AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Bernal DĂ­az del Castillo

Bernal DĂ­az del Castillo, nĂ© entre 1492 et 1496 Ă  Medina del Campo (royaume de Castille) et mort en 1584 Ă  Santiago de los Caballeros (Guatemala), est un conquistador qui a participĂ© Ă  la conquĂȘte du Mexique par HernĂĄn CortĂ©s (1519-1521) et a plus tard rĂ©digĂ© un rĂ©cit de cette conquĂȘte.

Bernal DĂ­az del Castillo
Portrait controversé, représentant Bernal Díaz del Castillo selon la premiÚre édition du Manuscrit de Guatemala publiée par Genaro García en 1904[1].
signature de Bernal DĂ­az del Castillo
Signature

Parti en 1514 pour le Nouveau Monde, il s'installe peu aprĂšs Ă  Cuba, puis participe aux expĂ©ditions de CortĂ©s au Mexique (1519-1521), puis au Chiapas (1523-1524) et au Honduras (1525-1526). Devenu propriĂ©taire foncier Ă  Coatzacoalcos (Mexique), il est spoliĂ© ses biens en 1539, et obtient en compensation des terres au Guatemala, Ă  Santiago de los Caballeros, oĂč il rĂ©dige son Histoire vĂ©ridique de la conquĂȘte du Mexique, publiĂ©e seulement aprĂšs sa mort, en 1632.

Biographie

Monument Ă  Bernal DĂ­az del Castillo, Ă  Medina del Campo (Espagne).

Origines familiales et formation

Il est issu d'une famille modeste de Medina del Campo, ville située en Vieille-Castille au sud-ouest de Valladolid.

On ne sait pas s’il sait lire et Ă©crire quand il s'embarque pour le Nouveau Monde.

Panama (1514), puis Cuba

Il s'embarque avec deux mille autres soldats placés sous les ordres du gouverneur du Panama nouvellement nommé, Pedrarias Dåvila.

Mais cette contrĂ©e ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© conquise et pacifiĂ©e par le dĂ©couvreur de l’ocĂ©an Pacifique, Vasco NĂșñez de Balboa, et des Ă©pidĂ©mies s’étant dĂ©clarĂ©es, Bernal DĂ­az obtient avec d’autres soldats l’autorisation de gagner Cuba, conquise en 1511 par Diego Velasquez de Cuellar, qui en est devenu gouverneur.

Le voyage au Yucatan avec Francisco HernĂĄndez de CĂłrdoba (1517)

N’ayant obtenu ni terre ni Indiens Ă  Cuba, Bernal DĂ­az, au bout de trois ans d’inaction, s’embarque en 1517 avec Francisco HernĂĄndez de CĂłrdoba qui part avec trois navires pour chercher des esclaves dans les Ăźles situĂ©es au large du Honduras, les Indiens Ă©tant dĂ©jĂ  en voie de disparition Ă  Cuba du fait des maladies apportĂ©es par les Espagnols, du travail dans les mines d’or et des mauvais traitements.

Dans le premier chapitre de ses mĂ©moires, Bernal DĂ­az affirme qu’il a participĂ© au financement de cette expĂ©dition, ce qui est peu probable Ă©tant donnĂ© que, selon BartolomĂ© de Las Casas[2], les investisseurs de l’expĂ©dition, au nombre de trois, auraient dĂ©pensĂ© pour armer les trois navires de l’expĂ©dition et recruter leurs Ă©quipages l’équivalent de 25 kg d’or.

L'expĂ©dition dĂ©couvre fortuitement le YucatĂĄn peuplĂ© par les Mayas. Lors d’une bataille avec les indigĂšnes, les Espagnols perdent plus de cinquante hommes.

Le voyage avec Juan de Grijalva (1518)

L’annĂ©e suivante, le gouverneur de Cuba organise une seconde expĂ©dition qu’il confie Ă  un autre gentilhomme, Juan de Grijalva.

