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Djokhar Doudaïev

Djokhar Moussaïevitch Doudaïev (en russe : Джохар Мусаевич Дудаев, en tchétchène : Дудин Муса кIант Жовхар), né peut-être le ou comme le mentionne sa femme « lors de la récolte de blé, un soir d'automne 1943 » à Ialkhoroï et mort le à Gekhi-Chu, est un ancien général de l'armée de l'air soviétique d'origine tchétchène et homme d'État, médaillé de l'ordre de Lénine. Il est le premier président de la république tchétchène d'Itchkérie de 1991 à 1996.

Djokhar Doudaïev
Djokhar Doudaïev en 1991
Fonction
Président de l'Itchkérie
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Inconnu, Tchétchénie
Nom dans la langue maternelle
ДудагӀеран Мусан ЖовхӀар ou Дудин Муса-кӀант Джохар
Nationalités
Allégeances
Formation
Académie militaire d'aviation Youri A. Gagarine (en)
"M.M. Raskova" Higher Military Aviation School of Pilots in Tambov (d)
Activités
Famille
Taïp, Tsetchoï (d), Ialkhoroï (d)
Conjoint
Alla Dudayeva (en)
Autres informations
Partis politiques
Armes
Grades militaires
Major général (à partir de )
Généralissime (à partir de )
Major-général de l'Aviation (d)
Conflits
Distinctions
Liste détaillée
Ordre du Drapeau rouge
Badge « pour un guerrier-internationaliste »
Médaille « pour service impeccable »
Médaille du peuple afghan reconnaissant au combattant international (d)
Médaille « pour service impeccable », 3e classe (d)
Médaille « pour service impeccable », 2e classe (d)
Médaille du Jubilé des « 70 ans des Forces armées de l'URSS » (en)
Médaille du Jubilé des « 50 Ans des Forces armées de l'URSS » (en)
Ordre de l'Étoile rouge
Médaille du Jubilé des « 60 Ans des Forces armées de l'URSS » (en)
Médaille « vétéran des forces armées de l'URSS » (en)
Médaille du Jubilé des « 20 ans de la victoire dans la Grande guerre patriotique de 1941-1945 » (en)
Médaille « pour service impeccable », 1re classe (d)
signature de Djokhar Doudaïev
Signature

Jeunesse et carrière militaire

Doudaïev voit le jour en 1944[1] au village de Ialkhoroï dans la république socialiste soviétique autonome (RSSA) de Tchétchénie-Ingouchie, peu de temps avant que Staline ordonne la déportation de nombreuses populations (Tchétchènes, Ingouches, Balkars, Kalmouks, Tatars de Crimée) les accusant à tort de collaboration avec les nazis[1]. Il grandit au Kazakhstan soviétique, où sa famille a été déportée[1].

Les déportés sont autorisés à rentrer en 1957 par Khrouchtchev, ce que fait sa famille[1]. Il prend des cours du soir pour devenir électricien et étudie l'électronique à Vladikavkaz pendant deux ans. Il entre ensuite en 1962 à l'école de pilotage militaire de Tambov et est diplômé en 1966[1]. Il prétend à cette époque être Ossète pour éviter les discriminations contre les Tchétchènes. Il rejoint le Parti communiste en 1968 et étudie à la prestigieuse académie Gagarine de 1971 à 1974. Il épouse à cette époque Alla, une poétesse russe, avec qui il aura trois enfants.

Il sert dans une escadrille de bombardiers lourds de l'armée de l'air en Sibérie et en Ukraine, et participe à la guerre d'Afghanistan[2]. Il monte régulièrement en grade et, en 1987, commande une unité de bombardiers nucléaires sur la base de Tartu, en Estonie, avec le grade de major-général[1] - [3] - [4]. Il apprend l'estonien et fait preuve d'une grande tolérance vis-à-vis des nationalistes locaux, en particulier lorsqu'en 1988 il n'applique pas l'ordre illégal du leader de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev d'arrêter les indépendantistes dans le Parlement estonien et de fermer la télévision[3] - [4].

