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Conseil de fabrique

Au sein d'une paroisse catholique, le conseil de fabrique est un ensemble de personnes (clercs et laïcs) ayant la responsabilité de la collecte et de l'administration des fonds et revenus nécessaires à la construction et entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse : église(s), chapelle(s), calvaire(s), argenterie, luminaire(s), ornement(s), etc.

Les revenus de la fabrique provenaient des quĂȘtes, offrandes, dons en nature, loyers et fermages, legs mais aussi de la location des places de bancs dans l'Ă©glise.

Historique

Le terme « Fabrique d'Église » dĂ©signe Ă  l'origine une assemblĂ©e de clercs auxquels se sont ajoutĂ©s, depuis le Concile de Trente (1545-1563), des laĂŻcs, chargĂ©s de l'administration des biens de la communautĂ© paroissiale.

Les membres du conseil de fabrique (ou « général », puis « corps politique ») sont des administrateurs désignés plus spécifiquement par les termes de marguilliers ou de fabriciens.

Fabriques par territoire

Ancien RĂ©gime

En Bretagne les membres du conseil de fabrique se réunissaient fréquemment sur le banc du porche de l'église, sous les statues des ApÎtres.

Sous l'Ancien RĂ©gime, on distinguait en France, deux sortes de gouvernement des paroisses, le spirituel et le temporel :

« Le premier consiste dans la cĂ©lĂ©bration du service divin, l'administration des sacrements, la prĂ©dication, l'instruction et les cĂ©rĂ©monies de la sĂ©pulture. Il est confiĂ© au curĂ© que l'Ă©vĂȘque a instituĂ© pour conduire le peuple d'une paroisse. Le gouvernement temporel a pour objet l'administration des biens et revenus de la fabrique, les rĂ©parations de l'Ă©glise, la fourniture des ornements, livres et vases sacrĂ©s, et de tout ce qui est nĂ©cessaire Ă  la cĂ©lĂ©bration du service divin. Ce gouvernement est confiĂ© au gĂ©nĂ©ral de la paroisse[1]. »

— François Duine

Le « gĂ©nĂ©ral » a Ă©tĂ© Ă  l'origine composĂ© de l'ensemble des paroissiens, comme semble l'indiquer certaines chartes comme celle de l'abbaye de Beauport ou encore le cartulaire de Redon. Mais, en Bretagne notamment, aux XVIIe siĂšcle et XVIIIe siĂšcle, l'usage Ă©tait dĂ©jĂ  bien Ă©tabli que le conseil de fabrique Ă©tait composĂ© de « la partie la plus saine [aisĂ©e] des paroissiens ». En 1688 par exemple, le Parlement de Bretagne fixe Ă  douze le nombre des dĂ©libĂ©rants. À partir de cette date le conseil de fabrique est plutĂŽt dĂ©signĂ© sous le nom de « corps politique »[2].

Le gouvernement de la paroisse est donc partagĂ© entre les nobles (qui jouissent du droit de prĂ©Ă©minence) et leurs reprĂ©sentants : sĂ©nĂ©chal, procureur fiscal, le curĂ© et les autres membres du clergĂ© paroissial (vicaire[s], prĂȘtres de chƓur, c'est-Ă -dire les autres ecclĂ©siastiques qui peuvent ĂȘtre nombreux, de cinq Ă  dix frĂ©quemment, jusqu'Ă  une vingtaine parfois) et les membres du conseil de fabrique, qui Ă©lisent deux fabriciens ou marguilliers chargĂ©s de l'administration de la paroisse. Le « gĂ©nĂ©ral » se rĂ©unit le plus souvent sous le porche de l'Ă©glise, dit aussi chapitreau, mais aussi parfois dans la sacristie, dans l'Ă©glise mĂȘme ou dans une salle annexe. Il gĂšre les rentes provenant des legs, offrandes et aumĂŽnes, tant en argent qu'en nature et il paie les chantres, les prĂȘtres de chƓur, pourvoit Ă  l'entretien de l'Ă©glise ; le curĂ© dĂ©cimateur (qui a comme source principale de revenu les dĂźmes) finançant le coĂ»t des services religieux et l'entretien de ses vicaires[3].

C'est Ă  l'issue de la messe, le dimanche, que les habitants se rĂ©unissent en assemblĂ©e et forment le « gĂ©nĂ©ral » de la paroisse, qui discute de toutes les questions matĂ©rielles, rĂšgle les intĂ©rĂȘts collectifs, ceux des biens communaux. Tout homme possĂ©dant quelque bien fait partie de cette assemblĂ©e. Elle est formĂ©e de tous ceux qui sont imposables, les propriĂ©taires. Elle dĂ©signe un procureur terrien[4] chargĂ© d'appliquer les dĂ©cisions prises et d'agir au nom de la collectivitĂ©.

De la Révolution à la Loi de séparation

Le décret du 2 novembre 1789, met les biens ecclésiastiques à la disposition de la Nation.

Le dĂ©cret du qui confie l’administration des biens mis Ă  la disposition de la nation aux administrations de dĂ©partement ou de district, prĂ©cise que, par dĂ©rogation, les fabriques demeurent administrĂ©es comme antĂ©rieurement (par les conseils de fabrique).