Celui-ci dĂ©couvrit l’üle de Cozumel, proche du YucatĂĄn, puis longe la cĂŽte est du YucatĂĄn pour reconnaĂźtre ensuite la cĂŽte du Golfe du Mexique jusqu’au fleuve PĂĄnuco situĂ© Ă  400 km au nord de l’actuelle Veracruz. Lors de son escale dans l'Ăźle San Juan de UlĂșa (au niveau de Veracruz), il rencontre des Ă©missaires (mexicas) de l'empereur aztĂšque Moctezuma II et ils Ă©changent des cadeaux. Il fait aussi du troc avec les Mayas de Pochontan (vers l'embouchure du rio Grijalva), dont le chef est le cacique Taabscob.

Il revient ainsi Ă  Cuba en ramenant des parures et des objets en or.

Bernal DĂ­az prĂ©tend avoir participĂ© Ă  ce voyage, auquel il consacre pas neuf chapitres de son Histoire vĂ©ridique, mais son rĂ©cit, vague et peu cohĂ©rent, est souvent en contradiction avec ce qu’ont rapportĂ© d’autres chroniqueurs, notamment CortĂ©s, Oviedo et Las Casas dont les relations de ce voyage sont concordantes entre elles[3].

De Cuba à Vera Cruz (février-juillet 1519)

À la vue des trĂ©sors ramenĂ©s par Grijalva, Diego VelĂĄzquez de CuĂ©llar met sur pied une troisiĂšme expĂ©dition qu’il confie Ă  Hernan CortĂ©s et Ă  laquelle Diaz a vraiment participĂ©.

TrĂšs vite, Velasquez et CortĂ©s sont en conflit, le second ayant des ambitions excessives selon le premier. L'escadre de CortĂ©s part de Cuba (Trinidad) en fĂ©vrier 1519, fait escale Ă  Cozumel, puis chez le cacique Taabscob qu'il soumet militairement (bataille de la Centla, 14 mars). Le 21 avril, il est Ă  San Juan de UlĂșa et dĂ©barque sur le continent le 22 (vendredi saint). Il reçoit de nouveau des Ă©missaires de Moctezuma, mais aussi des Ă©missaires d'ennemis des AztĂšques, et conclut une alliance avec les Totonaques. Le 9 juillet, il fonde Villa Rica de la Vera Cruz.

Il outrepasse ainsi le mandat qui lui a Ă©tĂ© confiĂ© par Velasquez et une bonne partie de l'expĂ©dition est prĂȘte Ă  l'abandonner. CortĂ©s, qui veut se rendre dans la capitale de Moctezuma, Mexico-Tenochtitlan, fait saborder ses vaisseaux par ses partisans, pour empĂȘcher tout retour Ă  Cuba.

La marche vers Mexico et les premiÚres difficultés

Il s'engage alors dans sa marche vers Mexico, avec cinq cents soldats, dont Bernal DĂ­az, et trois cents marins. Au passage, il soumet le peuple de Tlaxcala, puis la citĂ© de Cholula, tributaire des AztĂšques. En novembre, CortĂ©s arrive Ă  Mexico, oĂč ils est accueilli par Moctezuma en personne.

Mais ensuite, les choses se gùtent et Moctezuma est assigné à résidence dans un de ses palais.

Des troupes (1 400 hommes) envoyĂ©es par Velasquez dĂ©barquent Ă  Veracruz. CortĂ©s laisse Moctezuma Ă  la garde d’un de ses lieutenants, Pedro de Alvarado, pour aller contrer avec trois cents hommes choisis par lui le corps expĂ©ditionnaire de Velasquez. Vainqueur, il augmente ses troupes de plus de mille hommes puis revient Ă  Mexico, oĂč la situation est devenue trĂšs mauvaise.

