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Catastrophe de Seveso

La catastrophe de Seveso est une catastrophe industrielle aux conséquences écologiques et sanitaires majeures, qui s'est produite le , à Seveso, en Lombardie, dans le nord de l'Italie.

Catastrophe de Seveso
Mise en place d'un périmÚtre interdit à la suite de la catastrophe.
Mise en place d'un périmÚtre interdit à la suite de la catastrophe.

Type Catastrophe industrielle
Pays Italie
Localisation Meda (Seveso)
CoordonnĂ©es 45° 39â€Č 15″ nord, 9° 08â€Č 54″ est
Cause Émanation d'un nuage de gaz toxique
Date

GĂ©olocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
Catastrophe de Seveso
GĂ©olocalisation sur la carte : Lombardie
(Voir situation sur carte : Lombardie)
Catastrophe de Seveso

Un nuage d'herbicide contenant des produits toxiques s'Ă©chappe de l'usine Icmesa et contamine les alentours, provoquant Ă  la fois des hospitalisations pour les enfants des communes voisines et la mort de plusieurs dizaines de milliers d'animaux d'Ă©levage.

Cette catastrophe est extrĂȘmement mĂ©diatisĂ©e. Si aucune victime humaine directe n'est finalement Ă  dĂ©plorer, les consĂ©quences environnementales nĂ©cessitent une dĂ©contamination totale du site et de ses alentours. La disparition temporaire et fortuite des fĂ»ts contenant les dĂ©chets lors de leur voyage vers leur lieu de destruction occasionne Ă©galement de forts soupçons de forfaiture de la part des industriels.

La catastrophe est notamment due à l'absence de plan d'urgence préparé par la société responsable de l'usine. C'est à la suite de cet évÚnement que les pouvoirs publics européens créeront la directive Seveso en 1982, afin de prévenir tout risque d'accident majeur sur un site industriel présentant un risque connu.

Accident

Le , un nuage d'herbicide, contenant de la soude caustique et de la dioxine, s'Ă©chappe durant vingt minutes d'un rĂ©acteur de l'usine chimique Icmesa, situĂ©e dans la commune de Meda, et se rĂ©pand sur la plaine lombarde en Italie. Quatre communes, dont Seveso, sont touchĂ©es. Le directeur de production, Paolo Paoletti, prĂ©vient les maires des communes. Le 12[1] (ou le 16[2] juillet suivant les sources), le travail reprend normalement dans l’usine. AprĂšs la mise en grĂšve du personnel le 16 juillet, l’usine ferme le 18[1].

Le groupe Hoffmann-Laroche, dont fait partie la sociĂ©tĂ© suisse propriĂ©taire d'Icmesa, Givaudan, ne communique l’émission de TCDD aux autoritĂ©s que le 19 juillet, alors qu'il a identifiĂ© cet agent dĂšs le 14. Jusqu’au 23 juillet, la population continue Ă  vivre dans un milieu contaminĂ©. L’alarme est tirĂ©e ce jour par le Centre de recherche mĂ©dicale de Roche, Ă  BĂąle. Ce dernier dĂ©clare que la population doit ĂȘtre Ă©vacuĂ©e, qu’il faut dĂ©truire les maisons et enterrer l’usine[1]. À partir du 23 juillet, les premiers habitants sont Ă©vacuĂ©s : plus de 200 personnes quittent leur maison. Les jours suivants, on se rend compte que la zone touchĂ©e est plus vaste et 500 nouvelles personnes sont Ă©vacuĂ©es ; le directeur de production Paoletti est arrĂȘtĂ©[2]. Le directeur gĂ©nĂ©ral de Givaudan reconnaĂźt qu’il n’existe aucun plan d’urgence. La quantitĂ© de TCDD relĂąchĂ©e par l’accident est sujette Ă  de nombreux dĂ©bats : selon les diffĂ©rentes Ă©tudes, la quantitĂ© estimĂ©e de dioxine rejetĂ©e Ă  l’atmosphĂšre est comprise entre 0,2 et 40 kg[1].

