Camp de concentration de Yodok
Le camp de concentration de Yodok (Ă©galement transcrit YodĆk, Yodeok, ou Yoduk) est un camp de concentration en CorĂ©e du Nord. Le nom officiel est kwanliso (colonie de travail pĂ©nal) no 15. Le camp est utilisĂ© pour Ă©carter les personnes considĂ©rĂ©es comme hostiles au rĂ©gime et les punir pour les fautes politiques[1], et les exploiter avec des travaux forcĂ©s[2]. On estime Ă cinquante mille le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants actuellement dĂ©tenus dans ce camp. Yodok est l'un des six camps connus du pays (avec Kaechon, Hwasong, Bukchang, Hoeryong et Chongjin).
Camp de concentration de Yodok | |
Hangeul | ìë ì 15íž êŽëŠŹì |
---|---|
Hanja | èćŸ· 珏ćäșè 知çæ |
Romanisation révisée | Yodeok Je Sipo-ho Gwalliso |
McCune-Reischauer | YodĆk Che Sibo-ho Kwalliso |
Camp de Yodok | ||
Présentation | ||
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Type | Camp de concentration | |
Superficie | 378 km2 | |
Gestion | ||
Date de création | 1969 | |
DirigĂ© par | Ătat Agence de SĂ©curitĂ© | |
Victimes | ||
Nombre de détenus | 50 000 | |
GĂ©ographie | ||
Pays | Corée du Nord | |
RĂ©gion | Hamgyong du Sud | |
CoordonnĂ©es | 39° 40âČ 27âł nord, 126° 51âČ 05âł est | |
Géolocalisation sur la carte : Corée du Nord
| ||
Localisation
Le camp de Yodok est Ă environ 110 km au nord-est de Pyongyang[3]. Il est situĂ© dans lâarrondissement de Yodok, dans la province de Hamgyong du Sud et s'Ă©tend dans la vallĂ©e de la riviĂšre Ipsok, entourĂ© par des montagnes : Paek-san 1 742 m au nord, Modo-san 1 833 m au nord-ouest, Tok-san 1 250 m Ă l'ouest, et Byeongpung-san 1 152 m au sud[4]. L'entrĂ©e de la vallĂ©e est le passage de 1 250 m de Chaebong Ă l'est. Les cours d'eau des vallĂ©es de ces montagnes forment la riviĂšre Ipsok, qui se jette dans la riviĂšre Yonghung en aval et finalement dans la mer prĂšs de la ville de Wonsan[5].
Description
Yodok camp comporte deux parties[4]:
- La zone de contrĂŽle total (ChosĆn'gĆl: íčëłë ìŹëìê”Źì), avec les colonies de travail pĂ©nitentiaire de Pyongchang-ri et Yongpyong, est pour les gens suspectĂ©s par les autoritĂ©s d'avoir commis des crimes contre le rĂ©gime ou qui ont Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©s comme politiquement peu fiables (par exemple les rapatriĂ©s du Japon ou les chrĂ©tiens)[6]. Ces prisonniers ne sont jamais libĂ©rĂ©s[7].
- La zone rĂ©volutionnaire (ChosĆn'gĆl: íëȘ íëìê”Źì), avec les camps de rĂ©Ă©ducation d'Ipsok-ri, de ri-Kuup et de Daesuk-ri, sert Ă punir les gens pour des crimes politiques moins graves (par exemple quitter illĂ©galement le pays, Ă©couter des Ă©missions de CorĂ©e du Sud, ou critiquer la politique du gouvernement). Ces prisonniers sont libĂ©rĂ©s aprĂšs avoir purgĂ© leur peine[8].
Dans les années 1990, la zone de contrÎle total avait environ 30 000 prisonniers alors que la plus petite zone révolutionnaire avait environ 16 500 prisonniers[5] ; cependant, des images satellites récentes indiquent que le camp s'est agrandi de maniÚre significative[9]. La plupart des prisonniers sont déportés vers Yodok sans procÚs, ou à la suite de procÚs inéquitables, sur la base d'aveux obtenus sous la torture. Les gens sont souvent incarcérés avec les membres de leur famille et leurs proches parents, y compris les jeunes enfants et les personnes ùgées[10], fondée sur la culpabilité par association (Sippenhaft)[11]. Ce systÚme de « culpabilité par association » a pour but d'étouffer toute contestation en contrÎlant la population grùce à la peur.
