Accueil🇫🇷Chercher

Court-termisme

Le court-termisme désigne, de manière péjorative, un comportement qui privilégie l'obtention d'un gain immédiat au détriment du résultat futur. Il privilégie le court terme au long terme, ce qui est urgent à ce qui est important à plus long terme.

Description

Le court-termisme qualifie le jugement qui privilégie l'obtention d'un objectif rapide, sinon immédiat, en négligeant de considérer l'incidence d'effets potentiels ou réels pouvant survenir à moyen terme ou à long terme.

La vision court-termiste résulte d'une préférence marquée du présent ou des échéances proches, au détriment du futur. Cette attitude peut s'appliquer :

  • aux politiciens, lorsqu'ils sont accusĂ©s de ne s'intĂ©resser qu'Ă  la prochaine Ă©lection, plutĂ´t qu'aux intĂ©rĂŞts de plus long terme de leur pays,
  • aux financiers, accusĂ©s de rechercher le rendement immĂ©diat plutĂ´t que de financer des projets d’investissement de long terme
  • aux dirigeants d'entreprise[1],
  • aux syndicats, accusĂ©s de dĂ©fendre leurs intĂ©rĂŞts corporatifs immĂ©diats au dĂ©triment de l'intĂ©rĂŞt des clients et de la viabilitĂ© Ă  plus long-terme de l'entreprise,
  • aux militants, accusĂ©s de polariser les dĂ©bats de sociĂ©tĂ© pour imposer leur point de vue au lieu de composer avec les points de vue existants pour identifier les meilleures solutions.
  • aux Ă©lecteurs, accusĂ©s de se laisser sĂ©duire par des propositions dĂ©magogiques sans prendre en considĂ©ration la faisabilitĂ© des projets, l'Ă©quilibre des finances publiques, les consĂ©quences sur le chĂ´mage structurel,
  • aux consommateurs, accusĂ©s de ne pas prendre en compte dans leurs choix de consommation les consĂ©quences pour l'environnement,

Les facteurs induisant le court-termisme

Le court-termisme est le résultat d'un arbitrage déséquilibré entre présent et futur. Les facteurs qui peuvent expliquer ce comportement sont multiples. On peut citer :

  • la difficultĂ© des acteurs Ă  intĂ©grer des paramètres de dĂ©cision complexes. Les acteurs ont tendance Ă  agir sur la base d'extrapolation du passĂ© ;
  • beaucoup de choix sont effectuĂ©s dans un contexte de rationalitĂ© limitĂ©e, notamment en raison des incertitudes entourant la prise de dĂ©cision ; l'urgent est le plus souvent privilĂ©giĂ© Ă  ce qui est important Ă  long terme ;
  • la peur du risque ; les agents peuvent privilĂ©gier le court terme dans les pĂ©riodes troublĂ©es ;
  • la non-considĂ©ration du dĂ©veloppement durable et des gĂ©nĂ©rations futures ; la notion de dĂ©veloppement durable a Ă©tĂ© mise en avant prĂ©cisĂ©ment pour que les aspects de long terme soient davantage pris en compte par les acteurs Ă©conomiques et politiques, notamment en matière de gestion de l'environnement, mais aussi concernant les dĂ©sĂ©quilibres sociaux ;
  • le souci des acteurs de prĂ©server leur image.

Le court-termisme dans quelques domaines

La finance

Les marchés financiers sont souvent accusés de se focaliser sur les profits immédiats au détriment des investissements de long terme des entreprises.

  • Certains pointent et questionnent le rĂ´le des pratiques (considĂ©rables en volume sur les marchĂ©s) de l'arbitrage (finance).
  • D'autres comme Augustin Landier et Pierre Thesmar affirment que contrairement aux idĂ©es reçues, les financiers investissent de manière importante et durable dans des entreprises dĂ©ficitaires, en vue de bĂ©nĂ©fices futurs, attendus au terme d'une Ă©chĂ©ance plus ou moins longue.

L'informatique

Les directions des systèmes d'information (DSI) sont soumises à de fortes contraintes — budgets serrés, contraintes d'exploitation, qualité forte, nécessités de réactivité et d'agilité — et peinent à construire des visions à long terme de l'évolution des systèmes d'information. Les schémas directeurs sont soumis à rude épreuve, à cause d'une évolution incessante des techniques informatiques, des priorités et des personnes, de sorte que l'arbitrage des projets devient problématique. Les DSI ont tendance à céder à la facilité en favorisant les projets où le retour sur investissement est rapide, au détriment d'autres plus pertinents à moyen ou long terme. Selon Siegfried Gunther, président d'Idesys et filiale de Groupe Solucom, « les DSI français sont encore très clairement positionnés sur le court terme, avec des préoccupations au jour le jour (...). Nous les découvrons sur des grands débats comme la gouvernance, le pilotage de projets car les directions informatiques sont confrontées à se transformer à moyen terme en une société commerciale. Mais nous en sommes encore loin, et plus de 70 % des budgets sont actuellement consacrés à la maintenance »[2].

