Exécution de Maximilien de Robespierre
Aussitôt après sa chute, le 9 thermidor de l’an II (), Maximilien de Robespierre, décrété hors la loi, est exécuté sans procès le 10 thermidor (). Il est amené en charrette sur la place de la Révolution (ancien nom de la place de la Concorde) en compagnie de 21 de ses partisans, dont son frère et Saint-Just, pour y être guillotiné.
71 personnes de plus seront exécutées le lendemain, essentiellement des membres de la Commune insurrectionnelle de Paris, 12 le surlendemain.
Parcours de Robespierre vers la place de la RĂ©volution
Robespierre avait reçu, ou s'était tiré, une balle dans la mâchoire, Couthon avait eu la tête fracassée et Augustin Robespierre s’était gravement blessé en sautant par la fenêtre de l'hôtel de ville. François Hanriot avait reçu un coup de baïonnette qui lui avait arraché l'œil de son orbite. Il fut sorti d'un égout, ensanglanté et défiguré. Deux mourants (Robespierre le jeune et Hanriot) et un infirme (Georges Couthon) furent transportés dans l'escalier de la Conciergerie ; le convoi se terminait par le cadavre de Philippe-François-Joseph Le Bas.
À 16 h 30, les charrettes qui transportaient les condamnés sortirent de la cour du Mai et débouchèrent sur les quais. Lorsque les charrettes furent arrivées devant la maison où logeait Robespierre, elles furent arrêtées, et l'on barbouilla la façade de la maison avec du sang. À 18 h 15, les charrettes arrivèrent place de la Révolution.
Exécution de Robespierre
Cette gravure anglaise stigmatise Robespierre, représenté sans sa blessure à la mâchoire, comme un lâche hypocrite incapable de se conduire avec dignité lors de son exécution, « bête aux abois qui bloque son pied contre un montant de la machine et s'agrippe à la planche pour tenter avec l'énergie du désespoir de s'accrocher à la vie », note l'historien Michel Biard[1].
Estampe gravée par Giacomo Aliprandi d'après un dessin de Giacomo Beys, Paris, BnF, département des estampes, vers 1799.
Adrien-Nicolas Gobeau, 53 ans, membre de la Commune, fut exécuté le premier. Quand ce fut le tour de Saint-Just de monter, il embrassa Georges Couthon, et, en passant devant Robespierre, il lui dit : « Adieu ». Maximilien de Robespierre fut exécuté en avant-dernier, le dernier fut Fleuriot-Lescot. Lorsqu’un des aides du bourreau arracha brusquement les linges qui lui soutenaient sa mâchoire, Robespierre poussa un cri de douleur. Il fut placé sur la bascule et le couperet tomba. La tête de Robespierre fut montrée au peuple, sous des applaudissements.
Les vingt-deux têtes furent placées dans un coffre en bois, les corps étant rassemblés sur une charrette qui se dirigea vers le cimetière des Errancis (ouvert en mars 1794). On jeta les têtes et les troncs dans une fosse commune et on répandit de la chaux vive pour que le corps de Maximilien de Robespierre ne laisse aucune trace[2].
Principaux guillotinés du 10 thermidor
Ils furent au nombre de 21 à être exécutés avec Maximilien de Robespierre dont :
- Georges Couthon, député de la Convention ;
- René-François Dumas, ex-président du Tribunal révolutionnaire ;
- Jean-Baptiste Fleuriot-Lescot, maire de Paris ;
- François Hanriot, ex-commandant de la garde nationale ;
- Jean-Baptiste de Lavalette, ex-général de brigade de l’armée du Nord ;
- Claude-François de Payan, agent national à la Commune de Paris ;
- Augustin Robespierre, député de la Convention ;
- Louis-Antoine Saint-Just, député de la Convention ;
- Antoine Simon, officier municipal de la Commune de Paris, précédemment geôlier du Dauphin ;
- Nicolas Joseph Vivier (° à Paris), président des Jacobins ;
- Adrien Nicolas Gobeau (° à Vincennes), officier municipal - ex substitut de Fouquier-Tinville.
Certaines sources rapportent que Robert Jean-Jacques Arthur fut également guillotiné ce jour.
Exécutions consécutives
Après ces premières exécutions, des rafles sont opérées dans la capitale parmi les membres du Conseil général de la Commune et les employés municipaux[3]. Le 11 thermidor (), journée la plus sanglante, 71 personnes sont guillotinées et 12 personnes sont guillotinées le 12 ().
