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Chameau (1718)

Le Chameau était une flûte militaire de la Marine royale française, construite et lancée par Blaise-Joseph Ollivier et Étienne Hubac à Brest en 1717-1718[6]. Elle faisait partie de ce petit nombre de bâtiments lancés dans les vingt-cinq premières années du règne de Louis XV, période de paix marquée par de faibles crédits pour la Marine[7]. Le Chameau fut utilisé pendant cinq ans pour assurer les liaisons avec le Canada français. C'était l’un des plus gros navires de transport à fréquenter les eaux du Saint-Laurent[8]. Il se perdit par naufrage près de l’île Royale en 1725, ce qui provoqua d’importantes pertes matérielles et un deuil considérable à Québec. L’épave, retrouvée dans les années 1960, a livré un gros trésor numéraire et nombre d’objets dont certains sont exposés au Musée maritime de Louisbourg et à celui d’Halifax (tous deux en Nouvelle-Écosse). Une vente aux enchères, organisée à New York en 1971, permit aux numismates de faire l’acquisition des monnaies d’or et d’argent les mieux conservées[9].

Chameau
illustration de Chameau (1718)
Dessin et description d’une flûte militaire française du XVIIIe siècle

Type Navire
Gréement Trois-mâts carré
Histoire
Architecte Blaise-Joseph Ollivier[1], Étienne Hubac[2]
Chantier naval Brest
Quille posée [3]
Lancement 1718
Équipage
Équipage 100 hommes[2], 5 officiers[3]
Caractéristiques techniques
Longueur 40,6 m[3]
Maître-bau 9,41 m
Tirant d'eau 4,54 m[3]
Port en lourd 600[2] Ă  650 tonneaux[1]
Propulsion Trois-mâts carré
Vitesse 6 nœuds (maximum)[4]
Caractéristiques militaires
Armement 30 Ă  48 canons[2].
Carrière
Pavillon France
Port d'attache Rochefort[5]

Caractéristiques générales

Le Chameau était un bâtiment de charge à deux ponts destiné au transport des personnels et du matériel. Il relevait le nom d’un navire qui avait été capturé sur les Hollandais en 1678 et que la Marine de Louis XIV avait intégré dans ses rangs jusque vers 1696[10]. En 1718, à son entrée en service, il faisait partie des cinq flûtes que la Marine royale pouvait aligner en service[11]. Bien que non destiné au combat, il était équipé, comme navire militaire, d’une artillerie qui était de 30 pièces en temps de paix et de 48 pièces en temps de guerre[2]. L’armement en guerre se répartissait de la façon suivante :

Cet armement était donc composé de canons de petit calibre, ce qui était normal car il n’avait pour mission que de pouvoir se défendre en cas d’agression, pas de participer à des combats d’escadre en ligne de file (les vaisseaux d’une quarantaine de canons emportaient pour cela des pièces de 12, voire de 18 livres). Le Chameau n’ayant servi qu’en temps de paix, on peut donc supposer qu’il ne fut jamais armé à plus de 30 canons.

Le Chameau présentait la particularité d’avoir un quasi frère jumeau, l’Éléphant, construit à Brest en même temps que lui sur les mêmes côtes, mais sous le contrôle d’une autre charpentier (Hélie)[2]. Un rapport de 1723 disait du Chameau qu’il « navigue assez bien »[4]. Sa vitesse pouvait pourtant monter à 6 nœuds[4], ce qui était très élevé pour un navire de charge[12]. C’était donc un bâtiment très réussi. Le père Pierre-François-Xavier de Charlevoix le décrivait comme « une grande et belle flûte du Roy[13] ». Le grand ingénieur Duhamel du Monceau parlait de Chameau comme le dernier mot de l’art des constructions navales[1].

Historique

Les croisières annuelles à Québec (1718 - 1724)

Québec dans les années 1720, à l’époque ou le Chameau y effectua ses croisières depuis la France.

En 1718 - 1719, les rapports indiquent que le Chameau « n’a point été armé[5] ». En 1719, il reçut Rochefort comme port d’affectation, mais les départs de mission se firent depuis l’île d'Aix voisine. Le , le Chameau appareilla pour le Canada sous les ordres du capitaine Voutron[14]. Il transportait des soldats de marine et des civils (dont un religieux, le père jésuite historien de Charlevoix). La traversée fut difficile à cause de vents contraires et d’orages. Le , le Chameau fut en vue de Terre-Neuve où il faillit s’échouer, faute d’avoir pu déterminer sa position exacte[15]. Le , après une difficile remontée du Saint-Laurent, il arriva à Québec. La traversée ayant été particulièrement longue (83 jours), il y avait de nombreux malades qui durent être hospitalisés à l’Hôtel-Dieu de la ville[14].

