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Conceptions religieuses d'Isaac Newton

Les conceptions religieuses d'Isaac Newton ont influencĂ© son Ɠuvre. Sir Isaac Newton (1643-1727) Ă©tait un physicien, mathĂ©maticien, astronome, philosophe de la nature, alchimiste et thĂ©ologien anglais. Il a par ailleurs beaucoup travaillĂ© dans des domaines qui s'apparenteraient aujourd'hui aux sciences occultes.

Isaac Newton a écrit plusieurs textes de théologie portant sur l'histoire des religions, l'histoire du christianisme et l'interprétation de la Bible et de ses prophéties. Il s'agit pour certains de traités et pour d'autres de lettres adressées à des correspondants en Grande-Bretagne et sur le continent, notamment Samuel Clarke, John Locke ou Nicolas Fatio de Duillier[1].

Ces textes, Ă©crits entre 1670 et sa mort, nous renseignent sur les croyances d'Isaac Newton qui, sur certains points, diffĂšrent significativement du credo de l'Église anglicane (trinitĂ©, baptĂȘme des enfants, interprĂ©tation des prophĂ©ties) mais aussi des autres Ă©glises protestantes de son Ă©poque (Ă©glises luthĂ©rienne, calviniste, presbytĂ©rienne et anabaptiste).

Il n'a rien publié de son vivant hormis un abrégé de chronologie biblique, la derniÚre année de sa vie. Probablement craignait-il des persécutions de la part de l'église anglicane (William Whiston, une de ses connaissances, a été renvoyé de sa chaire de mathématiques à Cambridge en raison de ses convictions religieuses).

Seuls neuf de ces textes ont Ă©tĂ© traduits en français (en 1996) : L'origine des religions, Chronologie des anciens royaumes, Sept affirmations sur la religion, Irenicum, Questions concernant le mot ÏŒÎŒÎżÎčÎżÏ…ÏƒÎčός, Questions paradoxales concernant la moralitĂ© et les actions d'Athanase et de ses disciples, Relation historique de deux corruptions remarquables de l'Écriture, TraitĂ© sur l'Apocalypse (fragments) et Du jour du jugement et du monde Ă  venir. Cette traduction tardive est due au fait que les manuscrits de thĂ©ologie d'Isaac Newton sont restĂ©s inaccessibles pendant longtemps. Ce n'est qu'en 1837 qu'un de ses principaux biographes, Sir David Brewster, a obtenu l'autorisation d'en prendre connaissance par la famille d'Isaac Newton. Ils ont Ă©tĂ© vendus aux enchĂšres un siĂšcle plus tard, en 1936, Ă  deux acquĂ©reurs : l'Ă©conomiste anglais J. M. Keynes et l'Ă©rudit juif A. S. Yahuda. Le fonds acquis par J. M. Keynes est aujourd'hui propriĂ©tĂ© du King's college de Cambridge et celui de A. S. Yahuda de la BibliothĂšque publique et universitaire de JĂ©rusalem, qui les ont depuis mis Ă  disposition du public[1].

Entre physique et religion

Isaac Newton se considérait comme l'un des individus spécialement choisis par Dieu pour comprendre le message biblique[2].

Dieu et l'univers

La loi de la gravitĂ© est aujourd’hui la dĂ©couverte la plus connue de Newton, mais il prĂ©vient qu’il ne fallait pas regarder l'univers comme une simple machine mais comme une grande horloge. Il a dit :

« La gravitĂ© explique les mouvements des planĂštes, mais elle ne peut pas expliquer qui a mis les planĂštes en mouvement. C’est Dieu qui rĂ©git toutes les choses et qui sait tout ce qui existe ou peut exister. »

Il a Ă©galement Ă©crit :

