Accueil🇫🇷Chercher

Dulkadir

La dynastie beylicale turkmène d’Anatolie des Dulkadir, Dulkadirides ou Dhû l-Qâdirides[1] a régné, à partir de 1337, sur le sud-est de l’Anatolie après le déclin des Seldjoukides de Roum, pour voir finalement son territoire incorporé à l’empire ottoman en 1522. Leur capitale était Maraş (Actuellement Kahramanmaraş) ou Elbistan. Le centre de leur territoire était la province turque actuelle de Kahramanmaraş aussi nommée Zulkadriyye dans les textes ottomans[2]. Ce territoire s’est parfois étendu vers l’est jusqu’à Mossoul (Irak) et jusqu’à Kırşehir en Cappadoce vers l’ouest. Ce territoire joue le rôle d’un État tampon entre la puissance déclinante des Mamelouks d’Égypte et la puissance montante des Ottomans.

Histoire

Le 26 juin 1243, à la bataille de Köse Dağ le sultan seldjoukide de Roum Kay Khusraw II subit une défaite sévère devant les armées mongoles menées par Baïdju[3]. Les Seldjoukides du sultanat de Roum deviennent des vassaux des Mongols Houlagides. Après cette défaite, le sultanat de Roum décline. Vers 1307, le dernier sultan de Roum Ghiyâth ad-Dîn Mas`ûd décède sans héritier. C'est la fin du sultanat de Roum. En 1335 Abu Saïd Bahadur neuvième et dernier ilkhan indépendant meurt. Il n’y a plus de puissance dominante en Anatolie qui se trouve divisée en une vingtaine de beylicats plus ou moins éphémères et plus ou moins indépendants.

Fondation de la dynastie

En 1337, un chef de clan turc nommé Zayn al-Dîn Qaraja prend Elbistan. Il est le fils de Dulkadir, nom arabisé en Dhu’l-Qadir qui donne son nom à la dynastie. Elbistan est un poste clé à l’entrée de la péninsule anatolienne ce qui confère son importance à cette dynastie. Qaraja est reconnu comme mandataire (nāʾīb[4]) par le sultan mamelouk du fleuve An-Nâsir Muhammad. Pendant son règne sept sultans mamelouks se succèdent au Caire. Qaraja va tantôt se soumettre aux Mamelouks, tantôt prendre ses distances. Il remporte quelques succès militaires, il prend quelques places fortes aux environs d’Alep. En 1348, il s’attribue le titre de « Malik az-Zâhir[5] »[6]. En 1352, Bay Buga (ou BayBugha) gouverneur d’Alep appointé par les Mamelouks se révolte. Qaraja fait partie de ses alliés, mais devant l’avance d’une armée mamelouke venant d’Égypte, Qaraja trahit Bay Buga et s’enfuit trouver refuge dans un beylicat voisin. Bay Buga et Qaraja sont pris par les Mamelouks[7]. Qaraja est tué au Caire à l’âge de quatre-vingt-trois ans le 11 décembre 1353. Pendant ce règne, les Ottomans connaissent une période de stabilité et d’expansion avec le long règne d’Orhan (1326-1359).

Les successeurs

En 1353, Khalil, fils de Qaraja succède à son père pour un nouveau règne long de 33 ans. L’État ottoman continue de s’étendre en Anatolie sous le règne de Murad Ier (1359-1389). Khalil Bey est tué à l’âge de quatre-vingt-seize ans en 1386[8].

Süli Bey, frère de Khalil lui succède pour un court règne : du 30 mai 1398 jusqu’au 2 septembre 1399. Il a trois filles : l'aînée se marie avec Rahatoğlu Alaeddin Ali bey de Sivas, la cadette est mariée au cadi Burhaneddin Ahmed et la benjamine (Devlet Hatun) épouse le sultan ottoman Bayezid Ier[8] en septièmes noces[9]. En 1399, le fils de Khalil Bey, Mehmed Bey prend la succession pour un règne de 45 ans, jusqu’à sa mort à l’âge de soixante-dix-sept ans en 1443[8]. En 1402, le sultan ottoman Bayezid Ier est vaincu par Tamerlan. Il décède et laisse l’État ottoman dans une situation instable qui dure jusqu’en 1413. Mehmed Bey doit alors se soumettre à l’autorité de Tamerlan. En 1403, Emine, fille de Mehmed Bey, épouse celui qui deviendra, dix ans après, le sultan ottoman Mehmed Ier Çelebi[9]. Une autre de ses filles épouse le sultan mamelouk Sayf ad-Dîn Jaqmaq (Cakmak). Mehmed Bey combat les beylicats voisins les Karamanides et de Ramazanides. En récompense les Mamelouks lui attribuent la ville de Kayseri[6]. Pendant cette période le pouvoir change aussi en Égypte, les mamelouks burjites succèdent aux bahrites.