Au retour, le Chameau fut chargé de pièces de bois de chêne et de pin (mâts, planches, bordages) et de barils de goudron à destination de l’arsenal de Rochefort[14]. Il y avait aussi de nombreux passagers. Le , le navire était prêt à appareiller, mais les vents contraires et la brume le bloquèrent en rade jusqu’au 28. L’équipage subit durement les premiers froids de l’automne canadien[14]. Le Chameau traversa heureusement l’Atlantique sans dommage et entra à Rochefort le [14]. De ce difficile premier voyage, on tira comme conclusion qu’il fallait « faire partir les navires de France les premiers jours de mai (pour arriver plus tôt avant l’été) et de Québec au plus tard le à cause de la proximité de coup de vent de Toussaint » (et des tempêtes d’automne)[13].

Les croisières du Chameau de 1721 à 1724 sont moins bien renseignées, faute de journaux de bord complets ou aussi détaillés que celui de 1720. Le navire fit chaque année un aller-retour entre Rochefort/l’île d'Aix et Québec avec force matériel, ravitaillement et passagers. En 1721 il était commandé par Monsieur de Lamirande[16]. Il appareilla le et arriva à Québec le [15]. Le , il prit le chemin du retour[16] et mouilla le à l’île d’Aix[15]. En 1722 – 1723, il était sous les ordres de Beaumont de Beauharnais[17]. En 1722, il partit de l’île d’Aix le et en revint le [15]. Les dates du séjour à Québec sont inconnues. Le Chameau croisa peut-être la route d’une autre flûte royale, le Dromadaire, qui desservait Louisbourg depuis l’île d'Aix, ce qui explique parfois que les deux bâtiments soient confondus l’un avec l’autre[18]. En 1723, la croisière dura du au , sans que l’on sache non plus combien de temps le navire séjourna à Québec[15]. En 1724, il passa sous le commandement de Jérémie Méchin[19]. Il partit de France le [15] et arriva à Québec le . Il en repartit le [19] pour retrouver la France le [15]. Les dates de retour dont on dispose sur ces quatre années montrent que les recommandations émises en 1720 pour éviter de rentrer tard dans la saison ne furent guère suivies d’effets.

Le site où ont été enterrées les victimes du naufrage, sur l’île Royale.

Le naufrage près de Louisbourg (1725)

Deux soldats avec un coffre en numéraire. Le Chameau transportait des dizaines de milliers de livres nécessaires à l'économie et à la garnison de Québec.

En , le Chameau appareilla pour la sixième fois à destination du Canada. Il était maintenant sous les ordres du capitaine Saint-James[19], secondé (pour la remontée du Saint-Laurent) par le pilote Chaviteau[20]. La traversée de l’Atlantique se fit sans encombre, mais dans la nuit du 27 au , il fut surpris dans les parages de Louisbourg par une tempête qui le jeta sur des récifs où il se perdit[21]. Avec ses 40 mètres de long et ses 600 tonneaux de charge, c’était le plus grand et – en théorie – le plus sûr des bâtiments pour faire le voyage annuel vers Québec[8]. Il y avait à bord entre 250[19] et 310[22] ou 316 personnes[21] (le nombre exact n’est pas connu avec précision). Il n’y eut aucun survivant.

La nouvelle du naufrage commença à être connue le lendemain lorsque la mer se mit à rejeter sur les grèves environnantes des dizaines de corps (en tenue de nuit, preuve de la violence et de la soudaineté du naufrage[22]). Parmi les victimes se trouvait Henri de Chazel, le nouvel intendant à Québec, Charles-Hector de Ramezay, fils du gouverneur de Montréal[22], Louis de La Porte de Louvigné, gouverneur de Trois-Rivières[19], des pères jésuites et récollets, des colons, 109 hommes de troupes[23] (et tout l’équipage). Certaines dépouilles purent être identifiées, comme celle de Chazel ou du pilote Chaviteau[24]. Un missionnaire récollet, le Père Le Duff, se chargea d’inhumer 180 corps au havre dit de La Baleine[25], à quelques lieues de Louisbourg[22]. Il fallut aussi nettoyer la côte des « quantités prodigieuses[26] » d’animaux noyés avec les hommes : « cochons, bœufs, moutons, canards et autres volailles[26] ».

