Bernard-René Jourdan de Launay
Bernard-René Jourdan, marquis de Launay[1] est né le 8 ou et est mort le à Paris. Il a comme parent René Jourdan de Launay. Il est le dernier gouverneur de la Bastille. Fils d'un précédent gouverneur, il est commandant de sa garnison le , au moment de la prise de la Bastille, ce qui conduit à son lynchage et fait de lui une des premières victimes de la Révolution française.
Bernard-René Jourdan de Launay | |
Portrait présumé de Bernard Jourdan | |
Fonctions | |
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Gouverneur de la Bastille | |
– (13 ans) |
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Prédécesseur | Antoine-Joseph de Jumilhac |
Successeur | Aucun |
Biographie | |
Date de naissance | 8 ou |
Lieu de naissance | Paris (Royaume de France) |
Date de décès | (49 ans) |
Lieu de décès | Paris (Royaume de France) |
Nationalité | Française |
Père | René Jourdan de Launay |
Mère | Charlotte Renée Aubry d'Armanville |
Conjoint | Ursule Philippe Geneviève Thérèse Le Boursier |
Enfants | Adrienne Renée Ursule Catherine Geneviève Charlotte Gabrielle Ursule |
Gouverneur de la Bastille | |
Un noble de l'Ancien RĂ©gime
(musée de la Révolution française).
Gravure de 1789 dépeignant des soldats ou des miliciens portant les têtes de Jacques de Flesselles et du marquis de Launay sur des piques.
En 1776, il succède à Antoine-Joseph de Jumilhac au poste de gouverneur de la Bastille, dont Il est le dernier. Il rachète la charge de gouverneur en versant à son prédécesseur la somme de 300 000 livres[2]. La charge de gouverneur de la Bastille était négociée, comme beaucoup de charges sous l'Ancien Régime. L'acquéreur du gouvernement de la Bastille était toujours certain de faire une bonne affaire s'il vivait longtemps. Une année ou deux, dans sa fonction lui permette largement de rembourser ses avances. Jusqu'en 1777, il est le seigneur de Bretonnière, paroisse de Golleville, en Normandie.
Ses treize années passées au poste de gouverneur de la Bastille se déroulent sans aucun fait majeur, si ce n'est le . Les ordres n'arrivant pas, il ne fait pas tonner le canon — comme le voulait la tradition — afin de saluer la naissance de Madame Royale, fille aînée du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette.
Un officier royal dans la vague de l'Histoire
Le , au moment de la prise de la Bastille, aucun ordre ne parvient de Versailles, et le gouverneur de Launay doit s'en remettre à son seul jugement. Deux solutions s'offrent à lui : user de la force pour défendre loyalement la Bastille face à ses assiégeants, ou bien accepter la demande de ces derniers afin d'éviter le conflit.
Contrairement à Sombreuil, gouverneur de l'hôtel des Invalides, qui accepte plus tôt ce même jour les demandes des révolutionnaires, le marquis de Launay refuse de remettre les armes et la poudre que les assaillants sont venus chercher[3]. Il promet de ne pas tirer, à moins d'être attaqué et entame des pourparlers avec deux délégués de l'hôtel de ville, mais les discussions prennent du temps. Une partie de la foule commence à s'impatienter et finit par entrer dans la cour extérieure de la forteresse après qu'un petit groupe a cassé les chaînes de sécurité du pont-levis[4]. Après sommation, la garnison ouvre le feu[3] - [4] - [5] - [6] - [7] - [8]. Les assiégeants interprètent ceci comme une trahison de la part de Launay[5] - [6] - [7] - [8]. Les combats qui s'ensuivent durent environ quatre heures, causant environ 100 morts parmi la foule et un mort parmi les défenseurs de la Bastille.
Pris de panique, Launay menace de faire sauter la forteresse et le quartier environnant. Abandonné par ses troupes, il finit par capituler en échange de la vie sauve pour lui et ses hommes, ce que les assaillants acceptent.
Selon la légende, on ne trouve pas de drapeau blanc et le gouverneur doit brandir une serviette, voire son mouchoir personnel. Il fait passer ses conditions par une fente de la Bastille. Les portes sont ouvertes à la foule, qui prend la Bastille.
Launay est arrêté et conduit sous escorte à l'hôtel de ville par un des chefs de l'insurrection, le soldat (et futur général) Pierre-Augustin Hulin. En place de Grève, la foule furieuse se jette sur lui et le lynche, en dépit de l'accord passé et de la tentative de médiation entamée par Éthis de Corny, procureur du roi de la ville de Paris. Launay est poignardé à plusieurs reprises avec des baïonnettes et reçoit un coup de feu.
Selon des témoignages, ce lynchage aurait été déclenché par Launay qui aurait donné un coup de pied dans l'aine à un cuisinier au chômage nommé Desnot. Après le meurtre, sa tête est sciée par un boucher, Mathieu Jouve Jourdan, fixée au bout d'une pique et promenée dans les rues de la capitale. Launay est une des premières victimes de la Révolution française, aux côtés d'autres défenseurs de la Bastille, également lynchés[7].
Une mémoire critiquée
Selon Antoine de Rivarol, il avait « perdu la tête avant qu'on ne la lui coupât ».
La situation était telle que le baron Besenval, commandant militaire de l’Île-de-France, avait en vain demandé au maréchal de Broglie de le remplacer par un officier plus sûr et plus ferme.