Selon Christophe Legrenzi et Philippe Rosé, les pratiques managériales des DSI restent marquées par une vision à court terme, qui sont remises en cause par la crise[3]. Cela est notamment dû au fait que les tableaux de bord actuels des entreprises ne permettent d'anticiper que sur de faibles durées, puisqu'en général ils ne mesurent que le carnet de commande des entreprises.

On a pu constater un certain court-termisme lors du passage informatique à l'an 2000, si l'on se souvient que le problème de l'an 2000 n'est devenu une priorité au plus haut niveau des entreprises et des États qu'un à deux ans avant l'échéance, alors que le problème avait été identifié depuis les années 1960[4]. C'est ce qui a finalement généré des coûts d'adaptation très importants, qui auraient pu être diminués si le problème avait été davantage anticipé[5].

Quoi qu'il en soit, il existe aujourd'hui un décalage entre le court-termisme des DSI et les politiques de développement durable (ou supposées telles) des entreprises et des administrations, qui seraient censées, en toute rigueur, imposer des visions de long terme aux DSI.

La politique

Selon un responsable d'Havas, il y a « de mauvais communicants et de mauvais politiques qui, au lieu de se soucier de leur message de fond, se prĂ©occupent de leur image immĂ©diate Â». Les politiques, « une fois Ă©lus, ont plusieurs annĂ©es devant eux et (...), malgrĂ© cela, cèdent plus facilement Ă  la pression du court-termisme Â» que les entreprises[6].

La « maladie du court-termisme Â» concerne aussi la politique Ă©trangère[7].

Point de vue des religions

Les religions sont pleinement attentives Ă  la dimension spirituelle de l'homme, qui exige de prendre en compte des visions de long terme.

Christianisme

Le « dĂ©veloppement durable et intĂ©gral » de l'homme, pour reprendre l'expression qu'emploie le pape François dans son encyclique Laudato si', ne peut se concevoir qu'Ă  long terme. Dans son encyclique, le pape dĂ©nonce la culture de l'immĂ©diatetĂ© :

« Les ressources de la terre sont aussi objet de dĂ©prĂ©dation Ă  cause de la conception de l’économie ainsi que de l’activitĂ© commerciale et productive fondĂ©es sur l’immĂ©diatetĂ©. »[8]
« L’homme et la femme du monde post-moderne courent le risque permanent de devenir profondĂ©ment individualistes, et beaucoup de problèmes sociaux sont liĂ©s Ă  la vision Ă©goĂŻste actuelle axĂ©e sur l’immĂ©diatetĂ©, aux crises des liens familiaux et sociaux, aux difficultĂ©s de la reconnaissance de l’autre. Â»[9]
« Le drame de l’« immĂ©diatetĂ© » politique, soutenue aussi par des populations consumĂ©ristes, conduit Ă  la nĂ©cessitĂ© de produire de la croissance Ă  court terme. RĂ©pondant Ă  des intĂ©rĂŞts Ă©lectoraux, les gouvernements ne prennent pas facilement le risque de mĂ©contenter la population avec des mesures qui peuvent affecter le niveau de consommation ou mettre en pĂ©ril des investissements Ă©trangers. »[10]
« La culture consumĂ©riste, qui donne prioritĂ© au court terme et Ă  l’intĂ©rĂŞt privĂ©, peut encourager des procĂ©dures trop rapides ou permettre la dissimulation d’information. Â»[11]

Le pape n'en reconnaît pas moins le mérite des hommes politiques qui savent assumer leurs responsabilités devant la sauvegarde de l'environnement :

« Qu’un homme politique assume ces responsabilités (devant la sauvegarde de l'environnement) avec les coûts que cela implique, ne répond pas à la logique d’efficacité et d’immédiateté de l’économie ni à celle de la politique actuelle ; mais s’il ose le faire, cela le conduira à reconnaître la dignité que Dieu lui a donnée comme homme, et il laissera dans l’histoire un témoignage de généreuse responsabilité. »[12]

Notes et références

  1. Préférences dynamiques incohérentes et court-termisme des entreprises, Michel Blanchard, INALCO et EURIsCO, 2001
  2. Yves Drothier, « Les DSI ont-ils une vision à court terme ? », Journal du Net, lire en ligne
  3. Christophe Legrenzi et Philippe Rosé, Les tableaux de bord de la DSI, pilotage, performance et benchmarking du système d'information, lire en ligne
  4. Voir les articles 1998 en informatique et 1999 en informatique
  5. Sur les coûts de « Y2K », voir l'article Passage informatique à l'an 2000
  6. Nicolas Barré et David Barroux, « Les politiques cèdent plus au court-termisme que les entreprises », Les Échos, 1er octobre 2012, lire en ligne
  7. Joseph Macé-Scaron, Marianne, 16 août 2014, lire en ligne
  8. Laudato si', n° 32
  9. Laudato si', n° 162
  10. Laudato si', n° 178
  11. Laudato si', n° 184
  12. Laudato si', n° 181

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.