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Charte mondiale de la nature

La Charte mondiale de la nature est un texte novateur et fondamental, d'importance mondiale et de haute valeur morale.

Charte mondiale de la nature
Présentation
Titre Charte mondiale de la nature, du 28 octobre 1982
Abréviation CMN
Pays Organisation des Nations unies
Type Charte
Branche Droit constitutionnel, Droit de l'environnement, Libertés fondamentales
Adoption et entrée en vigueur
Législature 48e séance plénière des Nations unies
Gouvernement ONU
Adoption
Signature 48e séance plénière des Nations unies
Promulgation
Publication

Lire en ligne

Extrait du Journal officiel des Nations unies

Il a Ă©tĂ© proclamĂ© le , dix ans après la confĂ©rence de Stockholm et 10 ans avant la confĂ©rence de Rio, sous la forme d'une rĂ©solution ; la «  RĂ©solution 37/7 de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies  », qui - pour la première fois - consacre l'importance pour la survie de l'humanitĂ© de la protection de la nature et des Ă©cosystèmes. Elle prĂ©figure aussi la notion de dĂ©veloppement soutenable (sustainable development) qui sera plus largement dĂ©veloppĂ© Ă  Rio.

C'est le premier texte d'une telle valeur morale Ă  introduire aussi explicitement la notion de gĂ©nĂ©rations futures et Ă  proclamer des «  principes de conservation, au regard desquels tout acte de l’homme affectant la nature doit ĂŞtre guidĂ© et jugĂ©  ». Il vise la protection des espèces sauvages, mais aussi «  domestiques  », et consacre la nĂ©cessitĂ© de maintenir gĂ©rer et restaurer les habitats et ressources naturelles que l'Homme utilise «  sans compromettre pour autant l’intĂ©gritĂ© des autres Ă©cosystèmes  ». C'est le premier texte qui dans le monde dĂ©finit explicitement un niveau d'exigence dans la restauration des zones dĂ©gradĂ©es par l'homme : Elles doivent ĂŞtre rĂ©habilitĂ©es pour redevenir « conformes Ă  leur potentiel naturel » [1].

Le texte a été voté avec 111 voix pour, 18 abstentions et une voix contre (celle du représentant des États-Unis).


Présupposés et attendus

Le prĂ©ambule de la charte et son texte introductif reconnaissent clairement et explicitement «  l’importance suprĂŞme  » ;

  • «  de la protection des systèmes naturels  »,
  • du maintien de l’équilibre et de la qualitĂ© de la nature et
  • «  de la conservation des ressources naturelles  »,

… «  dans l’intĂ©rĂŞt des gĂ©nĂ©rations prĂ©sentes et Ă  venir  »,

L'ONU se dit consciente dans le préambule que

a) « L’humanité fait partie de la nature et la vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui sont la source d’énergie et de matières nutritives »,
b) « La civilisation a ses racines dans la nature, qui a modelé la culture humaine et influé sur toutes les œuvres artistiques et scientifiques, et c’est en vivant en harmonie avec la nature que l’homme a les meilleures possibilités de développer sa créativité, de se détendre et d’occuper ses loisirs ».

L'ONU se dit convaincue que :

a) « Toute forme de vie est unique et mérite d’être respectée, quelle que soit son utilité pour l’homme et, afin de reconnaître aux autres organismes vivants cette valeur intrinsèque1 l’homme doit se guider sur un code moral d’action »,
b) « L’homme peut, par ses actes ou par leurs conséquences, transformer la nature et épuiser ses ressources et doit, de ce fait, pleinement reconnaître qu’il est urgent de maintenir l’équilibre et la qualité de la nature et de conserver les ressources naturelles ».

L'ONU se dit persuadée que :

a) « Les bienfaits durables qui peuvent être obtenus de la nature sont fonction du maintien des processus écologiques et des systèmes essentiels à la subsistance, ainsi que de la diversité des formes organiques, que l’homme compromet par une exploitation excessive ou par la destruction de l’habitat naturel »,
b) « La dégradation des systèmes naturels qui résulte d’une consommation excessive et de l’abus des ressources naturelles, ainsi que de l’incapacité d’instaurer parmi les peuples et les États un ordre économique approprié, conduit à l’effondrement des structures économiques, sociales et politiques de la civilisation »,
c) « La course aux ressources rares est génératrice de conflits tandis que la conservation de la nature et de ses ressources va dans le sens de la justice et contribue au maintien de la paix, et elle ne sera assurée que lorsque l’humanité aura appris à vivre en paix et à renoncer à la guerre et aux armements »,

Ce texte est moins connu que ceux des conventions mondiales signées 10 ans plus tard lors du sommet de la terre à Rio en juin 1992, mais il les préfigure. En tant que charte, il a cependant surtout une valeur morale et d'engagement, et donc une moindre valeur juridique que les conventions sur la biodiversité ou le changement climatique.