Causes

Cet accident a eu lieu dans un réacteur chimique de l'atelier B produisant du 2,4,5-trichlorophénol à partir du 1,2,4,5-tetrachlorobenzene par substitution aromatique nucléophilique avec de la soude. le 2,4,5-trichlorophénol est un intermédiaire dans la production d'hexachlorophÚne[3].

La tempĂ©rature nĂ©cessaire pour amorcer cette rĂ©action ne pouvait pas ĂȘtre atteinte avec les utilitĂ©s (eau chaude, vapeur) normalement disponibles pour les procĂ©dĂ©s du site. Il avait donc Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d'utiliser, Ă  la place de ces utilitĂ©s, la vapeur Ă  12 bar et 190 °C obtenue Ă  la sortie de la turbine du gĂ©nĂ©rateur Ă©lectrique du site et de faire passer cette vapeur dans un serpentin entourant le rĂ©acteur permettant ainsi de rĂ©chauffer le mĂ©lange rĂ©actionnel Ă  158 °C, soit une tempĂ©rature proche de son point d'Ă©bullition de 160 °C. Des tests calorimĂ©triques avaient dĂ©terminĂ© qu'une rĂ©action secondaire exothermique se dĂ©clenchait dĂšs que la tempĂ©rature dĂ©passait 230 °C. Malheureusement, les opĂ©rateurs du site ne disposaient d'aucune mesure de tempĂ©rature de la vapeur en sortie de la turbine du gĂ©nĂ©rateur Ă©lectrique.

À chaque week-end, les opĂ©rations du site doivent ĂȘtre interrompues, comme exigĂ© par la rĂ©glementation italienne. Le jour de l'accident, le procĂ©dĂ© doit donc ĂȘtre arrĂȘtĂ© avant que la derniĂšre Ă©tape d'extraction de l'Ă©thylĂšne glycol par distillation n'ait pu ĂȘtre terminĂ©e. Comme les autres ateliers de l'usine s'arrĂȘtent au mĂȘme moment pour la mĂȘme raison, la consommation Ă©lectrique du site a chutĂ© fortement, augmentant par consĂ©quent la tempĂ©rature de la vapeur en sortie de turbine de 190 °C Ă  environ 300 °C. En arrivant dans le serpentin, cette vapeur surchauffĂ©e va porter la paroi du rĂ©acteur Ă  cette tempĂ©rature proche de 300 °C, en particulier dans la zone supĂ©rieure du rĂ©acteur, celle contenant la phase vapeur au-dessus du niveau de liquide et non refroidie par le mĂ©lange rĂ©actionnel en phase liquide. En l'absence de mesure de tempĂ©rature de la vapeur en sortie de turbine, les opĂ©rateurs n'ont pas conscience de la prĂ©sence de ce chauffage supplĂ©mentaire et suivent donc la procĂ©dure d'arrĂȘt habituelle – en isolant la vapeur et en arrĂȘtant l'agitation du rĂ©acteur. La partie supĂ©rieure de l'enveloppe du rĂ©acteur, anormalement chaude, va alors rĂ©chauffer le mĂ©lange rĂ©actionnel situĂ© juste au-dessous. En l'absence d'agitation, ce rĂ©chauffement est trĂšs localisĂ©. Il est confinĂ© dans un petit volume du rĂ©acteur constituĂ© par les couches supĂ©rieures du liquide rĂ©actionnel situĂ© Ă  proximitĂ© de la paroi du rĂ©acteur. Dans ce volume rĂ©duit, la tempĂ©rature locale atteint et dĂ©passe un seuil de tempĂ©rature critique dĂ©clenchant une rĂ©action secondaire exothermique. À la suite d'analyses ultĂ©rieures, il s'est avĂ©rĂ© en outre que ce seuil critique Ă©tait en fait de seulement 180 °C, soit 50 °C de moins que ce qui avait Ă©tĂ© jusqu'alors identifiĂ© par des tests. Une lente rĂ©action de dĂ©composition s'enclenche alors Ă  ce seuil plus bas, relĂąchant encore plus de chaleur jusqu'Ă  atteindre 230 °C sept heures plus tard et dĂ©clencher un emballement rapide de rĂ©action[4] - [5].