En 1443, Süleyman Bey, fils aîné de Mehmed Bey accède au pouvoir. Sa fille, la plus belle d’entre elles dit-on[10], Sitt Hatun, épouse le sultan ottoman Mehmed II Fatih[9] - [10]. Süleyman Bey est tué en 1454[8]. Il laisse quatre fils rivaux : Melik Arslan, Şahbudak, Şehsuvar et Alaüddevle Bozkurt. Ses autres fils sont morts avant lui[11].

En 1454, l’aîné, Melik Arslan succède à son père. En 1465, il est assassiné par son frère Şahbudak qui a le soutien des Mamelouks[11].

En 1467, Şahbudak est évincé par son autre frère Şehsuvar qui a pour lui le soutien de Mehmet II Fatih[11]. Pour le sultan mamelouk Qaitbay, c’est un casus belli. En 1469, il envoie deux expéditions menées par son atabeg Azbak. Şehsuvar en sort vainqueur, il en profite pour commencer à envahir la Syrie. En 1471, une troisième expédition mamelouke est menée cette fois par Yashbak. Ce dernier va utiliser l’artillerie au cours des sièges. Şehsuvar ne possède que deux canons qu’il n’a pas l’occasion d’utiliser[12]. Yashbak parvient à mettre en déroute les armées de Şehsuvar. En août 1472, Şehsuvar et est pris et ramené au Caire. Le prisonnier est écartelé et ses restes sont suspendus sur la porte Zawiya du Caire.

En 1472, Şahbudak reprend le trône dont il a été écarté en 1467. En 1480, il est renversé lui aussi à l’instigation de Mehmed II. Alaüddevle Bozkurt[13], son frère, le quatrième fils de Süleyman Bey, prend le pouvoir[8].

Fin du beylicat

Le , Selim Ier remporte une victoire sur Alaüddevle Bozkurt, bey des Dulkadir, à la bataille du Mont Turna (Turna Dağ, près d’Elbistan)[14]. Alaüddevle Bozkurt meurt à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Ali Bey, fils de Şehsuvar, lui succède. Il était gouverneur de Maraş, et reçoit des Ottomans, le titre de pacha. La principauté de Dulkadir est incorporée à l’empire ottoman[8].

Le , la victoire de Selim Ier sur les Mamelouks à la bataille de Marj Dabiq aux environs d’Alep (Syrie), annonce la fin du beylicat de Dulkadir. Les Mamelouks sont écrasés par la supériorité des armées ottomanes. Le sultan mamelouk Qânsûh al-Ghûri est tué et le calife abbasside al-Mutawakkil III est fait prisonnier. Selim entre dans Alep le . Le jour suivant les prières sont dites en son nom, le déclarant calife.

En 1522, sous le règne du sultan Soliman le Magnifique, `Ali, dernier Bey de la dynastie est exécuté. Néanmoins, jusqu’au XVIIe siècle, certains membres de la famille dulkadiride continuent à jouir de privilèges royaux[1]. Maraş devient le siège du gouverneur de la province nommée Dhu’l-Qadriyya[15] ou Zulkadriyye[2] (eyalet de Dulkadir) jusqu’au milieu du XIXe siècle dans les documents ottomans.

Héritage

  • Mosquée Ulu dans le château de Kahramanmaraş, construite en 1496, par l’un des fils de Süleyman Bey.

Dynastie

Les beylicats d’Anatolie formés après la bataille de Köse Dağ (26 juin 1243)
Dates[16]!! Nom turcTranslittération de l’arabeFils de
1337-09/1353Zeyneddin Ahmet KaracaZayn al-Dîn QarajaDhu’l-Qâdir
1353-1386Garseddin HalilGhars al-Dîn KhalilKaraca
1386-05/1398Şaban Süli (Sevli)Sha`bân SüliKaraca
1398-09/1399SadakaSadakaSülibref règne[17]
1399-1442Nasireddin MehmedNâsir al-Dîn MuhammadHalil
1442-1454SüleymanSulaymanMehmed
1454-1465Melik ArslanMalik ArslanSüleyman
1465-1467ŞahbudakShah BudakSüleymanpremier règne
1467-1472ŞehsuvarShah SuwârSüleyman
1472-1480ŞahbudakShah BudakSüleymansecond règne
1480-06/1515Alaüddevle Bozkurt`Alâ’al-Dawla BozqurdSüleyman
1515-1522Ali`AlîŞehsuvarAnnexion à l’empire ottoman

