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Conférence islamique internationale de Grozny

Fin aoĂ»t 2016 Ă  Grozny, en TchĂ©tchĂ©nie, plus de 200 oulĂ©mas sunnites venus de nombreux pays musulmans se sont rassemblĂ©s pour discuter des frontiĂšres de leur identitĂ© religieuse collective. Des muftis et oulĂ©mas de la fĂ©dĂ©ration de Russie se sont rĂ©unis du 25 au Ă  Grozny, capitale de la RĂ©publique tchĂ©tchĂšne, pour une confĂ©rence sur le thĂšme : « Qui sont les Gens de la Tradition et du Consensus [Ahl al-Sunna wa-l-Jamñ‘a] ? » Dans le but de dĂ©finir l’identitĂ© « des gens du sunnisme et de la communautĂ© sunnite », une confĂ©rence inaugurĂ©e par le cheikh d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, s’est tenue sous l’égide du prĂ©sident Ramzan Kadyrov[1].

Typographie de la phrase Ahl As-sunnah Wa l-jamāʻah

De grandes personnalitĂ©s religieuses Ă©taient prĂ©sentes telles que le grand mufti d’Égypte, Cheikh Chawki Allam, le conseiller du prĂ©sident Ă©gyptien et le reprĂ©sentant du ComitĂ© religieux au Parlement Ă©gyptien, Cheikh Oussama al-Azhari, ou encore l’ancien grand mufti d’Égypte, cheikh Ali Jomaa, le grand mufti de Damas, cheikh Abdel Fattah al-Bezm, le prĂ©dicateur yĂ©mĂ©nite Ali al-Jiffri. Des figures religieuses toutefois toutes proches ou nommĂ©es par des rĂ©gimes politiques (Syrie, Égypte, YĂ©men) classĂ©s comme parmi les plus autoritaires[2] et corrompus[3] au monde..

Dans le communiquĂ©, les participants Ă  la confĂ©rence sont convenus que « les gens du sunnisme et ceux qui appartiennent Ă  la communautĂ© sunnite sont les Acharites, les Maturidites, et les gens du hadith mufawwad au niveau de la doctrine, les quatre Ă©coles traditionnelles de jurisprudence islamique sunnite (hanafite, malikite, chafi'ite et hanbalite), au niveau de la pratique, et les soufis de l'imam al-Junayd, au niveau de la gnose, de la morale et de l’éthique »[4].

La conférence a exclu clairement le wahhabisme salafiste de la définition du sunnisme, voire du cadre de la communauté sunnite.

Les participants Ă  la confĂ©rence ont qualifiĂ© cette dĂ©cision de « changement radical et nĂ©cessaire pour pouvoir rĂ©tablir le vrai sens du sunnisme, sachant que ce concept a subi une dangereuse dĂ©formation Ă  la suite des efforts des extrĂ©mistes de le vider de son sens pour l’accaparer et le rĂ©duire Ă  leur perception ».

Une allusion claire aux groupes takfiristes et wahhabites qui sont soutenus par l’Arabie saoudite[5].

Le but de la conférence

L'un des buts de la confĂ©rence Ă©tait de rĂ©unir le plus grand nombre possible de responsables musulmans pour condamner le wahhabisme saoudien qui conduit au terrorisme. Le but de la confĂ©rence Ă©tait aussi de dĂ©finir la vĂ©ritable identitĂ© de la communautĂ© sunnite. Une liste des mouvements authentiquement sunnites a Ă©tĂ© dressĂ©e, liste de laquelle est exclu le wahhabisme d’Arabie saoudite[1].