La guerre entre les Espagnols et les AztĂšques

En effet, pendant son absence, Pedro de Alvarado a assailli des nobles aztĂšques dĂ©sarmĂ©s au cours d’une cĂ©rĂ©monie religieuse paĂŻenne, en tuant un millier, ce qui a provoquĂ© la rĂ©volte du peuple, la mort de Moctezuma, tuĂ© par une pierre venue des siens, et le siĂšge des Espagnols dans leur palais. Ils sont contraints de s’enfuir lors d’une nuit terrible (la Noche Triste) au cours de laquelle ils perdent plus de huit cents hommes.

Lors de la bataille d’Otumba, les AztĂšques sont vainqueurs, mais les Espagnols Ă©chappent cependant Ă  l'anĂ©antissement et se rĂ©fugient, considĂ©rablement affaiblis, chez leurs alliĂ©s TlaxcaltĂšques.

Le siÚge de Mexico (mars-août 1521)

Là ils reçoivent des renforts. Ils repartent alors vers Mexico dont ils établissent le siÚge, qui va durer cinq mois : la ville est finalement prise en .

Les combats cessent avec la reddition du dernier empereur, Cuauhtémoc, que Cortés épargne, saluant sa vaillance et son courage.

Les expéditions au Chiapas (1523 et 1524)

Bernal DĂ­az, retirĂ© Ă  Coatzacoalcos, Ă  l’embouchure du rio Grijalva, dans une rĂ©gion limitrophe entre les populations maya et aztĂšque, participe Ă  deux tentatives de conquĂȘte du Chiapas, peuplĂ© des Mayas dont Bernal DĂ­az nous dit « qu’ils Ă©taient, en ce temps-lĂ , les meilleurs guerriers de toute la Nouvelle-Espagne. »

L’expĂ©dition au Honduras (1525–1526)

CortĂ©s a confiĂ© la conquĂȘte du Honduras Ă  un de ses lieutenants, CristĂłbal de Olid, mais celui-ci, circonvenu par Diego VelĂĄzquez de CuĂ©llar, se rĂ©volte contre CortĂ©s, qui dĂ©cide d’aller le chĂątier lui-mĂȘme.

Mais au lieu de s’y rendre par mer, comme Olid, il choisit la voie terrestre, extrĂȘmement difficile : c'est une immense rĂ©gion de fleuves et de marĂ©cages (le Tabasco et le PetĂ©n) et l'expĂ©dition est un vĂ©ritable enfer. CortĂ©s manque y perdre la vie et perd le titre de gouverneur de la Nouvelle-Espagne qui lui a Ă©tĂ© confĂ©rĂ© par Charles Quint[4], l’anarchie s’étant, en son absence, Ă©tablie Ă  Mexico.

Bernal DĂ­az participe Ă  cette Ă©prouvante aventure, y jouant souvent, selon ses dires, le rĂŽle d’approvisionneur de la troupe[5].

PropriĂ©taire Ă  Coatzacoalcos (1527–1539)

Ayant obtenu Ă  son retour du Honduras quelques terres au Chiapas et au Tabasco, octroyĂ©es par CortĂ©s et par deux des gouverneurs lui ayant succĂ©dĂ©, Bernal DĂ­az les juge « de peu de profit » mais s’installe nĂ©anmoins Ă  Coatzacoalcos, dont il devient, nous dit-il, conseiller municipal.

La spoliation (1539)

AprĂšs quelques annĂ©es de jouissance de ses biens, ceux-ci lui sont retirĂ©s sans compensation par les gouverneurs du Chiapas et du Tabasco dans le cadre de l’urbanisation des villes de Chiapa et de Sancta MarĂ­a de la Victoria (Tabasco).

Ayant perdu ses procĂšs contre ces municipalitĂ©s, Bernal DĂ­az sollicite l’appui de CortĂ©s et du vice-roi de Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza, nommĂ© par le roi en 1535 en place des prĂ©cĂ©dents gouverneurs de Mexico.

La probanza de méritos (1539) et le premier voyage en Espagne (1540)

Afin d’établir ses mĂ©rites de conquistador et dans le but de recouvrer ses biens perdus, Bernal DĂ­az obtient du vice-roi l’autorisation de faire Ă©tablir un acte officiel attestant de ses Ă©tats de service.

