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Catastrophe du plateau d'Assy

La catastrophe du plateau d'Assy est l'un des glissements de terrain les plus meurtriers survenus en France au XXe siècle au cours duquel 71 personnes, dont 56 enfants, sont morts par la destruction partielle du sanatorium pour enfants du roc des Fiz.

Catastrophe du Plateau d'Assy
Type Glissement de terrain
Pays Drapeau de la France France
Localisation Passy
CoordonnĂ©es 45° 56′ 42″ nord, 6° 42′ 57″ est
Date
Bilan
Blessés 7
Morts 71[note 1]

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Catastrophe du Plateau d'Assy
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Catastrophe du Plateau d'Assy

La catastrophe se produit le , 2 mois après l'avalanche de 1970 Ă  Val-d'Isère suscitant un large dĂ©bat sur la gestion des catastrophes naturelles en montagne. Elle constitue un Ă©vènement majeur dans la mise en place d'une politique de prĂ©vention des risques naturels avec notamment la crĂ©ation des plans ZERMOS, prĂ©curseurs des Plans de PrĂ©vention des Risques.

GĂ©ographie

Pointe de Platé

La pointe de Platé est constituée par des calcaires s'étendant à travers le Crétacé (Hauterivien-Maastrichtien) et surmontant les séries impliquées dans le glissement de terrain. Le sommet de la pointe de Platé est composé de grès oligocènes.

Le site de la catastrophe se situe en bordure du dĂ©sert de PlatĂ©, au pied du versant sud-ouest de la pointe de PlatĂ© qui surplombe la commune de Passy. La falaise est constituĂ©e d'un empilement de couches marno-calcaires du CrĂ©tacĂ© appartenant aux nappes subalpines[1] - [2]. Le sanatorium repose sur des sĂ©quences marneuses du Jurassique moyen et supĂ©rieur qui sont dominĂ©s par des calcaires tithoniques peu Ă©pais. Les pentes sous l'escarpement du Tithonien sont recouverts par un cĂ´ne d'Ă©boulis argileux issus de l'altĂ©ration des formations supĂ©rieures. L'escarpement est Ă  son tour surmontĂ© par des calcaires marneux du Berriasien (120 m) et des marnes noires schisteuses du Valanginien (200 m)[3]. Ces sĂ©ries relativement tendres atteignent localement une dizaine de mètres et sont gĂ©nĂ©ralement recouvertes par Ă©boulis. Les calcaires du Valanginien supĂ©rieur forment ensuite un ressaut bien marquĂ© au-delĂ  duquel la sĂ©rie est majoritairement calcaire et forme les falaises et la crĂŞte principale. La sĂ©rie se poursuit au-delĂ  jusqu’à l’Oligocène (Grès de Taveyanne). La zone est connue pour avoir Ă©tĂ© le théâtre de plusieurs Ă©croulements majeurs dont celui du DĂ©rochoir en 1751[4].

Plateau d’Assy

Le plateau d'Assy est un étroit replat qui délimite l’extrémité méridionale du désert de Platé et dont la pointe de Platé constitue son point culminant. Il a été aménagé sur un large cône d’éboulis de pente dominant la vallée de l’Arve. Cette large dispersion des éboulis explique la faible occurrence d’affleurement du substrat rocheux, surtout marneux, à l’exception des falaises d’urgonien.

Sanatorium pour enfants du roc des Fiz

Un ensemble de sanatoriums s'établit à partir de 1926 sur le plateau d'Assy, sur les hauteurs de Passy, à proximité de Saint-Gervais-les-Bains, alors réputée pour son thermalisme.

Le sanatorium pour enfants du roc des Fiz est inauguré en [5] - [6]. Il est géré par l'Association philanthropique des Villages-Sanatoriums de Haute Altitude qui possède trois autres établissements : Praz Coutant, Guébriant et Martel de Janville. Le bâtiment rompt avec l'esthétique traditionnelle et les architectes Pol Abraham et Henry Jacques Le Même optent pour une architecture moderne pour optimiser ses fonctionnalités et l’accueil des 180 lits. Considéré comme un modèle de sanatorium pour enfants, il comprend un bâtiment central des services généraux de trois étages d'où partent deux séries de pavillons-dortoir, construits sur pilotis et reliés au bâtiment central par des coursives couvertes et chauffées : celui des filles à l'est du bâtiment central et celui des garçons à l'ouest. Enfin un cinquième pavillon, un lazaret, est situé entre le bâtiment central et la route. Le sanatorium est sous la direction du docteur Philippe Couve de Murville depuis 1964 au moment de la catastrophe, c'est l'établissement le plus rentable du plateau d'Assy[6].