« Ce magnifique systĂšme du soleil, des planĂštes et des comĂštes n’a pu procĂ©der que de la volontĂ© et de la puissance d’un Être intelligent
 Cet ĂȘtre rĂ©git toutes choses, et non comme une sorte d’ñme du monde, mais comme un maĂźtre au-dessus de tout ; et c’est Ă  cause de son pouvoir qu’il veut qu’on l’appelle « Seigneur Dieu », Ï€Î±ÎœÏ„ÎżÎșρατωρ [pantokratĂČr], ou « Celui qui rĂšgle tout »... Le Dieu suprĂȘme est un Être Ă©ternel, infini, parfait en tout point. »


Croyances bibliques

Bien qu'il soit mieux connu pour son amour de la science, c’est la Bible qui fut le plus grand centre d'intĂ©rĂȘt d'Isaac Newton. Au regard de sa correspondance et de ses Ă©crits, on estime qu'il a en effet consacrĂ© plus de temps Ă  l'Ă©tude des Écritures qu'Ă  celle de la science. Il a par ailleurs dĂ©clarĂ© " j'ai une croyance totale dans la Bible comme Parole de Dieu, Ă©crite par ceux qu’il a inspirĂ©s. Je l’étudie tous les jours. "

Isaac Newton a consacrĂ© beaucoup de temps Ă  essayer d'y dĂ©couvrir des messages cachĂ©s. Il Ă©tait passionnĂ© par l'Ă©tude de ses prophĂ©ties, dont il reprochait au clergĂ© et aux prophĂštes cĂ©venols exilĂ©s en Angleterre une interprĂ©tation fantaisiste. En avoir une bonne comprĂ©hension lui paraissait indispensable car " c'est l'ignorance des juifs concernant ces prophĂ©ties qui leur a fait rejeter le Messie et [...] encourir la damnation Ă©ternelle (Luc 19.42,44) [...] Ils avaient quelques considĂ©rations pour ces prophĂ©ties dans la mesure oĂč ils Ă©taient gĂ©nĂ©ralement dans l'attente de notre Sauveur vers l'Ă©poque de son avĂšnement, seulement ils n'avaient pas connaissance du style de ces deux avĂšnements. Ils comprirent la description de son second avĂšnement, et se trompĂšrent seulement en l'appliquant au temps de son premier avĂšnement. "[3].

Il a notamment dĂ©fini une mĂ©thode d'interprĂ©tation des prophĂ©ties dans son traitĂ© sur l'Apocalypse, cette prophĂ©tie n'Ă©tant pas directement expliquĂ©e par la Bible. Il s'est pour cela basĂ© sur les autres prophĂ©ties dont la narration est suivi d'une interprĂ©tation (Daniel, ÉzĂ©chiel, Sophonie, ...) et a cherchĂ© Ă  Ă©tablir des recoupements. Il pensait en effet que toutes les prophĂ©ties de la Bible s'ajustent et se complĂštent les unes les autres, parfois lĂ  oĂč on ne l'attend pas. Cette particularitĂ© suscitait son admiration : " je ne puis que proclamer Ă  voix haute l'admirable et plus qu'humaine sagesse qui resplendit dans la composition de cette prophĂ©tie [l'Apocalypse] et sa coĂŻncidence exacte avec toutes les autres prophĂ©ties de l'Ancien et du Nouveau Testament "[3].

Sa méthode d'interprétation repose sur une quinzaine de principes :