Cet acte, dont la copie se trouve aux Archives des Indes Ă  SĂ©ville, se prĂ©sente sous la forme d’un questionnaire soumis Ă  six tĂ©moins assermentĂ©s qui attestent devant un juge, en rĂ©pondant aux diverses questions, avoir participĂ© (ou pas) Ă  tel ou tel Ă©pisode de la longue carriĂšre militaire de Bernal DĂ­az. Ce document officiel, sa probanza de mĂ©ritos, est envoyĂ©e au Conseil des Indes, en Espagne, accompagnĂ©e de copies des actes lui ayant attribuĂ© des terres au Chiapas et au Tabasco ainsi que d’attestations Ă©logieuses Ă©manant de CortĂ©s et du vice-roi de Nouvelle-Espagne.

Malgré un avis défavorable du trésorier de Nouvelle-Espagne, Bernal Díaz se voit finalement attribuer des terres au Guatemala, sans doute grùce à une intervention de Cortés que Bernal Díaz avait accompagné en Espagne en 1540 et, surtout, grùce à de pressantes réquisitions adressées aux autorités du Guatemala par le président du Conseil des Indes[6].

Propriétaire à Santiago de los Caballeros (1540-1584)

Ayant obtenu compensation pour les terres dont il a Ă©tĂ© spoliĂ©, Bernal DĂ­az, dĂ©sormais colon aisĂ©, devient citoyen de Santiago de los Caballeros (aujourd’hui Antigua Guatemala) et mĂȘme conseiller municipal. Les archives du Guatemala dĂ©tiennent des comptes-rendus de sĂ©ances du conseil portant la signature de Bernal DĂ­az, qui se fait dĂ©sormais appeler « Bernal DĂ­az del Castillo ».

La rédaction de ses mémoires

Ayant lu, vraisemblablement vers 1553, la Conquista de MĂ©xico, publiĂ©e en Espagne en 1552, histoire de la conquĂȘte du Mexique rĂ©digĂ©e entre 1542 et 1547 par Francisco LĂłpez de GĂłmara, chapelain de CortĂ©s aprĂšs son retour dĂ©finitif en Espagne (1540), Bernal DĂ­az en estime le contenu inexact sur bien des points, tout Ă  la gloire de CortĂ©s, sans un mot pour ses soldats.

Bernal DĂ­az reprend la rĂ©daction de ses propres mĂ©moires, interrompue par la lecture de GĂłmara, entreprenant de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© comme il la conçoit, en racontant en dĂ©tail, de son point de vue de soldat, tout ce qui lui est arrivĂ© depuis son arrivĂ©e Ă  Cuba, du voyage avec Francisco HernĂĄndez jusqu'Ă  son Ă©tablissement Ă  Coatzacoalcos ; il y ajoute de nombreux faits et Ă©vĂ©nements auxquels il n’a pas participĂ©, mais dont il a eu connaissance, grĂące notamment Ă  trois lettres publiĂ©es de CortĂ©s Ă  Charles Quint, ou qui lui ont Ă©tĂ© rapportĂ©s par des tĂ©moins oculaires.

Ce travail, entrepris vers 1553 est achevé en 1568. Au cours de la rédaction de son ouvrage, Bernal Díaz en fait lire des extraits à divers notables ou fonctionnaires royaux établis au Guatemala ou de passage à Santiago de los Caballeros.

Le second voyage en Espagne (1550)

Membre Ă©minent du conseil municipal de Santiago de los Caballeros, en tant que « plus ancien conquistador », Bernal DĂ­az est dĂ©signĂ© par ses concitoyens pour participer aux discussions qui ont lieu Ă  Valladolid en 1550 entre les reprĂ©sentants des colons de Nouvelle-Espagne et du PĂ©rou et le Conseil des Indes au sujet de la transmission Ă  leurs enfants des biens attribuĂ©s aprĂšs la conquĂȘte.