DĂ©roulement des faits

Évènements antérieurs

Le dĂ©but de l'annĂ©e 1970 est marquĂ© par des conditions mĂ©tĂ©orologiques, qui, sans ĂŞtre exceptionnelles, vont influencer le dĂ©clenchement de la catastrophe. L'hiver 1969-1970 est marquĂ© par d'abondantes chutes de neige en altitude[7]. Après un mois de janvier caractĂ©risĂ© par un temps ensoleillĂ©, favorisant la transformation de la couche de neige prĂ©existante en neige de printemps, de fortes chutes de neige se produisent en fĂ©vrier et mars[3]. L'accumulation de neiges fraiches au-dessus de cette couche de neige de printemps favorise le dĂ©clenchement d'avalanches. L'une d'elles se dĂ©clenche le vers 1 450 m d'altitude dans le couloir des Échines, au-dessus du sanatorium, et vient buter contre l’aile ouest. Des fissures sont observĂ©es par les rĂ©sidents du sanatorium mais le directeur de l'Ă©tablissement dĂ©cide de ne pas cĂ©der Ă  la panique et n'envisage pas une Ă©vacuation. Un dortoir est cependant Ă©vacuĂ© provisoirement[8].

Une semaine plus tard, des pluies abondantes s'abattent sur la rĂ©gion du 12 au et alourdissent la neige. Il tombe jusqu’à 30 mm les 12 et . Il s'ensuit le , la veille de la catastrophe, un brusque redoux qui provoque une fonte rapide du manteau neigeux[3].

Glissement de terrain

Schéma de la coulée[3].

Le glissement de terrain se dĂ©clenche le vers 0 h 15. Il dĂ©bute vers 1 630 m d'altitude sur le versant sud-ouest des falaises dominant le sanatorium et s'Ă©coule vers le sud-ouest en dĂ©valant la pente en ligne droite dans le couloir des Echines. Vers 1 440 m d'altitude, le glissement de terrain emprunte un thalweg et bifurque vers le sud-est, en direction du sanatorium[3]. Il emporte les deux bâtiments de l’aile occidentale ainsi que les logements des infirmières et des puĂ©ricultrices surprenant les occupants durant leur sommeil.

Des observations sur site le [9] permettent d'identifier des crevasses transversales entre 1 650 et 1 540 m d'altitude, dans une zone Ă  forte pente et non boisĂ©e, et dont certaines laissent apercevoir le substrat rocheux calcaire. Deux dĂ©chirures sont identifiĂ©es plus bas. Une niche d'arrachement supĂ©rieure Ă  1 540 m d'altitude de 20 m de large et 60 m de long. Une seconde niche infĂ©rieure s’étale sur 80 m de large et 50 m de long vers 1 490 m d'altitude. Des bourrelets de solifluxion d’1 Ă  2 m d’épaisseur sĂ©parent ces deux dĂ©chirures. En dessous de 1 440 m d'altitude, la coulĂ©e a empruntĂ© un thalweg, creusĂ© dans les marnes du Valanginien infĂ©rieur, qui a bifurquĂ© vers 1 400 m d'altitude. Cette zone est marquĂ©e par la formation d'un cĂ´ne d'accumulation composĂ© de troncs d’arbres sectionnĂ©s ou arrachĂ©s et recouvrant jusqu’à m de neige compactĂ©e issus de l’avalanche du . La loupe de glissement s'Ă©tend sur 300 m de long, 200 m de large et atteint par endroit 15 m d'Ă©paisseur. Elle reprĂ©sente un volume de 30 000 Ă  50 000 m3.

Gestion de la crise

Les secours s'organisent rapidement et le dispositif ORSEC est aussitôt déclenché. 500 secouristes, aidés par la population locale participent à la recherche d’éventuels survivants pendant quatre jours et trois nuits[6]. La route d'accès est tout d'abord déblayée pour permettre l'arrivée des secours et l'évacuation des blessés. Un important élan de solidarité se met en place. De nombreuses entreprises de travaux publics fournissent bulldozers et pelleteuses.

