisinage ouvert U dans lequel il est relativement fermé), le « foncteur section » est exact sur la catégorie des faisceaux mous de groupes abéliens (ou de -Modules à gauche sur un faisceau d'anneaux ).
- Soit X un espace topologique paracompact et un faisceau sur X, à valeurs dans une catégorie concrÚte. Si est flasque, il est mou.
Exemples
Soit X une variété différentielle paracompacte de dimension n. Les faisceaux de groupes abéliens de base X suivants sont mous: le faisceau des germes de fonctions continues sur X, le faisceau des germes de fonctions indéfiniment dérivables sur X, le faisceau des germes de distributions sur X. En revanche, ces faisceaux ne sont pas flasques[13].
Définition et propriétés générales
- Soit X un espace topologique paracompact et un faisceau de groupes abéliens de base X. Ce faisceau est dit fin si le faisceau d'anneaux est mou.
- Le faisceau est fin si, et seulement si étant donné deux sous-ensembles fermés disjoints A et B de X, il existe un homomorphisme induisant l'identité au voisinage de A et 0 au voisinage de B.
- Si et sont des faisceaux de groupes abéliens et si est fin, alors le faisceau de groupes abéliens est fin (cette propriété explique l'importance des faisceaux fins).
Exemples
- Le faisceau des germes d'applications de X dans est fin, et il en va donc de mĂȘme de tout -Module.
- Si X est une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle paracompacte de dimension finie, les faisceaux d'anneaux commutatifs suivants sont fins: le faisceau des germes de fonctions rĂ©elles diffĂ©rentiables sur X, ainsi que les faisceaux et (voir supra). Il en va donc de mĂȘme des faisceaux de Modules sur ces faisceaux d'anneaux, par exemple du faisceau des germes de distributions ou des formes diffĂ©rentielles extĂ©rieures sur X.
- En revanche, le faisceau simple de fibre et le faisceau des germes de fonctions holomorphes sur une variété analytique paracompacte de dimension finie ne sont pas fins[14].
Notes et références
Notes
- Kashiwara et Schapira 1990.
- Cartan 1950-1951a.
- Serre 1955.
- Grothendieck 1957a.
- Grothendieck 1957b.
- Godement 1958.
- Artin 2006.
- Kashiwara et Schapira 2006.
- Artin, Grothendieck et Verdier 1972.
- Grothendieck et Dieudonné 1971.
- Régine et Adrien Douady, AlgÚbre et théories galoisiennes [détail des éditions].
- Cartan 1950-1951b.
- Morimoto 1993.
- Gunning 1990.
Références
- Michael Artin, Grothendieck Topologies : Notes on a Seminar by M. Artin, Spring 1962, Harvard University, Department of Mathematics, (lire en ligne)
- Michael Artin, Alexandre Grothendieck et Jean-Louis Verdier, SGA 4 (Théorie des topos et cohomologie étale des schémas), Springer, (ISBN 3-540-05896-6, lire en ligne)
- Henri Cartan, « Faisceaux sur un espace topologique, I », SĂ©minaire Henri Cartan,â 1950-1951a (lire en ligne)
- Henri Cartan, « Faisceaux sur un espace topologique, II », SĂ©minaire Henri Cartan,â 1950-1951b (lire en ligne)
- Roger Godement, Topologie algébrique et théorie des faisceaux, Paris, Hermann, , 283 p. (ISBN 2-7056-1252-1, lire en ligne)
- Alexandre Grothendieck, « Sur quelques points d'algĂšbre homologique I », TMJ, vol. 9,â 1957a, p. 119-184 (lire en ligne)
- Alexandre Grothendieck, « Sur quelques points d'algĂšbre homologique II », TMJ, vol. 9,â 1957b, p. 185-221 (lire en ligne)
- Alexandre Grothendieck et Jean DieudonnĂ©, ĂlĂ©ments de gĂ©omĂ©trie algĂ©brique I, Berlin/New York, Springer, , 466 p. (ISBN 3-540-05113-9, lire en ligne)
- (en) Robert C. Gunning (en), Introduction to Holomorphic Functions of Several Variables. Volume III : Homological Theory, Wadsworth & Brooks/Cole Publishing Company, , 194 p. (ISBN 0-534-13310-X, lire en ligne)
- (en) Masaki Kashiwara et Pierre Schapira, Sheaves on Manifolds: With a Short History « Les débuts de la théorie des faisceaux » by Christian Houzel, Berlin/Heidelberg/Paris etc., Springer, , 512 p. (ISBN 3-540-51861-4, lire en ligne)
- (en) Masaki Kashiwara et Pierre Schapira, Categories and Sheaves, Springer, , 498 p. (ISBN 3-540-27949-0, lire en ligne)
- (en) Mitsuo Morimoto, An Introduction to Sato's Hyperfunctions, AMS, , 273 p. (ISBN 978-0-8218-8767-7, lire en ligne)
- Jean-Pierre Serre, « Faisceaux algĂ©briques cohĂ©rents », Annals of Mathematics, 2e sĂ©rie, vol. 61, no 2,â , p. 197-278 (lire en ligne)