L’interrogatoire des pêcheurs révéla que depuis le matin du , une tempête qui traversait la région les avait empêché de prendre la mer[21]. Le bateau fut facilement identifié grâce aux nombreux débris : des morceaux de mat, des poulies marquées de fleurs de lys, une partie de l’avant avec la « tête de chameau figuré qui étoit à l’éperon[26] ». La mer rejeta aussi quantité de ballots, caisses, barriques, coffres, effets personnels dont des papiers de l’intendant Henri de Chazel. Pour tenter d’arrêter les pillards – inévitables après une fortune de mer – le représentant de l’intendant sortant, Jacques Le Normant de Mézy, fit garder les lieux et promit le tiers des revenus de la vente à tous ceux qui rapporteraient les effets ramassés[21] (tout ce qui put être récupéré fut vendu aux enchères l’année suivante[27]). « Depuis 35 ans que je vais à la mer, je n’ai vu ni entendu parler d’un naufrage si extraordinaire » écrivit de Mézy le au Gouverneur de la Nouvelle-France[21].

L’économie du Canada était très dépendante des approvisionnements venus de France. Le naufrage du Chameau mit Québec dans une situation difficile. « Comme son chargement était considérable, il en résultat une grande détresse et la ruine de plusieurs familles » (Benjamin Sulte[28]). Outre les pertes humaines, il y avait à bord pour un peu plus de 23 000 livres en marchandises et munitions et 29 000 livres en espèces pour l’entretien des troupes, soit un total d’à peu près 52 000 livres[29]. D’autres sources, cependant, vont jusqu’à plus de 83 000 livres, avec quelque 27 000 livres pour l’habillement des troupes[30]. L’épouse du gouverneur général, la marquise de Vaudreuil, perdit 15 000 livres de « provisions qu’elle faisait passer de France »[31]. L’Intendant dut prendre des mesures d’urgence afin de trouver des vivres et « le petit habillement » pour les troupes[23]. Versailles envoya l’année suivante le frère jumeau du Chameau, l’Éléphant, espérant ainsi que « le retardement des fonds et effets » perdus sur le Chameau « n’a point dérangé le service de la colonie[23] ». Dix-neuf ans plus tard, le père jésuite historien de Charlevoix jugea que ce naufrage avait mis la Nouvelle-France « presque toute en deuil, et lui fit perdre en un jour, plus qu’elle n’avoit perdu en vingt ans de guerre » contre les Anglais et les Iroquois[32].

La recherche de l’épave et son exploration

Une « légende locale »

Le lieu précis du naufrage fut assez rapidement identifié. Dès le mois d’octobre, un officier de Louisbourg, Pierre de Morpain, leva un plan qui signalait « la carcasse du bâtiment » sur un récif à fleur d'eau (une batture) près de l’îlot de Portenove[33]. L’épave ne découvrait pas à marée basse, mais elle restait à faible profondeur et semblait accessible à des plongeurs. En 1726, plusieurs tentatives furent organisées pour récupérer les caisses de numéraire et les canons[34]. Mais, dans les eaux glacées et tumultueuses de l’île Royale, elles ne purent réussir[34].

Pour sécuriser la côte, on construisit à l'entrée de Louisbourg un phare qui fut mis en service en 1734 (et qui fut le premier bâti en Nouvelle-France). D’autres plans donnant l’emplacement du naufrage furent dressés jusque dans les années 1750[35], puis le temps et les vicissitudes de l’histoire firent leur œuvre. Avec la perte de Louisbourg et de l’île Royale lors de la guerre de Sept Ans, la France oublia le naufrage du Chameau. Cependant, sur place, le souvenir se conserva pendant plus de deux siècles, même après le départ des Français (chassés au profit de colons anglais) et le changement de nom de l’île (rattachée à la Nouvelle-Écosse).

