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Cromwell devant le cercueil de Charles Ier

Cromwell devant le cercueil de Charles Ier est un tableau peint par Eugène Delacroix vers 1831.

Cromwell devant le cercueil de Charles Ier
Artiste
Date
v. 1831
Technique
Aquarelle vernie par endroits.
Dimensions (H Ă— L)
25,5 Ă— 33,5 cm
Propriétaire
No d’inventaire
REC 37, recto, REC 37
Localisation
Protection

Contexte de conception

Delacroix a peint ce tableau en rĂ©action contre le Cromwell et Charles Ier que Paul Delaroche avait exposĂ© au Salon de 1831, le premier depuis la RĂ©volution de juillet qui avait mis Louis-Philippe Ier sur le trĂ´ne, celui oĂą lui-mĂŞme avait exposĂ© la LibertĂ© guidant le peuple. Cette critique peut s’articuler sur de multiples niveaux : tout d’abord, le sujet du tableau repose sur une fiction ; l’histoire selon laquelle Cromwell aurait ouvert le cercueil de Charles Ier dans la nuit et regardĂ©, sans voix et avec crainte, le cadavre ou, selon une autre version, il aurait ouvert le cercueil de jour et dĂ©clarĂ©, tout en regardant le cadavre, que Charles avait, un corps fort bien construit et aurait pu vivre longtemps est une pure lĂ©gende sans le moindre lien avec la vĂ©ritĂ© historique[1]. En fait, le tableau de Delaroche constituait moins une reprĂ©sentation historique qu’un discours sur l’Histoire[2]. C’est en effet moins la RĂ©volution anglaise et la dĂ©capitation de Charles Ier qu’évoquait Delaroche dans ce tableau que, de façon oblique, la RĂ©volution française et la dĂ©capitation de Louis XVI ; la reprĂ©sentation de Cromwell convoquait, quant Ă  elle, celle de NapolĂ©on[3]. Outre cette nostalgie pour l’Ancien RĂ©gime, la dĂ©marche picturale de Delaroche tentait de trouver un juste milieu entre le style de l’école nĂ©oclassicique d’Ingres et celui du romantisme de Delacroix, ce qui lui fut reprochĂ© par, entre autres, Baudelaire, ThĂ©ophile Gautier, Gustave Planche ou les Goncourt[4] C’est nĂ©anmoins l’aspect pictural de l’œuvre de Delaroche qui a Ă©tĂ© le plus critiquĂ©.

Description

Delacroix a choisi, comme en tĂ©moigne une lettre adressĂ©e Ă  son ami le peintre Paul Huet, la technique de l’aquarelle afin d’exprimer son opposition radicale Ă  l’approche de Delaroche[5]. Cromwell devant le cercueil de Charles Ier rĂ©plique au rĂ©alisme historique de la grande toile Ă  l’huile de Delaroche avec une petite aquarelle de style romantique qui tente de ressusciter le passĂ© par le biais de l’émotion se dĂ©gageant de la reprĂ©sentation[6]. Delacroix, pour qui le succès d’une image visuelle dĂ©pendait de critères très diffĂ©rents de ceux de Delaroche, prĂ©fère, en effet, imaginer un Cromwell qui Ă©volue consciemment en marge de la scène[5]. Traversant une chambre Ă©cartĂ©e du palais, il tombe par hasard sur le cercueil de Charles Ier, s’arrĂŞte hĂ©sitant, troublĂ©, et se dĂ©couvre d’un geste gauche qui trahit son trouble intĂ©rieur[7]. FascinĂ© par le spectacle qui s’offre Ă  sa vue, Cromwell est confrontĂ© au dĂ©nouement du drame qu’il vient de vivre et ne sait s’il doit avancer ou reculer[5]. Le travail de Delacroix rappelle, jusqu’au rideau de théâtre dont les glands pendent inexplicablement dessus de la tĂŞte du roi, les aquarelles de son ami Bonington[5]. Le cercueil occupe le devant de la scène, en rĂ©action Ă  la reprĂ©sentation de Delaroche qui n’en montre que le devant, mais pour en exhiber l’ouverture indĂ©cente par un Cromwell, qui n’a mĂŞme pas pris la peine de retirer son chapeau dans sa hâte de soulever le couvercle du cercueil, et est arrĂŞtĂ© court dans ses pensĂ©es par le spectacle de ce qui n’est ni plus ni moins celui d’une tĂŞte coupĂ©e[5]. Delacroix rĂ©plique Ă  une reprĂ©sentation sur laquelle les critiques contemporains ont Ă©tĂ© très divisĂ©s[8], dont mĂŞme les plus favorables Ă  Delaroche ont trouvĂ© les aspects inquiĂ©tants, comme Delaborde qui a Ă©crit que « la tĂŞte coupĂ©e de Charles Ier … dĂ©passe[nt] peut-ĂŞtre la limite des vĂ©ritĂ©s utiles[9] Â», avec une distance qui oblige Cromwell Ă  regarder le roi de loin[5].