En effet, les « Nouvelles Lois » (Leyes Nuevas) promulguĂ©es en 1542 par Charles Quint Ă  l’instigation de BartolomĂ© de Las Casas stipulent que la propriĂ©tĂ© de ces biens s'Ă©teint Ă  la mort de leur premier possesseur et qu’ils ne sont donc pas transmissibles, Ă  la grande fureur des colons. À Valladolid, les colons n’obtiennent d'ailleurs pas immĂ©diatement satisfaction.

Bernal DĂ­az profite de ce voyage pour se faire attribuer de nouvelles terres au Guatemala, plus profitables que celles qu’il dĂ©tient dĂ©jĂ .

Fin de vie

FixĂ© Ă  Santiago de los Caballeros, Bernal DĂ­az y termine ses jours en 1584, sans jamais cesser d’apporter des retouches Ă  son manuscrit.

L'Histoire véridique de Bernal Diaz

Le titre complet de l'ouvrage est Historia verdadera de la conquista de la Nueva España (« Histoire vĂ©ridique de la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne »)

Présentation

Dans ce document, trĂšs riche et trĂšs long (plus de huit cents pages dans les Ă©ditions modernes), Bernal DĂ­az prĂ©sente de nombreux dĂ©tails inĂ©dits, que l’on ne trouve nulle part ailleurs, ni dans les lettres de CortĂ©s Ă  Charles Quint (Cartas de relaciĂłn) ni chez GĂłmara.

Il y dresse des portraits souvent caustiques et y manifeste sans dĂ©tour ses prĂ©fĂ©rences, ses inimitiĂ©s, ses rancƓurs, sa soif de possĂ©der des terres et son amertume d’avoir Ă©tĂ© mal rĂ©compensĂ© par CortĂ©s. Pour mieux se mettre en valeur, il dĂ©forme souvent la rĂ©alitĂ©[7], se prĂ©sentant constamment dans des situations valorisantes, s’attribuant systĂ©matiquement des mĂ©rites indus et attribuant dans des discours fictifs de personnalitĂ©s diverses des remontrances Ă  CortĂ©s pour n’avoir pas « donnĂ© de bons Indiens aux vrais conquĂ©rants », c’est-Ă -dire, entre autres, Ă  lui-mĂȘme, alors que CortĂ©s « accapara Ă  son profit tout l’or et le meilleur de la Nouvelle-Espagne. »

Le manuscrit de Guatemala

Bien que Bernal DĂ­az ait Ă©crit Ă  trois reprises qu’il avait mis un point final Ă  ses mĂ©moires en 1568, il ne cessa jamais de retoucher, de corriger et de faire des ratures ou des ajouts au manuscrit connu sous le nom de « Manuscrit de Guatemala », conservĂ© aux Archives de Ciudad Guatemala, dont seulement huit pages sont de sa main, les autres Ă©tant dues Ă  trois copistes[8].

Ce manuscrit est le seul authentique existant ; il a été retrouvé à Guatemala Ciudad en 1840 et il en a été fait deux copies manuelles et des copies photographiques.

Ce manuscrit a été édité seulement en 1904 au Mexique (Genaro García) et en 1928 en Espagne (Madrid, Carlos Pereyra).

La derniĂšre Ă©dition en date (Mexico, 2005) est une Ă©dition critique due Ă  JosĂ© Antonio BarbĂłn RodrĂ­guez, vĂ©ritable somme assortie d’une Ă©tude (Estudio) approfondie (1 000 pages !) de l’Ɠuvre.

Il n'existe pas de traduction française du manuscrit de Guatemala.

Le manuscrit de 1575

Un autre manuscrit existe : il a Ă©tĂ© envoyĂ© par Bernal DĂ­az en Espagne en 1575 en vue d'une publication. RĂ©ceptionnĂ© puis archivĂ© Ă  la Chambre du Roi, il est redĂ©couvert et exploitĂ© seulement en 1632 : il fait alors l’objet de deux Ă©ditions assurĂ©es par un prĂȘtre de l’Ordre de la Merci, Alonso RemĂłn.