En 1990, sa division est retirée d'Estonie[4] à la suite de la « révolution chantante », prélude à l'indépendance de ce pays. Il démissionne de l'armée en mai et retourne à Grozny, pour se lancer en politique.

Carrière politique

En décembre 1990, il est élu chef du Comité exécutif du Congrès national tchétchène. Les modérés de ce Congrès avaient d'abord réclamé la formation d'une république séparée de l'URSS pour la RSSA de Tchétchénie-Ingouchie, sous forme de RSS (qui a un statut plus élevé que celui d'une RSSA). Mais les radicaux, dont fait partie Doudaïev, deviennent ensuite majoritaires et demandent l'indépendance tchétchène[5].

En août 1991, Dokou Zavgaïev, le leader communiste de la RSSA, exprime publiquement son soutien au putsch de Moscou contre Gorbatchev[6]. Après l'échec du putsch, l'URSS va commencer à se désintégrer en républiques indépendantes, sans que Gorbatchev puisse s'y opposer. Doudaïev va profiter de cette désagrégation pour s'en prendre à l'administration de Zavgaïev, ce dernier n'étant plus considéré comme fiable par Moscou[6]. Le , les militants indépendantistes du Congrès national tchétchène surgissent dans une session du Soviet suprême de Tchétchénie-Ingouchie et obtiennent la dissolution du gouvernement. Ce coup est approuvé par Boris Eltsine, qui est alors président de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR), en compétition avec un Gorbatchev affaiblit politiquement. Eltsine mène en effet un combat contre le pouvoir soviétique et est alors une sorte d'allié de circonstance avec Doudaïev. Cette alliance éphémère ne dure que quelques semaines. Le pouvoir russe revient à bas bruit sur ses prises de positions en faveur des indépendantistes[7].

Indépendance

En octobre 1991, Doudaïev est élu président de la nouvelle république tchétchène d'Itchkérie (Itchkérie signifiant « la patrie indépendante »[8]) à 85% des voix et déclare unilatéralement l'indépendance en novembre 1991[9] - [10]. L'Itchkérie est alors de facto un État indépendant[11]. Bien que musulman, Doudaïev prône une Tchétchénie laïque, ce qui se traduit par l'établissement d'une constitution similaire à celle des Etats-Unis[12]. À partir de cette déclaration d'indépendance, le climat se tend publiquement entre le pouvoir central de Moscou et le pouvoir Tchétchène. Le Soviet suprême de Russie déclare le scrutin illégal[7]. Le 9 novembre, Boris Eltsine envoie des troupes aéroportées à Grozny, mais elles doivent se retirer au bout de seulement trois jours face à une résistance imprévue. Doudaïev prête dans la foulée serment devant une foule en liesse à Grozny[7]. La Russie refuse de reconnaître l'indépendance, mais hésite à utiliser la force contre les indépendantistes.

La Tchétchénie sécessionniste noue rapidement des relations diplomatiques avec la Géorgie et son premier président Zviad Gamsakhourdia[7]. Quand ce dernier est expulsé fin 1991, Doudaïev lui accorde l'asile, et il assiste à son intronisation comme président. À Grozny, il participe à l'organisation de la première Conférence caucasienne, à laquelle sont conviés des groupes indépendantistes de toute la région. La république tchétchène d'Itchkérie n'aura aucune reconnaissance internationale en dehors de celle de la Géorgie. Les Ingouches forment la république d'Ingouchie, qui ne revendique pas son indépendance et est officiellement intégrée à la fédération de Russie en 1992.

La Tchétchénie réaffirme son indépendance « totale » en 1993.

Difficulté du régime

Un exode massif des populations non-tchétchènes (estimé à 29 % de la population totale) serait provoqué par l'absence de réaction du Gouvernement face à des mouvements anti-russes.

En 1993, les méthodes autoritaires de Doudaïev lui valent des critiques au sein de la population et du parlement[13]. Ce dernier réplique en dissolvant le parlement et en arrêtant ses opposants. Deux attentats sont tentés contre Doudaïev[14]. Des groupes armés tchétchènes se constituent, et à plusieurs reprises au cours de l'année 1994, des coups de force, soutenus par les Russes, sont tentés contre Doudaïev mais ils échouent, notamment en novembre (opération appelée première bataille de Grozny). Après ces échecs, la Russie prépare une nouvelle opération militaire[15].