  1. l'analogie (un mĂȘme symbole a une mĂȘme signification dans toutes les prophĂ©ties de la Bible),
  2. la signification unique (sauf exception, une mĂȘme prophĂ©tie ne peut avoir une signification littĂ©rale et une signification symbolique),
  3. la continuité de sens (les symboles ne changent pas de signification d'un chapitre à l'autre sauf mention explicite),
  4. la préférence littérale (si une interprétation littérale a du sens, il est faux de rechercher une allégorie),
  5. la simplicité des mots (les mots sont utilisés dans leur définition naturelle et d'usage courant),
  6. la continuité chronologique (les événements se succÚdent dans l'ordre du récit sauf indications contraires),
  7. la complémentarité évidente (les calendriers des différentes visions s'ajustent en fonction des événements les plus notables et ressemblants),
  8. la cohĂ©rence gĂ©nĂ©rale ( " l'Écriture s'explique par l'Écriture " ),
  9. la clartĂ© des interprĂ©tations ( " Dieu est le Dieu de l'ordre et non de la confusion ", " la perfection des Ɠuvres de Dieu est d'ĂȘtre rĂ©alisĂ©es dans la simplicitĂ© " ),
  10. la prudence (il est abusif d'interpréter une partie de la prophétie, en particulier pour la faire coïncider avec un événement particulier, sans l'avoir préalablement analysée dans son ensemble),
  11. la simplicité globale (la prophétie indique naturellement les relations entre ses différentes parties),
  12. l'honnĂȘtetĂ© (il ne convient de forcer la prophĂ©tie pour la faire coĂŻncider avec des Ă©vĂ©nements historiques),
  13. l'influence (les prophéties décrivent des événements d'ampleur, non des situations personnelles),
  14. la proportion (les événements de la prophétie les plus détaillés décrivent les événements les plus remarquables de l'histoire),
  15. l'intĂ©rĂȘt (la prophĂ©tie concerne les intĂ©rĂȘts de l'Église - assemblĂ©e des fidĂšles - non des Ă©vĂ©nements sans rapport avec elle) [3].

Isaac Newton considĂšre que la Bible est la source de la foi chrĂ©tienne. Il associe les personnes qui demandent des signes plus simples et plus Ă©vidents que les prophĂ©ties bibliques aux scribes et aux pharisiens du temps de JĂ©sus. Dans les Ă©vangiles, ce dernier refuse en effet de leur donner un signe spectaculaire prouvant qu'il Ă©tait le Messie car l'accomplissement des prophĂ©ties devait leur suffire. De cette maniĂšre, selon Newton, l'Église est " dĂ©barrassĂ©e des hypocrites et des tiĂšdes " [3].

Culte

On considĂšre gĂ©nĂ©ralement que la pensĂ©e d'Isaac Newton se rapproche des unitariens et ariens, ne s’attachant pas au dogme trinitaire. Il range « l’adoration de Christ comme Dieu » dans une liste d’« Idolatria » de ses notes thĂ©ologiques. T.C. Pfizenmaier, dont les conceptions restent minoritaires, soutient que plus probablement il est plus prĂšs de la pensĂ©e orientale orthodoxe sur la TrinitĂ© que de la pensĂ©e occidentale partagĂ©e par les catholiques romains, les anglicans et la plupart des protestants.

Selon lui, il appartient Ă  chacun d'Ă©tudier soi-mĂȘme la Bible, pour dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ©, et de ne pas s'en remettre au jugement d'autres personnes influencĂ©es par leur intĂ©rĂȘt, leur Ă©ducation ou une autoritĂ© quelconque. Il conseille ainsi Ă  son lecteur " d'interroger les Écritures toi-mĂȘme, en les lisant souvent et en mĂ©ditant en permanence ce que tu lis, tout en priant Dieu avec ardeur pour qu'il Ă©claire ton entendement "[3]. Pour Newton, le culte chrĂ©tien demande un effort personnel.

Monothéiste

Mais plus certainement, c'est l'avis de J.M. Keynes qu'il faut retenir. Puisque celui-ci a acheté et analysé les manuscrits de Newton, longtemps tenus confidentiels par la famille de Newton. Il en a dressé une synthÚse dans une lettre "Newton, the man"[4] qui a été lue en juillet 1946 par son frÚre Georges, lors des célébrations du bicentenaire de la mort de Newton.

