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Breguet Laboratoire Eiffel

Le Laboratoire Eiffel (LE) est un avion de chasse monoplan conçu en 1917 par l'ingénieur Gustave Eiffel dans son laboratoire aérodynamique d'Auteuil. La construction du prototype a été effectuée par l'avionneur Louis Charles Breguet. Les essais en vol s'étant terminés par un accident mortel, le projet fut abandonné et ne donna jamais lieu à une production en série.

Laboratoire Eiffel (LE)
Constructeur Breguet aviation
RĂ´le Avion de chasse
Premier vol
Nombre construits 1
Équipage
1
Motorisation
Moteur Hispano-Suiza 8 Ab
Nombre 1
Type 8 cylindres Ă  refroidissement par liquide
Puissance unitaire 180 ch
Dimensions
Envergure 9,78 m
Longueur 6,35 m
Hauteur 2,00 m
Surface alaire 20,0 m2
Masses
Ă€ vide 495 kg
Maximale 700 kg
Performances
Vitesse maximale 220 km/h
Armement
Interne 1 mitrailleuse Vickers de 7,7 mm

Conception

Les laboratoires aérodynamiques de Gustave Eiffel

Après l'achèvement de la Tour Eiffel pour l'exposition universelle de 1889, l'ingénieur Gustave Eiffel prit sa retraite en 1893, et abandonna les constructions métalliques pour se consacrer à des recherches sur la météorologie et le déplacement de l'air[1]. La grande hauteur à laquelle culminait sa tour fournissait un champ d'expériences rêvé. Il installa dès 1889 un observatoire météorologique au sommet de la tour, avec des instruments de mesure automatiques[2] puis installa à ses frais en 1903 un laboratoire aérodynamique sur le Champ-de-Mars, au pied de la tour, afin d'étudier l'écoulement des flux d'air autour de corps en mouvement. Dans un premier temps, les expériences se font avec un « appareil de chute » en laissant tomber des objets du haut de la tour le long d'un câble d'acier[1]. Cette méthode est trop primitive, et une soufflerie est construite : désormais, l'objet à tester est fixe et la soufflerie simule son déplacement dans l'air[2].

Le laboratoire est touchĂ© par la crue de la Seine de 1910. De plus Eiffel a perdu en 1909 la concession de la Tour et la mairie de Paris veut rĂ©cupĂ©rer le terrain. Ă€ l'automne 1911, après avoir rĂ©alisĂ© plus de 4 000 essais, le laboratoire est dĂ©montĂ© et rĂ©installĂ© en 1912 de l'autre cĂ´tĂ© de la Seine, rue Boileau Ă  Auteuil dans le 16e arrondissement de Paris, dans un bâtiment neuf conçu par Eiffel lui-mĂŞme[1] - [3].

À ce moment la fortune de Gustave Eiffel était déjà assurée, et son but n'était pas de gagner encore plus d'argent, mais de faire progresser la science. Il mit ses installations à la disposition des constructeurs français d'avions, d'hélices et d'automobiles, ne demandant aucun paiement, mais juste le droit de publier le résultat des essais dans des revues scientifiques. De 1912 à 1913, le laboratoire testa 17 modèles d'avions[2].

Au début de la Première Guerre mondiale, en août 1914, Gustave Eiffel ferme son laboratoire, mais les ministères de la Guerre et de la Marine lui demandent de le remettre en marche. De nombreux constructeurs aéronautiques lui soumirent des modèles réduits d'avions militaires nouveaux à tester. La publication des résultats étant impossible, pour des raisons de secret militaire, elle se fit en bloc après l'armistice, sous le titre de Résumé des principaux travaux exécutés durant la guerre au laboratoire aérodynamique Eiffel entre 1915 et 1918[2].

Outre les avions, leurs profils d'ailes et leurs hélices, le laboratoire testa aussi des corps fuselés tels les dirigeables ou les bombes, permettant de réduire la friction de l'air et d'améliorer les performances militaires (vitesse des engins, précision des projectiles). Les hangars à dirigeables firent aussi l'objet d'études, afin d'améliorer leur résistance aux vents violents[2] - [4].

Le prototype

À force de tester les inventions des autres, Gustave Eiffel se prit au jeu et créa un avion de chasse à grande vitesse. Souhaitant en garder la paternité, il le baptisa Avion LE (pour Laboratoire Eiffel). Il déposa le brevet no 503 363 le . Il est encore conservé à l'Office européen des brevets[1].