Les enfants qui ont été épargnés par la catastrophe sont d'abord évacués dans des centres d’accueil temporaires ouverts par la commune de Passy puis transférés vers les autres sanatoriums du plateau d'Assy[10]. Par crainte d'un nouveau glissement de terrain et en raison de l'arrêt du système de chauffage, endommagée par la catastrophe, les enfants résidant dans les bâtiments non sinistrés sont aussi évacués. Ces derniers n'ont même pas été réveillés par le glissement de terrain.

Bilan humain

Le bilan s'Ă©tablit Ă  71 morts dont les 56 enfants de l'aile des garçons, 14 femmes membres du personnel et une sĹ“ur de l'ordre de Niederbronn affectĂ©e Ă  la surveillance du dortoir[6]. La plupart des enfants sont retrouvĂ©s dans leur lit, surpris dans leur sommeil, les draps ensanglantĂ©s[10]. Le plus jeune avait deux ans. Le personnel compte aussi de nombreux blessĂ©s. Certains rescapĂ©s, sept survivants, ne sont pas retrouvĂ©s dans les dĂ©combres mais ont Ă©tĂ© projetĂ©s Ă  plusieurs dizaines de mètres. D'autres comme Geneviève RaphaĂ«l sont extirpĂ©s des dĂ©combres au bout de 2 heures[11]. Les infirmières-puĂ©ricultrices, dont Jocelyne Dalloz, aide-soignante au sanatorium[note 2], sont chargĂ©es par les gendarmes d'identifier le corps des victimes d'après leur pyjamas[8] - [10].

Une cérémonie est célébrée à l'église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d'Assy deux jours plus tard, le 18 avril. De nombreuses personnalités politiques sont présentes : René Galy-Dejean (représentant le gouvernement), Maurice Herzog (maire de Chamonix), Charles Bosson (maire d'Annecy) et monseigneur Sauvage (évêque d'Annecy).

Causes de la catastrophe

L’épais manteau neigeux et les pluies qui se sont abattues les jours/mois précédant la catastrophe ne peuvent individuellement expliquer la catastrophe car des évènements équivalents se sont déjà produits par le passé comme les importantes chutes de neige des hivers 1941-1942 et 1965-1966. C’est donc l’enchainement des conditions météorologiques qui explique le déclenchement de la catastrophe. Les importantes précipitations neigeuses ont stocké un important volume d’eau sur les pentes, puis les pluies abondantes du 12 au ont certainement saturé en eau les terrains qui a été aggravé par le redoux du , provoquant une fusion rapide du manteau neigeux[3].

Le pendage des marnes et des schistes, orienté à contre-pente (pendage vers le nord de 30° à 40°), a facilité la circulation des eaux de ruissellement dans le sol et imbibé les roches superficielles. Le glissement de terrain résulte d’une dégradation des propriétés mécaniques des marnes et schistes en surface et par l’accroissement rapide des pressions interstitielles dans le versant. Le plan de glissement s’est ainsi formé à l’interface entre la partie superficielle altérée et la partie saine des séries marno-schisteuses du Berriaisien et du Valanginien inférieur. Dès la mise en mouvement, et en raison de la forte concentration en eau dans le sol, la masse glissée s’est rapidement transformée en une coulée boueuse, mélangeant roche dégradée, végétation (arbres) et neige. Le thalweg qu’a emprunté le glissement de terrain traverse la barre tithonique qui a été en partie démantelée lors de la catastrophe puisque des blocs ont été retrouvés dans la zone terminale de la coulée à l’emplacement des bâtiments détruits. Si des doutes ont été portés sur la stabilité des formations superficielles recouvrant les marnes et schistes, l’analyse de la composition de la coulée a rapidement exclu qu’elles aient pu initier le glissement de terrain.

La topographie ne semble par contre pas avoir contribué au déclenchement de la catastrophe. La niche d’arrachement se situe dans une zone boisée à pente régulière de 35° et ne présentait ni bourrelets de solifluxion, ni de crevasses d’arrachement. De même, le thalweg ne semblait pas fonctionnel depuis longtemps au regard de l’âge centenaire des arbres arrachés et de la présence d’anciens chalets d’alpage. Enfin une série de clichés prises par un habitant du coin depuis le mois de janvier ne montrent aucun signe précurseur au niveau du manteau neigeux jusqu’au 11 avril. Les photos prises ce jour-là montrent l’apparition de crevasses transversales dans le manteau neigeux au niveau de la niche d’arrachement. Des arbres ont aussi disparu ou se sont couchés.

