Daniel de Morley
Daniel de Morley, Merlai, Merlac ou Marlach (v.1140 - v.1210), est un philosophe anglais connu pour avoir Ă©crit un traitĂ© dâastronomie et de philosophie naturelle en deux livres quâon retrouve sous les titres de Philosophia Magistri Danielis de Merlac ou de Liber de naturis inferiorum et superiorum.
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Ăcole de traducteurs de TolĂšde (en) |
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AprĂšs ses Ă©tudes en Angleterre, il sĂ©journe briĂšvement Ă Paris puis se rend Ă TolĂšde oĂč il devient lâĂ©lĂšve du traducteur GĂ©rard de CrĂ©mone. Il revient ensuite en Angleterre en rapportant plusieurs livres. En chemin, il rencontre John dâOxford, Ă©vĂȘque de Norwich, son pĂšre spirituel. Ce dernier le questionne avec intĂ©rĂȘt sur ce quâil a appris Ă TolĂšde et en particulier sur lâastrologie. Ne pouvant rĂ©pondre immĂ©diatement Ă toutes ses questions, il dĂ©cide dâĂ©crire un ouvrage Ă son intention. Ă la fin du XIIe siĂšcle, Daniel de Morley est prĂȘtre dâune petite Ă©glise de campagne Ă Flitcham et fait partie de la regis curia, le Conseil du roi en matiĂšre lĂ©gislative.
La vie et lâĆuvre de Daniel de Morley sâinscrivent dans le phĂ©nomĂšne culturel que plusieurs appellent la Renaissance du XIIe siĂšcle. Cette Ă©poque se caractĂ©rise par la multiplication des Ă©coles urbaines qui conduiront Ă la crĂ©ation des universitĂ©s, par un intĂ©rĂȘt renouvelĂ© pour les textes classiques et par une nouvelle attitude intellectuelle qui donne prĂ©sĂ©ance au raisonnement plutĂŽt quâĂ lâautoritĂ© des auteurs. Certains Ă©rudits comme Daniel de Morley sâintĂ©ressent de plus en plus aux disciplines scientifiques comme lâastronomie qui ont Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©es en Europe occidentale. Ce phĂ©nomĂšne de renaissance est accompagnĂ© et renforcĂ© par la dĂ©couverte de la culture islamique qui en plus de ses richesses donne accĂšs aux Ćuvres oubliĂ©es des anciens philosophes grecs. La Sicile ainsi que les villes de Venise et de TolĂšde sont les principaux centres intellectuels oĂč les textes arabes et grecs sont Ă©tudiĂ©s et traduits en latin.
Lâouvrage de Daniel a survĂ©cu dans quelques manuscrits dont le plus Ă©tudiĂ© est London, British Library, Arundel 377. Des Ă©ditions complĂštes du texte original en latin ont Ă©tĂ© publiĂ©es, mais nâont pas Ă©tĂ© traduites. LâĂ©tude philologique de ces Ă©ditions a notamment permis aux historiens dâidentifier les principales sources du savoir de Daniel de Morley et dâĂ©mettre des hypothĂšses quant Ă lâidentification des livres qu'il a ramenĂ©s en Angleterre.
Daniel de Morley fut lâun des principaux instigateurs de l'introduction du savoir grĂ©co-arabe en Angleterre XIIe siĂšcle. Avec quelques-uns de ses contemporains comme GĂ©rard de CrĂ©mone, Roger de Hereford, Robert de Chester ou Alfred de Sareshel, il poursuivit les efforts dâAdĂ©lard de Bath pour le dĂ©veloppement des sciences en Europe. Il a peut-ĂȘtre aussi contribuĂ© directement Ă la diffusion du savoir islamique et grec par les livres quâil a rapportĂ©s de TolĂšde puisque plusieurs de ses prĂ©sumĂ©es sources se retrouvent aussi Ă Oxford quelques annĂ©es aprĂšs son retour, lors des premiers moments de lâuniversitĂ© d'Oxford.
Sa vie
Comme le suggĂšre son nom, Daniel est probablement originaire de Morley dans le Norfolk. Presque tout ce quâon connait sur sa vie est tirĂ© directement de la prĂ©face et de lâanalyse philologique dâun traitĂ© dâastronomie et de philosophie naturelle quâil a Ă©crit vers la fin du XIIe siĂšcle. Ce traitĂ© intitulĂ© Philosophia Magistri Danielis de Merlac ou de Liber de naturis inferiorum et superiorum nous est parvenu Ă lâintĂ©rieur de quelques manuscrits produits de son vivant ou peu aprĂšs son dĂ©cĂšs[1].
