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Droit au silence

Le droit au silence est la prĂ©rogative qu'a une personne arrĂȘtĂ©e par les policiers ou traduite devant un juge de rester silencieuse sans que ce silence puisse lui ĂȘtre reprochĂ©.

Il est aussi nommé droit de se taire ou droit de ne pas s'auto-incriminer (en latin, nemo tenetur se ipsum accusare).

Droit international

L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit le droit de ne pas s'auto-incriminer :

« Article 14 [extraits]
3. Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
g) À ne pas ĂȘtre forcĂ©e de tĂ©moigner contre elle-mĂȘme ou de s'avouer coupable. »

Ce droit est par ailleurs consacré par la jurisprudence des Cour de justice de l'Union européenne (CJCE) et Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Cette derniÚre note que le droit au silence permet d'éviter l'obtention d'éléments de preuve sous la contrainte ou la pression et permet ainsi l'évitement d'erreur judiciaires[1]. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit de se taire interdit au juge de baser sa condamnation de culpabilité essentiellement sur le fait que la personne choisit de garder le silence (sauf s'il n'existe aucune autre explication possible)[2].

Par pays

Canada

En vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, on ne peut déduire la culpabilité du fait du silence de l'accusé[3].

L'arrĂȘt R. c. Hebert [4] est la principale dĂ©cision de la Cour suprĂȘme du Canada sur le droit d'un accusĂ© de garder le silence en vertu de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s.

En droit civil quĂ©bĂ©cois, en vertu de l'article 285 du Code de procĂ©dure civile, il n'existe pas de droit au silence, contrairement au droit pĂ©nal. Le tĂ©moin est obligĂ© de rĂ©pondre lorsqu'il est interrogĂ© dans une instance civile, mais s'il avoue un crime pour cette raison, alors la protection contre l'auto-incrimination va s'appliquer et la rĂ©ponse du tĂ©moin ne pourra pas ĂȘtre utilisĂ©e contre lui dans un procĂšs pĂ©nal[5].

États-Unis

Aux États-Unis, ce droit a Ă©tĂ© remis en cause, au nom de la lutte contre le terrorisme, Ă  l'occasion de l'affaire Zacarias Moussaoui (voir procĂšs États-Unis v. Zacarias Moussaoui).

France

Selon l'article 63-1 du code de procédure pénale, lors des auditions et aprÚs avoir décliné son identité, la personne placée en garde à vue a le droit de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. Elle dispose aussi de ce droit en cas de comparution devant le juge des libertés et de la détention.

Devant les juridictions de jugement, le droit au silence est reconnu (article 535 du code de procédure pénale pour le tribunal de police, article 406 pour le tribunal correctionnel et article 328 pour la cour d'assises) [6].

Portugal

En droit portugais, « le droit au silence n’est pas un droit absolu. Dans certaines circonstances, il peut ĂȘtre dĂ©duit du silence, des consĂ©quences dĂ©favorables Ă  l'accusĂ© [...] si les situations appelaient des explications »[7].

Mais son application, « beaucoup plus importante Â»[7], consiste dans le droit d'un prĂ©venu de ne pas s'auto-incriminer, afin que soit Ă©liminĂ©e toute forme de contrainte pouvant amener une personne Ă  faire des dĂ©clarations[7].

Suisse

Le Code de procĂ©dure pĂ©nale suisse indique que « Le prĂ©venu n’a pas l’obligation de dĂ©poser contre lui-mĂȘme. Il a notamment le droit de refuser de dĂ©poser et de refuser de collaborer Ă  la procĂ©dure. Il est toutefois tenu de se soumettre aux mesures de contrainte prĂ©vues par la loi » (article 113)[8].

Le prĂ©venu doit ĂȘtre informĂ© de son droit de ne pas rĂ©pondre lors de la premiĂšre audition[9]. Il peut Ă©galement demander la mise sous scellĂ©s des objets issus de fouille et de perquisition[10]. Les autoritĂ©s ne peuvent pas recourir Ă  la tromperie, la contrainte ou la force pour obtenir une dĂ©position[11]. L'usage du droit au silence ne doit pas ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un indice de culpabilitĂ© ou entraĂźner d'autres inconvĂ©nients[12].