Réception et postérité

En dépit de la critique de Delacroix, Delaroche a quand même repris Cromwell comme sujet historique, avec son Charles Ier insulté par les soldats de Cromwell, en 1836[4]. Cette seconde tentative lui suscita une telle hostilité de la part de la critique qu’après 1837, Delaroche n’exposa plus jamais au salon annuel et, en fait, n’exposa quasiment plus du tout après cette date[4].

Provenance

Acquise, pour 8 750 RM, soit 175 000 frs, auprès de Raphaël Gérard par le musée Folkwang d’Essen en , l’œuvre est restituée, en 1948, par le premier convoi de Dusseldorf, au musée du Louvre.

Conservation

Ce tableau est conservé, depuis son retour en France, au musée du Louvre, à Paris. En 2014, elle a été prêtée au musée des beaux-arts de Lyon dans le cadre de l'exposition L'invention du passé. Histoires de cœur et d'épée en Europe, 1802-1850.

Notes et références

  1. (en) Susanne Zantop, Paintings on the move, Lincoln, University of Nebraska Press, 1989, 194 p., (ISBN 978-0-80324-909-7), p. 539-40.
  2. (en) Michael J. Braddick, The Oxford Handbook of the English Revolution, OUP Oxford, 2015, 640 p., (ISBN 978-0-19166-726-8), p. 539-40.
  3. (en) Martin Meisel, Realizations : Narrative, Pictorial, and Theatrical Arts in Nineteenth-Century England, Princeton, Princeton University Press, 2014, 492 p., (ISBN 978-1-40085-609-1), p. 232.
  4. (en) Mary Lathers, Encyclopedia of the Romantic Era, 1760-1850, Christopher John Murray Ă©d., New York, Routledge, 2013, 1336 p., (ISBN 978-1-13545-579-8), p. 275.
  5. (en) Stephen Bann, Paul Delaroche : History Painted, Princeton, Princeton University Press, 1997, 304 p. (ISBN 978-0-69101-745-7), p. 110-5.
  6. (en) Historical Abstracts : 1775-1914, t. 45, nos 3 Ă  4, American Bibliographical Center, Clio, 1994, p. 906.
  7. Alfred Robaut ; Fernand Calmettes ; Ernest Chesneau, L’Œuvre complet de Eugène Delacroix,... peintures, dessins, gravures, lithographies, cataloguĂ© et reproduit par Alfred Robaut, commentĂ© par Ernest Chesneau, ouvrage publiĂ© avec la collaboration de Fernand Calmettes, Paris, Charavay frères, 1885, p. 101.
  8. Le Punch a mĂŞme publiĂ©, en 1852, une parodie du tableau de Delaroche reprĂ©sentant Louis NapolĂ©on observant le cadavre de la LibertĂ©, après son coup d’État. Voir Punch : Or the London Charivari, vol. 22, lire en ligne
  9. Henri Delaborde, Études sur les beaux-arts en France et en Italie, t. 2, Paris, Jules Renouard, 1864, 485 p. p. 279 lire en ligne.

Bibliographie

  • L’Invention du PassĂ©. Histoires de cĹ“ur et d’épĂ©e en Europe 1802-1850, t. 2, Paris, MusĂ©e des Beaux-Arts de Lyon ; Hazan, , 320 p. (ISBN 978-2-7541-0760-0, BNF 43829187).
  • (en) Michael J. Braddick, The Oxford Handbook of the English Revolution, OUP Oxford, 2015, 640 p., (ISBN 978-0-19166-726-8).
  • Alain Daguerre de Hureaux, Delacroix, Paris, Hazan, , 365 p. (ISBN 978-2-85025-324-9).
  • BarthĂ©lĂ©my Jobert, Delacroix, Paris, Gallimard, coll. « Monographie », , 335 p. (ISBN 978-2-07-011516-7, BNF 36190301).
  • (en) Mary Lathers, Encyclopedia of the Romantic Era, 1760-1850, Christopher John Murray Ă©d., New York, Routledge, 2013, 1336 p., (ISBN 978-1-13545-579-8).
  • (en) Martin Meisel, Realizations : Narrative, Pictorial, and Theatrical Arts in Nineteenth-Century England, Princeton, Princeton University Press, 2014, 492 p., (ISBN 978-1-40085-609-1).
  • (en) Susanne Zantop, Paintings on the move, Lincoln, University of Nebraska Press, 1989, 194 p., (ISBN 978-0-80324-909-7).
  • (en) Stephen Bann, Paul Delaroche : History Painted, Princeton, Princeton University Press, 1997, 304 p. (ISBN 978-0-69101-745-7).
  • Alfred Robaut ; Fernand Calmettes ; Ernest Chesneau, L’Œuvre complet de Eugène Delacroix,... peintures, dessins, gravures, lithographies, cataloguĂ© et reproduit par Alfred Robaut, commentĂ© par Ernest Chesneau, ouvrage publiĂ© avec la collaboration de Fernand Calmettes, Paris, Charavay frères, 1885.

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