Daniel serait nĂ© vers 1140 et aurait reçu son Ă©ducation Ă Hereford et Oxford[2]. Dans la prĂ©face de son traitĂ©[3], il retrace son itinĂ©raire intellectuel qui commence par un sĂ©jour dâĂ©tude Ă Paris vers les annĂ©es 1160 ou 1170[4]. Il est vite dĂ©goutĂ© par lâignorance et par lâattitude pĂ©dante des clercs. Il est Ă©galement déçu par la prĂ©pondĂ©rance de lâĂ©tude du droit dans leurs Ă©coles[5]. Il entend alors que la doctrine des Arabes, presque entiĂšrement consacrĂ©e aux sciences du quadrivium, est trĂšs Ă©tudiĂ©e et enseignĂ©e Ă TolĂšde. Il dĂ©cide donc de sây rendre au plus vite afin de pouvoir « entendre les philosophes les plus sages du monde »[6].
Daniel sâinstalle ainsi Ă TolĂšde et devient un Ă©lĂšve immĂ©diat de GĂ©rard de CrĂ©mone[7]. Leurs Ă©changes intellectuels sont directement attestĂ©s dans lâouvrage de Daniel par la rĂ©fĂ©rence Ă un dĂ©bat animĂ© Ă propos de lâinfluence des Ă©toiles sur les affaires humaines[8]. On ne connait pas la durĂ©e de son sĂ©jour Ă TolĂšde, mais il est reparti avant 1184 selon la trace dâune dette quâil aurait contractĂ©e en Angleterre avant cette date[9].
Il Ă©crit ĂȘtre revenu en Angleterre Ă la demande de ses amis en rapportant une « multitude de livres prĂ©cieux ». Sa premiĂšre rĂ©action en est une de dĂ©ception en constatant que les arts libĂ©raux se limitent chez lui comme Ă Paris aux sciences du droit, et quâAristote et Platon sont tombĂ©s dans lâoubli. Mais il apprend que ce nâest pas le cas Ă Northampton et dĂ©cide de sây rendre, craignant sinon de devenir lâunique Grec parmi les Romains[6].
En route vers Northampton, il rencontre John dâOxford, Ă©vĂȘque de Norwich, quâil nous prĂ©sente comme son seigneur et son pĂšre spirituel. Ce dernier lâaccueille chaleureusement et se montre trĂšs intĂ©ressĂ© par les connaissances acquises Ă TolĂšde. La derniĂšre question de John sur le mouvement des astres les amĂšne Ă parler de lâastrologie. John mentionne alors que « certaines choses sur cette terre semblent ĂȘtre subordonnĂ©es Ă leurs supĂ©rieurs, comme sous un lien de rĂ©alitĂ© »[6]. Nâayant pas le temps de rĂ©pondre Ă toutes les questions de John, Daniel dĂ©cide dâĂ©crire Ă son intention un ouvrage en deux livres; le premier portera sur la partie infĂ©rieure de lâunivers, soit le monde terrestre, et le second sur la partie supĂ©rieure, câest-Ă -dire le monde des astres[6].
Rien nâindique dans la prĂ©face ou ailleurs que Daniel se soit rendu Ă Northampton. Mais il est fort possible quâil soit passĂ© par Oxford qui se trouve sur le chemin. Deux faits militent dâailleurs en faveur de cette hypothĂšse. Dâune part, on sait que John a rĂ©sidĂ© Ă Oxford au moins deux fois pendant quâil Ă©tait Ă©vĂȘque de Norwich. Dâautre part, on sait que certains des manuscrits qui font partie des sources les plus importantes de Daniel, et qui par consĂ©quent font peut-ĂȘtre partie des livres quâil a ramenĂ©s de TolĂšde, Ă©taient connus Ă Oxford Ă cette Ă©poque qui correspond Ă celle des dĂ©buts de lâuniversitĂ©[10].
Quelques informations supplĂ©mentaires sur la vie de Daniel de Morley proviennent dâautres sources historiques[9]. En 1198, il apparait dans une liste de membres de la curia regis câest-Ă -dire du conseil du roi en matiĂšre lĂ©gislative. LâannĂ©e suivante, il y est inscrit avec la mention indiquant quâil est prĂȘtre Ă Flitcham, dans le Norfolk. On trouve aussi sa trace en 1205 alors quâil occupe la mĂȘme fonction ecclĂ©siastique au mĂȘme endroit[9]. On ne connait pas la date de son dĂ©cĂšs.