D’autres glissements de terrain de quelques milliers à plusieurs millions de mètres cubes se produisent la même année dans les environs du plateau d’Assy : trois en avril, une en juin et une autre en juillet. Ces évènements ne sont pas isolés. Des débats ont lieu dès les années 1930 à propos du risque d'éboulement craint par certains habitants et connaisseur du site[note 3]. Des éboulements se produisent lors du chantier de construction du sanatorium. La parcelle étant par ailleurs située sur un ancien chemin de débardage, chemin des Charbonnières, construit peut-être à la suite d'ancien glissement de terrain[12].

RĂ©percussions

Le centre de l'UCPA qui avait été touché par l'avalanche à Val d'Isère.

La catastrophe du plateau d’Assy survient deux mois après l’avalanche de 1970 à Val-d'Isère qui avait causé 39 morts et 37 blessés et suscité une vive émotion au sein de l’opinion publique. Pouvoirs publics et opinion publique étaient alors déjà focalisés sur la problématique des risques naturels en montagne et sur la faiblesse des réglementations[3]. Cette catastrophe constitue donc un événement déclencheur dans le développement d’une politique de prévention des risques naturels. Comme le soulève le député RI Jean Morellon lors d’une question au premier ministre Jacques Chaban-Delmas, l’enjeu pour les pouvoirs publics est alors de définir si « cette tragédie est la conséquence d'une fatalité ou si elle était scientifiquement prévisible »[13]. Les travaux menés à la suite de ces deux catastrophes vont permettre de mieux prendre en compte le risque d’instabilités de versant en France[3].

Expertise diligentée par le préfet

Henri Coury, préfet de Haute-Savoie, diligente une expertise menée par Jacques Debelmas[14], alors directeur du laboratoire de géologie alpine de Grenoble, pour répondre à plusieurs questions (et préoccupations du représentant de l'État)[3] :

  • quelle est la cause du glissement de terrain ? (en droit, pour toute cause identifiĂ©e doit exister un remède) ;
  • peut-il continuer de s’étendre ? (faut-il Ă©vacuer les bâtiments restants ?) ;
  • Ă©tait-il prĂ©visible tant au moment de la construction du sanatorium qu’à la veille de la catastrophe ? (Y a-t-il d'Ă©ventuelles responsabilitĂ©s de l'administration ou d'une tiers personne ?) ;
  • y a-t-il une relation entre une coulĂ©e de neige observĂ©e le et le glissement de terrain du ? (mĂŞme question que prĂ©cĂ©demment).

Le rapport[14] identifie que des « phénomènes de coulées ou de glissements boueux » peuvent se produire dans des « couvertures meubles peu épaisses » sur « des versants alpins à substrat marneux ». Jacques Debelmas indique aussi que des « circonstances météorologiques » ont aussi favorisé cette catastrophe. Bien que des « signes précurseurs même au travers d’un manteau neigeux » sont visibles, il s’interroge : « comment disposer de la surveillance nécessaire dans les cas où, comme celui-ci, la disposition antérieure des lieux ne suggère pas une instabilité particulière ? » Jacques Debelmas signale enfin qu’aucune étude détaillée du site n’a été entreprise à la suite de la catastrophe au moment de la parution du rapport.

Mission interministérielle d’étude sur la sécurité des stations de montagne

Sur proposition de Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, la mission interministérielle d’étude sur la sécurité des stations de montagne est étendue à la catastrophe du plateau d’Assy[13] - [15] et ses membres sont sur place à la fin du mois d’avril. Cette commission d’enquête, dirigée par le préfet Jacques Saunier est chargé d’enquêter sur les circonstances de l’avalanche de 1970 à Val-d'Isère. Bien que focalisée sur la problématique des avalanches, le rapport de la mission interministérielle formule plusieurs recommandations en rapport avec celles des instabilités de versant comme la réalisation de plans des « zones exposées et des indications sur l’intensité des phénomènes redoutés ».