Finalement, la soupape de sĂ©curitĂ© du rĂ©acteur s'ouvre, entraĂźne la dispersion dans l'atmosphĂšre d'un nuage toxique contenant plus de 6 tonnes de produits qui contamineront une surface de 18 km2[6]. Parmi les substances Ă©mises se trouvaient entre 0,2 et 40 kg de 2,3,7,8-TCDD. À la tempĂ©rature opĂ©ratoire de rĂ©action, le TCDD est produit en trĂšs faibles quantitĂ©s Ă  moins de 1 ppm (parties par million)[7]. Cependant, aux conditions de tempĂ©rature plus Ă©levĂ©e rencontrĂ©es pendant la rĂ©action d'emballement, la production de TCDD aurait atteint 166 ppm, voire plus[1] - [8].

Les produits contenus dans le nuage toxique furent mal identifiés sur le moment. Les experts de Hoffmann-Laroche pensÚrent d'abord qu'il s'agissait seulement de 1,2,4,5-tétrachlorobenzÚne et de polyéthylÚne glycol, les réactifs de départ. C'est seulement au bout de quatre jours, quand apparaissent les premiers cas de chloracné, qu'ils identifiÚrent l'agent responsable, le 2,3,7,8-TCDD, produit désormais plus connu sous le nom de dioxine de Seveso.

À l'Ă©poque, la connaissance de la toxicitĂ© de la dioxine est limitĂ©e par l'absence quasi complĂšte de donnĂ©es scientifiques. On sait, en revanche, que l'une des substances libĂ©rĂ©es est composante des dĂ©foliants utilisĂ©s au ViĂȘt Nam par l'armĂ©e amĂ©ricaine (l'Agent orange). La question de dangers Ă©ventuels pour la santĂ© est rapidement posĂ©e.

Conséquences

Sept communes sont touchĂ©es ; 358 hectares sont contaminĂ©s. DĂšs les premiers jours, les feuilles des arbres jaunissent, et les enfants sont atteints de chloracnĂ©, affection qui gangrĂšne la peau et nĂ©cessite leur hospitalisation. 3 000 animaux domestiques sont tuĂ©s par les Ă©manations, et 77 000 tĂȘtes de bĂ©tail sont abattues[2]. Par ailleurs, les sols agricoles et les maisons nĂ©cessitent de lourds travaux de dĂ©contamination[9], qui commencent en 1982[2].

Le bilan exact sera connu sept ans plus tard, au moment de l'ouverture du procĂšs des responsables des diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s incriminĂ©es. 193 personnes, soit 0,6 % des habitants de la zone concernĂ©e, ont Ă©tĂ© atteintes de chloracnĂ©, essentiellement des enfants. Aucune n'est dĂ©cĂ©dĂ©e, un petit nombre seulement a gardĂ© des sĂ©quelles. La moyenne des cancers et des malformations fƓtales n'a pas augmentĂ© de maniĂšre significative. La seule victime indirecte fut Paolo Paoletti, le directeur de production, qui est assassinĂ© par Prima Linea, groupe proche des Brigades rouges, le 5 fĂ©vrier 1980 en pleine rue[10] - [11] - [2].

Cet accident, qui a donnĂ© son nom depuis Ă  tous les sites de production classĂ©s Ă  risques en Europe (1 249 en France), a exposĂ© les dangers des activitĂ©s industrielles chimiques en milieu urbain.