Il conclut que Newton :

« ... était plutÎt monothéiste judaïsant de l'école de Maimonide. Il arriva à cette conclusion, non pas sur des bases pour ainsi dire rationnelles ou de doutes, mais entiÚrement en interprétant les anciennes autorités. Il était persuadé que les documents révélés ne donnaient aucun support aux doctrines de la Trinité qui étaient dues à des falsifications tardives. Le Dieu révélé était un seul Dieu. »

La philosophie mécaniste

La philosophie mĂ©caniste de Newton et de Boyle a la faveur de propagandistes du rationalisme qui y voient une alternative acceptable aux panthĂ©istes et aux exaltĂ©s ; elle est acceptĂ©e avec hĂ©sitation par les prĂ©dicateurs orthodoxes du clergĂ© tant dissidents que latitudinaristes. Dans la clartĂ© et la simplicitĂ© de la science voient une alliĂ©e pour combattre l’enthousiasme superstitieux, nĂ© des outrances de l’émotion et de la mĂ©taphysique, aussi bien que l'athĂ©isme menaçant.

Athéisme : un principe immoral

« L'opposition Ă  la religion s’appelle athĂ©isme quand on la professe et idolĂątrie quand on la pratique. L'athĂ©isme est tellement insensĂ© et tellement odieux Ă  l'humanitĂ© qu'il n'y a jamais eu beaucoup de gens pour l’enseigner. »

Dieu : raisonnable et universel

Les attaques menĂ©es contre la pensĂ©e magique qui a prĂ©cĂ©dĂ© les LumiĂšres, et contre les Ă©lĂ©ments mystiques du christianisme, tirent leur origine de la conception mĂ©canique que Boyle a de l'univers. Newton les prouvant par les mathĂ©matiques et, plus important encore, il rĂ©ussit Ă  les vulgariser. Il transforme un monde rĂ©gi par un Dieu d'interventionniste Ă  un monde crĂ©Ă© par un Dieu qui conçoit selon des principes raisonnables et universels. Ces principes Ă©tant accessibles Ă  chacun, il est permis Ă  l'homme de poursuivre et d’atteindre ses propres buts dans cette vie, et non seulement dans l’autre, et de se perfectionner lui-mĂȘme par les pouvoirs que lui donne sa propre raison.

Entre Dieu et raison humaine

Newton voit en Dieu un crĂ©ateur tout-puissant dont il est impossible de nier l'existence face Ă  la splendeur de la crĂ©ation tout entiĂšre. Mais la consĂ©quence thĂ©ologique imprĂ©vue de cette conception de Dieu, comme Leibniz le note, c’est qu’on retire complĂštement Ă  Dieu la direction du monde puisque, s’il a besoin d’intervenir, cela ne fait que montrer que sa crĂ©ation Ă©tait imparfaite, chose impossible dans le cas d’un crĂ©ateur parfait et omnipotent. En dĂ©pit de la logomachie qu’on pouvait opposer, dans cette philosophie Dieu ne participe plus Ă  sa crĂ©ation, et la comprĂ©hension du monde est maintenant Ă  la portĂ©e de la seule raison humaine.

Mais d’autre part, les idĂ©es latitudinaristes et newtoniennes poussĂ©es Ă  bout aboutissent au millĂ©narisme, faction religieuse qui cherchait Ă  concevoir la mĂ©canique de l’Univers, mais en y apportant le mĂȘme enthousiasme et le mĂȘme mysticisme que l’esprit des LumiĂšres cherchait de toutes ses forces Ă  faire disparaĂźtre. Newton lui-mĂȘme porte un certain intĂ©rĂȘt au millĂ©narisme puisqu’il Ă©tudie le livre de Daniel et l’Apocalypse dans ses Observations sur les ProphĂ©ties.

Dans la conception qu’avait Newton du monde physique on doit mettre en avant cette stabilitĂ© sur laquelle peuvent reposer la stabilitĂ© et l'harmonie du monde des hommes.

Notes et références

  1. Isaac Newton, prĂ©face de Jean-François Baillon, Écrits sur la religion, Paris, Gallimard, , 262 p.
  2. (en) « Newton's Views on Prophecy », The Newton Project, (consulté le )
  3. Isaac Newton, traduction de Jean-François Baillon, Fragments d'un traité sur l'Apocalypse, Paris, Gallimard,
  4. (en) « John Maynard Keynes: Newton, the Man », The MacTutor History of Mathematics archive, (consulté le )
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