Comme l’un des deux religieux accompagnant CortĂ©s pendant la conquĂȘte, le pĂšre BartolomĂ© de Olmedo, Ă©tait mercĂ©daire, RemĂłn modifie le texte de Bernal DĂ­az pour attribuer au pĂšre Olmedo un rĂŽle disproportionnĂ© et ajouter des membres inventĂ©s de l'ordre mercĂ©daire.

Le manuscrit ayant servi aux éditions Remón a été perdu.

Les traductions françaises

Au nombre de deux, elles sont fondĂ©es sur la premiĂšre Ă©dition RemĂłn. L’une est due au docteur Jourdanet (1877), l’autre au poĂšte JosĂ©-Maria de Heredia (1881). Toutes les deux comportent ce qu’on appelle les « interpolations mercĂ©daires ».

L’édition Jourdanet se signale en outre par la suppression de certains passages jugĂ©s inconvenants, censurĂ©s par le traducteur. Cette version est disponible en livre de poche[9] ainsi que dans l’édition originale de 1877 consultable sur le site Gallica de la BNF[10].

La thĂšse de Christian Duverger

Dans CortĂšs et son double, enquĂȘte sur une mystification (2013), Christian Duverger soutient l'hypothĂšse selon laquelle le vĂ©ritable auteur de l’Histoire vĂ©ridique de la ConquĂȘte de la Nouvelle-Espagne ne serait pas Bernal DĂ­az del Castillo, mais HernĂĄn CortĂ©s.

Il affirme, sur la base du mariage de Bernal, de sa signature, de ses dĂ©clarations et de celles de sa femme[11], dans un premier temps que DĂ­az Ă©tait illettrĂ© et que sa personnalitĂ© ne correspond pas Ă  celle de l'auteur de l’Histoire vĂ©ridique, telle qu'on peut la percevoir par une lecture attentive de l'ouvrage.

Il dresse ensuite le portrait-robot de celui qui aurait Ă©crit l’Histoire vĂ©ridique et en conclut qu'il ne peut correspondre Ă  aucun des compagnons de CortĂšs. Le seul candidat possible, rĂ©unissant tous les critĂšres d'attribution, est, selon Christian Duverger, CortĂšs lui-mĂȘme, qui aurait pu Ă©crire le livre dans la pĂ©riode peu connue de ses annĂ©es de retraite, entre 1543 et 1546.

Critiques de cette thĂšse

Cette thÚse a suscité des critiques de spécialistes du sujet tels que Guillermo Serés, Miguel León-Portilla ou Pablo Escalante Gonzalbo[12].

Plusieurs contre-arguments sont retenus contre Duverger[13] - [14].

À propos de l'illettrisme de Bernal Diaz[15], deux arguments sont avancĂ©s : le caractĂšre important de l'Ă©criture dans la fonction d'Ă©chevin de Bernal et la non-reprĂ©sentativitĂ© de la population espagnole dans le groupe des conquistadors[13]. En effet, les conquistadors appartiennent Ă  une partie de la population espagnole ayant eu accĂšs, du moins pour une grande partie d'entre eux, Ă  l'apprentissage de l'Ă©criture[13].

MĂȘme s’il avait un faible niveau d’études en s’embarquant pour le Nouveau Monde, Bernal DĂ­az, jouissant d’un confortable revenu depuis son installation au Guatemala (1540), n’avait rien d’autre Ă  faire que de surveiller ses propriĂ©tĂ©s et les Indiens travaillant pour lui. Il a donc eu tout le temps de s’instruire, de se cultiver et de lire avant de se mettre Ă  son ouvrage vers 1552. C’est la thĂšse dĂ©fendue par JosĂ© Antonio BarbĂłn RodrĂ­guez[16] dans la deuxiĂšme partie (Estudio) de son Ă©dition critique de l’Historia verdadera.

