Dame-jeanne
Une dame-jeanne est une grande bonbonne de verre généralement épais à la forme très arrondie et au goulot court.
La bonbonne est une grande et grosse bouteille servant à la fabrication, à la conservation, à l'affinage et/ou au transport :
- de vins, cidres, spiritueux (eaux-de-vie, liqueurs), fruits macérés dans l'eau-de-vie ;
- de produits alimentaire (huiles, vinaigres,...) ;
- de produits chimiques (acides, huiles).
Aplati à la base, le corps en est ventru (très arrondi, en forme de goutte ou allongée), surmonté d'un goulot court mais relativement large. Elle est généralement en verre épais, parfois en grès. La fermeture est assurée par un bouchon de liège, éventuellement recouvert de tissu ou surmonté d'un barboteur (si la bonbonne accueille un moût en fermentation alcoolique). Pour en sécuriser le transport, elle est garnie d'une enveloppe d'osier ou de jonc tressé (appelée chemise ou clisse) munie ou non d'anses susceptibles d'en faciliter la manipulation, enveloppe qui peut éventuellement être doublée de mousse ou de paille ayant pour vocation d’amortir les chocs afin d'éviter le bris du verre.
Sa capacité s'étend de deux à plus de cinquante litres environ[1], et obéit à une nomenclature remontant à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle :
- La bonbonne proprement dite contient de deux à vingt litres ;
- La dame-jeanne peut contenir environ trente à cinquante litres[2] ;
- La tourille ou tourie aura une capacité de 50 à 60 litres[3] - [2].
Dames-jeannes et touries sont devenues des objets de décoration (lampe, vase) très prisés[4], voire des mini-stations d'observation du métabolisme végétal[5].
Étymologie
Le berceau culturel de ces bouteilles est la ville de Damghan (en persan : دامغان) en Perse, dont les verriers fabriquaient des objets en verre très recherchés, dont de telles bouteilles. Bien placée sur la route de la soie, entre le Levant et l'Asie, l'âge d'or de la ville se situe au Moyen Âge. C'est ainsi que ces bouteilles parviennent en Europe sous des noms liés à cette ville. Les Turcs les appellent damacana, les arabes damagana. En occitan, le nom devient damajano[6], en catalan damajana, en espagnol damajuana, en français, en 1694, dame-jane chez Corneille[7].
Dès le XVIIIe siècle, dame jeanne devient par dérision, une allusion à un embonpoint comparable à la forme ventrue de la bouteille, voire à une certaine lourdeur d'esprit.
Légende
La légende dit que, chassée de son royaume de Naples, la Reine Jeanne vint se réfugier en 1347 dans son comté de Provence en passant par la route de Grasse à Draguignan. Surprise par un violent orage, on lui recommanda de chercher refuge en la demeure d'un gentilhomme verrier, au hameau de « Saint Paul la Galline Grasse ».
Après y avoir passé la nuit, la reine désira visiter les ateliers dans lesquels son hôte fabriquait ses flacons. Un peu troublé, le verrier souffla si fort dans le mors de sa canne, que la bouteille en cours devint énorme, faisant l'admiration de tous de par sa contenance de plusieurs dizaines de litres. Il décida d'en lancer la commercialisation et baptisa le modèle "Reine Jeanne", en l'honneur de son inspiratrice. La souveraine aurait alors suggéré de préférer le nom de « Dame Jeanne ». Pour protéger sa bouteille, le verrier l'habilla d'une clisse en osier.
Notes et références
- « Dame Jeanne »
- Grosse bouteille de grès ou de verre, d'une contenance de 20 à 50 litres dont on se sert pour transporter les liquides, selon le site Larousse.
- Louis Figuier (1819-1894), Les merveilles de l'industrie, ou, Description des principales industries modernes, 1873, p. 50 et suiv. Les bonbonnes, qui sont d'une fabrication courante en France, servent, entre autres usages, au transport des acides et des spiritueux. Pour les préserver d'une rupture trop facile, on les entoure d'une chemise d'osier. Les verriers qui fabriquent une grande quantité de ces bonbonnes, ont intérêt à cultiver eux-mêmes, dans le pays, l'osier qui sert à les protéger. Pour fabriquer ces énormes bouteilles, l'ouvrier souffle la paraison dans un moule en bois, sur lequel on laisse couler de l'eau pour l'empêcher de prendre feu. Quand la bonbonne est soufflée, l'ouvrier en entoure le col avec un cordon de verre. Un fer mouillé appliqué sur le nez de la canne, en détache la dame-jeanne, qui est portée ensuite au four à recuire. Comme le bord du col offre une cassure très-coupante, on en adoucit l'arête à la lime après que la dame-jeanne a été recuite. Pour souffler les grandes touries (de 50 à 60 litres), l'ouvrier emploie un moyen particulier. Comme ses poumons ne contiennent pas assez d'air pour dilater le verre jusqu'au volume voulu, il insuffle dans sa canne une petite quantité d'eau et d'alcool, dont l'évaporation rapide produit une abondante vapeur qui dilate les parois de la pièce de verre.
- « Le truc à chiner : la dame-jeanne », sur deco.journaldesfemmes.fr (consulté le ).
- Il est possible de garnir l'intérieur d'une tourie avec des végétaux et de la matière organique, de la fermer de façon étanche et de voir la plante vivre sans problème.
- Informations lexicographiques et étymologiques de « Dame-jeanne » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
- Thomas Corneille, Dictionnaire des arts et des sciences. Tome 1, 1694, p. 298 "DAM" Dame-Jane f. les matelots appellent ainsi une grosse bouteille de verre, couverte de natte. Elle tient ordinairement la douzième partie d'une barrique. (225 litres, donc près de vingt litres. Les bouteilles de 0,75 n’apparaîtront qu'au XVIIIe siècle).