Un des officiers assiégés, le lieutenant Deflue, laissera ce portrait peu flatteur :
« C’était un homme sans grandes connaissances militaires, sans expérience et de peu de cœur. (…) Dès le premier jour, j’appris à connaître cet homme par tous les préparatifs qu’il faisait pour la défense de son poste et qui ne rimaient à rien, et par son inquiétude continuelle et son irrésolution, je vis clairement que nous serions bien mal commandés si nous étions attaqués. Il était tellement frappé de terreur que la nuit, il prenait pour des ennemis les ombres des arbres et des autres objets environnants. Les Messieurs de l’état-major, le lieutenant du roi, le major de la place et moi-même, nous lui faisions très souvent des représentations, d’une part pour le tranquilliser sur la faiblesse de la garnison dont il se plaignait sans cesse, et d’autre part pour l’engager à ne pas se préoccuper de détails insignifiants et à ne pas négliger les choses importantes. Il nous écoutait, paraissait nous approuver et ensuite il agissait tout autrement, puis, un instant après, il changeait d’avis ; en un mot, dans tous ses faits et gestes, il faisait preuve de la plus grande irrésolution[9]. »
L’historien Jules Michelet, dans son « Histoire de la révolution française « , campe un personnage extorqueur et vénal :
« Le gouverneur, à ses 60000 livres d’appointements, trouvait moyen chaque année d’en ajouter par ses rapines. Il nourrissait sa maison aux dépens des prisonniers ; il avait réduit leur chauffage, gagnait sur leur vin, sur leur triste mobilier. Chose impie, barbare, il louait à un jardinier le petit jardin de la Bastille, qui couvrait un bastion, et, pour ce misérable gain, il avait ôté aux prisonniers cette promenade, ainsi que celle des tours, c’est-à -dire l’air et la lumière.
Cette âme basse et avide avait encore une chose qui lui abaissait le courage ; il savait qu’il était connu : les terribles mémoires de Linguet avaient rendu de Launey illustre en Europe. La Bastille était haïe, mais le gouverneur était personnellement haï. «
Descendance
Bernard-René Jourdan de Launay a eu trois filles de deux épouses[10] :
- avec Ursule Philippe :
- Adrienne Renée Ursule est née en 1764. Elle épouse Henri-François-Joseph de Chapelle de Jumilhac, baron de Jumilhac, seigneur de Guigneville et mestre de camp de cavalerie, fils d'Antoine-Joseph de Jumilhac gouverneur de la Bastille de 1761 à 1776 et Anne-Constance de Bertin (1718-1775). Le contrat de mariage en date du d'Adèle Anthoine-Maillard de Villetron, bru d'Eutrope Alexandre Maillard et de Pauline-Élisabeth Regnard de Villetron, précise que la mariée apporte notamment en dot (article 8) la somme de 10 000 francs au comptant issue d'un don manuel de la baronne de Jumilhac qui la portait en grande affection ; Adèle Maillard de Villetron est la grand-mère de François Leuret, docteur et sénateur de la Gironde élu en 1945 ;
- avec Geneviève Thérèse Le Boursier :
- Catherine Geneviève Philippine est né en 1769 et est morte en 1802. Elle épouse Philippe Charles Bruno d’Agay (1754-1818), comte d’Agay et maître des requêtes, fils de François Marie Bruno d’Agay , maître des requêtes, intendant de Bretagne puis d'Amiens, et d'Anne Charlotte Le Bas du Plessis (1729-1802)[11].
- Charlotte Gabrielle Ursule est née en 1770.
Peintures
L'arrestation du marquis de Launay a fait l'objet d'une toile des peintres Charles Thévenin et Jean-Baptiste Lallemand.
Au cinéma
Le rôle du marquis de Launay est interprété au cinéma par :
- Henri Serre dans La Révolution française, 1989
- Jacques Morel dans Si Paris nous était conté, 1955
- Émile Vardannes dans Le Collier de la reine, 1929
Notes et références
- Bien que les historiens aient pris l’habitude d’orthographier « Launay », l'intéressé signait « Launey » (l’orthographe des noms propres ne s'est rationalisée qu’au cours du XIXe siècle).
- La Bastille. Mémoires pour servir à l'histoire secrète du gouvernement Français Par Dufey page 290
- Hampson, Norman, 1963. A social history of the French Revolution. p. 74-75
- Paris and the Politics of Revolution. At Liberty, Equality, Fraternity: Exploring the French Revolution, by Lynn Hunt and Jack Censer
- George Rudé, Harvey J. Kaye. 2000. Revolutionary Europe, 1783-1815. p. 73
- Philip G. Dwyer, Peter McPhee. 2002. The French Revolution and Napoleon. p. 18
- GEO EPOCHE Nr. 22 - 05/06 - Französische Revolution
- François Furet, Mona Ozouf, Arthur Goldhammer, 1989, A Critical Dictionary of the French Revolution, p. 125
- Cité par Claude Quétel, La Bastille, p. 353.
- Notes prises aux archives de l’état-civil par le comte de Chastellux, Archives nationales (inventaire après décès), archives départementales de la Seine (état-civil reconstitué).
- Sylvie Nicolas, Les derniers maîtres des requêtes de l'Ancien Régime (1771-1789) : dictionnaire prosopographique, Paris, École des Chartes, 1998, p. 81-83.
Voir aussi
Bibliographie
- Claude Quétel, La Bastille.
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- (en) British Museum
- (en) Union List of Artist Names
- Portrait de Jourdan de Launay [image]