Contexte historique
La vie et lâĆuvre de Daniel de Morley sâinscrivent dans le phĂ©nomĂšne culturel et intellectuel que certains historiens appellent la Renaissance du XIIe siĂšcle. Cette idĂ©e de renaissance est nĂ©e au XIXe siĂšcle et a Ă©tĂ© popularisĂ©e par un ouvrage de Charles Homer Haskins publiĂ© en 1927[11]. Du point de vue culturel, le XIIe siĂšcle se caractĂ©rise par la multiplication des Ă©coles urbaines[12], par une redĂ©couverte ou un intĂ©rĂȘt renouvelĂ© pour les textes latins classiques, et surtout par la dĂ©couverte des Ćuvres classiques des anciens philosophes grecs et de la culture islamique. Ă la fin du siĂšcle, naĂźtront aussi les premiĂšres universitĂ©s Ă Bologne, Paris et Oxford.
La multiplication des Ă©coles sâaccompagne de nouvelles mĂ©thodes dâĂ©tude basĂ©es sur une utilisation accrue de la dialectique, lâun des 7 arts libĂ©raux qui avec la grammaire et la rhĂ©torique constituent le trivium. Les intellectuels sont amenĂ©s Ă dĂ©velopper une nouvelle attitude dans lâĂ©tude des textes qui donne la prĂ©sĂ©ance Ă la raison plutĂŽt quâĂ lâautoritĂ© de lâauteur. Ce sera un premier pas vers le dĂ©veloppement dâune pensĂ©e vĂ©ritablement originale. Cette attitude est sĂ»rement renforcĂ©e par le contact avec la culture islamique. Dans Quaestiones Natural, par exemple, AdĂ©lard de Bath associe lâautoritĂ© Ă un licou qui permet aux auteurs de nous diriger comme des bĂȘtes, et Ă©crit avoir appris des Arabes quâil vaut mieux se laisser diriger par la raison[13].
En mĂȘme temps, lâintĂ©rĂȘt sâaccroit pour les quatre disciplines des arts libĂ©raux qui forment le quadrivium, soit lâarithmĂ©tique, la gĂ©omĂ©trie, lâastronomie et la musique. Ces disciplines qui forment la base de ce quâon appelle aujourdâhui les sciences continuent cependant dâĂȘtre passablement nĂ©gligĂ©es par la plupart des intellectuels europĂ©ens. Lâhistorien AndrĂ© Vauchez Ă©crit par exemple que « seuls quelques esprits curieux comme les Anglais AdĂ©lard de Bath ou Daniel de Morley manifestĂšrent un intĂ©rĂȘt particulier pour les sciences »[14]. Daniel nâest pas le seul Ă suivre les traces dâAdĂ©lard de Bath. On peut ajouter GĂ©rard de CrĂ©mone, Roger de Hereford, Robert de Chester ou Alfred de Sareshel, par exemple, mais il est un des premiers[15]. Encore ici, le contact avec la culture islamique y est pour beaucoup puisque les Arabes cultivaient ce genre de savoir, comme Daniel le reconnait dans sa prĂ©face, et que câest prĂ©cisĂ©ment par lâĂ©tude de leurs ouvrages que toutes ces personnes se sont initiĂ©es aux sciences.
Au XIIe siĂšcle, la Sicile ainsi que les villes de Venise et de TolĂšde sont les principaux lieux dâorigine de la diffusion de la culture islamique et de celle des anciens Grecs. Dans la seconde moitiĂ© du XIIe siĂšcle, TolĂšde est dĂ©jĂ cĂ©lĂšbre, comme en tĂ©moigne la prĂ©face de Daniel, comme un centre intellectuel de tout premier ordre et le principal centre de traduction dâouvrages arabes en latin[16]. Les chrĂ©tiens ont repris la ville aux musulmans en 1085, soit presque 100 ans auparavant, mais lâarabe continue dâĂȘtre compris et parlĂ© par plusieurs chrĂ©tiens, notamment par ceux quâon appelle Mozarabes. Lâun des traducteurs les plus prolifiques Ă TolĂšde est GĂ©rard de CrĂ©mone. Il a en effet traduit plus de 70 Ćuvres dans diverses disciplines comme les mathĂ©matiques, la mĂ©decine, la philosophie[17]. Il a notamment traduit de lâarabe lâAlmageste de PtolĂ©mĂ©e et plusieurs Ćuvres dâAristote. Ces textes dâAristote sur les sciences naturelles et la mĂ©decine sont alors nouveaux dans le monde latin[18]. Les intellectuels sont attirĂ©s Ă TolĂšde pour lâaccĂšs non seulement aux Ćuvres des Arabes, mais aussi Ă ceux des auteurs grecs qui ont Ă©tĂ© traduits en arabe. Les Anglais comme Daniel de Morley y sont dâailleurs particuliĂšrement bien accueillis depuis le mariage en 1170 dâAliĂ©nor d'Angleterre, la fille dâHenri II et dâAliĂ©nor d'Aquitaine, avec Alphonse VIII, le roi de Castille et de TolĂšde.