Le camp a une superficie d'environ 378 km2[12]. Il est entouré d'une clÎture de barbelés de trois à quatre mÚtres de haut avec du fil électrique et des miradors à intervalles réguliers. Le camp est patrouillé par des gardes avec fusils automatiques et chiens de garde[5].
En 2004, une station de tĂ©lĂ©vision japonaise a diffusĂ© ce qu'elle a dit ĂȘtre des images issues du camp[13].
Conditions dans le camp
Conditions de vie
Les prisonniers vivent dans des cabanes primitives poussiĂ©reuses avec des murs faits de boue sĂ©chĂ©e, un toit (en mauvais Ă©tat) fait de paille posĂ©e sur des planches de bois et un sol couvert de paille et de nattes vĂ©gĂ©tales sĂšches[14]. Dans une piĂšce d'environ 50 m2, 30 Ă 40 prisonniers dorment sur un lit fait d'une planche de bois recouvert d'une couverture[15]. La plupart des cabanes ne sont pas chauffĂ©es, mĂȘme en hiver, oĂč les tempĂ©ratures sont infĂ©rieures Ă â20 °C[5], et bon nombre de prisonniers souffrent de gelures et d'ĆdĂšmes des membres durant l'hiver[16]. Les dĂ©tenus du camp endurent Ă©galement des maladies comme la pneumonie, la tuberculose, ou la pellagre sans aucun suivi mĂ©dical[17].
Les nouveaux prisonniers reçoivent des vĂȘtements que leurs prĂ©dĂ©cesseurs avaient portĂ©s jusqu'Ă leur mort[18]. La plupart des vĂȘtements sont sales, usĂ©s, et plein de trous[19]. Les prisonniers n'ont pas de chaussures appropriĂ©es, de chaussettes, de gants, et gĂ©nĂ©ralement pas de vĂȘtements de rechange[20]. Les morts sont enterrĂ©s nus, car leurs biens sont utilisĂ©s par d'autres prisonniers[21]. Tous les prisonniers sont recouverts d'une Ă©paisse couche de saletĂ©, car ils sont surchargĂ©s de travail et n'ont pratiquement aucune possibilitĂ© de se laver eux-mĂȘmes ou leurs vĂȘtements[11]. En consĂ©quence, les cabanes des prisonniers sont nausĂ©abondes et infestĂ©es de poux, de puces et autres insectes[22]. Les prisonniers doivent faire la queue devant les toilettes communautaires, sales, une pour 200 dĂ©tenus[23], et utilisent des feuilles sĂšches pour s'essuyer[24].
Les gardiens du camp obligent les prisonniers à faire des comptes rendus les uns sur les autres, et désignent certains d'entre eux comme chefs d'équipes pour contrÎler un groupe. Si une personne n'a pas travaillé assez dur, tout le groupe est puni. Cela crée de l'animosité entre les détenus, détruit toute solidarité, et les oblige à créer un systÚme d'auto-surveillance[14].
Esclavage
Hommes, femmes et enfants effectuent des travaux forcés sept jours par semaine[25] et sont traités en esclaves[26]. Le travail inclut l'extraction de gypse, d'or, le travail de plantes pour textiles, des distilleries, un atelier de forgeron[5], l'agriculture et l'exploitation forestiÚre. De dangereux accidents du travail se produisent souvent[27].
Le travail en Ă©tĂ© commence Ă 4 heures et se termine Ă 20 heures[9]. Le travail pendant les autres saisons commence Ă 5 h 30, mais est souvent prolongĂ© au-delĂ 20 heures lorsque les quotas de travail ne sont pas respectĂ©s, mĂȘme dans l'obscuritĂ©[28]. AprĂšs le dĂźner, les prisonniers sont tenus d'assister Ă des sĂ©ances d'Ă©ducation idĂ©ologique et des sessions de lutte de 9 heures Ă 11 heures, oĂč les dĂ©tenus qui ne remplissent pas les objectifs sont sĂ©vĂšrement critiquĂ©s et battus[11]. Si les prisonniers ne se souviennent pas des instructions donnĂ©es par Kim Il-sung, ils ne sont pas autorisĂ©s Ă dormir, ou leurs rations alimentaires sont rĂ©duites[9].
