Entrelacement (vidéo)
Le balayage entrelacé ou entrelacement vidéo, en anglais « Interlaced video »[1] est une technique d'affichage d'image de télévision, d'informatique ou d'appareils vidéo. Elle consiste à transmettre alternativement deux demi-images ou « trames[alpha 1] », l'une comprenant les lignes numérotées impaires, l'autre celles numérotées paires.
Au début du développement commercial de la télévision, l'entrelacement vidéo est conçu notamment pour réduire l'effet de papillotement sur les écrans à tube cathodique, sans augmenter le nombre d'images à afficher par seconde et surtout, sans devoir doubler la bande passante nécessaire lors de l'émission[2].
Les premières normes de télévision — entre 1930 et 1985, 441 lignes, 455 lignes, 405 lignes ou 819 lignes, puis les plus courantes dans le monde — 525 lignes et 625 lignes — exploitent le balayage entrelacé. Au milieu des années 1990, plusieurs normes et formats de télévision ou vidéo numérique sont définis et exploitent l'entrelacement, y compris jusqu'aux années 2020 comme notamment, le format à Haute Définition 1080i ou « 2k » entrelacé.
Pour assurer le confort visuel, par exemple pour la norme de télévision analogique à 625 lignes, l'écran est éclairé 50 fois par seconde ; toutefois, pour des raisons d'économie en télédiffusion, le signal ne produit que 50 trames par seconde, une trame étant constituée par 312 lignes de rang pair ou impair. Dans ce cas, au mode progressif, la fréquence du balayage vidéo aurait dû être doublée et passer de 15,625kHz à 31,25kHz, ce qui aurait entraîné de coûteux et complexes problèmes industriels à résoudre[3].
Depuis les années 1990, dans le secteur informatique ainsi qu'en télévision, le balayage progressif vient en complément ou se substitue au balayage entrelacé. Les normes adoptées pour la télédiffusion maintiennent provisoirement le balayage entrelacé pour assurer la compatibilité avec le parc de téléviseurs existant.
L'intitulé du format vidéo précise soit le balayage progressif par le suffixe « p », soit le balayage entrelacé par le suffixe « i », acollé après la résolution ou définition vidéo. Comme par exemple, 576p ou 1080i.
Contexte historique
La télévision se développe comme média de masse après la seconde guerre mondiale. Ses images doivent être retransmises par modulation hertzienne, à l'instar de la radio. Pour réduire les coûts et la complexité industrielle des appareils récepteurs, il est nécessaire de réduire le plus possible, la bande passante d'émission à exploiter. Jusqu'aux années 1940, les autorités de répartition du spectre hertzien réservent le bas de la bande VHF pour la télévision d'avant-guerre. Pour obtenir un succès commercial, l'effort d'investissement doit être pris en charge par les opérateurs et diffuseurs mais ne doit pas être répercuté sur le prix d'achat des appareils récepteurs ou des téléviseurs.
Le Russe Léon Thérémine, les deux Américains Randall Ballard de la société RCA et surtout Ulysse Armand Sanabria sont les principaux inventeurs du principe de l'entrelacement ; Sanabria élabore le premier la technique et, en janvier 1925, il dépose le brevet d'un dispositif « intercalated scanning », littéralement « balayage intercalé » puis un autre brevet en 1931, avant celui de Ballard - RCA. Léon Thérémine dépose le sien aux États-Unis, le [2].
Sanabria fonde son entreprise en 1929 et prépare la fabrication d'émetteurs de télévision exploitant le principe de l'entrelacement. L'ingénieur supervise durant cette période, la production de 24 stations d'émission dotés de la même technologie[4].
En 1938, le principe de l'entrelacement est expérimenté dans les laboratoires de Philo Farnsworth, affichant une image de réolution 441 lignes entrelacées, sur le principe développé par Telefunken en Allemagne ; l'ingénieur américain observe alors l'efficacité de la technologie : « « le résultat était une trame fine, homogène, sans sautillement, ni papillotement» »[5].
Entre les années 1950 et 1980, le balayage entrelacé est l'unique mode d'affichage en télévision, alors que le mode progressif commence à apparaître à la fin des années 1970, pour l'univers de l'affichage vidéo informatique ; mais avant l'apparition des écrans plats notamment LCD, le mode enrelacé reste exploité par les ordinateurs, conformément aux formats internationaux recommandés par la Video Electronics Standards Association (VESA), avec les signaux couleur de tyope RVB comme de type vidéo composante[6].
La première norme de télévision à balayage progressif adoptée en 1986 est le HD Mac. Ce système peut exploiter un format intermédiaire de 1.250 lignes à balayage entrelacé (trame de 625 lignes), soit à balayage progressif à résolution 1.250 lignes, 25 fois par seconde[3].