Son Ćuvre
Manuscrits
Lâouvrage de Daniel de Morley a survĂ©cu et nous est parvenu dans son entier Ă lâintĂ©rieur de quatre manuscrits et en partie dans un cinquiĂšme[19]. Le manuscrit London, British Library, Arundel 377 est celui qui a Ă©tĂ© le plus utilisĂ© pour lâĂ©tude du traitĂ©[20]. Il a Ă©tĂ© produit entre le dernier quart du XIIe siĂšcle et le premier quart du XIIIe siĂšcle et provient dâEly, une petite ville Ă©piscopale situĂ©e tout prĂšs de Cambridge. Le traitĂ© de Daniel de Morley est long de 32 pages, entre les feuillets 88 recto et 103 verso, et est intitulĂ© Philosophia magistri Danielis de Merlai ad Johannem Norwicensem episcopum. Les manuscrits du Moyen Ăge contiennent souvent plus quâune Ćuvre. Dans celui-ci, on trouve des textes astrologiques, un calendrier des saints, ainsi que les traitĂ©s suivants[21]:
- Hermann de Reichenau, De Mensura Astrolabii et Ejus Utilitate, cum Tabulis;
- Ahmad Ibn Muhammed al-FarghÄnÄ«, Rudamenta Astronomica;
- Abraham ben MeĂŻr Ibn Ezra, De Tabulis Planetarum;
- Adélard de Bath, Liber Astrolabi;
- Roger de Hereford, Astrological Tables;
- Daniel de Morley, De Naturis Superiorum et Inferiorum;
- Guillaume de Conches, Dragmaticon PhilosophiaeâŠ.
Le manuscrit Berlin, SB, lat. Q. 387 est aussi une source importante pour lâĂ©tude du traitĂ© de Daniel de Morley puisquâil a Ă©tĂ© utilisĂ© pour prĂ©ciser certaines parties du contenu du manuscrit Arundel 377[22]. Il date du XIIe siĂšcle et la prĂ©sence de nombreuses notes de copistes indique quâil nâa pas Ă©tĂ© Ă©crit directement par Daniel ni copiĂ© Ă partir de lâoriginal. Son existence suggĂšre de plus que le traitĂ© de Daniel a connu Ă lâorigine une rapide diffusion[23].
Dans le manuscrit Oxford, Corpus Christi College, 95 le traitĂ© de Daniel est faussement attribuĂ© Ă Guillaume de Conches[23]. Le manuscrit Cambridge, University Library, Kk.I.1 contient le traitĂ© en entier alors que le manuscrit Oxford, Oriel College, 7 ne contient que des extraits. On trouve par ailleurs des extraits dans un cahier de notes de Brian Twyne, un antiquaire dâOxford du XVIIe siĂšcle[24].