Peu aprÚs, le décret du (13 brumaire an II) déclare propriété nationale tous les actifs des fabriques[5]. Les fabriques sont rétablies par le Concordat, signé par le Pape et le premier Consul.

Reconnu loi d’État, le , il est complĂ©tĂ©, le mĂȘme jour, par les « articles organiques » dont l’article 76 porte : « qu’il sera Ă©tabli des Fabriques, pour veiller Ă  l’entretien et Ă  la conservation des temples, Ă  l’administration des aumĂŽnes ».

Le décret du (7 thermidor an XI) décide de « rendre à leur destination les biens des Fabriques non aliénés ».

De décret du (23 Prairial an XII) sur les sépultures et les lieux qui leur sont consacrés, confie aux fabriques et consistoires le monopole des fournitures et services funéraires.

Le décret du [6] organise le fonctionnement des fabriques dans chaque paroisse. Elles deviennent alors des établissements publics du culte, et ce jusqu'en 1905. Le conseil de fabrique comprend alors le curé, le maire et cinq à neuf membres élus.

La loi du retire aux fabriques et consistoires et donne aux communes le monopole de l'organisation des funérailles.

Par la loi de sĂ©paration des Églises et de l'État en 1905, les fabriques sont supprimĂ©es. La loi prĂ©voit la crĂ©ation, au niveau communal, d'associations cultuelles de fidĂšles, pour subvenir aux frais, Ă  l'entretien et Ă  l'exercice public du culte. À ces associations seront confiĂ©s les bĂątiments destinĂ©s au culte appartenant Ă  la Nation et la part des biens des fabriques relative exclusivement Ă  l'exercice du culte. L'Église catholique refusera de crĂ©er les associations cultuelles telles que prĂ©vues dans la loi de 1905.

Il faudra attendre 1924 et l'accord sur les associations diocésaines pour débloquer la situation.

Dans les trois départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin les fabriques subsistent comme établissements publics.

Alsace-Moselle

En 1905, lors du vote de la Loi de sĂ©paration des Églises et de l'État, les dĂ©partements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin Ă©taient intĂ©grĂ©s Ă  l’Empire allemand et ne furent donc pas affectĂ©s par ces dispositions lĂ©gislatives. Le rĂ©gime concordataire français y est restĂ© en vigueur aprĂšs le retour de ces dĂ©partements Ă  la France.

Remis en question lors de l’annexion par l’administration allemande en 1940, les conseils de fabrique furent rĂ©tablis en 1944. Quelques modifications furent apportĂ©es au fil du temps par les dĂ©crets du 18 mars 1992, du 21 mai 1997 et du 10 janvier 2001[7].

Belgique

Les membres du Conseil de fabrique cités sur une cloche de 1897 de l'église Saint-Joseph de Charleroi.

En Belgique, les fabriques d'Ă©glise, expression utilisĂ©e pour les cultes catholique romain[8] et orthodoxe[9] (les appellations varient pour les autres cultes[10]) ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es par des dispositions hĂ©ritĂ©es du rĂ©gime napolĂ©onien (Concordat de 1801, dĂ©cret impĂ©rial du ), par la loi communale votĂ©e en 1836 et la loi sur le « Temporel des cultes » de 1870. La loi dĂ©crĂšte que « ce sont des Ă©tablissements publics chargĂ©s d'administrer les biens affectĂ©s au service public qui n'est ni communal ni provincial. Les fonctions des membres des fabriques (appelĂ©s fabriciens) et des conseils d'administration ne sont pas rĂ©munĂ©rĂ©es ». Les textes prĂ©voient que les communes prennent en charge l'entretien des Ă©difices religieux catholiques, protestants, israĂ©lites et anglicans situĂ©s sur le territoire de la commune (art. 255, 9° de la loi communale) et s'acquittent des frais liĂ©s Ă  l'exercice du culte (par exemple pour une Ă©glise catholique, le pain d'autel, le vin, l'Ă©clairage, le chauffage, le nettoyage, l'achat et le blanchiment de linge, l'achat de meubles). La commune doit Ă©galement assumer les frais de logement des ministres des cultes (art. 255, 12°). Les mĂȘmes dispositions sont valables pour les cultes islamique et orthodoxe reconnus respectivement en 1974[11] et 1985 ; toutefois, ces communautĂ©s sont financĂ©es par les provinces[12] et non par les communes. Enfin la loi provinciale, Ă©galement votĂ©e en 1836, prĂ©voit des dispositions semblables, Ă  charge des provinces, dans le financement des cathĂ©drales, des palais Ă©piscopaux et des sĂ©minaires diocĂ©sains (art. 69). Cette disposition de la loi provinciale a Ă©tĂ© remplacĂ©e, en RĂ©gion wallonne, par l'article 42 du dĂ©cret du 12 fĂ©vrier 2004[13].

Le conseil de fabrique est composĂ© du bourgmestre (qui doit cependant, s’il n'est pas catholique, se faire remplacer par un conseiller communal qui le soit), du curĂ© de la paroisse et de cinq paroissiens pour les paroisses de moins de cinq mille Ăąmes et de neuf pour les plus importantes; le conseil Ă©lit un prĂ©sident et un secrĂ©taire[14].