L’ouvrage de François Baldy, Bernal DĂ­az del Castillo et la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne (Mexique), paru en 2015, expose plusieurs arguments dĂ©montrant que Bernal DĂ­az est bien l’auteur de l’Historia verdadera, nul autre que lui ayant pu mettre en scĂšne une personnalitĂ© aussi complexe, sinon complexĂ©e, s’exprimant dans une langue du peuple si Ă©loignĂ©e de la prose cortĂ©sienne des Cartas de relaciĂłn. Au demeurant, certains passages de l’Historia verdadera sont tellement critiques ou dĂ©sobligeants pour CortĂ©s qu’ils ne sauraient avoir Ă©tĂ© Ă©crits ou dictĂ©s par lui[17].

Éditions rĂ©centes de l'Histoire vĂ©ridique

En français

  • Histoire vĂ©ridique de la ConquĂȘte de la Nouvelle-Espagne par le Capitaine Bernal Diaz del Castillo, l’un des conquistadors, traduction de Denis Jourdanet, deuxiĂšme Ă©dition corrigĂ©e, Paris, 1877 lire en ligne sur Gallica
  • La ConquĂȘte du Mexique, prĂ©sentation de GĂ©rard Chaliand, traduit de l’espagnol par Denis Jourdanet, Arles, Actes Sud, 1996
  • Histoire vĂ©ridique de la ConquĂȘte de la Nouvelle Espagne, prĂ©face de Bernard Grunberg, traduit de l’espagnol par Denis Jourdanet, Paris, La DĂ©couverte poche, 2009

En espagnol

  • (es) Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, manuscrit « Guatemala », prologue de Carlos Pereyra (1928), Madrid, Editorial Espasa Calpe, 1997
  • (es) Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, manuscrit « Guatemala », Ă©dition critique de JosĂ© Antonio BarbĂłn RodrĂ­guez, Mexico, El Colegio de MĂ©xico, 2005
    Ce texte est intégralement celui du manuscrit de Guatemala avec son orthographe originale et ses manques, les ratures et ajouts étant reportés en notes avec les variantes propres aux éditions Remón.