Il a Ă©galement moins de force que la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ou que la DĂ©claration universelle des droits de l'homme.

Historique

Cette charte est aujourd'hui considĂ©rĂ©e comme l'une des Ă©tapes essentielles d'une prise de conscience environnementale de l'ONU. Elle proclame aussi une responsabilitĂ© partagĂ©e et l'urgente «  nĂ©cessitĂ© de mesures appropriĂ©es, aux niveaux national et international, individuel et collectif, privĂ© et public, pour protĂ©ger la nature et promouvoir la coopĂ©ration internationale dans ce domaine  »

Cette charte a été l'aboutissement d'un projet initié par le secrétariat général des Nations unies (Projet A/36/539).
Deux ans plus tôt, par la résolution 3517 du 30 octobre 1980, l'ONU s’était déclarée persuadée que les bénéfices qui pouvaient être obtenus de la nature étaient fonction :

  • du maintien des processus naturels
  • de la diversitĂ© des formes de vie

Cette mĂŞme rĂ©solution ajoutait que ces bĂ©nĂ©fices Ă©taient «  compromis du fait de l’exploitation excessive et de la destruction des habitats naturels  », et qu'il fallait «  prendre des mesures appropriĂ©es, aux niveaux national et international, pour protĂ©ger la nature et promouvoir la coopĂ©ration internationale dans ce domaine  »

Le 27 octobre 1981, L'assemblée générale invitait le Secrétaire général à transmettre aux États membres le texte de la version révisée du projet de Charte mondiale de la nature contenu dans le rapport d'un Groupe spécial d’experts chargé d’examiner le projet de Charte mondiale de la nature, ainsi que toutes observations ultérieures des États, en vue d’un examen approprié par l’Assemblée générale à sa trente-septième session.

Le texte a été solennellement adopté et proclamé par la 48e séance plénière (37e session) et s'est prolongé bien au-delà, avec les sommets mondiaux de la Terre et un grand nombre de démarche orientées vers la protection de la biodiversité et du climat à échelle mondiale.


Contenu de la charte

La charte comprend 3 grandes parties ; 1) principes généraux et transversaux, 2) objectifs, 3) moyens et modes d'application.

La première partie rassemble les 5 premiers articles, généraux, qui précisent le champ (universel) d'application de la charte ;

  • Le respect de la nature et la non-altĂ©ration de ses processus essentiels (art 1 e 4), doivent ĂŞtre appliquĂ©s partout et en tous temps (art 3 et 4) ;
  • pour les espèces sauvages comme pour les espèces domestiques (art.2).
  • Les populations de toutes les espèces doivent ĂŞtre conservĂ©es «  Ă  un niveau suffisant pour en assurer la survie  » (art 2),
    avec «  une protection spĂ©ciale sera accordĂ©e aux parties qui sont uniques, Ă  des Ă©chantillons reprĂ©sentatifs de tous les diffĂ©rents types d’écosystèmes et aux habitats des espèces rares ou menacĂ©es  » (art 3), y compris contre les «  dĂ©prĂ©dations causĂ©es par la guerre ou d’autres actes d’hostilitĂ©  » (art 5).

La seconde partie (articles 6 à 13) est consacré aux fonctions et objectifs de la charte.