Ăditions
Le traitĂ© de Daniel est mentionnĂ© dans la littĂ©rature scientifique moderne dĂšs 1838 dans un ouvrage de Charles Jourdain sur la philosophie naturelle au XIIe siĂšcle[23]. Mais câest Ă partir du moment oĂč le traitĂ© est Ă©ditĂ© que les Ă©tudes du document se font plus nombreuses. Une Ă©dition partielle est d'abord publiĂ©e en 1874[25] puis une complĂšte en 1918[26]. Cette Ă©dition est basĂ©e sur le manuscrit Arundel 377, mais dĂšs lâannĂ©e suivante, des prĂ©cisions et corrections basĂ©es sur le manuscrit de Berlin sont publiĂ©es dans la mĂȘme revue[22]. La derniĂšre Ă©dition date de 1979. Le texte est dĂ©coupĂ© en sections et paragraphes, et des sous-titres identifient clairement le sujet de chacune des sections. Les noms des auteurs citĂ©s par Daniel sont de plus imprimĂ©s en majuscules pour faciliter leur repĂ©rage[27]. Le contenu de lâouvrage de Daniel se prĂ©sente ainsi :
Liber primus | Liber alter |
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Prefatio | Prefatio |
1. De homine | 1. De creatione celi et terre |
2. De creatione mundi | 2. De immutabilitate celi |
3. De Yle | 3. Difinitio celi |
4. De elementorum primaria ordinatione | 4. De celi pondere, luciditate, simplicitate |
5. De mundi principio | 5. De celi motu et forma |
6. De compositione mundi | 6. De natura stellarum |
7. De dispositione elementorum | 7. Quod stelle non sint calide |
8. De qualitatibus elementorum | 8. De stellarum coloribus |
9. De motu elementorum | 9. De virtute planetarum |
10. Digressio de calumniatoribus astronomie | |
11. De circulis celestibus | |
12. De retrogradatione | |
13. De signis | |
14. De signorum virtutibus |
Sources de Daniel de Morley
Daniel rĂ©fĂšre Ă 15 ouvrages originaux dâauteurs arabes ou grecs. Parmi eux 4 ont Ă©tĂ© traduits en latin par GĂ©rard de CrĂ©mone et il est apparent que les citations de Daniel proviennent de ces versions[28]. Les principales sources arabes sont :
- Al-Farghani (Alfergani), Rudimenta astronomica
- Al-FĂąrĂąbĂź (Alfarabi), ou Ibn SÄ«nÄ (Avicenne)[29] De ortu scientiarum
- Abou Ma'shar (Albumasar), Maius introductorium [in astrologiam]
Du premier de ces traitĂ©s, qui a Ă©tĂ© traduit par Jean de SĂ©ville, il tire lâastronomie ptolĂ©mĂ©enne[30]. De celui dâAl-FĂąrĂąbĂź, il tire sa division de lâastronomie en sous-domaines. Il emprunte notamment 7 des 8 domaines de la science proposĂ©s par lâauteur arabe. Ces 7 domaines sont la science des jugements, la science de la mĂ©decine, la science de la nĂ©cromancie selon les mĂ©decins (secundum phisicam), la science de lâagriculture, la science lâalchimie, la science des images et la science des miroirs[31]. Pour le huitiĂšme, Daniel remplace la navigation par la science des illusions magiques (scientia de prestigiis)[32].
Lâauteur arabe le plus important pour Daniel semble ĂȘtre Abou Ma'shar puisquâil cite son ouvrage au moins douze fois[33]. Il tire son astrologie dâune version abrĂ©gĂ©e du Maius introductorium traduite par AdĂ©lard de Bath et de la traduction dâHerman le Dalmate du Maius introductorium[30] plutĂŽt que de la traduction produite par son maĂźtre GĂ©rard de CrĂ©mone[34]. De la science islamique, il utilise aussi le traitĂ© dâAdĂ©lard de Bath, De opere astrolapsus pour expliquer et illustrer le mouvement des planĂštes[35].
Daniel cite 4 Ă©crits dâAristote, soit Physica, De generatione et corruptione, De coelo et mundo, De sensu et sensato[18]. Il semble sâĂȘtre servi de traductions de GĂ©rard de CrĂ©mone[28], mais pas exclusivement puisque plusieurs de ses citations dâAristote viennent dâAvicenne[8]. Il a pu Ă©galement avoir accĂšs Ă des versions grĂ©co-latines provenant de lâItalie[36]. Daniel cite lâAlmageste de PtolĂ©mĂ©e, le traitĂ© dâastronomie le plus important que GĂ©rard ait traduit, mais il ne semble pas trĂšs bien connaitre cet ouvrage. Il se limite en effet Ă des citations vagues ou Ă des citations provenant dâautres ouvrages comme celui dâAbou Ma'shar[37]. Parmi les Ćuvres grecques, la traduction de Chalcidius du TimĂ©e de Platon est une des sources importantes de Daniel et teinte la partie philosophique de son traitĂ©[38]. Dans ce domaine, lâinfluence de lâĂcole de Chartres est aussi visible dans lâouvrage[39].