Des histoires qui se racontent de bouche à oreille se mirent peu à peu à circuler[36]. Deux hommes qui pêchaient le hareng près du Chameau Rock auraient un jour remonté un sac très lourd dans leur filet. Au moment de le sortir de l’eau, les coutures se seraient rompues, libérant des centaines de pièces qui seraient retombées dans la mer[36]. Des pêcheurs de homard auraient récupéré des pièces collées au goudron de longs poteaux immergés. En 1914, un paquebot fit naufrage dans un secteur voisin de celui de 1725. Un scaphandrier venu examiner l’épave affirma avoir vu au fond une formation rocheuse en dent de scie contenant des pièces d’or et d’argent. Ces récits firent accéder le Chameau au rang de « légende locale »[36].

  • Plan levĂ© en octobre 1725 pour rendre compte du naufrage du Chameau, avec les restes de l'Ă©pave et des principaux dĂ©bris sur les plages.
    Plan levé en pour rendre compte du naufrage du Chameau, avec les restes de l'épave et des principaux débris sur les plages.
  • Plan et profil du phare construit après la naufrage du Chameau Ă  l’entrĂ©e du port de Louisbourg, en 1734.
    Plan et profil du phare construit après la naufrage du Chameau à l’entrée du port de Louisbourg, en 1734.
  • Autre carte dressĂ©e en 1735 pour relater le naufrage. Elle localise aussi oĂą furent trouvĂ©es certaines victimes.
    Autre carte dressée en 1735 pour relater le naufrage. Elle localise aussi où furent trouvées certaines victimes.
  • DĂ©tail d’une carte de 1750-1751 qui situe le naufrage par rapport Ă  Louisbourg, le lieu d’inhumation des victimes (la Baleine) et le fanal (phare).
    Détail d’une carte de 1750-1751 qui situe le naufrage par rapport à Louisbourg, le lieu d’inhumation des victimes (la Baleine) et le fanal (phare).

Les fouilles sous-marines et la découverte du trésor (1961 - 1965)

Au début des années 1960, Alex Storm, un plongeur canadien habitué à fouiller les nombreuses épaves de la région, décida de se lancer à la recherche du Chameau. Les premières tentatives eurent lieu pendant l’été 1961 depuis un bateau de pêche[37]. A l’occasion d’une sortie en mer sur une épave de 1923, Alex Storm décida d’explorer les abords d’un récif que tout le monde nommait « Chameau Rock ». Il trouva aussitôt, posés sur le fond, de nombreux canons ainsi que des boulets, souvent collés ensemble par la corrosion[37]. Les plongées suivantes mirent au jour des ancres brisées, une fourchette et une pièce d’argent. Son examen montra qu’elle était du début du règne de Louis XV, ce qui prouvait qu’il s’agissait bien de la bonne épave[37]. Mais Alex Storm n’étant pas équipé pour une fouille approfondie, il ne lui fut guère possible d’aller plus loin. L’idée de remonter une partie des canons pour en garnir la forteresse voisine de Louisbourg dont la reconstruction venait de commencer fut aussi abandonnée car les pièces étaient trop abimées par la corrosion[37].

En 1965, Alex Storm, avec deux équipiers, Harvey MacLeod et Dave MacEachern, accompagnés d’un équipement plus fourni, revint sur le récif de Chameau Rock. Les plongées commencèrent en mai et durèrent jusqu’à l’automne[38]. Les trois hommes dégagèrent encore de nombreux canons, des balles et des plaques de plomb puis d’autres ancres. Ils dressèrent un plan de site, qui montrait que sous la violence du choc, le Chameau s’était disloqué en répandant des débris sur une vaste surface. Le , par 30 mètres de fond à faible distance du récif, là où avait probablement sombré la partie arrière du bâtiment, ils tombèrent sur les pièces d’argent puis sur les pièces d’or[38]. Heureusement dispersées sur un faible espace après la disparition du bois des caisses et de la coque, elles furent assez faciles à récupérer[39].

6958 pièces d’argent furent remontées[40]. C’étaient des écus aux 8 livres, mais très abimés par la corrosion marine. 101 seulement étaient en bon état[40]. La plupart portaient la marque des ateliers monétaires de Rochefort et Nantes. Les pièces d’or étaient des Louis. Elles étaient moins nombreuses (environ 500)[9], mais l’or étant inaltérable, elles étaient presque toutes en excellent état[41]. D’autres objets intéressants furent remontés avec le « trésor » : une montre anglaise en argent, une bague sertie d’une émeraude de belle taille, des fourchettes en argent, des cuillères, des poignées d’épée en argent et une croix de chevalier de l’Ordre de Saint-Louis. Elle appartenait sans doute au Sieur d'Esgly, major à Québec. La décoration lui avait été décernée en . C’était le seul passager du Chameau connu pour faire partie de l’Ordre[38].