Notes et références

  1. Selon Christian Duverger, il s'agirait, à l'origine, d'une gravure publiée en 1854 à la fin de Los alrededores de París, qui est une traduction mexicaine de Les Environs de Paris de l'académicien français Charles Nodier. Selon Luis Gonzålez Obregón, cette gravure représenterait Guillaume de Launoy, mais selon Duverger c'est impossible car personne ne portait de fraise à l'époque de Launoy, et il s'agirait donc selon lui plus vraisemblablement d'un portrait d'Henri IV (Duverger 2013, II, 6).
  2. Histoire des Indes, Livre III, chapitre 96.
  3. Pour le voyage de Francisco HernĂĄndez de CĂłrdoba, voir François Baldy, Bernal DĂ­az del Castillo et la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne, chapitre 5 ; Ă©galement, du mĂȘme auteur, ConquĂ©rants et chroniqueurs espagnols en pays maya, tome 1, chapitre VII.
  4. Alors roi de Castille et d'Aragon.
  5. Sur l’expĂ©dition de CortĂ©s au Honduras, se reporter Ă  ConquĂ©rants et chroniqueurs espagnols en pays maya, tome 2, chapitre III, oĂč sont produits en parallĂšle les rĂ©cits de Bernal DĂ­az, de CortĂ©s et de GĂłmara.
  6. La probanza de mĂ©ritos de Bernal DĂ­az, aux Archives des Indes Ă  SĂ©ville, est reproduite en entier par Antonio BarbĂłn RodrĂ­guez, Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, dans la deuxiĂšme partie, Estudio, pages 815 Ă  835. Voir une synthĂšse de ce document dans Bernal DĂ­az del Castillo et la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne, chapitre 4.
  7. François Baldy : Bernal DĂ­az del Castillo et la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne, chapitre 5.
  8. (es) Carmelo Såenz de Santa María, Introducción crítica a la « Historia verdadera » de Bernal Díaz del Castillo, p. 7, et Historia de una historia, la Crónica de Bernal Díaz del Castillo, p. 17.
  9. Éditions de poche de la traduction RemĂłn : Bernal DĂ­az del Castillo, Histoire vĂ©ridique de la Nouvelle-Espagne, La DĂ©couverte, 2009, et La conquĂȘte du Mexique, Actes Sud, 1996.
  10. Histoire vĂ©ridique de la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne, traduction par D. Jourdanet, 1877.
  11. Christian Duverger, CortĂšs et son double. EnquĂȘte sur une mystificatio, Paris, Seuil, , 360 p. (ISBN 978-2-7578-5282-8 et 2-7578-5282-5), p. 33-45 et 97-119
  12. Voir notamment les articles citĂ©s par l'historien BenjamĂ­n Palacios HernĂĄndez dans Los franceses atacan de nuevo [archive], avec, en particulier, le dossier El misterioso Bernal DĂ­az [archive] de la revue mexicaine Nexos et l'article « El verdadero autor de ‘La historia verdadera‘ ».
  13. Sexteto, « Machiavel ou Rocambole ? Quelques rĂ©flexions collectives Ă  propos de Christian Duverger, CortĂ©s et son double. EnquĂȘte sur une mystification, paris, seuil, 2013. », Nuevo Mundo Mundos Nuevos. Nouveaux mondes mondes nouveaux - Novo Mundo Mundos Novos - New world New worlds,‎ (ISSN 1626-0252, DOI 10.4000/nuevomundo.65938, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. (es) Guy Rozat y JosĂ© Pantoja, El “historiador” de lo InverosĂ­mil. Para acabar con la impunidad de Duverger. Actas del Coloquio “Miradas HistoriogrĂĄficas actuales sobre la Conquista Americana. El revisionismo en la obra de Christian Duverger, Mexico, ENAH, 29 y 30 octubre de 2013
  15. L’analphabĂ©tisme de Bernal DĂ­az est une des thĂšses dĂ©veloppĂ©es par Christian Duverger dans CortĂ©s et son double, enquĂȘte sur une mystification.
  16. Antonio Barbón Rodríguez, Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, deuxiÚme partie, Estudio, pages 41 : « il [Bernal Díaz] lut beaucoup, et de bonnes choses, et il écrivit beaucoup, et bien. »
  17. François Baldy, Bernal DĂ­az del Castillo et la conquĂȘte de la Nouvelle-Espagne, chapitre 14.

Annexes

Bibliographie

  • (es) Carmelo SĂĄenz de Santa MarĂ­a, IntroducciĂłn crĂ­tica a la « Historia verdadera » de Bernal DĂ­az del Castillo, Instituto Gonzalo FernĂĄndez de Oviedo, Madrid, 1967
  • (es) Carmelo SĂĄenz de Santa MarĂ­a, Historia de una historia, la CrĂłnica de Bernal DĂ­az del Castillo, Instituto Gonzalo FernĂĄndez de Oviedo, Madrid, 1984
  • (es) JosĂ© Antonio BarbĂłn RodrĂ­guez : deuxiĂšme partie (Estudio) de son Ă©dition critique de l’Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, El Colegio de MĂ©xico, Mexico, 2005
  • François Baldy, ConquĂ©rants et chroniqueurs espagnols en pays maya, tome 1 « DĂ©couvertes » (chapitre VII, VIII et IX : voyages de Francisco FernĂĄndez de CĂłrdoba, de Juan de Grijalva et de CortĂ©s, de Cuba Ă  Veracruz), Les Belles Lettres, Paris, 2010
  • François Baldy, ConquĂ©rants et chroniqueurs espagnols en pays maya, tome 2, « ConquĂȘtes » (chapitre III : expĂ©dition de CortĂ©s du Tabasco au Honduras), Les Belles Lettres, Paris, 2011
  • Christian Duverger, CortĂšs et son double : EnquĂȘte sur une mystification, Éditions du Seuil,
  • François Baldy, Bernal DĂ­az del Castillo et la conquĂȘte de la Nouvelle Espagne (Mexique), L’Harmattan, 2015

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.