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Bombardement de Bari

Le bombardement de Bari fut une attaque aérienne lancée par la Luftwaffe contre l'armée navale adversaire dans le port de Bari, ville occupée par les forces britanniques le 11 septembre 1943 après l'invasion de l'Italie continentale, pendant la campagne d'Italie de la Seconde Guerre mondiale. Le soir du 2 décembre 1943, 105 bombardiers Junkers Ju 88 faisant partie de la Luftflotte 2 allemande bombardèrent les navires cargo ancrés au port ; l'attaque causa de grosses pertes pour les alliés qui n'avaient pas subi une attaque aérienne surprise aussi efficace dans un port depuis l'attaque japonaise de Pearl Harbor.

Bombardement de Bari
Informations générales
Date
Lieu Bari, Italie
Issue Victoire allemande
Pertes
1 avion abattu17 navires coulés
8 navires endommagés
port sévèrement endommagé
1 000 soldats tués
1 000 civils tués

Seconde Guerre mondiale

CoordonnĂ©es 41° 07′ nord, 16° 52′ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
Bombardement de Bari

Le but de l'attaque fut l'indisponibilité du port, dans lequel la plus grande partie des provisions pour les troupes de la huitième armée britannique affluaient. Huit navires cargo furent gravement endommagés et 17 navires coulèrent, les épaves bloquèrent le port pendant trois semaines. Les Anglo-américains ont dû ralentir l'offensive et entamer la construction des installations aéroportuaires de Foggia. Pendant l'attaque le navire SS John Harvey fut endommagé. Ce navire transportait une grande quantité de bombes avec du gaz moutarde qui contaminèrent l'eau du port.

Antécédents

Compte tenu de l’invasion imminente dans le sud de l’Italie, l'aviation anglo-américaine avait épargné le port de Bari, considéré comme stratégique pour des futurs centres d'approvisionnement de fournitures pour la 8e armée anglaise et les avions alliés. En effet les Alliés étaient en train de construire des aéroports dans la zone de Foggia et ailleurs dans la région. Cette décision a été prise en vue de l'offensive aérienne des Alliés contre les centres industriels de l'Allemagne du Sud et contre les lignes d'approvisionnement allemandes en Italie : l'utilisation immédiate des aéroports et des ports dans la région de Foggia était considérée, par les généraux des Alliés, de grande importance. Il a été décidé que les opérations d’approvisionnement de Salerno devaient laisser la place aux exigences posées par la construction de ce complexe de grandes bases aériennes dans la région de Foggia. Le transport des bombardiers lourds requiert un navire égal à celui nécessaire pour transférer deux divisions, et pour les garder opérationnels il y avait besoin d'une quantité de fournitures qui étaient suffisantes pour la 8e armée.

Le , la 15e flotte aérienne, juste créée, installa son quartier général à Bari, sous le commandement du général James H. Doolittle. Celui-ci s’installa au bord de mer dans un élégant bâtiment autrefois utilisé par l’armée aérienne italienne. Doolittle avait le rôle d’intensifier les bombardements aériens contre des cibles stratégiques en Allemagne telles que les usines d’avions et des raffineries, jusque-là cibles des bombardiers alliés qui décollaient des bases situées dans le sud de la Grande-Bretagne. Or les bases en Italie auraient considérablement facilité ces opérations de bombardement, compte tenu de la plus petite distance à parcourir par les bombardiers situés dans la région de Foggia, et des conditions météo souvent plus favorables en Italie par rapport à la Grande-Bretagne. Beaucoup de moyens furent donc concentrés à Foggia et ses alentours, aux dépens de Bari.

En outre, depuis le début des opérations alliées en Italie, les avions alliés avaient aussi le contrôle total de la zone italienne : les bombardiers allemands à longue portée avaient accompli seulement huit raids en Italie depuis la mi-octobre, dont quatre contre Naples. Près des trois quarts des avions de la Luftwaffe avaient été transférés vers l’Allemagne pour la défense du Reich, alors que les bombardiers alliés avaient augmenté la pression contre les aéroports ennemis. Rassuré par cette situation, dans l’après-midi du 2 décembre 1943, le maréchal de l’air sir Arthur Coningham, commandant de la Northwest African Tactical Air Force, tint une conférence de presse où il déclara que les Allemands avaient perdu la guerre aérienne et ajouta : « je considérerais comme une insulte personnelle que l’ennemi essaierait une action significative dans cette zone. »

La défense aérienne de Bari a été par conséquent négligée : aucun escadron d'avions de la RAF n’avait une base à cet endroit et les combattants qui étaient dans la zone ont été assignés à l'escorte d'autres transports ou en missions d'attaque, mais pas pour la défense du port ; enfin, les défenses terrestres étaient tout à fait insuffisantes. Le commandement de la Luftwaffe avait l’intention de perturber et ralentir les fournitures des Alliés qui atteignaient le port de Bari : une attaque contre des navires amarrés dans le port avait depuis longtemps été prévue, attendant le bon moment pour le faire : ce moment fut fixée pour le début de décembre, quand la lune donnerait une visibilité suffisante aux pilotes.