L'épisode des fûts de dioxine

L'incinérateur de Bùle qui a brûlé, en 1985, des déchets toxiques, résidus de la catastrophe de Seveso

En aoĂ»t 1982, les dĂ©chets chimiques contenant de la dioxine sont enlevĂ©s du rĂ©acteur en vue du dĂ©mantĂšlement des installations, et transfĂ©rĂ©s dans 41 fĂ»ts pour ĂȘtre envoyĂ©s par route Ă  l'usine Ciba de BĂąle afin d'ĂȘtre incinĂ©rĂ©s[2].

Leur trace se perd aprĂšs le passage de la frontiĂšre Ă  Vintimille et ils disparaissent quelque part en France. On les dĂ©couvre en mai 1983 Ă  Anguilcourt-le-Sart (Aisne) dans un abattoir dĂ©saffectĂ©, oĂč ils avaient Ă©tĂ© transportĂ©s illĂ©galement. Ils sont finalement incinĂ©rĂ©s chez Ciba en novembre 1985[12], devant la presse[2].

Cette affaire, trÚs médiatisée, sera officiellement conclue par un rapport de juin 1986.

Plusieurs biologistes ont émis des doutes sur la destruction effective des 41 fûts. Des différences de tonnage et de diamÚtre des contenants ont été constatées entre les fûts partis d'Italie, et ceux détruits en Suisse. L'hypothÚse retenue par ces biologistes est que les fûts détruits ne contenaient que des déchets non contaminés, et que les déchets toxiques auraient été convoyés en Allemagne de l'Est ou en Somalie[2].

L'usine a été totalement détruite durant les travaux de décontamination[2].

Notes et références

  1. « Qu’est-ce que la castrophe de Seveso ? », Natura Sciences,‎ (lire en ligne)
  2. Guillaume Dessaix, « Affreux, sales et mĂ©chants », L'Usine nouvelle, no 3577,‎ (lire en ligne)
  3. E. Homberger, Reggiani, G., Sambeth, J. et Wipf, H. K., « The Seveso Accident: Its Nature, Extent and Consequences », Pergamon Press, vol. 22, no 4,‎ , p. 327–370 (PMID 161954, DOI 10.1093/annhyg/22.4.327)
  4. Trevor Kletz, What Went Wrong? Case Histories of Process Plant Disasters, Gulf, (ISBN 0-88415-920-5)
  5. Trevor A. Kletz, Learning from Accidents, Oxford U.K., Gulf Professional, , 3e Ă©d., 103–109 (Chapter 9) (ISBN 978-0-7506-4883-7, lire en ligne)
  6. « Seveso - 30 Years After, A Chronology of Events », Roche Group
  7. M. H. Milnes, « Formation of 2,3,7,8-Tetrachlorodibenzodioxin by Thermal Decomposition of Sodium 2,4,5-Trichlorophenate », Nature Publishing Group, vol. 232, no 5310,‎ , p. 395–396 (PMID 16063057, DOI 10.1038/232395a0, Bibcode 1971Natur.232..395M)
  8. Alastair Hay, « SĂ©veso: the crucial question of reactor safety », Nature Publishing Group, vol. 281, no 5732,‎ , p. 521 (DOI 10.1038/281521a0, Bibcode 1979Natur.281..521H)
  9. Federico Robbe, Seveso 1976. Oltre la diossina, Itaca, , 160 p. (ISBN 978-88-526-0486-7)
  10. ‘Paolo Paoletti’, AIVITER.
  11. Presidenza della Repubblica, Per le vittime del terrorismo nell’Italia repubblicana: ‘giorno della memoria’ dedicato alle vittime del terrorismo e delle stragi di tale matrice, 9 maggio 2008 (Rome: Istituto poligrafico e Zecca dello Stato, 2008), page 132, (ISBN 978-88-240-2868-4)
  12. « Qu'est-ce que la castrophe de Seveso ? Dioxines italiennes à l'honneur », sur Natura Sciences, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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