Les suites judiciaires et la vente du trésor (1966 - 1971)

Louis d'or frappé en 1723, retrouvé dans l'épave du Chameau en 1965 et vendu à New York en 1971.

Alex Storm souhaitait mettre à la vente le trésor, mais des problèmes judiciaires retardèrent l’opération. En , une action fut intentée devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse par les partenaires qui avaient signé un accord avec lui en 1961 en vue de la recherche de l’épave. Cet accord prévoyait que Storm devait recevoir 20 % de la revente du trésor. Cependant, rien n’ayant été trouvé en 1961, Storm avait provisoirement arrêté les recherches, mais sans mettre fin légalement à l’accord alors qu’il avait repris les fouilles en 1965 avec de nouveaux partenaires.

Le litige dura plusieurs années et passa successivement de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse à la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse et enfin à la Cour suprême du Canada qui trancha définitivement l’affaire. Cette dernière, dans son jugement, déclara qu’Alex Storm avait enfreint la loi « sur le partenariat et l’entente de partenariat », mais lui accorda la majorité du trésor car les Cours précédentes avaient commis des erreurs de procédure[42].

Le , dans une salle des ventes newyorkaise, 705 articles furent vendus aux enchères : 688 pièces de monnaie et 17 artéfacts (montre, poignées d’épée, bague d’émeraude, argenterie, croix de chevalier de l’Ordre de Saint-Louis)[9]. La vente fit la joie des numismates, nombreux étant ceux intéressés par les écus d’argent aux 8 livres, très rares, car frappés pendant une courte période[40]. La vente, qui fut un réel succès, rapporta pratiquement 200 000 dollars, soit le double de ce qui était attendu[9]. Alex Storm céda aussi beaucoup d’objets lors de ventes privées, mais le bénéfice n’est pas connu[39].

Le naufrage du Chameau fait maintenant partie de l’Histoire du Canada. L’épave a été régulièrement fouillée depuis 1965, tant par des archéologues sous licence (au moins cinq équipes) que par des pillards cherchant les dernières pièces du « trésor »[43]. Une exposition est présentée dans la galerie « Shipwreck Treasures of Nova Scotia » du Musée maritime de l'Atlantique à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Elle comprend des pièces de monnaie, des instruments de navigation, des ustensiles de cuisine et un rare modèle de canon en bronze[44]. Le Musée maritime de Louisbourg présente lui aussi divers objets et une reproduction du site de la découverte[43]. Le Musée de la Banque du Canada a fait l’acquisition d’un important lot de pièces d’or et d’argent[41]. Outre les nombreux articles dans la presse canadienne, la recherche de l’épave fait l’objet d’un projet de film documentaire basé sur des images des années 1960, d’interviews et de reconstitutions en 3D[45].

