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Entr'acte (film)

Entr'acte[1] est un film français réalisé par René Clair.

Entr'acte
Description de cette image, également commentée ci-après
Réalisation René Clair
Scénario Francis Picabia
Acteurs principaux
Pays de production Drapeau de la France France
Genre dadaĂŻste
Durée 22 min.
Sortie 1924

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

La sortie était prévue le mais le film fut projeté le , au théâtre des Champs-Élysées, durant l'entracte de Relâche, un ballet instantanéiste orchestré par Francis Picabia, sur une musique d'Erik Satie et chorégraphié par Jean Börlin. Il représente à ce titre la première intervention du cinéma dans un spectacle de danse.

Synopsis

Le film est une suite de scènes « surréalistes », comme celle de la poursuite folle d'un corbillard ou de la danseuse barbue filmée en contre-plongée.

Le film est clairement divisé en deux parties. La première se passe principalement sur le toit et aux alentours du théâtre des Champs-Élysées. La deuxième est l'enterrement et la poursuite folle du corbillard qui s'ensuit.

Fiche technique

Distribution

La distribution inclut aussi des apparitions de Francis Picabia (le serveur du canon), Erik Satie, Man Ray et Marcel Duchamp (ces deux derniers jouant aux Ă©checs).

Références du film

  • La scène de la ballerine est sĂ»rement inspirĂ©e du film Ballet mĂ©canique, rĂ©alisĂ© la mĂŞme annĂ©e par Fernand LĂ©ger, oĂą l'on peut voir une danseuse. Le rythme du film avec la camĂ©ra qui tourne autour du sujet fait penser Ă  la danseuse vu de dessous qui tourne, la diffĂ©rence Ă©tant que, dans Entr'acte, ce n'est pas la camĂ©ra qui tourne mais bien le sujet.
  • RenĂ© Clair a insĂ©rĂ© une courte scène avec des allumettes animĂ©es qui fait directement rĂ©fĂ©rence au film Les Allumettes fantaisistes d'Émile Cohl de 1912. Elle peut aussi faire rĂ©fĂ©rence Ă  Francis Picabia pour son portrait de femme aux allumettes de 1920.
  • La scène des ballons Ă  tĂŞte de personnage fait, elle aussi, rĂ©fĂ©rence Ă  Georges MĂ©liès (Clair Ă©tant un fan de MĂ©liès), mais pour un autre film, L'Homme Ă  la tĂŞte en caoutchouc, de 1901, film de moins de 2 minutes 30 oĂą une tĂŞte se fait gonfler avec un soufflet.
  • La fin d' Entr'acte se termine en beautĂ©, le mot « Fin » apparaĂ®t, mais le magicien passe Ă  travers l'Ă©cran. La sĂ©quence est alors rembobinĂ©e en marche arrière pour que le mot « Fin » puisse rĂ©apparaĂ®tre. Cette scène fait rĂ©fĂ©rence au film Les Affiches en goguette de Georges MĂ©liès (1907) oĂą des personnages reprĂ©sentĂ©s sur des affiches prennent vie et s'Ă©chappent[3].
  • L'ensemble du film fait rĂ©fĂ©rence Ă  l'univers de la foire, la fĂŞte foraine, aux spectacles de rue, au monde du cirque, qui Ă©taient très en vogue depuis le fin du XIXe siècle :
  1. La femme à barbe, peut-être référence aux « bêtes de foires »
  2. Le chasseur, tir forain, tir Ă  la carabine
  3. Chameau du cortège
  4. Montagnes russes du Luna Park

Entr'acte est aussi sujet d'inspiration, notamment pour le film de Dziga Vertov avec L'Homme à la caméra.

Production

Voici la note qui servit de fil directeur au film, écrite par Francis Picabia à René Clair sur deux feuillets de papier, avec pour en-tête Maxim's :

« Mercredi soir,
Mon cher ami, je vous envoie inclus la partie cinématographique du ballet,
Bien sympathiquement votre Francis Picabia.
Lever de rideau :
Charge d'un canon au ralenti par Satie et Picabia, le coup devra faire le plus de bruit possible. Durée totale : 1 minute.

Pendant l'Entr'acte :

  • Assaut de boxe par des gants blancs sur Ă©cran noir : durĂ©e 15 secondes. Projection Ă©crite pour l'explication : 10 secondes.
  • Partie d'Ă©checs entre Duchamp et Man Ray, jet d'eau, manĹ“uvrĂ© par Francis Picabia balayant le jeu[4] : durĂ©e 30 secondes.
  • Jongleur et Père La Colique : durĂ©e 30 secondes.
  • Chasseur tirant sur un Ĺ“uf d'autruche sur jet d'eau. De l'Ĺ“uf sort une colombe. Elle vient se poser sur la tĂŞte du chasseur ; un deuxième chasseur tirant sur elle, tue le premier chasseur; il tombe, l'oiseau s'envole : durĂ©e 1 minute. Projection Ă©crite: 20 secondes.
  • 11 personnes couchĂ©es sur le dos prĂ©sentent le dessous de leurs pieds : 10 secondes. Projection manuscrite : 15 secondes.
  • Danseuse sur une glace transparente, cinĂ©matographiĂ©e par en dessous : durĂ©e 1 minute. Projection Ă©crite : 5 secondes.
  • Gonflage de ballons et de paravents en caoutchouc sur lesquels seront dessinĂ©es des figures accompagnĂ©es d'inscriptions : durĂ©e 35 secondes.
  • Un enterrement : corbillard traĂ®nĂ© par un chameau, etc. durĂ©e : 6 minutes. Projection Ă©crite : 1 minute. »