Notes et références

  1. Janine Sourdel et Dominique Sourdel, Op. cit., « Dulkadirides ou Dhû l-Qâdirides », p. 254-255. On trouve aussi : Dulgadir, Dulghadir; en turc : Dulkadiroğlu ou Dulkadiroğulları, ce nom d’origine incertaine a été arabisé en Dhu’l-Qadir, Dhu’l-Qadr, Dhu’l-Kadr, Zol al-Qadr, Zulkadr, en arabe : ḏū al-qādir, ذو القادر, (celui) qui a le pouvoir
    (en) Clifford Edmund Bosworth, op.cit. (lire en ligne), « The Dulghadir Oghullari or Dhu’l-Qadrids », p. 238
  2. Zulkadriyye pour désigner le territoire des Dulkadirides, voir par exemple « Teşkilat İçi Eğitim Seminerleri 2001-2002 »
  3. Janine Sourdel et Dominique Sourdel, Op. cit., « Kösedağ (bataille de), juin 1243 », p. 486
  4. Nâ'îb en arabe : nāʾīb, نائب , représentant, député
  5. Malik az-Zâhir en arabe : mālik aẓ-ẓāhir, مالك الظاهر, roi évident
  6. (en) « Dulkadirogullari Principality »
  7. (en) Robert Irwin, op. cit. (lire en ligne), p. 139-140
  8. (en) « Principal Characters of Dulkadirogullari Principality »
  9. (en) Charles Cawley, « Ottomans », sur http://fmg.ac/ Foundation for Medieval Genealogy
  10. (en) Franz Babinger, William C. Hickman, Ralph Manheim, op.cit. (lire en ligne), p. 57
  11. (en) Theoharis Stavrides, op. cit. (lire en ligne), p. 342
  12. (en) Michael Winter, Amalia Levanoni, op. cit. (lire en ligne), « Gunpowder and Firearms in the Mamluk », p. 130
  13. Bozqurd ou Bozkurt en turc : bözkurt, « loup gris »
  14. (en) Martin Sicker, op. cit. (lire en ligne), p. 197
  15. (en) Clifford Edmund Bosworth, op.cit. (lire en ligne), « The Dulghadir Oghullari or Dhu’l-Qadrids », p. 238
  16. Liste établie d'après :
  17. Sadaka ne figure pas dans la liste donnée par (en) Clifford Edmund Bosworth, op.cit. (lire en ligne), « The Dulghadir Oghullari or Dhu’l-Qadrids », p. 238 mais figure dans « Dulkadir Beyliği Dönemi » avec les dates de début et de fin de règne.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Janine Sourdel et Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l’islam, PUF, coll. « Quadrige », , 1056 p. (ISBN 978-2-13-054536-1), p. 254, article Dulkadirides ou Dhû l-Qâdirides
  • (en) Shai Har-El, Struggle for Domination in the Middle East: The Ottoman-Mamluk War, 1485-91, BRILL, (ISBN 978-90-04-10180-7, présentation en ligne)
  • (en) Nagendra Kr. Singh, International encyclopaedia of Islamic dynasties, Anmol Publications PVT. LTD. (ISBN 978-81-261-0403-1, présentation en ligne)
  • (en) Clifford Edmund Bosworth, The New Islamic Dynasties: A Chronological and Genealogical Manual, Edinburgh University Press, , 400 p. (ISBN 978-0-7486-2137-8, présentation en ligne)
  • (en) Robert Irwin, The Middle East in the Middle Ages: The Early Mamluk Sultanate, 1250-1382, Routledge, , 180 p. (ISBN 978-0-7099-1308-5, présentation en ligne)
  • (en) Franz Babinger, William C. Hickman, Ralph Manheim (trad. Ralph Manheim), Mehmed the Conqueror and His Time, Princeton University Press, , 572 p. (ISBN 978-0-691-01078-6, présentation en ligne)
  • (en) Theoharis Stavrides, The Sultan of Vezirs : The Life and Times of the Ottoman Grand Vezir Mahmud Pasha Angelovic (1453-1474), BRILL, , 449 p. (ISBN 978-90-04-12106-5, présentation en ligne)
  • (en) Martin Sicker, The Islamic World in Ascendancy: From the Arab Conquests to the Siege of Vienna, Greenwood Publishing Group, , 232 p. (ISBN 978-0-275-96892-2, présentation en ligne)
  • (en) Michael Winter, Amalia Levanoni, The Mamluks in Egyptian and Syrian Politics and Society, BRILL, , 450 p. (ISBN 978-90-04-13286-3, présentation en ligne)
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.