  • L'article 1 pose le principe d'une exigence de transversalitĂ© ; il demande que l'environnement soit toujours pris en compte dans une nouvelle gouvernance qui devra dans tous les cas prĂ©alablement reconnaĂ®tre «  qu’il n’est possible de satisfaire aux besoins de chacun qu’en assurant le fonctionnement adĂ©quat des systèmes naturels  » et que «  la conservation de la nature doit faire partie intĂ©grante des activitĂ©s de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique  » en tenant compte Ă  long terme de la capacitĂ© des systèmes naturels (art 8).
  • L'article 10 condamne le gaspillage et promeut l'utilisation raisonnĂ©e et rationnelle des ressources, c'est-Ă -dire sans compromettre leur renouvelabilitĂ©, et notamment en recyclant l'eau et en restaurant et protĂ©geant l'humus des sol[2].
  • L'article 11 pose un principe de prĂ©caution : «  Les activitĂ©s qui risquent de causer des dommages irrĂ©versibles Ă  la nature seront Ă©vitĂ©es  » (art 11-a ) et les autres seront contrĂ´lĂ©es par «   les meilleures techniques disponibles, susceptibles de diminuer l’importance des risques ou d’autres effets nuisibles sur la nature  », après Ă©tude d'impact (alinĂ©a 11c) et mesure de rĂ©duction des risques (art 11, alinĂ©as 11b et 11c) ;
  • …de plus la charge de la preuve revient au porteur de projet («  Les promoteurs devront prouver que les bĂ©nĂ©fices escomptĂ©s l’emportent sur les dommages Ă©ventuels pour la nature  » prĂ©cise l'alinĂ©a 11b).
    L'alinĂ©a 11d demande que l’agriculture, le pâturage, la sylviculture et la pĂŞche ne surexploitent pas les ressources naturelles fournies par les Ă©cosystèmes. Ces activitĂ©s doivent de plus ĂŞtre adaptĂ©es «  aux caractĂ©ristiques et limites naturelles des zones considĂ©rĂ©es  ». L'article 13 demande que les catastrophes naturelles soient prĂ©venues, contrĂ´lĂ©es ou limitĂ©es en traitant les causes de ces «  flĂ©aux  », pour en Ă©viter « des effets secondaires nuisibles pour la nature ».
  • La charte insiste aussi sur le fait qu'il ne faut plus se contenter de protĂ©ger ce qui reste de la nature ; elle pose (alinĂ©a 11-e de l'article 11) explicitement un niveau d'exigence dans la restauration des zones dĂ©gradĂ©es par l'homme : Elles doivent ĂŞtre rĂ©habilitĂ©es pour redevenir «  conformes Ă  leur potentiel naturel  ».
  • L'article 12 proscrit tout rejet polluant dans tout le «  système naturel  », et quand ce rejet est inĂ©vitable, le polluant doit ĂŞtre «  traitĂ© Ă  la source  » en utilisant «  les meilleurs moyens disponibles  » ; avec «  des prĂ©cautions spĂ©ciales seront prises afin d’empĂŞcher le rejet de dĂ©chets radioactifs ou toxiques  »

La troisième partie (articles 14 à 14) est consacré à la mise en œuvre de la charte ; Elle stipule que ;