Première guerre (1994-1996)

Le les forces fédérales russes bombardent l'aéroport de Grozny et détruisent l'aviation (des avions d'entraînement réquisitionnés en 1991). En réponse, la république tchétchène d'Itchkérie déclare la guerre à la Russie et mobilise ses troupes. Le , cinq jours après que Doudaïev et le ministre de la défense russe Pavel Gratchev sont tombés d'accord pour désamorcer le conflit, les troupes russes envahissent l'Itchkérie[15] - [16]. La population tchétchène, qui commençait à se lasser de Doudaïev, lui rend alors son soutien[14].

Avant la chute de la ville en mars 1995, Doudaïev, dont un des deux fils est tué dans les premiers jours de la guerre[17], se replie dans le sud avec ses forces et continue à combattre jusqu'en 1995, depuis, d'après ce que l'on sait, un silo à missiles proche de la capitale historique tchétchène, Vedeno (55 km au sud-est de Grozny)[18]. Malgré la défaite, il continue à croire à la victoire de ses troupes après la fin de la guerre conventionnelle en juillet 1995, et la guérilla tchétchène continue à attaquer les troupes fédérales russes. Un jihad est déclaré à la Russie par le mufti d'Itchkérie, Akhmad Kadyrov, et des volontaires étrangers débarquent en masse dans le pays, la plupart venant des républiques à forte majorité musulmane du Caucase (comme le Daghestan).

Mort

Plaque commémorative à l'hôtel Barclay de Tartu.

Il est tué le près du village tchétchène de Gekhi-Chu[19]. Plusieurs versions de cette mort existent, et la Russie n'a jamais clairement donné sa version détaillée des faits. La version communément admise est celle qu'il aurait été tué par deux missiles guidés par laser alors qu'il utilisait un téléphone par satellite. Sa localisation aurait été faite par un avion de reconnaissance russe qui avait intercepté le signal du téléphone[20]. D'autres avions sont déployés (un Su-24 MR et un Su-25) pour le localiser et tirer le missile. Doudaïev aurait été en conversation avec un député libéral de la Douma servant de médiateur, Konstantin Borovoï, afin de trouver un moyen d'engager des pourparlers avec Yeltsin[21] - [22]. Des avions de reconnaissance russes dans la zone surveillaient depuis quelque temps les communications satellite[23].

Une autre théorie évoque l'attaque combinée d'un missile et d'une bombe pré-positionnée à l'endroit où il avait l'habitude de se rendre pour téléphoner[24].

Sa mort est annoncée trois jours plus tard par Chamil Bassaiev[25]. Son vice-président Zelimkhan Iandarbïev lui succède temporairement. Aslan Maskhadov devient ensuite président après avoir remporté les élections de 1997[23].

Hommages

Diverses rues et places portent le nom de Djokhar Doudaïev :

  • Ankara : Cahar Dudayev Meydanı (Place de Djokhar Doudaïev)
  • Goražde : Ulica generala Džohara Dudajeva (Rue du Général Djokhar Doudaïev)
  • Khmelnytsky : Вулиця Джохара Дудаєва (Rue de Djokhar Doudaïev)[26]
  • Ivano-Frankivsk : Вулиця Джохара Дудаєва (Rue de Djokhar Doudaïev)
  • Izmir : Cahar Dudayev Bulvarı (Boulevard de Djokhar Doudaïev)
  • Lviv : Вулиця Джохара Дудаєва (Rue de Djokhar Doudaïev)
  • Riga : Džohara Dudajeva gatve (Rue de Djokhar Doudaïev)
  • Varsovie : Rondo Dżochara Dudajewa (Rond-point de Djokhar Doudaïev)
  • Vilnius : Džocharo Dudajevo skveras (Place de Djokhar Doudaïev)

Lors de la guerre du Donbass, qui a débuté au printemps 2014, un bataillon paramilitaire de volontaires pro-ukrainiens a été nommé d'après Djokhar Doudaïev et était dirigé par l'ancien général tchétchène Issa Mounaïev. Il s'agit du bataillon Djokhar Doudaïev[27] - [28].