Lancée en septembre 1988, la norme japonaise MUSE de télévision Haute Définition exploite 1.125 lignes au mode entrelacé, avec une fréquence de trame de 60 Hz[7]. Toutefois, comme le HD Mac, cette norme analogique est abandonnée au milieu des années 1990 avec l'introduction des normes de télévision numérique.
À la fin des années 1990, alors que les normes de télévision numérique terrestre et la connectique HDMI ne sont pas encore adoptées par les fabricants au plan international, l'arrivée des lecteurs DVD-vidéo permettant de produire un signal vidéo progressif marque un tournant[8].
Intérêt de l'entrelacement
Comme le démontre l'analyse publiée en 2018 par Broadcast Engineering Conservation Group (en), traditionnellement, l'entrelacement est une technologie de réduction du scintillement[9] qui permet d'afficher un nombre donné de lignes avec un doublement effectif de la fréquence d'images sans pénaliser la vitesse d'affichage des lignes et la bande passante vidéo. Aujourd'hui, il s'agit simplement de réduire la bande passante et le débit de données, car ce n'est pas le cas avec les affichages contenant un bloqueur d'ordre zéro. « Il faut se rappeler qu'ils utilisaient initialement la bande de diffusion à ondes moyennes avant de passer à la gamme de 2 mc/s sous les ordres de la Federal Radio Commission. Cela suggère que la réduction de la bande passante était son objectif, pas la réduction du scintillement[2]. »
En 1938, l'entrelacement s'impose par rapport au mode progressif, notamment « pour éviter les inconvénients du scintillement, sans avoir à recourir à une cadence de transmission exagérée ; ainsi par exemple, au lieu de retransmettre 25 images de 400 lignes, on transmettra 50 fois 25 demi-images de 200 lignes[10]. »
Pour reconstituer l'impression de mouvement, une dizaine d'images par seconde suffisent — pour éviter le papillotement vidéo, les projecteurs de cinéma insèrent une coupure au milieu de la projection de chaque image. Les écrans cathodiques inscrivent l'image séquentiellement le long de lignes horizontales. Le point qui s'illumine au passage du faisceau d'électrons qui balaye l'écran s'éteint progressivement. Pour qu'on puisse reproduire l'effet de mouvement, ce point doit être complètement éteint avant que l'image suivante ne s'affiche. Le balayage entrelacé permet de limiter le papillotement vidéo sans augmenter sensiblement les caractéristiques de la retransmission et préserver ainsi, le coût industriel du téléviseur ou du récepteur.
L'entrelacement permet de transmettre avec une résolution verticale double à la fréquence image, tout en limitant le papillotement par un passage deux fois dans le temps d'une image. Pour une image fixe, l'ordre de renouvellement des lignes n'a aucune incidence. Les images ou trames que le spectateur observe, il perçoit une pleine résolution.
Pour une caméra vidéo comme pour un téléviseur, l'entrelacement procure une solution simple et économique qui ne nécessite que d'identifier la trame impaire et la trame paire, dans le signal de synchronisation vidéo composite.
Compatible avec la télévision en couleurs introduite au milieu des années 1950, l'entrelacement reste présent dans certains pays du monde, notamment ceux qui n'ont pas encore abandonné la télédiffusion analogique.
Inconvénients
Le balayage entrelacé est composé de deux trames décalées dans le temps, exploitant chacune, la moitié du temps d'une image complète. Lors d'un déplacement horizontal ou mouvement panoramique, un objet en mouvement latéral apparaît décalé d'une trame à l'autre. Lors de l'affichage, ce phénomène correspond approximativement à un flou de bougé, limitant l'impression de mouvement saccadé. Le décalage entre lignes paires et lignes impaires produit un effet de peigne sur l'image arrêtée ou sur certains effets de ralenti.
L'image numérique transmet les images dans un flux compressé, qui exploite la similitude entre images successives pour réduire le débit d'informations. L'affichage recalcule chaque image par différence avec l'image précédente. Dans une image à balayage entrelacé, la progression du mouvement est décalée dans chaque trame, ce qui complique notablement le travail des algorithmes traitant l'image numérisée. En 2004, cette opération est complexe et on parvient alors à de meilleurs résultats avec des images en balayage progressif, dans lequel on peut considérer que l'ensemble correspond au même instant, conformément au théorème d'échantillonnage[11]. Toutefois, ces difficultés sont résolues avec l'introduction d'algorithmes de codage plus évolués, notamment les différentes versions successives des codecs AVC H.264 et HEVC H.265.
Principes techniques
Une image se décompose en deux trames consécutives, une trame paire et une trame impaire. Une trame est une image de demi-définition verticale. Le nombre de lignes dépend de la norme continentale, 525 en Amérique, 625 en Europe, desquelles il faut retirer pour chaque trame, vingt ou vingt-cinq lignes qui servent à la synchronisation et au retour du balayage en haut de l'écran, plus lent que le retour de droite à gauche pour des raisons techniques.