Le tĂ©moin a l’obligation de tĂ©moigner et de dire la vĂ©ritĂ©[13] ; certaines personnes ont le droit de refuser de tĂ©moigner : proches du prĂ©venu, personnes susceptibles de s'incriminer ou d'incriminer un proche, personnes soumise au secret professionnel ou de fonction, etc.[14].

Exemples

Expressions

On peut faire usage de son droit au silence en déclarant par exemple[15] :

  • Je n'ai rien Ă  dĂ©clarer ;
  • Je ne souhaite pas faire de dĂ©claration ;
  • Je ne souhaite pas rĂ©pondre Ă  vos questions ;
  • Je fais usage de mon droit au silence.

Procédures

En Allemagne, Karl Victor Hase (de) (1834-1860) donne son passeport Ă  un ami Ă©tudiant fuyant le pays. AprĂšs le passage de la frontiĂšre, son ami jette le passeport qui est ensuite retrouvĂ©. Karl Victor Hase est soupçonnĂ© de complicitĂ© de fuite et interrogĂ©. Lors de son audition, il rĂ©pĂšte en boucle « Mein Name ist Hase, ich verneine alle Generalfragen, ich weiß von nichts » (« Mon nom est Hase, je refuse de rĂ©pondre aux questions, je ne suis au courant de rien »). Cela ne permet pas aux enquĂȘteurs de distinguer la vĂ©ritĂ© parmi les diffĂ©rentes hypothĂšse (don, perte ou vol du passeport), et Hase est acquittĂ©, faute de preuves[16].

Notes et références

  1. Collectif, Comment la police interroge et comment s'en dĂ©fendre, Fribourg, Projet Évasions, , 150 p. (ISBN 978-2-8399-3628-6), p. 114.
  2. Camille Perrier Depeursinge, Code de procédure pénale suisse (CPP) annoté, Helbing Lichtenhahn, , 920 p. (ISBN 978-3-7190-4326-1), p. 177.
  3. Voir pour une application : Article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
  4. [1990] 2 R.C.S. 151
  5. Pierre-Claude Lafond (dir.), JurisClasseur Québec - Preuve et prescription, Montréal, LexisNexis Canada, 2012.
  6. « Code de procĂ©dure pĂ©nale - Article 63-1 Â», legifrance.gouv.fr (consultĂ© le 27 novembre 2019).
  7. Louis-Edmond Pettiti - confĂ©rence sur le « Droit au silence Â», publiĂ© dans Documentação e Direito Comparado, n. os 75/76 - 1998 http://www.gddc.pt/actividade-editorial/pdfs-publicacoes/7576-e.pdf [PDF]
  8. Code de procédure pénale suisse (CPP) du (état le ), RS 312.0, art. 113.
  9. Code de procédure pénale suisse (CPP) du (état le ), RS 312.0, art. 158.
  10. Code de procédure pénale suisse (CPP) du (état le ), RS 312.0, art. 248.
  11. Code de procédure pénale suisse (CPP) du (état le ), RS 312.0, art. 140.
  12. Camille Perrier Depeursinge, Code de procédure pénale suisse (CPP) annoté, Helbing Lichtenhahn, , 920 p. (ISBN 978-3-7190-4326-1), p. 174.
  13. Code de procédure pénale suisse (CPP) du (état le ), RS 312.0, art. 163.
  14. Code de procédure pénale suisse (CPP) du (état le ), RS 312.0, art. 168 à 176.
  15. Collectif, Comment la police interroge et comment s'en dĂ©fendre, Fribourg, Projet Évasions, , 150 p. (ISBN 978-2-8399-3628-6).
  16. Collectif, Comment la police interroge et comment s'en dĂ©fendre, Fribourg, Projet Évasions, , 150 p. (ISBN 978-2-8399-3628-6), p. 113-114.

Articles connexes

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