Le 2 décembre plusieurs dizaines de navires alliés se trouvaient dans le port de Bari ; en raison du peu d'heures de lumière du jour disponibles en décembre, le port était illuminé afin d’accélérer le déchargement des fournitures après le coucher du soleil et ses installations fonctionnaient à pleine capacité.

Parmi les navires ancrĂ©s dans le port, Ă©tait amarrĂ©e le John Harvey, de la classe Liberty ship, commandĂ© par le capitaine Knowles/ Le cargo Ă©tait arrivĂ© quatre jours plus tĂ´t après un long voyage commencĂ© Ă  Baltimore et qui s’était poursuivi avec des escales Ă  Norfolk, Oran et Augusta. Comme des U-boot allemands Ă©taient prĂ©sents dans l’Adriatique, des chercheurs ont conclu que « le navire Ă©tait dans l’endroit le plus sĂ»r qu’il pouvait trouver Ă  ce moment-lĂ  ». Comme d'autres, le navire attendait au port pour dĂ©charger son contenu : mais cachĂ©es dans la cargaison, se trouvaient 1 350 tonnes de bombes aĂ©rienne M47 contenant une substance toxique, communĂ©ment appelĂ© gaz moutarde. Ce gaz avait Ă©tĂ© envoyĂ© dans le plus grand secret au cas oĂą les Allemands, en pleine dĂ©route, ne se mettent Ă  utiliser cette arme contre les troupes AlliĂ©es, pour riposter. Bien que plusieurs agents Ă©taient au courant de la cargaison inhabituelle et dangereuse, la prioritĂ© fut donnĂ©e Ă  d’autres navires transportant des fournitures mĂ©dicales et des munitions conventionnelles et le John Harvey attendait sur le quai Ă  cĂ´tĂ© de quatorze autres navires.

L'attaque aérienne allemande

À 17 h 30, alors que la plus grande partie des soldats alliés étaient en train de dîner, un convoi arriva au port de Bari, entraînant une hausse du nombre de navires amarrés à presque quarante navires. Pendant ce temps, au cours d’un vol de reconnaissance au-dessus de la région de Bari, le pilote allemand Werner Hahnd, à bord de l’avion de reconnaissance Messerschmitt Me 210, volant à haute altitude, a repéré plus de 40 navires ancrés. Le maréchal Albert Kesselring, commandant allemand en Italie, avec son personnel avait auparavant considéré comme des possibles cibles les aérodromes alliés à Foggia, mais la Luftwaffe n’avait pas les ressources nécessaires pour attaquer avec succès un tel grand complexe. Le Generalfeldmarschall Wolfram von Richthofen, commandant de la Luftflotte 2 suggéra comme alternative Bari. Richthofen croit qu'en paralysant le port il pourrait relâcher la pression de la 8e armée britannique contre les forces allemandes et en même temps paralyser temporairement le déchargement des fournitures dans le port. Il signala à Kesselring que les seuls avions disponibles étaient ses bombardiers Junkers Ju 88 et qu'il pouvait en rassembler 150 pour le raid. Mais seulement après le rapport de l’avion de reconnaissance allemand 105 Ju 88 ils étaient disponibles pour l’action, qui fut immédiatement initiée.

À 19 h 30 dans son bureau, Doolittle perçut le bruit des avions, mais ce n’étaient pas des C-47 comme il pensait, mais les deux premiers commandos de la Luftwaffe qui lancèrent des boîtes remplies de bandes d'aluminium, que les alliés appelaient Window (fenêtre) et les Allemands Düppel (triche), qui ont servi à détourner les radars. La plupart des avions allemands décollèrent de cinq aéroports dans le Nord de l'Italie (y compris Orio al Serio et Ronchi dei Legionari), alors que certains provenaient de deux aéroports près d’Athènes. Les pilotes des bombardiers reçurent l’ordre de voler vers l’est jusqu'à environ 30 miles au nord de Bari, où à 19h25 toute la flotte se réunit, en ce lieu tous les avions se dirigèrent vers le sud-ouest et atteignirent la ville en volant à très basse altitude pour échapper aux radar ennemis. Pour raisons techniques 17 unités abandonnèrent la route dans l’Adriatique, ce qui donne un total de 88 appareils qui ont réellement participé à la phase finale de l’attaque.