Signaux Ă©lectriques
Dans le signal vidéocomposite, la donnée d'entrelacement exploite la salve de synchronisation qui fixer le début de chaque ligne composant une trame, par rapport au signal de synchronisation verticale ; la salve de synchronisation ligne introduite au début du balayage vertical, permet d'assurer l'affichage correct de l'image vidéo.
Effets de l'entrelacement sur un Ă©cran d'ordinateur
La cadence de rafraîchissement d'un écran d'ordinateur peut être supérieure à 50 Hz. Le nombre d'image affichées par seconde étant plus élevé, l'effet de scintillement est réduit. Le moniteur ou l'écran affiche alors l'intégralité de l'image vidéo en une passe et non deux trames successives comme avec l'entrelacement.
Abandon futur de l'entrelacement
La diffusion hertzienne continue à exploiter le mode entrelacé. En France, cette obligation s'impose pour les chaines diffusées via la Télévision Numérique Terrestre : « Le signal vidéo correspond aux caractéristiques 1080i (entrelacé) à 25 images/seconde de ces normes, quel que soit le format du signal vidéo d'origine[12] ».
Dans une caméra vidéo, la généralisation du capteurs CCD remplace le balayage cathodique de l'image par un échantillonnage des niveaux lumineux sur chaque pixel, dans un registre de transfert qui constitue une image matricielle complète. Ce registre dit « à transfert de charge » sérialise l'exposition chaque zone optique capturée. Certains CCD sont conçus spécialement pour la vidéo entrelacée[13]. Bien que la transmission de l'image matricielle se fasse en série, l'ensemble des pixels correspond au même instant. Si, pour des raisons de compatibilité avec les systèmes anciens, on souhaite continuer à transmettre des lignes entrelacées, on peut le faire ; mais ce n'est plus une nécessité. Les capteurs récents produisent, si nécessaire, une image entrelacée par interpolation numérique à partir des images matricielles complètes[14].
Notes et références
- Une trame est composée d'un ensemble de lignes, réparties uniformément sur toute la hauteur de l'image, balayées successivement[1]
- Commission électrotechnique internationale, « Radiodiffusion : Son, vidéo, données / Télévision : Analyse et affichage de l'image - Signaux vidéo », dans Vocabulaire électrotechnique international, (lire en ligne), p. 723-05-21 « entrelacement ».
- (en) Paul Marshall, « Interlacing – the hidden story of 1920s video compression technology : Entrelacement - l'histoire cachée de la technologie de compression vidéo des années 1920. Extrait : « It must be remembered that they were using the medium wave broadcast band initially before moving up into the 2 mc/s range under Federal Radio Commission orders. This suggests that bandwidth reduction was his aim, not flicker reduction. » », sur becg.org.uk, (consulté le ).
- Jean Cluzel, « Rapport d'information N°384 du Sénat. Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 1992. Rapport sur l 'audiovisuel français à la veille du marché unique européen » [PDF], sur senat.fr (consulté le ), p. 114.
- (en) « Mechanical Television, Ulises Armand Sanabria », sur Early Television Museum, (consulté le ).
- (en) George Evenson, La vie de Philo F. Farnsworth, New York, The Vail-Bllou Press, , p. 202.
- (en) Keith Jack, Video Demystified - A Handbook for the Digital Engineer, Eagle Rock, États-Unis, LLH Technology Publishing, (ISBN 1-878707-56-6, lire en ligne), p. 76.
- « Recommandation UIT-R BO.786, annexe 1. Système MUSE pour les services de radiodiffusion de TVHD par satellite. 1992 » [PDF], sur senat.fr (consulté le ).
- (en) Don Munsil et Brian Florian, « DVD Benchmark – Part 5 – Progressive Scan DVD », sur hometheaterhifi.com (consulté le ).
- (en) National Association of Broadcasters, Engineering handbook, Focal Press, , 10e Ă©d., p. 156.
- Pierre Hemardinquer, « Comment l'image est analysée en télévision. Revue Le Haut Parleur N°694, publié le 4 décembre 1938. » [PDF], sur retronik.fr (consulté le ), p. 16.
- (en) John Watkinson, The MPEG Handbook, Focal Press, , 2e Ă©d., 435 p. (ISBN 9780-240-80578-8), p. 245 sq.
- Commission supérieure technique de l'image et du son, « Recommandation Technique 040 ».
- Holst 1998, p. 46.
- Holst 1998, p. 299.
Annexes
Bibliographie
- (en) Gerald C. Holst, CCD Arrays Camera and Displays, JCD Publishing & SPIE, , 2e Ă©d. (lire en ligne)
Articles connexes
Liens externes
- Balayage télévision - Université du Mans, avec un applet Java (lien obsolète)
- Télévision numérique (une page personnelle), avec une animation explicative
- The Broadcast Engineering Conservation Group - site anglophone