Notes et références

  1. Lacour-Gayet 1910, p. 103.
  2. Tableau de la flotte française en 1718, (d'après Roche 2005).
  3. Article French Fifth Rate flûte Le Chameau (1718), sur le site anglophone Three Decks - Warships in the Age of Sail d'après Demerliac 1995.
  4. Tableau de la flotte française en 1723, (d'après Roche 2005).
  5. Tableau de la flotte française en 1719, (d'après Roche 2005).
  6. Les sources concernant ce navire sont confuses, contradictoires. Pour certains auteurs le Chameau a été mis sur cale à Toulon, (French Fifth Rate flûte Le Chameau (1718)), pour d’autres à Rochefort, sous la direction de Blaise-Joseph Ollivier (Marine Heritage Database : Chameau 1725). L’erreur sur le chantier naval s’explique pour deux raisons. A Toulon, a été construite en 1717 une flûte qui porte, comme le Chameau, un nom de camélidé et dont la taille est voisine : le Dromadaire (ce navire a aussi vogué vers la Nouvelle-France), infra. Après son lancement à Brest, le Chameau a reçu pour port d’affectation Rochefort, qui était aussi un chantier naval, d’où la confusion entre les deux (il n’a mené aucune mission depuis Brest). Quant à Blaise-Joseph Ollivier, c’était un ingénieur remarquable et précoce, mais il est douteux qu’il ait pu superviser seul la construction d’un navire de la taille du Chameau alors qu’il venait à peine d’entrer au service du roi (1716) et qu’il n'avait que 16-17 ans en 1717-1718. Il a probablement travaillé sous le contrôle du vieux maître Étienne Hubac, ce qui explique que ce soit le nom de ce dernier qui apparait dans les registres. Les sources retenues pour le chantier, le constructeur, l’armement et les qualités du navire sont celles mises en ligne depuis 2011 par Jean-Michel Roche sur le site netmarine.net d’après les documents d’époque (les états abrégés de la Marine), année 1718 et suivantes, croisées avec celles de Lacour-Gayet 1910, p. 103.
  7. Meyer et Acerra 1994, p. 80.
  8. L’examen des listes des navires arrivant à Québec montre que la plupart d’entre eux ne dépassaient guère les 100 tonneaux, et rares étaient ceux qui arrivaient à 200 tonneaux. Voir l’inventaire réalisé par Charles Vianney Campeau en 1720, en 1721, en 1722 – 1723 et en 1724 – 1725, sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête
  9. « Coins in Sea Since 1725 Sold Here », (la vente aux enchères du trésor du Chameau en 1971 à New-York). Robert D. McFadden, 12 décembre 1971, The New York Times.
  10. Ce bâtiment, qui se nommait L’Arbre de Pin dans les effectifs hollandais, avait été capturé le 17 mars 1678 au large d’Ouessant puis rebaptisé le Chameau dans les transporteurs de la flotte de Louis XIV. La Roncière 1920, p. 677, Tableau de la flotte française en 1679, en 1688, et en 1696, sur netmarine.net, d'après Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870.
  11. Les autres bâtiments étaient l’Éléphant, le Portefaix, le Dromadaire et la Charente. Tableau de la flotte française en 1718, (d'après Roche 2005).
  12. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la vitesse moyenne d’un vaisseau de guerre – plus rapide qu’un navire de charge – dépassait rarement les 5 nœuds. Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
  13. Cité par Charles Vianney Campeau, « Navires venus en Nouvelle-France en 1720 », sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête.
  14. « Navires venus en Nouvelle-France en 1720 », liste tenue par Charles Vianney Campeau sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête.
  15. Journaux de bord du Chameau, de 1720 à 1724, PDF des originaux consultable sur le site gouvernemental Bibliothèque et Archives Canada.
  16. « Navires venus en Nouvelle-France en 1721 », liste tenue par Charles Vianney Campeau sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête.
  17. « Navires venus en Nouvelle-France en 1722 – 1723 », liste tenue par Charles Vianney Campeau sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête.
  18. Pour des « raisons mystérieuses » selon les sites GrandQuebec.com et Histoire du Québec. Un mystère qui s’explique par le fait que ces deux flûtes portaient des noms voisins de camélidés, avaient été construites presque en même temps, et étaient de même taille pour des missions voisines. Le Dromadaire était commandé par le marquis Desherbiers de l'Estenduère, qui ravitaillait l’île Royale. « Navires venus en Nouvelle-France en 1722 – 1723 », liste tenue par Charles Vianney Campeau sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête. Voir aussi Tableau de la flotte française en 1718, en 1719, et en 1723, (d'après Roche 2005). Supra.
  19. « Navires venus en Nouvelle-France en 1724 – 1725 », liste tenue par Charles Vianney Campeau sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête.