Bibliographie

  • Alla Doudaïeva, Le loup Tchétchène, ma vie avec Djokhar Doudaïev, Paris, Maren Sell, (ISBN 2350040135)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Références

  1. (en) « Obituary: Dzhokhar Dudayev », sur The Independent, (consulté le )
  2. (en) Chechnya war feeds drive for Yeltsin ouster By Jim Genova
  3. (en-US) Botakoz Kassymbekova, « The Road to Democracy in Russia Runs Through Chechnya », sur Foreign Policy, (consulté le )
  4. (en) « Obituary: Dzhokhar Dudayev », sur The Independent, (consulté le )
  5. Aurélie Campana, « Les Tchétchènes et Ingouches, entre résilience et résistances passives », dans Les déportations en héritage : Les peuples réprimés du Caucase et de Crimée hier et aujourd'hui, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6705-4, lire en ligne), p. 97–115
  6. « Dokou Zavgaev, la « marionnette » du Kremlin à Grozny, risque d'être bientôt lâché par ses « patrons » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  7. Aude Merlin, « 1991 en Tchétchénie Regards sur un basculement, vingt ans après », Revue d’études comparatives Est-Ouest, , p. 189-214 (lire en ligne)
  8. Florent Marcie, « « Ils ne seront morts qu'une fois » », Matériaux pour l’histoire de notre temps, , p. 64-70 (lire en ligne)
  9. Didier FRANÇOIS, « L'irréductible résistant de l'indépendance tchétchèneLe président Djokhar Doudaïev aura vécu jusqu'au bout fidèle à ses convictions de nationaliste caucasien. », sur Libération (consulté le )
  10. Aude Merlin, « Tchétchénie : silence, ordre et violence », La Revue Nouvelle, , p. 75-82 (lire en ligne)
  11. Desk Russie, « Le Parlement ukrainien reconnaît l’indépendance et l’« occupation » de la République tchétchène d’Itchkérie », sur Desk Russie, (consulté le )
  12. « Djokhar Doudaev, le loup tchétchène », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  13. « 1992-1994: Independence in all but name », sur www.telegraph.co.uk (consulté le )
  14. « Le général contre l'Empire », sur Libération (consulté le )
  15. (en) « Key Events in Russia's Chechnya Conflict », sur AP NEWS (consulté le )
  16. (en-US) « How the Chechens Tried and Failed to Keep Independence from Russia », sur HistoryNet, (consulté le )
  17. (en) « Obituary: Dzhokhar Dudayev », sur The Independent, (consulté le )
  18. (en-US) Richard Boudreaux, « Chechen Rebels Admit Losing Stronghold to Russians : Caucasus: Separatists say they have regrouped since being routed from mountain headquarters. », sur Los Angeles Times, (consulté le )
  19. (en) « 10th Anniversary Of Chechen Leader's Death Noted », Radio Free Europe/Radio Liberty, (lire en ligne, consulté le )
  20. (en) Nigel West, Encyclopedia of Political Assassinations, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-0239-8, lire en ligne)
  21. « Kill the Messenger - By Robert Young Pelton | Foreign Policy », sur web.archive.org, (consulté le )
  22. « Les présidents tchétchènes assassinés », sur L'Obs, (consulté le )
  23. « Les présidents tchétchènes assassinés », sur L'Obs, (consulté le )
  24. 'Dual attack' killed president BBC News, April 21, 1999
  25. Chechen leader confirmed dead; Supporter says freedom fight unaffected CNN, April 24, 1996
  26. Як у Хмельницькому Джохара Дудаєва вшановували
  27. « UKRAINE. Des Tchétchènes en renfort dans les deux camps », sur Courrier international, (consulté le )
  28. (en) Julie Fedor, Samuel Greene, Andre Härtel et Andrey Makarychev, Journal of Soviet and Post-Soviet Politics and Society: 2016/2: Violence in the Post-Soviet Space, Columbia University Press, (ISBN 978-3-8382-6948-1, lire en ligne)
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