Du cĂŽtĂ© des auteurs latins, Firmicus Maternus est la principale source de Daniel pour lâastrologie[38]. Il mentionne notamment un dĂ©bat animĂ© avec GĂ©rard sur lâinfluence des astres dans les affaires humaines, dans lequel ce dernier a recours Ă Firmicus pour rĂ©futer une attaque de GrĂ©goire le Grand contre les astrologues[40]. Il cite Ă©galement Martianus Capella, mais seulement pour rejeter les erreurs quâil fait Ă son point de vue, comme presque tous les autres latins, sur le mouvement des planĂštes[39].
Lâinfluence dâAdĂ©lard de Bath est manifeste Ă plusieurs Ă©gards. Daniel copie des passages entiers de De opere astrolapsus et de la traduction du traitĂ© abrĂ©gĂ© de Abou Ma'shar[29]. Par ailleurs, la façon dont il parle de son itinĂ©raire intellectuel rappelle celle dâAdĂ©lard parti pendant sept ans vers la fin du XIe siĂšcle pour apprendre des Arabes[29]. Comme AdĂ©lard il formule lâidĂ©e dâavoir Ă©crit en latin ce quâil avait appris des Arabes parce quâon ne doit pas ĂȘtre ignorant de la composition du monde dans lequel on habite[41].
Impacts de Daniel de Morley
Lâouvrage de Daniel a peut-ĂȘtre connu une certaine diffusion Ă lâorigine, mais on ne trouve pas dâauteurs qui lâaient citĂ© par la suite. Cela sâexplique peut-ĂȘtre par le fait que le contenu nâest pas vĂ©ritablement original et quâil paraĂźt alors que les Ćuvres sur lesquelles il est basĂ© commencent dĂ©jĂ Ă ĂȘtre connues[42]. Vers la fin du XIIe siĂšcle, lâEurope est en effet inondĂ©e de traductions latines des auteurs arabes et grecs[43].
La partie de son contenu qui concerne lâastrologie a peut-ĂȘtre suscitĂ© la controverse. Au XIIe siĂšcle, il Ă©tait naturel de chercher Ă Ă©tendre la portĂ©e des lois rĂ©gissant le ciel et le mouvement des astres pour expliquer les phĂ©nomĂšnes terrestres et humains[44]. On cherchait par exemple Ă Ă©tablir un parallĂšle entre le microcosme (le monde intĂ©rieur, lâhomme) et le macrocosme (le monde extĂ©rieur, lâunivers). On pouvait ainsi chercher des relations entre les 4 Ă©lĂ©ments qui composent le monde physique et les 4 humeurs qui composent le corps humain, et mĂȘme avec certaines qualitĂ©s intĂ©rieures comme la passion, la curiositĂ© ou la cruautĂ©[44]. Lâastrologie pouvait donc dans ce contexte ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une science lĂ©gitime[45]. Mais ce nâĂ©tait gĂ©nĂ©ralement pas lâavis de lâĂglise pour qui lâastrologie faisait partie des arts magiques et Ă©tait considĂ©rĂ©e comme reliĂ©e Ă lâintervention ou Ă la suggestion dĂ©moniaque[46]. Ces nouvelles connaissances devaient ĂȘtre condamnĂ©es selon des moines comme Hugues de Saint-Victor[47].
Avec son traitĂ©, Daniel a sĂ»rement eu une influence sur ses contemporains. Avec une poignĂ©e de personnes, il fait partie des tout premiers intellectuels Ă participer au dĂ©veloppement du mouvement scolastique en Angleterre aprĂšs AdĂ©lard de Bath[15]. Sa contribution arrive au moment oĂč en plus de la science arabe, les Ćuvres dâAristote se rĂ©pandent en Angleterre[48]. Son ouvrage est ainsi un des premiers en Angleterre Ă promouvoir la pensĂ©e aristotĂ©licienne en philosophie naturelle[49]. Dans le domaine de la philosophie, il a peut-ĂȘtre aussi contribuĂ© Ă propager la pensĂ©e platonicienne et la tradition de lâĂcole de Chartres[50].
Daniel de Morley a peut-ĂȘtre eu un impact additionnel par les livres quâil a ramenĂ©s de TolĂšde. Lâanalyse de son traitĂ© permet dâĂ©mettre quelques hypothĂšses Ă cet effet puisquâil a Ă©tĂ© Ă©crit aprĂšs son retour en Angleterre. Parmi ces livres il y aurait la traduction dâHermann du livre dâAbou Ma'shar[34], le De coelo et mundo dâAristote et peut-ĂȘtre dâautres traductions de GĂ©rard de CrĂ©mone[37].
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Notes et références
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