  20. Ce pilote expérimenté avait déjà fait plusieurs traversées sur le Chameau. Il est parfois confondu avec le capitaine, comme dans l’article « Le Chameau », sur le site GrandQuebec.com.
  21. « Le Chameau », sur le site GrandQuebec.com.
  22. « Le Chameau », originaux des journaux de bord et des constats de 1725 concernant le naufrage, sur le site gouvernemental Bibliothèque et Archives Canada.
  23. Nicolas Landry, « Les dangers de la navigation et de la pêche dans l’Atlantique Français au XVIIIe siècle », revue canadienne The Northern Mariner/Le marin du nord, XXV, n°1, janvier 2015.
  24. Leurs corps furent trouvés dans la anse dite du petit Lorembec. Procès-verbal dressé les jours suivants le naufrage, PDF de l’original consultable sur le site gouvernemental Bibliothèque et Archives Canada. Voir aussi l’une des cartes dressées pour rendre compte des détails du naufrage, en ligne sur le site de la BNF.
  25. Jouve 1996, p. 590.
  26. Extraits du procès-verbal dressé les jours suivants le naufrage, PDF de l’original consultable sur le site gouvernemental Bibliothèque et Archives Canada.
  27. La vente, réalisée fin mars ou début avril 1726 à Louisbourg aurait rapporté un peu plus de 5 000 livres. Procès-verbal de la vente des restes du Chameau en 1726, PDF de l’original consultable sur le site gouvernemental Bibliothèque et Archives Canada.
  28. Cité par Charles Vianney Campeau, « Navires venus en Nouvelle-France en 1724 – 1725 », liste tenue par Charles Vianney Campeau sur le site Navires venus en Nouvelle-France, de 1700 à la Conquête.
  29. 52 006 livres tournois exactement. D’après un document du 25 mai 1728 : État de la situation du Sieur Lanouillier, BAC-MG1-C11A, bobine C2406, vol.113, partie 2, pp. 256-258. Nicolas Landry, « Les dangers de la navigation et de la pêche dans l’Atlantique Français au XVIIIe siècle », revue canadienne The Northern Mariner/Le marin du nord, XXV, n°1, janvier 2015, p.9.
  30. 83 308 livres, 11 sols, 1 denier, dont 27 258 livres, 8 sols, 9 deniers pour l’habillement des troupes à Québec, d’après une lettre de 1726. Ronald Caplan, « Alex Storm : Treasure Ship Chameau », article du Cape Breton’s MAGAZINE, p.81, 1er juin 1991. Cet écart qui va presque du simple au double est inexpliqué. David Bergeron arrondit la somme à 80 000 livres. Explorons la collection 7 » (Les trésors monétaires de la Banque du Canada), 27 février 2018, sur le site du Musée de la Banque du Canada.
  31. Cité par Vergé-Franceschi 1996, p. 239.
  32. De Charlevoix 1744, p. 409.
  33. Document reproduit dans l’article. Consultable en haute définition sur le site des Archives de l'Outre-Mer
  34. Ronald Caplan, « Alex Storm : Treasure Ship Chameau », article du Cape Breton’s MAGAZINE, p.75, 1er juin 1991.
  35. Documents reproduits dans l'article. Portefeuille 131 du fonds du Service hydrographique de la Marine consacré à l'Ile du Cap-Breton et à l'Ile de Sable, consultable sur le site de la BNF.
  36. Ronald Caplan, « Alex Storm : Treasure Ship Chameau », article du Cape Breton’s MAGAZINE, p.76, 1er juin 1991.
  37. Ronald Caplan, « Alex Storm : Treasure Ship Chameau », article du Cape Breton’s MAGAZINE, p.69-70, 1er juin 1991.
  38. Ronald Caplan, « Alex Storm : Treasure Ship Chameau », article du Cape Breton’s MAGAZINE, p.76-81, 1er juin 1991.
  39. Ronald Caplan, « Alex Storm : Treasure Ship Chameau », article du Cape Breton’s MAGAZINE, p.82, 1er juin 1991.
  40. « Le trésor du Chameau », article du 20 février 2007, sur le blog Histoire et monnaies, et inumis.com.
  41. « Explorons la collection 7 » (Les trésors monétaires de la Banque du Canada), article de David Bergeron, 27 février 2018, sur le site du Musée de la Banque du Canada.
  42. Canada Supreme Court Reports 1972, pp. 135-150, Blundon C Stormre.
  43. Marine Heritage database : Chameau – 1725 , sur le site du Maritime Museum of the Atlantic, qui recense (en Anglais) les milliers de navires échoués en Nouvelle-Ecosse de 1583 à 1999.
  44. Marsters 2002, p. 26-27.
  45. « Canada's Greatest Treasure Hunt », (« La Plus grande chasse au trésor du Canada »). Projet présenté par Julian R. Storm (en Anglais), sur le site d’appel à financement kickstarter.com en 2018. Voir aussi « Seaweed and Gold. Discovery of the ill-fated Chameau » (« Des algues et de l’or : la découverte du Chameau »), sur le site angelfire.lycos.com.

Voir aussi

Bibliographie

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  • Michel VergĂ©-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'histoire maritime, Paris, Ă©ditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0, BNF 38825325). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies : XVIIe – XVIIIe siècle, Paris, Hachette supĂ©rieur, coll. « CarrĂ© histoire », , 255 p. (ISBN 2-01-145196-5)
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