Blue Sky Rangers
Les Blue Sky Rangers sont un groupe de programmeurs de jeux vidéo qui ont travaillé pour Mattel sur la console Intellivision au début des années 1980. Le terme a été inventé par un journaliste en 1982 et est resté : il désigne encore aujourd'hui le groupe des anciens de l'Intellivision (« Intellivision alumni group »[1]). Depuis 2019, Blue Sky Rangers est également le nom d'une société (précédemment Intellivision Productions)[2] gérant les droits sur l'Intellivision et ses jeux.
Historique
Lors du développement de l'Intellivision et pendant les premières années de sa commercialisation, Mattel Electronics dépend totalement d'une société externe, APh Technological Consulting, pour la programmation de ses jeux. La firme de jouets va rapidement comprendre qu'il est beaucoup plus rentable de les développer en interne. Ainsi, autour de Gabriel Baum, une première équipe est formée, composée de Don Daglow, Rick Levine, Mike Minkoff et John Sohl. Pour préserver la confidentialité et empêcher le rival Atari de débaucher ces précieux programmeurs, Mattel va tenir secrets leurs identités et leur lieu de travail.
En 1982, le journaliste Howard Polskin écrit Pour TV Guide un article sur le quotidien du groupe de développement dans leurs bureaux en Californie. Il y surnomme cette équipe « The Blue Sky Rangers », reprenant l'expression « blue skying » utilisée par les participants pour désigner leur activité lors des sessions de brainstorming décontracté mais intensif auxquelles ils se livrent pour trouver de nouvelles idées de jeux. Leur chef est désigné par le pseudonyme « Hal ». À cette époque, le groupe compte 22 employés (18 hommes et 4 femmes)[3] ; il culminera à 110 personnes[4] en 1983. La même année, l'équipe de développement s'étend à l'international : Mattel expérimente une antenne européenne située à Sophia Antipolis, qui comptera jusqu'à une vingtaine de programmeurs français ou britanniques[5].
Mais les effets du krach du jeu vidéo commencent à se faire sentir. Les départs et les licenciements s'enchaînent. Début 1984, Mattel abandonne brutalement son activité dans les jeux électroniques et vidéo et l'Intellivision. Le , Mattel Electronics est fermée, et l'intégralité des Rangers est licenciée, à quelques rares exceptions près. Mike Minkoff et Michael Breen, restent quelques semaines pour archiver les jeux terminés et en cours de développement, car Mattel espère leur trouver un repreneur[6] — en l'occurrence Terrence Valesky et Intellivision Inc.[7] — pour éponger une partie de ses pertes. L'équipe de la division Mattel Electronics France quant à elle, ne peut pas être renvoyée du jour au lendemain en raison du droit français du travail. Aussi va t-elle continuer pendant quelques mois à travailler sur des projets sans espoir de publication, jusqu'à ce que la majorité des employés décident de démissionner de leur propre chef pour fonder leur propre société de développement, Nice Ideas, qui voit le jour au mois d'avril[5].
Après la fermeture de Mattel Electronics, les Blue Sky Rangers se dispersent. Certains rejoignent la concurrence (Activision, Electronic Arts, etc.) ou fondent leur propre société de développement (Quicksilver Software[8], Realtime Associates[9], Stormfront Studios[1], Nice Ideas[5] ...), d'autres, découragés par le krach, quittent définitivement le milieu du jeu vidéo[4]...
En 1995, le nom des Blue Sky Rangers revient au goût du jour. En effet, Keith Robinson, lui-même ancien de chez Mattel, crée le site web BlueSkyRangers.com commémorant la console Intellivision, ses jeux et leurs programmeurs, et préfigurant l'activité de la société Intellivision Productions qu'il lance deux ans plus tard[10]. En 2019, à la suite de son rachat par la société de Tommy Tallarico, Intellivision Productions devient officiellement Blue Sky Rangers, Inc.[2]
Membres
- Patrick Aubry[5]
- Armand Barraud
- Il programme Illusions chez Mattel Electronics France[5]. Le jeu ne sera pas édité par Mattel sur l'Intellivision, pas plus que son portage sur Commodore 64. En revanche, Coleco obtiendra les droits pour le sortir sur ColecoVision.
- Daniel Bass
- Programmeur de Loco-Motion.
- Michael Breen
- Programmeur de Buzz Bombers.
- Stephen Burt[5]
- Don Daglow
- Celui qui s'était déjà distingué pour ses productions sur ordinateur central (Dungeon, Baseball) arrive chez Mattel en tant que programmeur, comme l'un des cinq Blue Sky Rangers d'origine, et est rapidement promu Director of Intellivision Game Development[4] - [11]. Il supervise et conçoit de nombreux titres Mattel. Il écrit Utopia, précurseur des god games et des city-builders, en 1981, puis World Series Baseball en 1983, avec son équipier Eddie Dombrower. Après Mattel Electronics, il est engagé chez Electronic Arts, où il lui arrive de travailler avec d'autres anciens Rangers, puis fonde Stormfront Studios.
- Eddie Dombrower[4]
- Brian Dougherty
- Il travaille un moment sur Space Spartans[12], mais il quitte Mattel pour aller fonder Imagic avec des anciens de chez Atari[13].
- Steve Ettinger
- Avec Joe Ferreira, il travaille sur Magic Carousel puis sur Hover Force 3-D en 1983. Interrompu par la fermeture de Mattel Electronics, il finalisera néanmoins le jeu quelques années plus tard pour INTV.