La flotte compacte arriva près de la digue du port de Bari ; le stratagème de dissimulation des radars fonctionna parfaitement, grâce au fait que le radar principal, celui qui aurait dĂ» en premier lancer l'alarme et se trouvait sur le toit du teatro Piccinni dans via Vittorio Emanuele, ne fonctionnait pas depuis des jours. Les avions britanniques, qui, comme tous les jours, Ă©taient envoyĂ©s patrouiller le ciel crĂ©pusculaire, Ă©taient dĂ©jĂ  revenus tandis que les commandes alliĂ©es avaient imposĂ© Ă  l’artillerie navale de ne faire feu qu'en situation d'attaque. Cet ensemble de facteurs favorables permit aux vingt premiers bombardiers Junkers Ju 88, dirigĂ©s par les lumières du port, d'atteindre les objectifs Ă  cinquante mètres de hauteur. Les premières bombes tombèrent dans le centre-ville et tuèrent des soldats et des civils près de l’hĂ´tel Corona. D'autres bombes dĂ©chirèrent les pipelines de carburant du port, et le pĂ©trole se rĂ©pandit partout ; un cĂ´tĂ© du navire Joseph Wheeler fut Ă©ventrĂ© par une bombe, alors qu’une explosion dĂ©truisit le pont du John Bascom. Les produits chimiques utilisĂ©s en mĂ©decine prĂ©sents dans ce navire prirent rapidement feu, tout comme les amarres, ce qui entraĂ®na une collision entre ce navire et le John l. Motley, avec une cargaison de 5 000 tonnes de munitions, qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© touchĂ© par une bombe Ă  la cinquième porte. Le Motley en flammes explosa alors et entraĂ®na la mort de tout l'Ă©quipage qui comptait 64 membres. L’explosion dĂ©molit le flanc gauche du Bascom, alors qu’une bombe explosa sur le pont du marchand britannique Fort Athabaska, tuant 45 des 55 membres d’équipage.

Le Liberty Samuel J. Tilden, touché par un engin explosif dans la salle des machines et ensuite mitraillé depuis un avion allemand, coula à cause d'une torpille lancée par un navire britannique pour éviter que le feu ne se répande aux autres navires de fret, alors que le cargo polonais Lwów fut touché par deux bombes et prit rapidement feu. Environ une demi-heure plus tard, le dernier avion allemand lâcha sa charge de bombes et retourna vers le Nord, mettant fin à l’attaque : le marin Warren Brandenstein indiqua que : « Le port était en flammes, la surface de l’eau brûlait et les navires en flammes explosaient » . Dans un premier temps, le vent soufflait dans la direction opposée à la ville, ce qui facilitait l'évacuation de la population, mais bientôt le vent changea de direction ; la zone autour du port a été envahie par la fumée. En outre, la mer fut envahie par les flammes vu que le carburant des navires et d'autres combustibles brulaient sur sa surface ; beaucoup de marins moururent en essayant de revenir sur la terre ferme.

Le John Harvey, dont la cargaison contenait du gaz moutarde, fut aussi touchĂ© et explosa quelques instants après l’explosion de la Motley, tuant le commandant et 77 hommes. La violence de l’explosion de Harvey entraĂ®na aussi le naufrage du navire de transport Testbank, tuant 70 autres marins, et dĂ©chira ensuite les portes du navire amĂ©ricain Aroostook, chargĂ© de 19 000 barils de carburant. Les explosions dĂ©chirèrent le ciel nocturne et on pouvait voir le feu qui brulait les navires et les dĂ©bris en flammes qui Ă©taient dispersĂ©s partout dans le port. MĂŞme les vitres du siège de Harold Alexander se brisèrent, qui se trouvait Ă  douze kilomètres de distance du port, et les tuiles s'envolaient des toits. Le jeune officier George South qui travaillait Ă  bord du HMS Zetland, après la guerre, rappela dans son livre Poisonus Inferno : « il me semblait exploser, brĂ»ler Ă  l’intĂ©rieur », alors qu’un marin britannique sur le Vulcan vit : « des centaines d'hommes qui nageaient dĂ©sespĂ©rĂ©ment et qui coulaient en criant et en demandant de l'aide » .

