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Camouflage de l'Ĺ“strus

Le camouflage de l'œstrus, appelé aussi camouflage de l'ovulation, ovulation cachée ou œstrus caché est, chez une espèce animale, l'absence de changement perceptible chez un individu femelle adulte (par exemple, un changement d'aspect ou d'odeur) lorsqu'elle est fertile et proche de l'ovulation. Quelques exemples de changements perceptibles sont le gonflement (en) et la rougeur des organes génitaux chez les babouins et les bonobos, et la libération de phéromone dans la famille féline. En revanche, les femmes homo sapiens et quelques autres espèces comme les vervets[1] qui subissent un œstrus caché présentent peu de signes extérieurs de fécondité, ce qui rend difficile pour un partenaire de déduire consciemment, au moyen de signaux externes seulement, si une femelle est proche de l'ovulation.

Squelettes d'un homme et d'un chimpanzé : la posture orthograde (en) associée à la bipédie humaine et qui trouve son origine dans le redressement du tronc lié au grimper vertical en milieu arboricole, entraîne une dissimulation progressive des organes reproducteurs entre les cuisses de la femelle.

Chez les femmes

Au cours de l'évolution humaine, le camouflage de l’œstrus est probablement une conséquence de l'acquisition de la bipédie apparue il y a 7 millions d'années. La tumescence de la vulve est dès lors masquée à la vue (par la pilosité pubienne) et à l'odorat de l'homme. Cette évolution favoriserait le développement de caractères sexuels secondaires : régression de la pilosité faciale et corporelle, élargissement des fesses (leur rotondité étant un signal d'excitation sexuelle pour le coït postérieur[2]) en raison du développement des muscles fessiers, du bassin, des hanches, et gonflement des seins (assimilés à des « fesses par le devant », le regard du mâle se reportant sur cette zone avec le redressement du corps), ce dernier caractère étant associé à son rôle érotique et la préférence pour les partenaires sexuels à copuler face à face[3]. La multiplication de ces zones érogènes est associée à une réceptivité sexuelle permanente chez les femmes (à n'importe quel moment du cycle menstruel)[4].

Cette caractéristique de la sexualité féminine (courte période de fécondation rapportée à la réceptivité sexuelle constante) a des conséquences importantes sur le comportement social humain. Les anthropologues et paléoanthropologues proposent plusieurs hypothèses, difficilement testables et pas forcément exclusives, pour rendre compte de ces conséquences[5]. Certains[6] « font l'hypothèse que cette possibilité ininterrompue de la sexualité fut la raison d'être de l'existence du couple permanent, à partir desquels purent s'ébaucher des formes de vie familiales, d'éducation des enfants, de division du travail, des comportements de partage[7]. D'autres anthropologues[8] font l'hypothèse qu'en rendant la vie sexuelle possible en permanence, partout, avec tous, cette sexualité envahissante serait devenue une menace pour la cohésion du groupe : elle aurait alors obligé les individus à normer les comportements[9] que dérégulait une sexualité devenue trop présente et envahissante[10]. »

Notes et références

  1. (en) Sandy J. Andelman, « Evolution of Concealed Ovulation in Vervet Monkeys (Cercopithecus aethiops », The American Naturalist, vol. 129, no 6,‎ , p. 785–799 (DOI 10.1086/284675).
  2. Pascal Picq, Philippe Brenot, Le Sexe, l’Homme et l’Évolution, Odile Jacob, , p. 230
  3. Desmond Morris, Le singe nu, Grasset, , p. 58
  4. Pascal Picq, Philippe Brenot, Le Sexe, l’Homme et l’Évolution, Odile Jacob, , p. 141-142.
  5. Pascal Picq, Philippe Brenot, Le Sexe, l’Homme et l’Évolution, Odile Jacob, , p. 131.
  6. Pascal Picq, Philippe Brenot, Le Sexe, l’Homme et l’Évolution, Odile Jacob, , p. 132-138.
  7. Une variante de cette hypothèse est le meat for sex : les femmes auraient développé un œstrus continu afin de s'assurer l'approvisionnement régulier d'un partenaire mâle.
  8. Maurice Godelier, Jacques Hassoun (dir.), Meurtre du père, sacrifice de la sexualité : approches anthropologiques et psychanalytiques, Arcanes, , 250 p..
  9. Ces normes qui règlent la parenté existent chez les sociétés de chasseurs-cueilleurs nomades actuelles qui pratiquent certaines techniques de contrôle des naissances : allaitement prolongé, aménorrhée de lactation, interdits sexuels qui contraignent à de longues périodes d'abstinence. Cette abstinence peut être obtenue « en régulant l'accès aux femmes fertiles, en limitant systématiquement les contacts sexuels entre hommes et femmes par des tabous, ou encore en réduisant la fertilité par des interdits alimentaires, par l'usage de substances contraceptives ou abortives, voire par des infanticides ». Cf Claudine Cohen, Nos ancêtres dans les arbres. Penser l'évolution humaine, Seuil, , p. 137
  10. Claudine Cohen, Femmes de la préhistoire, Belin, , p. 93-96.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Julie Bass, Exploring the Evolutionary Enigma of Concealed Ovulation in Homo Sapiens. A Study of Facial Asymmetry and Ovulation, Wellesley College,
  • (en) Nancy T. Burley, « The Evolution of Concealed Ovulation », The American Naturalist, vol. 114, no 6,‎ (DOI 10.1086/283532)
  • (en) B Sillen-Tullberg, A P Moller, « The relationship between concealed ovulation and mating systems in anthropoid primates: a phylogenetic analysis », The American Naturalist, vol. 141, no 1,‎ (DOI 10.1086/285458)

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