Après avoir réussi à s'enfuir de l'hôtel de ville et à se cacher pendant plusieurs jours, Jean-Baptiste Coffinhal finit par être dénoncé et arrêté. Après la constatation de son identité par le tribunal révolutionnaire, il est guillotiné le 18 thermidor ()[4].
Le 5 fructidor (), François-Pierre Deschamps, aide de camp d'Hanriot, est à son tour guillotiné[5]. Le 15 fructidor (), quarante-quatre membres des sections parisiennes ayant pris part au 9 Thermidor aux côtés de la Commune sont traduits devant le tribunal révolutionnaire[6]. Parmi eux, Henri Sanson et son oncle, Pierre-Claude, capitaine et lieutenant de canonniers, sont accusés d'avoir pénétré dans le comité de sûreté générale à la suite de Coffinhal et délivré Hanriot, mais ils sont acquittés. Seul Joseph-Julien Lemonnier, marchand limonadier, commissaire civil de la section de la Maison-Commune, né en 1756 à Paris, est condamné à mort et exécuté le même jour.
Masque mortuaire hypothétique
Juste après la décapitation de Robespierre, un masque mortuaire en plâtre aurait été moulé par Marie Grosholtz, future Marie Tussaud, fondatrice du musée de cire Madame Tussauds à Londres. En dépit de la valeur contestée de l'effigie[7], le médecin légiste Philippe Charlier et l'infographiste Philippe Froesch, se basant sur des copies de ce moulage et des témoignages de l'époque[8], reconstituent en 3D une physionomie présentée en 2013 comme « le vrai visage » de Robespierre[9] et publient une étude paléopathologique à ce sujet[10].
L'authenticité de cette reconstitution est cependant remise en cause par les historiens de la Révolution française[11]. L'historienne Annie Duprat rappelle le peu de fiabilité des moulages de Marie Grosholtz[12]. Guillaume Mazeau, maître de conférence à l'Institut d'histoire de la Révolution française, souligne qu'à la fin du XVIIIe siècle, « les vrais, les copies et les faux moulages pullulaient d’ailleurs dans toute l’Europe tant ils étaient une source de profit » et que cette reconstitution d'un visage effrayant ne correspond pas à « l’extrême majorité des dizaines de descriptions, de dessins, de gravures, de peintures ou de sculptures dont nous disposons depuis très longtemps », montrant plutôt que « plus de deux siècles après sa mort, la figure de Robespierre reste une source d’erreurs historiques et de fantasmes négatifs dans l'imaginaire collectif[13]. »
À ces critiques, Philippe Charlier répond que « tout porte à croire que ceux-ci (tableaux, gravures et sculptures) ont été "idéalisés", peut-être avec un objectif de propagande. Après tout ce ne serait pas la première fois qu'un peintre arrangerait le portrait de son modèle[14]... » L'historien Hervé Leuwers objecte que Marie Grosholtz n'aurait pu avoir accès à la dépouille de Robespierre puisque la Convention avait donné l'ordre officiel d'ensevelir au plus tôt les guillotinés du 10 thermidor an II : « On imagine mal, à un moment où les autorités révolutionnaires ordonnent de faire disparaître les corps — jusqu’à les faire recouvrir de chaux vive —, laisser procéder au moulage d’un visage que l’on veut à tout prix effacer[15]. » De surcroît, les mémoires de Madame Tussaud comportent plusieurs invraisemblances et inexactitudes, dont l'une relative au lieu d'inhumation du révolutionnaire[11].
Notes et références
- Biard 2015, p. 125.
- Leuwers 2014, p. 368-370.
- Brunel 1989, p. 108-109.
- Émile Campardon, Le Tribunal révolutionnaire de Paris : ouvrage composé d'après les documents originaux conservés aux archives de l'Empire suivi de la liste complète des personnes qui ont comparu devant la Tribunal et enrichi d'une gravure et de fac-similé, t. 1, Paris, Henri Plon, , 560 p. (OCLC 4917152, LCCN 19012472, présentation en ligne, lire en ligne), p. 429-431.
- Brunel 1989, p. 140.
- « Série W: Juridictions extraordinaires », état général des fonds des Archives nationales, 2007, p. 8.
- Hector Fleischmann, « Le masque mortuaire de Robespierre », Annales révolutionnaires, t. 4, no 5,‎ , p. 601-625 (lire en ligne).