Notes et références

  1. François Duine, "Saint-Martin de Vitré : les généraux des paroisses bretonnes", 1907, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1454137/f12.image.r=Balaz%C3%A9
  2. Christian Kermoal, "Les notables du Trégor", Chapitre 2 : "Le corps politique de la paroisse", Presses Universitaires de Rennes, 2002, consultable : https://books.openedition.org/pur/17769?lang=fr
  3. AndrĂ© Mussat, Arts et cultures de Bretagne : un millĂ©naire, Rennes, Éditions Ouest-France, , 380 p. (ISBN 978-2-737-31932-7, OCLC 34611255)
  4. Paroissien chargé d'administrer les biens matériels (temporels) possédés par l'église et la paroisse avant 1789.
  5. Jean-Baptiste Duvergier, Collection complÚte des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat, chez A. Guyot et Scribe, Paris, 1825, tome 6, p. 335-336 (lire en ligne)
  6. en lien externe, la version originelle du décret figure dans le Manuel des Fabriciens (cf. bibliographie).
  7. Décret du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises tel que modifié (site Légifrance).
  8. Décret impérial du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises (site Législation belge).
  9. ArrĂȘtĂ© royal du 15 mars 1988 portant organisation des conseils de fabriques d'Ă©glise du culte orthodoxe (site LĂ©gislation belge).
  10. Par exemple conseil d'administration pour les cultes protestant (ArrĂȘtĂ© royal du 7 fĂ©vrier 1876 portant organisation des conseils d'administration prĂšs les Ă©glises protestantes du culte Ă©vangĂ©lique) et israĂ©lite (ArrĂȘtĂ© royal du 7 fĂ©vrier 1876 portant organisation des conseils d'administration prĂšs les synagogues du culte israĂ©lite), comitĂ© chargĂ© de la gestion du temporel du culte pour le culte musulman (RĂ©gion wallonne : ArrĂȘtĂ© du Gouvernement wallon du 13 octobre 2005 portant organisation des comitĂ©s chargĂ©s de la gestion du temporel des communautĂ©s islamiques reconnues).
  11. Cf. Loi du 19 juillet 1974 sur la gestion du culte islamique.
  12. Loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes (site Legislation belge), art. 19bis.
  13. Décret du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, art. 42 ; code de la démocratie locale et de la décentralisation, art. L.2332-1 [lire en ligne (page consultée le 26 août 2018)].
  14. Situation en Wallonie (région de langue française); en Région bruxelloise, le nombre de conseillers est toujours de cinq, outre le bourgmestre (ou un conseiller communal désigné par lui) et le curé (ou un autre desservant désigné par lui); en Communauté germanophone, le conseil peut avoir entre cinq et neuf membres, selon ce que son rÚglement d'ordre intérieur prescrit, en plus du bourgmestre ou d'un conseiller communal désigné et du curé ou son représentant; en Flandre, le conseil de fabrique est remplacé par un conseil d'église qui se compose de cinq membres et du responsable de la paroisse ou son suppléant.

Voir aussi

Bibliographie

  • LĂ©on Aucoc, Des changements apportĂ©s depuis 1884 Ă  la lĂ©gislation sur les fabriques des Ă©glises, Paris, Éditions A. Picard et fils, , 21 p., in-8° (lire en ligne). — Extrait du Compte rendu de l’AcadĂ©mie des sciences morales et politiques.
  • G. DE BIÈVRE, Les cultes en Belgique et l'argent des pouvoirs publics, Bruxelles, CAL, 1993
  • Mathilde Guilbaud, Les fabriques paroissiales rurales au XIXe siĂšcle. L'exemple des campagnes de Seine-et-Marne, Histoire & SociĂ©tĂ©s Rurales 2007/2 (vol. 28), p. 67-88.
  • Jean-François Husson (Ă©d.) et al., Les Fabriques d'Ă©glise en Wallonie : De NapolĂ©on au 21e siĂšcle, Wauthier-Braine, Vanden Broele, , 237 p. (ISBN 978-90-496-1577-2).
  • Journal des conseils de fabriques des cures desservans vicaires aumoniers des Ă©tablissements religieux et du contentieux des cultes, Paris, imprimerie Everat, 1855.
  • Yvon Marcoux, L'histoire des fabriques paroissiales.
  • Manuel des Fabriciens imprimĂ© par ordre de Monseigneur l'Ă©vĂȘque de Gap Ă  l'usage de son diocĂšse, Gap, Imprimerie de J. Allier imprimeur de l'Ă©vĂȘchĂ©, 1838.
  • Le Monde, 4 mai 1988
  • Espace de LibertĂ©, no 164, 1988, p. 4n° 168, 1989, p. 6 - no 186, 1990, p. 30 - no 189, 1991, p. 18-20 - no 195, 1991, p. 22-25 - no 196, 1991, p. 26 - no 207, 1993, p. 9-10 - no 238, 1996, p. 22

Articles connexes

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