  • la lĂ©gislation et les pratiques des États membres de l'ONU doivent, comme la gouvernance internationale, et tous et chacun appliquer les principes de la charte (Art. 14),
  • les connaissances environnementales («  relatives Ă  la nature  ») seront « largement diffusĂ©es par tous les moyens possibles, en particulier par l’enseignement mĂ©sologique qui fera partie intĂ©grante de l’éducation gĂ©nĂ©rale  »… et ceci dans la plus totale transparence (On s’efforcera sans cesse d’approfondir la connaissance de la nature grâce Ă  la recherche scientifique et de diffuser les informations ainsi obtenues sans restriction d’aucune sorte prĂ©cise l'Art 18.)
  • Tout plan ou programme doit contenir «  parmi ses Ă©lĂ©ments essentiels  », l’élaboration de «  stratĂ©gies de conservation de la nature, l’établissement d’inventaires portant sur les Ă©cosystèmes et l’évaluation des effets sur la nature des politiques et activitĂ©s projetĂ©es : tous ces Ă©lĂ©ments seront portĂ©s Ă  la connaissance du public par des moyens appropriĂ©s et en temps voulu pour qu’il puisse effectivement ĂŞtre consultĂ© et participer aux dĂ©cisions  ». (art 16), ce qui sera permis par des «  moyens financiers, les programmes et les structures administratives nĂ©cessaires pour atteindre les objectifs de la conservation de la nature  ».
  • une surveillance environnementale affinĂ©e (prĂ©figuration d'un observatoire mondial de l'environnement ?) et des indicateurs crĂ©dibles doivent ĂŞtre mis en place pour suivre «  l'Ă©tat des processus naturels, des Ă©cosystèmes et des espèces  » pour qu’on puisse dĂ©celer le plus tĂ´t possible toute dĂ©gradation ou menace, intervenir en temps utile et Ă©valuer plus facilement les politiques et techniques de conservation (art 19). «  Les activitĂ©s militaires prĂ©judiciables Ă  ta nature seront Ă©vitĂ©es  » ajoute l'Art. 20.
  • la «  conservation de la nature  » est prĂ©sentĂ©e comme un principe et devoir universels ; il est du devoir de tous ; du citoyen Ă  la gouvernance mondiale, en passant par les entreprises et tous les niveaux de collectivitĂ©s et d'autoritĂ©s..) de la protĂ©ger (ex : art 21, 23…), sur les territoires relevant des Ă©tats mais aussi « dans les zones au-delĂ  des limites de juridiction nationale » (alinĂ©a 21-e).
    Pour le permettre, l'article 23 stipule que toute personne («  individuellement ou avec d’autres personnes  ») doit avoir accès Ă  la connaissance environnementale et pouvoir «  participer Ă  l’élaboration des dĂ©cisions qui concernent directement son environnement et, au cas oĂą celui-ci subirait des dommages ou des dĂ©gradations, elle aura accès Ă  des moyens, de recours pour en obtenir rĂ©paration  ».
  • Chaque fois que possible les gouvernements et tous les acteurs de la sociĂ©tĂ© doivent coopĂ©rer (art 22) «  par des activitĂ©s communes et autres actions appropriĂ©es, notamment par des Ă©changes d’informations et par des consultations  », notamment pour (alinĂ©a 20-b) Ă©tablir des normes « pour les produits et procĂ©dĂ©s de fabrication risquant d’avoir des effets nuisibles sur la nature, ainsi que des mĂ©thodes d’évaluation de ces effets  »; crĂ©er et appliquer un droit environnemental international visant «  la conservation de la nature et la protection de l’environnement  » (alinĂ©a 20-C) et Ă  subsidiairement veiller «  ce que des activitĂ©s exercĂ©es dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrĂ´le ne causent pas de dommage aux systèmes naturels situĂ©s Ă  l’intĂ©rieur d’autres États, ni dans les zones situĂ©es en dehors des limites de juridiction nationale  »;

Les effets de la charte dans le monde

Force est de constater comme l'a notamment montré l'évaluation des écosystèmes pour le millénaire (en l'an 2000) que ce texte - comme tous ceux qui l'ont précédé ou suivi - n'a pas suffi à permettre d'atteindre ses objectifs de protection de la nature (plus tard réduit à « stabiliser la perte de biodiversité à l'horizon 2012 (2010 pour l'Europe) », objectif qui semble encore difficilement atteignable.

Néanmoins, la charte a préfiguré de véritables changements dans l'opinion publique et la gouvernance. S'il ne mentionne pas encore le mot « biodiversité », il défend clairement la « diversité biologique »(art 9)) et s'il n'évoque pas encore explicitement le changement climatique, il évoque les « ressources (…) atmosphériques qu'utilise l'Homme » (art 4) et qu'il faut protéger et restaurer. Ce texte reste méconnu du grand public et de nombreux décideurs, mais il a préparé les esprits de nombreux responsables qui ont contribué à l'organisation des sommets mondiaux qui suivront 10 et 20 ans plus tard.

Les effets de la charte en Europe

On peut considĂ©rer, mais de manière non mesurable que de nombreux textes (Directive, règlement, lois) environnementaux, dont la Charte de l’environnement ou le Grenelle de l'environnement en France lui doivent une partie de leur existence. Ils en dĂ©clinent en tous cas (plus ou moins fortement ou prioritairement) une grande partie des principes, et la charte est parfois explicitement citĂ©e comme rĂ©fĂ©rence, par exemple par un guide produit par le Conseil de l'Europe sur les plans de restauration d'espèces animales[3] La Directive Habitats et le rĂ©seau Ă©cologique paneuropĂ©en trouvent des racines dans l'article 2 de la charte «  la population de chaque espèce, sauvage ou domestique, sera maintenue au moins Ă  un niveau suffisant pour en assurer lĂ  survie: les habitats nĂ©cessaires Ă  cette fin seront sauvegardĂ©s  »

Notes et références

  1. (alinéa 11-e de l'article 11).
  2. (pédologie)|sols.
  3. Guidelines for action plans for animal species: planning recovery. (ISBN 9287134723).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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