Recommandations de la conférence

La confĂ©rence a proposĂ© la crĂ©ation — en Russie — d’une chaĂźne de tĂ©lĂ©vision qui concurrencera al Jazeera, qui transmettra le vrai message de l’islam sunnite et qui combattra l’extrĂ©misme et le terrorisme. La confĂ©rence a Ă©galement proposĂ© la crĂ©ation d’un centre scientifique en TchĂ©tchĂ©nie pour surveiller et Ă©tudier les groupes contemporains, pour rĂ©futer et critiquer scientifiquement la pensĂ©e extrĂ©miste. Les participants ont suggĂ©rĂ© que ce centre porte le nom de Tabsyr (NDLR : « clairvoyance » en langue arabe)[5].

La confĂ©rence a insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de revenir aux Ă©coles de grande connaissance, en clair aux institutions religieuses sunnites telles que l'universitĂ© d'Al-Azhar en Égypte, l'universitĂ© Qarawiyin au Maroc, l'universitĂ© Zaytouna en Tunisie et l'universitĂ© Hadramawt au YĂ©men. La confĂ©rence a exclu les institutions religieuses saoudiennes, en particulier l'universitĂ© islamique de MĂ©dine.

Une des recommandations adressées par la conférence aux institutions sunnites a été d'offrir des bourses à ceux qui s'intéressent aux études de la charia, afin de contrer les études menées par l'Arabie saoudite qui promeut le takfirisme. La conférence a en outre rappelé que le wahhabisme s'inspire de la pensée d'Ibn Taymiyya, qui est mort en prison en 1328, aprÚs avoir été déclaré déviant par les érudits sunnites de son temps.

La conférence a également dénoncé Mohammed ben Abdelwahhab, qui avait fait couler le sang des musulmans, en ressuscitant la doctrine taymiyienne au XVIIIe siÚcle. Son mouvement avait été immédiatement condamné par l'ensemble du monde sunnite comme une résurgence du kharidjisme, en clair, une déviance extrémiste[6].

Deux documents émanent de cette conférence: le premier est une fatwa rédigée en russe définissant et condamnant explicitement le wahabisme. Le second est un compte-rendu de la conférence en arabe, qui ne pousse pas le degré de précision à ce point, au vu des réactions houleuses des religieux du Golfe [7].

La réaction saoudienne

Cet Ă©vĂ©nement, qui a rĂ©uni plus de deux cents oulĂ©mas, venus du monde entier, a dĂ©clenchĂ© une trĂšs vive controverse, en sous-entendant, dans son communiquĂ© final, que le wahhabisme, le courant islamique ultra-rigoriste, qui a rang de religion d’État en Arabie saoudite, ne fait pas partie du sunnisme[8].

Au lendemain de la clĂŽture de la confĂ©rence, qui a durĂ© trois jours, la rĂ©action saoudienne ne s’est pas fait attendre. Une campagne mĂ©diatique virulente s’est dĂ©clenchĂ©e, parrainĂ©e par les institutions religieuses et politiques en Arabie saoudite et au Qatar.

Notes et références

  1. Anne-BĂ©nĂ©dicte Hoffner, « La ConfĂ©rence de Grozny et la compĂ©tition pour l’orthodoxie islamique », La Croix, (consultĂ© le ).
  2. « Classement des États du monde par indice de dĂ©mocratie », sur Atlasocio.com (consultĂ© le )
  3. (en) Transparency International e.V, « Corruption Perceptions Index 2019 », sur www.transparency.org (consulté le )
  4. « « Qui sont les sunnites ? » PolĂ©mique autour d’un congrĂšs et de deux documents », sur Carnet de recherche de l'IPRA.
  5. « Le wahhabisme exclu du Sunnisme lors du congrÚs de Grozny », sur Site de la chaßne AlManar-Liban.
  6. Al-Manar, « Le wahhabisme exclu d'une conférence en Tchétchénie », sur parstoday.com, (consulté le ).
  7. AVON Dominique, « Dimension religieuse des conflits contemporains au Moyen-Orient », Paix et guerres au Moyen-Orient : université populaire iReMMO, .
  8. Benjamin Barthe, « Contre Riyad, un conclave antiwahhabite », Le Monde, (consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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