René Clair en écrit un scénario :

« Un rêve d'enfant. Des cheminées penchées en tous sens. Le ciel à la place de la terre. Des poupées dont la tête se gonfle et explose. Une danseuse si légère qu'elle ne touche pas terre. Un bateau de papier qui flotte sur les toits et fait naufrage. Un chasseur comique qui ne peut arriver à casser un œuf dansant sur un jet d'eau. L’œuf se dérobe, se divise, enfin reste à peu près en place. Le chasseur de brise. Une colombe sort de l'œuf et se pose sur la tête du chasseur, enchanté. Un autre chasseur survient, veut tuer la colombe, mais tue le chasseur. L'enterrement du chasseur a lieu aussitôt. Une foule de grotesques dansants suit le cortège qui prend de la vitesse et s'emballe. Le cortège se disperse dans la campagne. Une poursuite insensée à laquelle se mêlent des cyclistes, des avions, des bateaux. Enfin, le cercueil tombe. Le chasseur en sort, transformé en magicien. À l'aide de sa baguette il fait disparaître les poursuivants, un garçon de banque, une vieille dame, un coureur à pied. Puis il se fait disparaître lui-même. Il ne reste plus qu'un paysage. Le rêve s'est effacé. »

Analyse

Pendant une vingtaine de minutes, on peut voir plusieurs effets spéciaux comme des gens courant au ralenti, des séquences en temps inversé, un œuf soutenu par un jet d'eau, se transformant instantanément en oiseau, ou une personne qui disparaît.

Le film est en deux parties (les indications de durées sont approximatives, car à l'époque de la première, aucune technique cinématographique ou musicale ne permettait une synchronisation exacte au cours d'une performance publique) :

  • une sĂ©quence d'environ 90 secondes, avec Satie et Picabia chargeant un canon au-dessus d'un immeuble. Cette sĂ©quence apparaĂ®t aussi, sans musique, au dĂ©but du ballet, juste après l' "Ouverturette" et avant le lever de rideau "Rideau". La musique de cette première partie est appelĂ©e "Projectionnette" et on la retrouve en seconde partie dans la partition de Relâche. Il n'y a apparemment aucun effort de synchronisation entre le film et la musique dans cette partie. "Projectionnette" Ă©tait probablement jouĂ©e deux ou trois fois avant d'enchaĂ®ner sur la partie "Rideau".
  • le reste du film Ă©tait projetĂ© pendant l'entracte du ballet. La partition de cette seconde partie n'est pas incluse dans la partition de Relâche, mais fut Ă©crite par Satie dans une partition sĂ©parĂ©e intitulĂ©e CinĂ©ma. Cette partie de la musique contient des sĂ©quences rĂ©pĂ©tĂ©es plusieurs fois pour faire correspondre certains passages musicaux avec des Ă©vĂ©nements du film. C'est un des premiers exemples de synchronisation de la musique avec un film. Dans la partition, Satie nomme dix sections associĂ©es aux scènes du film.

Autour du film

Entr'acte, film dadaïste, pré-surréaliste figure aujourd'hui parmi les films dits « de répertoire », ce film est un hommage aux films burlesques de l'époque, la partition d'Erik Satie fut composée en suivant scrupuleusement le rythme des images du film en un temps où le film était encore muet. De ce court métrage, d'avant-garde « qui ne respecte rien, si ce n'est le droit d'éclater de rire », disait Picabia ou, comme l'écrivain Alexandre Arnoux le revoyant de nombreuses années plus tard : « Ce film est toujours jeune. Aujourd'hui encore on a envie de le siffler ».

Notes et références

  1. Ce n'est qu'en 1932-1935 que l'Académie française opta pour la graphie entracte.
  2. Musique seulement
  3. Cette scène fut sans doute reprise par le performeur Saburô Murakami dans sa première exposition du mouvement Gutaï en 1955 où une multitude d'écrans de papiers sont destinés à être déchirés par le premier visiteur de l'exposition.
  4. Ariane Bavelier, « Au Capitole, Toulouse-Lautrec retrouve le caf'conc' », Le Figaro, cahier « Le Figaro et vous »,‎ 16-17 octobre 2021, p. 33 (lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

  • Claudine Amiard-Chevrel, Théâtre et cinĂ©ma des annĂ©es vingt, tome 2, L’Âge d'Homme, 1990
  • Vincent Lajoinie, Erik Satie, L'Ă‚ge d'Homme, 1990, 443 p.
  • LĂ©vĂŞque, Jean-Jacques, Les AnnĂ©es Folles - 1918-1939, Le Triomphe de L'art Moderne, ACR Édition, 1992
  • Hans Richter, Viking Eggeling, Man Ray, RenĂ© Clair, Fernand LĂ©ger et Dudley, Murphy (rĂ©al.), Dada cinĂ©ma + 1 brochure (33 p.). Édition du Centre Pompidou, 2005
  • Mas Josiane, Arts en mouvement : les Ballets suĂ©dois de Rolf de MarĂ© : Paris 1920-1925, Presses universitaires de la MĂ©diterranĂ©e, 2008
  • HĂ©lios Azoulay, Scandales ! Scandales ! Scandales ! : Histoire de chefs-d’œuvre que l'on siffle. Jean-Claude Lattès, 2008
  • Dominique Noguez, Éloge du cinĂ©ma expĂ©rimental, Édition Paris ExpĂ©rimental, 2010
  • 'Nicole Brenez, Christian Leb, Jeune, Dure et Pure : une histoire du cinĂ©ma d'avant-garde et expĂ©rimental, CinĂ©mathèque française, 2001

Liens externes

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