La plupart des enfants de primaire vont Ă l'Ă©cole le matin. Les principaux sujets sont l'histoire de la rĂ©volution de Kim Il-sung et Kim Jong-il[29]. L'aprĂšs-midi, ils effectuent des travaux forcĂ©s avec des quotas de travail trĂšs Ă©levĂ©s en termes de quantitĂ© et d'intensitĂ©. Les enfants sont battus avec un bĂąton en cas de non-respect des quotas de la journĂ©e[28]. Les enfants des Ă©coles primaires doivent transporter de lourdes bĂ»ches douze fois par jour sur quatre kilomĂštres[30] ou des seaux de fumier de trente kilo, trente fois par jour[31]. Les enfants effectuent Ă©galement d'autres travaux, comme ramasser 20 kg de plantes dans les montagnes, ou cultiver des champs de 200 m2[32]. Parfois, les enfants meurent dans des accidents de travail[33]. Les enfants plus ĂągĂ©s doivent travailler toute la journĂ©e, et se voient Ă partir de seize ans attribuer les mĂȘmes quotas de travail que les adultes[28].
Malnutrition
Les prisonniers sont constamment maintenus au bord de la famine[34]. Les rations journaliĂšres pour les prisonniers sont entre 100 et 200 g de maĂŻs bouilli en gaudes, servis trois fois par jour[35]. En fonction de la production agricole de l'annĂ©e, les rations peuvent ĂȘtre rĂ©duites[36]. Si les prisonniers ne terminent pas leur quota de travail quotidien ou violent des rĂšgles, mĂȘme mineures, les rations quotidiennes sont rĂ©duites ou temporairement interrompues[37], mĂȘmes pour les malades, infirmes et handicapĂ©s[38]. Les dĂ©tenus mangent tous les animaux sauvages qu'ils peuvent attraper, y compris les rats, les serpents, les grenouilles, les salamandres, les vers et les insectes[39], bien qu'ils soient sĂ©vĂšrement punis s'ils se font attraper par les gardes[40]. Pour Ă©viter d'ĂȘtre dĂ©tectĂ©s, ils mangent la viande crue, souvent sans enlever la peau[41]. Les animaux sauvages sont la seule source de viande et de graisse, puisque les rations alimentaires manquent Ă la fois de viande et d'huile vĂ©gĂ©tale[42]. Certains prisonniers se faufilent dans les porcheries pour voler la nourriture des porcs[43] ou ramassent des grains de maĂŻs non digĂ©rĂ©s dans les matiĂšres fĂ©cales d'animaux pour survivre[44].
Lee Young-kuk estime qu'à la fin des années 1990, environ 20 % des détenus de Daesuk-ri sont morts de malnutrition chaque année, avec de nouveaux prisonniers arrivant chaque mois[5]. Tous les anciens prisonniers disent avoir souvent vu des gens mourir[35].
Violations des droits de l'homme
Torture
Les méthodes de torture suivantes sont décrites dans les témoignages d'anciens prisonniers :
- La torture du pigeon[45]: Les bras du prisonnier sont attachés derriÚre le dos, les membres liés ensemble, et il est suspendu au plafond pendant plusieurs jours[46].
- L'ingestion forcée d'eau : le prisonnier est attaché à une table et forcé à boire de grandes quantités d'eau. Les gardes sautent ensuite sur une planche posée sur le ventre gonflé pour en faire sortir l 'eau[11].
- L'immersion dans l'eau : un sac en plastique est placĂ© sur la tĂȘte du prisonnier et il est immergĂ© dans l'eau pendant de longues durĂ©es[11].
- Les passages Ă tabac : les prisonniers sont battus tous les jours si les quotas de travail n'ont pas Ă©tĂ© respectĂ©s[47], s'ils ne s'agenouillent pas assez vite devant les gardes, ou juste pour le plaisir de l'humiliation[48]. Les prisonniers deviennent souvent handicapĂ©s ou dĂ©cĂšdent sous les coups[18]; mĂȘme les enfants sont sĂ©vĂšrement battus[49] et suppliciĂ©s[50].
Les prisonniers sont totalement Ă la merci des gardes, ceux-ci peuvent en abuser sans modĂ©ration. D'anciens prisonniers ont vu un homme ĂȘtre attachĂ© par le cou Ă un vĂ©hicule et traĂźnĂ© sur de longues distances[18] et un enfant de l'Ă©cole primaire rouĂ© de coups sur la tĂȘte[51]. Dans les deux cas, les prisonniers sont morts peu de temps aprĂšs.
Exécutions
Les prisonniers qui contreviennent aux rÚgles du camp (comme vol de la nourriture ou tentative d'évasion) sont généralement exécutés en public (sauf ceux qui ont été abattus)[47]. Des exécutions sommaires[52] ont lieu devant les prisonniers réunis plusieurs fois par an[53]; et tous les anciens prisonniers déclarent en avoir été les témoins[54]. Avant l'exécution, les prisonniers sont torturés et privés de nourriture[55]. Ceux qui sont forcés à assister à l'exécution ne peuvent souvent pas supporter la scÚne sans protester et sont ainsi abattus[18].