- Joe Ferreira
- William "Bill" Fisher
- Programmeur de Space Hawk.
- Connie Goldman[4]
- Embauchée comme programmeuse, elle sera pourtant fréquemment sollicitée pour ses talents de graphiste et d'animatrice[14]. Elle aura néanmoins l'occasion de concevoir et écrire Thunder Castle[14]. Après Mattel Electronics, elle s'occupera des graphismes de plusieurs titres édités par INTV.
- Julie Hoshizaki
- Ray Kaestner
- Embauché initialement par Mattel pour travailler sur la gamme de jeux électroniques de poche Mattel Electronics, il écrit Computer Gin et World Championship Football, et travaille avec le maître d'échecs Craig Barnes sur Computer Chess avant de rejoindre l'équipe Intellivision. Il y écrit BurgerTime et, en duo avec Rick Koenig, Master of the Universe. Il travaillait sur Masters of the Universe II lorsque Mattel Electronics ferme ses portes. Il aura toutefois l'occasion d'achever son travail en le transformant en Diner, une suite de BurgerTime pour INTV[15].
- Rick Koenig[4]
- Rick Levine
- Tom Loughry
- Grahame Matthews[5]
- Mike Minkoff
- Ranger de la première heure, il est le programmeur de PBA Bowling avec Rick Levine, et de Snafu.
- Steve Montero
- Expert en robotique, il se retrouve naturellement à la programmation de Night Stalker. Après le développement de ce dernier, et alors qu'il demande à travailler sur une suite apportant de nombreuses innovations, il est assigné à un projet qui le passionne beaucoup moins, ce qui contribue certainement à son départ de Mattel et du milieu du jeu vidéo quelque temps plus tard[16].
- Bob Newstadt
- Programmeur de Pinball avec Minh Chou Tran.
- Keith Robinson
- Engagé en tant que programmeur chez Mattel Electronics en 1981, il développe Tron: Solar Sailer début 1983 et devient manager. Cofondateur d'Intellivision Productions en 1997, à l'origine de Intellivision Lives!, il est considéré comme le « parrain » de l'Intellivision[10].
- Stefen Roney
- Steve Sents
- Programmeur de Tron: Deadly Discs.
- Monique Simonot
- Programmeuse de la division Mattel Electronics France, elle travaille notamment sur Zzzz! ou Spina the Bee, un jeu inspiré de Maya l'Abeille, qui tourne alors à la télévision en France[5]. Mais Mattel rejette le projet, la série animée étant quasiment inconnue outre Atlantique. Le jeu sera néanmoins réalisé par Nice Ideas quelque temps plus tard, sur ordinateurs personnels, sur VG 5000, sous le titre français L'Abeille[17].
- John Sohl
- Jim Tomlinson
- Programmeur de Mission X.
- Minh Chau Tran[1]
- Ji-Wen Tsao
- Programmeuse de Shark! Shark![1], elle rejoint plus tard l'équipe chargée des portages sur ordinateurs personnels pour M-Network. Elle réalise l'adaptation de Night Stalker sur IBM PC en 1983[18].
- Mark Urbaniec
- Programmeur de Vectron.
- David Warhol[4]
Notes et références
- (en) Brandon Sheffield et Frank Cifaldi, « From Intellivision To Today: Talking To Don Daglow », sur GameDeveloper,
- (en) « Intellivision History », sur BlueSkyRangers, Intellivision Timeline
- (en) Howard Polskin, « Behind the scenes with Blue Sky Rangers who dream up Mattel's video Games », TV Guide, , p. 39-44
- (en) Don L. Daglow, « Over the River and Through the Woods: The Changing Role of Computer Game Designers », Computer Gaming World, no 50, , p. 18,42 (lire en ligne)
- Pascal B., « Patrick Aubry, développeur au sein de l’équipe Nice ideas nous raconte son aventure », sur Gamotek,
- (en) John Andersen, How Major Video Game Developers Preserve And Archive Their Games, , « Intellivision », p. 12-13
- « Intellivision : Mattel arrête », Science & Vie Micro, no 4,
- (en) John Keefer, « GameSpy Retro: Developer Origins, Page 8 of 19 », sur GameSpy, (version du 10 juin 2011 sur Internet Archive)
- (en) « Super Pro Football », sur BlueSkyRangers.com, Blue Sky Rangers, Inc.
- Guillaume Verdin, « Keith Robinson, le « parrain » de l’Intellivision, nous a quittés », sur Le mag MO5.com,
- (en) Alistair Wallis, « Column: 'Playing Catch Up: Stormfront Studios' Don Daglow' », sur GameDeveloper,
- (en) Blue Sky Rangers, « Space Spartans », sur BlueSkyRangers.com
- « Coulisses : Les Créateurs associés », Tilt : Jeux électroniques, no 1, , p. 5
- (en) Blue Sky Rangers, « Thunder Castle », sur BlueSkyRangers.com
- (en) Sean Kelly et Joe Santulli, « Interview: Ray Kaestner, Intellivsion Programmer Extraordinaire », Digital Press, no 12, , p. 22
- (en) Blue Sky Rangers, « Night Stalker », sur BlueSkyRangers.com
- « L'Abeille », sur Musee-des-jeux-video.com
- (en) Shaun Jex, « Ji-Wen Tsao and Shark! Shark! »,