- Peter McPhee, « « Mes forces et ma santé ne peuvent suffire ». Crises politiques, crises médicales dans la vie de Maximilien Robespierre, 1790—1794 », Annales Historiques de la Révolution Française, vol. 371,‎ , p. 137-152 (lire en ligne).
- Marc Cherki, « Comment les scientifiques ont reconstitué le visage de Robespierre », sur Le Figaro, .
- Philippe Charlier et Philippe Froesch suggèrent que le révolutionnaire souffrait de la variole (d'où le visage grêlé de cicatrices) et de sarcoïdose (d'où les symptômes caractéristiques : asthénie, épistaxis, coloration jaunâtre des yeux et de la peau, ulcères récurrents aux jambes et altération de la vision) ((en) Philippe Charlier et Philippe Froesch, « Robespierre : the oldest case of sarcoidosis ? », The Lancet, vol. 382, no 9910,‎ , p. 2068).
- Leuwers et Mazeau 2014, p. 187-198
- Emmanuel Laurentin, émission La Fabrique de l'histoire sur France Culture, 19 décembre 2013.
- Guillaume Mazeau, Le vrai visage de Robespierre, 17 décembre 2013, site du Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire.
- Philippe Charlier, Philippe Froesch : op.cit.
- Bernadette Arnaud, Robespierre retrouve sa tête. Et ses maladies, 20 décembre 2013, Sciences et avenirs.
Bibliographie
- Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur : Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », , 353 p. (ISBN 2-07-071549-3, présentation en ligne)
- Antoine de Baecque, « Le tableau d'un cadavre. Les récits d'agonie de Robespierre : du cadavre hideux au dernier héros », dans Annie Jourdan (dir.), Robespierre : figure-réputation, Amsterdam, Rodopi, coll. « Yearbook of European studies - Annuaire d'études européennes » (no 9), , XIII-236 p. (ISBN 90-420-0133-X), p. 169-202.
- Antoine de Baecque, « Robespierre, monstre-cadavre du discours thermidorien », Eighteenth-Century Life, vol. 21, no 2 « Faces of Monstrosity in Eighteenth-Century Thought »,‎ , p. 203-221 (ISSN 0098-2601, lire en ligne).
- Antoine de Baecque, La gloire et l'effroi : sept morts sous la Terreur, Paris, Bernard Grasset, , 281 p. (ISBN 2-246-54731-8, présentation en ligne), « Robespierre, ou le terrible tableau », p. 181-214.
- Michel Biard, La liberté ou la mort : mourir en député, 1792-1795, Paris, Tallandier, , 363 p. (ISBN 979-10-210-0731-4, présentation en ligne).
- Michel Biard, En finir avec Robespierre et ses amis, -, Chamalières, Lemme Edit, , 115 p. (ISBN 978-2-917575-94-9).
- Françoise Brunel, Thermidor : la chute de Robespierre, 1794, Bruxelles, Complexe, coll. « La Mémoire des siècles » (no 211), , 155 p. (ISBN 2-87027-275-8, présentation en ligne).
- Hector Fleischmann, « Le masque mortuaire de Robespierre », Annales révolutionnaires, t. 4, no 5,‎ , p. 601-625 (JSTOR 41920424).
- Louis Gottschalk, « La lettre de Carnot du 10 thermidor an II », Annales historiques de la Révolution française, no 53,‎ , p. 457-460 (JSTOR 41924191).
- (en) Colin Jones, « The Overthrow of Maximilien Robespierre and the « Indifference » of the People », American Historical Review, vol. 119, no 3,‎ , p. 689-713 (DOI 10.1093/ahr/119.3.689).
- Hervé Leuwers, Robespierre, Paris, Fayard, , 458 p. (ISBN 978-2-213-67156-7, présentation en ligne).
- Hervé Leuwers et Guillaume Mazeau, « Madame Tussaud et le masque de Robespierre. Exercices d'histoire autour de la médiatique reconstitution d'un visage », Annales historiques de la Révolution française, no 375,‎ , p. 187-198 (lire en ligne).
- Henry Monteagle, « Barras au Neuf thermidor », Annales historiques de la Révolution française, no 229,‎ , p. 377-384 (lire en ligne)
- Bernard Vinot, Saint-Just, Paris, Fayard, , 394 p. (ISBN 2-213-01386-1, présentation en ligne).
- Gérard Walter, Robespierre, vol. I : La vie, Gallimard, coll. « NRF », , 483 p. (présentation en ligne)« Édition définitive » (nouvelle édition augmentée).