Des centaines de civils moururent à cause d'effondrements pendant qu'ils couraient pour s’abriter, tandis que les marins des navires marchands et les dockers italiens gisaient morts le long de la digue ou flottaient dans l’eau imprégnée d’huile. Au total 17 navires coulèrent et huit navires furent gravement endommagés. Ce jour-là les Alliés subirent « la plus dévastatrice attaque surprise après Pearl Harbor » comme l'écrivit à la mi-décembre The Washington Post. Probablement seulement 2 avions allemands furent abattus, un tomba dans les eaux du vieux port. Le signal de fin d'alerte fut donné à 23 heures.

Conséquences

Le port est resté fermé pendant trois semaines et ne fut complètement restauré qu'en . Les sous-marins alliés basés à Bari n'ont cependant pas été endommagés.

Navires coulés
Nom Pays Type Notes
Ardito Italie Dragueur de mines 3 732 tonneaux de jauge
Aube France navire de charge 1 055 tonneaux de jauge
Barletta Italie navire de charge 1 975 tonneaux de jauge - 44 marins sont morts
Bollsta Norvège navire de charge 1 832 tonneaux de jauge
Devon Coast Royaume Uni navire cĂ´tier 646 tonneaux de jauge
Fort Athabaska Canada Liberty ship 7 132 tonneaux de jauge
Fort Lajoie Canada Liberty ship 7 134 tonneaux de jauge
Frosinone Italie navire de charge 5 202 tonneaux de jauge
Genespesca II Italie navire de charge 1 628 tonneaux de jauge
John Bascom États-Unis Liberty ship 7 172 tonneaux de jauge - 10 marins sont morts
John Harvey États-Unis Liberty ship 7 177 tonneaux de jauge
John L. Motley États-Unis Liberty ship 7 176 tonneaux de jauge - 30 marins sont morts
Joseph Wheeler États-Unis Liberty ship 7 176 tonneaux de jauge - 41 marins sont morts
Lars Kruse Royaume Uni navire de charge 1 807 tonneaux de jauge - 19 marins sont morts
Lom Norvège navire de charge 1 268 tonneaux de jauge - 4 marins sont morts
Luciano Orlando Italie navire de charge
LwĂłw Pologne navire de charge 1 409 tonneaux de jauge
MB 10 Italie torpilleur
Norlom Norvège navire de charge 6 412 tonneaux de jauge - 6 marins sont morts
Porto Pisano Italie navire cĂ´tier 226 tonneaux de jauge
Puck Pologne navire de charge 1 065 tonneaux de jauge
Samuel J. Tilden États-Unis Liberty ship 7 176 tonneaux de jauge
Testbank Royaume Uni navire de charge 5 083 tonneaux de jauge - 70 marins sont morts
Volodda Italie navire de charge 4 673 tonneaux de jauge
Navires endommagés
Nom Pays Type Notes
Argo Italie navire cargo 526 tonneaux de jauge
Bicester Royaume Uni navire de charge 1 050 tonneaux de jauge
Brittany Coast Royaume Uni navire de charge 1 389 tonneaux de jauge
Crista Royaume Uni navire de charge 1 389 tonneaux de jauge
Dagö Lettonie navire de charge 1 996 tonneaux de jauge
Grace Abbott États-Unis Liberty ship 7 191 tonneaux de jauge
John M. Schofield États-Unis Liberty ship 7 181 tonneaux de jauge
Lyman Abbott États-Unis Liberty ship 7 176 tonneaux de jauge
Odysseus Pays-Bas navire de charge 1 057 tonneaux de jauge
Vest Norvège navire de charge 5 074 tonneaux de jauge
Vienna Royaume Uni navire de charge 4 227 tonneaux de jauge
HMS Zetland Royaume Uni Classe Hunt (destroyer)

Au total, 628 victimes militaires ont été hospitalisées pour des symptômes de gaz moutarde et, à la fin du mois, 83 d'entre elles étaient décédées. Le nombre de victimes civiles, que l'on croyait encore plus élevé, n'a pas pu être évalué avec précision puisque la plupart avaient quitté la ville pour se réfugier chez des proches.

Concernant les blessures des victimes, une enquête a été confiée à un jeune lieutenant-colonel de l'armée américaine qui comprend que le mal dont souffre les 600 marins rescapés a été provoqué par le gaz moutarde. Il constate un taux de globules blanc très faible, et suggère que si le gaz moutarde peut détruire ces cellules il pourrait être utilisé contre des cellules cancéreuses, ce qui marque le débuts de la chimiothérapie. Un dérivé du gaz moutarde va être utilisé contre la maladie de Hodgkin[1].

Notes et références

  1. Ces petits hasards qui bouleversent la science, Marie-Noëlle Charles, Ed Le papillon rouge, p. 37

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