Circulaires et décrets

Le décret du [16] du ministère de l’Équipement et du Logement, relatif aux Plans d'occupation des sols (POS), stipule que ces plans doivent désormais prendre en compte les zones où « l’existence de risques naturels tels que inondation, érosion, affaissements, éboulements, avalanches, justifie que soient interdites ou soumises à des conditions spéciales les constructions ou installations de toute nature ».

La circulaire du du ministère de l’Agriculture demande que des « plans des zones exposées aux risques naturels » soient mis en place en application du rapport Saunier[3].

Plan ZERMOS

En 1974, le BRGM et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) évaluent dans chaque département, les « zones exposées à des risques liés aux mouvements du sol et du sous-sol » (ZERMOS) et l’opportunité d’une telle cartographie[17]. Un plan ZERMOS est ensuite établi sur financement de la sécurité civile. Il est géré par le BRGM qui s’associe avec le LCPC et plusieurs laboratoires universitaires de géologie. C’est un travail précurseur réalisé à une époque où les concepts d’aléa et de risque n’étaient pas encore clairement définis[3].

La feuille de Passy-Servoz[18] fait partie des 27 cartes éditées entre 1972 et 1980. Si les terrains situés en contrebas du sanatorium sont matérialisés en rouge, indiquant un risque, ceux constituant le versant surplombant le sanatorium, des falaises au talus couvert d’éboulis en passant par les pentes boisées est marqué en rouge foncé, indiquant un risque déclaré et actif. Néanmoins, pour Antoine et al.[3], le tracé de la limite inférieure englobant le sanatorium dans cette dernière zone semble être l’influencé par la coulée, alors que le sanatorium aurait dû être exclu par cohérence morphologique.

Destruction du sanatorium

Le glissement de terrain ayant causé des dommages irrémédiables à la structure, le reste du sanatorium est détruit en 1970[19]. La zone est depuis recouverte par une importante végétation et ne subsistent que quelques témoins comme des fragments d’enrobé ou des poteaux en béton[6].

Les restes du sanatorium sont utilisĂ©s pour construire un paravalanche au-dessus du sanatorium Praz-Coutant[10]. Un bassin de rĂ©tention de 100 000 m3, orientĂ© parallèlement Ă  l'axe de la coulĂ©e, est construit en 1979[19] Ă  l'emplacement d'une ancienne voie d'accès au sanatorium pour protĂ©ger les immeubles Fontenay et Praz Coutant d'un Ă©ventuel glissement de terrain[6]. Parallèlement un Ă©peron paravalanche est construit au nord du sanatorium de GuĂ©briant.

Poursuites judiciaires

En , des familles de victimes dĂ©posent quatorze plaintes auprès du procureur[8] contre l'Association philanthropique des Villages-Sanatoriums de Haute Altitude mais aussi la commune de Passy, propriĂ©taire des terrains d'oĂą la coulĂ©e est partie. Elles leur reprochent de ne pas avoir pris en considĂ©ration l'avalanche du . Dans le cadre d'une plainte contre X pour homicide par imprudence auprès du tribunal administratif de Grenoble, les 28 familles de victimes sont dĂ©boutĂ©es car le tribunal reconnaĂ®t dans son jugement du le caractère de force majeure, exonĂ©rant ainsi la commune de Passy de toute responsabilitĂ©[3]. Mais cette dĂ©cision est remise en cause par l'arrĂŞt du de la cour d'appel de ChambĂ©ry qui souligne que l'altĂ©ration des couches superficielles facilitant l'instabilitĂ© du terrain ne pouvait ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme inimaginable et constitue de fait un « vice du terrain »[3] - [20]. Toutefois, les mĂŞmes juges considèrent que les conditions mĂ©tĂ©orologiques de l'hiver 1969-1970 exonèrent en partie les responsabilitĂ©s de la commune et qu'il y a interaction entre le cas de force majeure imputĂ© Ă  ces conditions mĂ©tĂ©orologiques et la responsabilitĂ© de la commune propriĂ©taire des terrains. La cour d'appel condamne ainsi la commune de Passy Ă  verser 10 000 francs aux parents des victimes et 10 000 francs aux Ă©poux des adultes morts dans la catastrophe.