Une méthode commune pour tuer des prisonniers est de leur attribuer une charge de travail impossible. Quand le travail n'est pas terminé, les rations alimentaires du prisonnier sont réduites comme une punition. Finalement, la combinaison des travaux lourds et de nourriture réduite conduit à la mort par inanition[56].
Les prisonniers libĂ©rĂ©s de Yodok sont obligĂ©s de respecter un serment tatouĂ© avec un tampon sur leur main. L'engagement est le suivant : « je vais ĂȘtre exĂ©cutĂ© si je rĂ©vĂšle les secrets de Yodok ».
Abus et avortements forcés
Les femmes du camp ne sont absolument pas protĂ©gĂ©es contre les agressions sexuelles des gardiens[48]. Les prisonniĂšres sont souvent obligĂ©es de se dĂ©shabiller pour ĂȘtre battues et harcelĂ©es[18], et un ancien prisonnier a affirmĂ© qu'il est frĂ©quent pour les gardes d'abuser sexuellement des femmes dĂ©tenues[57]. Les femmes meurent parfois aprĂšs avoir Ă©tĂ© violĂ©es[18]. Les femmes enceintes reçoivent habituellement un avortement forcĂ©[58].
Demande de fermeture
Amnesty International résume ainsi la situation des droits humains au camp de Yodok : « les hommes, les femmes et les enfants se voient contraints dans le camp à un dur travail forcé, une nourriture insuffisante, des coups, des soins médicaux tout à fait insuffisants et des conditions de vie insalubres. Beaucoup tombent malades en prison, et un grand nombre meurent en détention ou peu aprÚs leur libération ». L'organisation demande la fermeture immédiate de Yodok et de tous les autres camps de prisonniers politiques en Corée du Nord[15]. La demande est soutenue par International Coalition to Stop Crimes against Humanity in North Korea, une coalition de plus de quarante organisations des droits de l'Homme[59].
Prisonniers ayant témoigné
- Kang Chol-hwan (à Yodok de 1977 à 1987) a été emprisonné à neuf ans, parce que sa famille est rentrée du Japon et a été considérée comme politiquement peu fiable[10]. Il est le co-auteur, avec Pierre Rigoulot, de Les Aquariums de Pyongyang.
- An Hyuk (à Yodok de 1987 à 1989) a été emprisonné à l'ùge de dix-huit ans parce qu'il a quitté illégalement la Corée du Nord[28].
- Kim Tae-jin (à Yodok de 1988 à 1992) a également été emprisonné à l'ùge de dix-huit ans pour avoir quitté illégalement la Corée du Nord[60] pour la Chine (qui l'a renvoyé dans son pays).
- Lee Young-kuk (à Yodok de 1995 à 1999), ancien garde du corps de Kim Jong-il, a été enlevé en Chine et emprisonné parce qu'il avait quitté illégalement la Corée du Nord et critiqué le pays[61].
- Kim Eun-cheol (à Yodok de 2000 à 2003) a été emprisonné à l'ùge de dix-neuf ans parce qu'il a quitté illégalement la Corée du Nord[62]. Il faisait partie d'un groupe de sept réfugiés rapatriés par la Russie, l'Organisation des Nations unies leur a accordé le statut de réfugiés, mais n'a pas réussi à les protéger[63].
- La sud-coréenne Shin Suk-ja et ses filles Oh Hae-won et Oh Kyu-won (à Yodok depuis 1987, quand les filles étaient ùgées de neuf et onze ans) ont été emprisonnées parce que son mari Oh Kil-nam n'est pas revenu d'un séjour à l'étranger[64]. La famille avait été attirée par l'Allemagne sur les fausses promesses d'agents nord-coréens deux ans auparavant[65]. Kang Chol-hwan et An Hyuk ont témoigné avoir rencontré Shin Suk-ja durant leur emprisonnement[66].
- Le citoyen sud-coréen Jeong Sang-un (à Yodok depuis 2010) est un prisonnier de guerre sud-coréen jamais rapatrié de 84 ans qui a été emprisonné pour avoir illégalement quitté la Corée du Nord[67].
Culture
Voir aussi
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Yodok concentration camp » (voir la liste des auteurs).
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Liens externes
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