L'avion est de conception rĂ©volutionnaire pour l'Ă©poque, mais ses principes seront adoptĂ©s par la quasi-totalitĂ© des avions jusqu'Ă  nos jours. C'est un monoplan avec la naissance des ailes situĂ©e au bas du fuselage. Le profil est affinĂ© de manière Ă  n'offrir que le minimum de rĂ©sistance Ă  l'air. Alors que tous les constructeurs de l'Ă©poque utilisaient des structures en bois entoilĂ©, Gustave Eiffel reste un spĂ©cialiste de la construction mĂ©tallique. Il cherche parmi les nouveaux matĂ©riaux de l'Ă©poque celui qui serait le mieux adaptĂ© Ă  ses exigences. Il a besoin d'un matĂ©riau rigide mais lĂ©ger. Il choisit le duralumin[2] - [4]. D'après les calculs, l'appareil doit pulvĂ©riser tous les records de vitesse de l'Ă©poque : il pourrait atteindre l'altitude de 4 000 mètres en seulement 10 minutes[5], et y voler Ă  260 km/h. Il pourrait monter encore plus haut, jusqu'Ă  8 000 mètres[2].

Gustave Eiffel écrit au ministre de la Guerre de l'époque, Paul Painlevé, pour lui présenter son projet et lui demander de désigner un constructeur aéronautique qui réalisera le prototype. Le ministre de la Guerre est convaincu et désigne Breguet.

L'essai en vol

Le prototype est livrĂ© et testĂ© en mars 1918 sur le terrain d'aviation de Villacoublay au sud-ouest de Paris. Le pilote d'essai est le sous-lieutenant Jean Sauclière[5]. Le premier essai ne se dĂ©roule pas comme prĂ©vu : il ne devait concerner que le roulage au sol, mais la puissance du moteur et la portance de la voilure font que l'avion dĂ©colle involontairement. Il retombe de 25 mètres d'altitude et le train d'atterrissage se brise, mais le pilote est indemne.

L'appareil est rĂ©parĂ© et un deuxième essai a lieu le Ă  midi. Cette fois, le pilote se sent assez assurĂ© pour dĂ©coller. Il atteint 250 kilomètres Ă  l'heure en ligne droite Ă  25 mètres d'altitude. C'est une vitesse considĂ©rable, que seuls les avions dotĂ©s de moteurs très puissants peuvent atteindre Ă  l'Ă©poque. L'essai se termine tragiquement. Ă€ l'atterrissage, le moteur garde un rĂ©gime trop Ă©levĂ© et la descente est trop rapide. Le train d'atterrissage se brise Ă  nouveau, l'aile touche le sol et l'avion rebondit et prend feu. Le pilote est tuĂ©[5].

Cet accident mortel met définitivement fin au projet. Une polémique se créé sur les responsabilités. On reconnaît l'inexpérience du pilote pour un appareil aussi rapide[3], mais Gustave Eiffel est accusé d'erreurs de conception. La Commission d'examen des avions nouveaux classe à la fin de la guerre le LE dans la catégorie des « avions abandonnés »[2].

En dépit de cet accident, l'estime que portent à Eiffel les autorités est intacte : le , quelques éminents militaires hauts gradés adressent une lettre au Sous-secrétaire d'État de l'Aéronautique militaire, demandant qu'une récompense lui soit décernée pour services rendus à la Nation. Le Sous-secrétaire adresse par écrit ses remerciements à Eiffel par une lettre du , juste avant le transfert du laboratoire d'Auteuil au Service technique de l'aéronautique qui prend effet le [2].

Notes et références

  1. Gérard Hartmann, « Aérodynamique : les travaux de M. Eiffel » (consulté le ).
  2. GĂ©rard Dequesses et Florence Clifford, Agenda de Gustave Eiffel 2015, Saint-Malo, GD Editions, (ISBN 978-2-912598-24-0).
  3. Louis et Marcel, « Le Breguet LE (Laboratoire Eiffel !) » (consulté le ).
  4. Jean-François Prevéraud, « La soufflerie Eiffel a 100 ans (2e partie) », (consulté le ).
  5. « Bréguet LE (Laboratoire Eiffel) », (consulté le ).

Bibliographie

  • GĂ©rard Dequesses et Florence Clifford, Agenda de Gustave Eiffel 2015, Saint-Malo, GD Editions, (ISBN 978-2-912598-24-0)
  • Lucien Marchis et Gustave Eiffel, Cours d'aĂ©ronautique, H. Dunod et E. Pinat, , 263 p..
  • Martin Peter et Jean-Pierre Cuisinier, Eiffel, la bataille du vent, Marne-la-VallĂ©e, CSTB, (ISBN 978-2-86891-344-9).
  • FrĂ©dĂ©ric Seitz, Gustave Eiffel. Le triomphe de l'ingĂ©nieur, Paris, Armand Colin, , 301 p. (ISBN 978-2-200-27196-1), p. 1845
  • William Green et Gordon Swanborough (trad. Mira et Alain Bories), Le grand livre des chasseurs : l'encyclopĂ©die illustrĂ©e de tous les avions de chasse et tous les dĂ©tails de leur fabrication [« The complete book of fighters »], Paris, CELIV, , 608 p. (ISBN 978-2-865-35302-6), p. 544/545.

Voir aussi

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