Cette décision contraste avec les décisions concernant l'avalanche de 1970 à Val-d'Isère où l'État et la commune de Val-d'Isère ont été conjointement condamnés pour un manque d'études approfondies pour sécuriser une zone où de nombreuses avalanches s'étaient déjà produites par le passé, contrairement au versant surplombant le sanatorium où aucun glissement de terrain n'était répertorié.

Hommages aux victimes

Aucune action commĂ©morative n'est menĂ©e durant de nombreuses dĂ©cennies. Deux cĂ©rĂ©monies discrètes sont organisĂ©es en 2005 et 2008[8]. Le Collectif du Roc des Fiz rassemblant les familles de victimes et de rescapĂ©s est crĂ©Ă©e en 2008 pour perpĂ©tuer la mĂ©moire de la catastrophe. Une première cĂ©rĂ©monie du souvenir est organisĂ©e officiellement en 2010 pour les 40 ans de la catastrophe Ă  l'initiative de la mairie de Passy et de l'association. Elle s'effectue autour d'une stèle très modeste qui ne satisfait pas le collectif du Roc des Fiz[note 4], lequel rĂ©clame un vĂ©ritable mĂ©morial[21].

L'installation d'une vĂ©ritable stèle commĂ©morative traĂ®ne en longueur en raison de conflit avec la direction de l'Ă©tablissement et la commune de Passy[22]. Une stèle massive en granit est finalement implantĂ©e le sur le site de la catastrophe Ă  l’initiative du collectif des familles de victimes et de rescapĂ©s[23] - [24] - [25]. Initialement prĂ©vue pour 2020 pour commĂ©morer les 50 ans de la catastrophe, l'inauguration officielle est reportĂ©e en 2022[26] en raison de la pandĂ©mie de Covid-19. Elle a finalement lieu les 27 et avec une cĂ©lĂ©bration interreligieuse en l’Église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d'Assy puis un hommage au victimes devant le mĂ©morial[27] - [28].

Voir aussi

Archives de reportage

Bibliographie

Notes et références

Notes

  1. Certains documents font état d'un comptage erroné de 72 morts.
  2. Jocelyne Dalloz et son mari Guy, électricien, habitent l'appartement jouxtant le dortoir des garçons[8]. Jocelyne rentre au domicile à minuit. Ils boivent une tisane vers 0 h 10 lorsque l'économat s'encastre dans leur porte. Ils sont obligés d'évacuer leur logement par la fenêtre. Son mari, en chaussettes dans la neige, évacue les enfants ainsi qu'une religieuse.
  3. Le cafetier Georges Zermatten, grand arpenteur de sentiers, l'avait bien dit à Mme Dalloz : "Tu sais, ce qui peut tomber de là-haut, ça va tous nous engloutir." (sic)[8]
  4. La stèle ne comporte pas la liste des victimes de la catastrophe et la date est erronée ()[6].

Références

  1. Jean Goguel et Albert Pachoud, « Les mouvements de terrain du versant sud du massif de Platé, Haute-Savoie, France », Bulletin du BRGM, 2e série, no 3,‎ , p. 201-214.
  2. Jean-Louis Pairis, Jacques Bellière et Jean Rosset, Notice explicative de la Feuille Cluses (679) de la Carte géologique de la France (1/50000ème), Orléans, BRGM, , 89 p. (ISBN 2-7159-1679-5, lire en ligne).
  3. Pierre Antoine, Jacques Debelmas et J.-L. Duville, « Aux origines de la réglementation française actuelle en matière de mouvements de versants : la coulée du plateau d'Assy en 1970 », Revue française de Géotechnique, nos 131-132,‎ , p. 71-80 (DOI 10.1051/geotech/2010131071).
  4. François Amelot, « Les écroulements du Dérochoir et les mouvements de terrain du versant méridional du Désert de Platé », Collection EDYTEM. Cahiers de géographie, no 3,‎ , p. 37-39 (lire en ligne).
  5. Mélanie Manin, Balades culturelles en Haute-Savoie : Le plateau d'Assy, première station sanatoriale de haute altitude en France, CAUE Haute-Savoie, 60 p. (lire en ligne), p. 34-37.
  6. Collectif du Roc des Fiz, Le Roc des Fiz, jeudi 16 avril 1970 : Année 2020 - 50 ans (pdf), Centre de Recherche et d’Etude sur l’Histoire d’Assy, , 68 p. (lire en ligne).
  7. Claire Lejeune et Marie-Françoise Saintignon, « Les précipitations anormales de février à avril 1970 dans le Nord des Alpes françaises », Revue de géographie de Lyon, vol. 45, no 3,‎ , p. 215-242 (DOI 10.3406/geoca.1970.2669).
  8. « Les enfants maudits du Plateau d'Assy », sur Le Dauphiné Libéré, .
  9. Marcel Jail et Robert Vivian, « Les glissements de terrain et les éboulements dans les Alpes françaises du Nord en 1970. Etude physique et problèmes posés par ces phénomènes », Revue de Géographie alpine, t. 59, no 4,‎ , p. 473-502 (DOI 10.3406/rga.1971.1448).
  10. Océane Trouillot, « Passy : drame du Roc des Fiz, des survivants témoignent 50 ans après », sur Le Messager, .
  11. Alexandra Collomb, « 40 ans après la catastrophe du Roc des Fiz au plateau d'Assy : « J'ai cru que j'allais mourir ! » », sur Le Messager, .
  12. Océane Trouillot, « Passy : «Dans leur Nuit», le travail de mémoire de Perrine Lamy-Quique sur le drame du Roc des Fiz », sur Le Messager, .
  13. Assemblée Nationale, « Débats parlementaires : 1re séance du Mercredi 29 avril 1970 », Journal officiel de la République française, no 29,‎ , p. 1375-1380 (lire en ligne).
  14. Jacques Debelmas, « Les conditions du glissement de terrain du plateau d’Assy en 1970 - Haute Savoie », Géologie Alpine, mémoire hors-série, no 15,‎ , p. 71-76 (lire en ligne).
  15. Passy et Chorier, « Rapport de la Commission Interministérielle d'enquête sur la "Catastrophe du Sanatorium du Roc des Fiz" survenue le 16 avril 1970 », Direction de la Sécurité civile,‎ (lire en ligne).
  16. « Décret n°70-1016 du 28 octobre 1970 RELATIF AUX PLANS D'OCCUPATION DES SOLS. (POS) », Journal officiel de la République française, no 258,‎ , p. 10233-10264 (lire en ligne).
  17. Gérard Champetier de Ribes et Lucien Monition, « Propositions d'études méthodologiques des Zones Exposées à des Risques liés aux Mouvements du Sol et du sous-sol (ZERMOS) : Convention D.G.R.S.T. - Protection civile », BRGM,‎ , p. 27 (lire en ligne).
  18. Alain Pachoud, Notice explicative de la carte des zones exposĂ©es a des risques lies aux mouvements du sol et du sous-sol au 1/20 000, PlatĂ©, region Passy-Servoz, BRGM, , 21 p.
  19. Commune de Passy, Plan de Prévention des risques naturels prévisibles, (lire en ligne).
  20. Claude Francillon, « Les familles des victimes de la catastrophe du plateau d'Assy seront indemnisées », sur Le Monde, .
  21. « Catastrophe de 1970: Les familles de victimes réclament un véritable mémorial », sur Le Dauphiné libéré, .
  22. Pierre Charles, « « L'oubli est insupportable » : après des années de conflits, les proches des victimes du Roc des Fiz ont enfin un mémorial », .
  23. Nathalie Grynszpan, « Au plateau d'Assy, les 71 victimes de la catastrophe du sanatorium Roc des Fiz en 1970 auront leur mémorial », sur France Bleu Auvergne-Rhône-Alpes, .
  24. « Haute-Savoie. Quarante-neuf ans après, installation d’une stèle en hommage aux 71 victimes du sanatorium Roc des Fiz », sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, .
  25. Frédérique Roussel, « Drame du Roc des Fiz : la mémoire poignante du «sana-tombeau» », sur Libération, .
  26. « Passy : 24 élèves de Chedde-le-Haut ont appris à jouer d’un instrument grâce à l’opération Orchestre à l’Ecole », sur Radio Mont Blanc, .
  27. Océan Trouillot, « Passy : les journées commémoratives en hommage aux victimes du Roc des Fiz sont organisées les 27 et 28 mai 2022 », sur Le Messager, .
  28. Nathan Garcia, « Haute-Savoie : le drame du Roc des Fiz a enfin son mémorial à Passy », sur Le Dauphiné libéré, .
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