Berkoukes
Le berkoukes (tamazight : â”⎰⎱â”⎜â”⎜â”â”, Taberkukest), appelĂ© aussi berkoukech, avazine ou aĂŻch, est un plat traditionnel du Maghreb, prĂ©parĂ© Ă base de pĂątes en forme de gros grains de couscous, de lĂ©gumes de saison et de viande. Les grains de berkoukes sont faits Ă base de semoule de blĂ© dur, Ă©ventuellement mĂ©langĂ©e de farine dans certaines rĂ©gions, et roulĂ©s Ă la main dans un grand plat (traditionnellement en bois ou en terre, mais plus couramment en mĂ©tal de nos jours), appelĂ© selon les rĂ©gions et les parlers gasĂąa, taziwa, etc.[1].
Berkoukes | |
Assiette de berkoukes | |
Autre(s) nom(s) | AĂŻch, berkoukech, avazine |
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Lieu dâorigine | Maghreb |
Place dans le service | Plat principal |
Température de service | Chaude |
Ătymologie
Le mot berkoukes est un mot d'origine berbÚre (berkukec) formé par la composition des mots :
- ber : préfixe augmentatif
- kukec : « couscous »
et signifie « couscous à gros grain »[2].
Histoire
Le berkoukes fait partie des recettes de pĂątes fraĂźches spĂ©cifiques Ă l'Afrique du Nord, hĂ©ritiĂšres du rĂ©pertoire de recettes dĂ©crites par Avicenne ou Ibn Razin Tujibi[3]. En effet, entre et Ibn Razin Tujibi de Murcie dĂ©crit dans son ouvrage consacrĂ© Ă l'art culinaire andalous « Saveurs et parfums de l'Occident musulman : Les dĂ©lices de la table et les meilleurs genres de mets »[4] une recette similaire de potage contenant des grains gros comme des petits pois-chiches de farine roulĂ©e Ă la main « appelĂ©e chez les andalous zebzine et connu chez les gens de lâautre rive comme le berkus »[5] - [6].
Une variante de ce plat incorporant du fenugrec, le berkoukes bi za'ter, est utilisée en diététique médicale traditionnelle pour soigner les enfants chétifs ou les fiÚvres infectieuses[7].
Variantes
Algérie
Il existe dans les AurĂšs, particuliĂšrement Ă Batna, une version appelĂ©e aĂŻch el har bel gueddid, oĂč les grains de berkoukes sont accompagnĂ©s d'une sauce rouge pimentĂ©e et de viande salĂ©e et sĂ©chĂ©e ; c'est un plat hivernal dans les AurĂšs. D'autres ajoutent le klil (lait caillĂ© sĂ©chĂ©), le khlii (graisse animale sĂ©chĂ©e) et le dhane (beurre salĂ©), ainsi que de l'huile d'olive. Le plat est typiquement chaoui[8].
Dans l'Ouest algĂ©rien, il est notamment prĂ©parĂ© Ă l'occasion de certaines cĂ©lĂ©brations, le mawlid (ou mouloud, commĂ©moration de la naissance de Mahomet, le ProphĂšte de lâislam) Ă Sidi Bel AbbĂšs[9], ou yennayer (le nouvel an berbĂšre) Ă Tlemcen[10].
En Kabylie, le berkoukes â cuit une fois Ă la vapeur et une fois dans un bouillon â, est le plat de certaines cĂ©lĂ©brations : accouchements, premiĂšre dent, inauguration des labours, etc.[11].
Ă Alger, pour berkoukes, on dit « plombs » ; câest lâingrĂ©dient du « poulet au plomb », plat fĂ©tiche de lâactrice Biyouna[12].
Maroc
Au Maroc, ce plat porte Ă©galement le nom de berkoukech[3]. Son usage tend cependant Ă disparaĂźtre dans ce pays, qui se convertit aux pĂątes sĂšches au dĂ©triment des pĂątes fraĂźches, mĂȘme si l'« art » du berkoukes continue d'ĂȘtre exercĂ© par certaines femmes[3].
Tunisie
Deux types de plats appelés berkoukech existent en Tunisie :
Le premier, comme les recettes marocaines et algĂ©riennes contient des grosses pĂątes rondes d'environ 2 mm de diamĂštre avant cuisson (ou des mhamsa du commerce lĂ©gĂšrement plus petites appelĂ©es aussi gros plomb). Ces pĂątes sont prĂ©parĂ©es de façon artisanale Ă partir de semoule (en Ă©tĂ© Ă l'occasion de la oula en Tunisie) et exposĂ©es au soleil, sĂ©chĂ©es puis conservĂ©es. Les pĂątes sont ensuite cuisinĂ©es en soupe piquante avec des tomates, des oignons, des fĂ©culents (pois chiches, fĂ©vettes, lentilles ou petits pois). Le plat peut ĂȘtre vĂ©gĂ©tarien ou contenir diffĂ©rents types de protĂ©ines animales, seules ou en combinaison, selon une expression populaire rapportĂ©e par Zouhair Ben Jemaa, « tout ce qui peut tomber sous la main de la mer, de la terre et du ciel »[6]. Une recette de Gafsa s'appelle mĂȘme le Berkoukech aux sept « viandes »[13] (petits poissons sĂ©chĂ©s ouzef (ar), poulpes sĂ©chĂ©s ou frais, pigeon, volaille, lapin, agneau etc.)[14]. La recette est trĂšs populaire au sud de la Tunisie dans la rĂ©gion du JĂ©rid et est servie aux invitĂ©s le cinquiĂšme jour des festivitĂ©s d'un mariage[6].
Le deuxiĂšme type de plat est une spĂ©cialitĂ© d'hiver de la rĂ©gion du Cap Bon appelĂ©e parfois Berkouchech de Dar Chaabane[15] - [16]pour la diffĂ©rencier de la recette prĂ©cĂ©dente : Il s'agit d'une soupe Ă©picĂ©e et acidulĂ©e Ă base de farine de sorgho levĂ©e (et qui ne contient pas de pĂątes rondes)[17]. Cette recette contient obligatoirement des piments sĂ©chĂ©s et des lĂ©gumes d'hiver divers selon les disponiblitĂ©s comme des Ă©pinards ou des bettes, des carottes et des navets. Des fĂšves sĂšches trempĂ©es au prĂ©alable, du poulet ou de la viande sĂ©chĂ©e d'agneau (qadid) peuvent y ĂȘtre ajoutĂ©s.
Notes et références
- Maurice Dray, Dictionnaire berbÚre-français : Dialecte des Ntifa, Paris, L'Harmattan, , 500 p. (ISBN 2-7475-0993-1, lire en ligne), p. 422.
- Mohand Akli Haddadou, Dictionnaire des racines berbÚres communes, Haut Commissariat à l'Amazighité, Tizi Ouzou, 2007 (ISBN 978-9961-789-98-8), [772], p. 192.
- FatĂ©ma Hal, « La table marocaine », La PensĂ©e de midi, no 13,â , p. 26â29 (lire en ligne).
- « Traduction d'un traité sur l'art culinaire andalou : «Les délices de la table et les meilleurs genres de mets» », sur El Bayane, (consulté le )
- « Traduction dâun traitĂ© sur lâart culinaire andalou : soupes et concassĂ©s », sur ALBAYANE, (consultĂ© le )
- Zouhair Ben Jemaa, La cuisine tunisienne - Patrimoine et authenticité, Tunis, Simpact, , 270 p. (ISBN 978-9973-02-074-1), p. 47
- Jamal Bellakhdar et Chafique Younos, « La diĂ©tĂ©tique mĂ©dicale arabo-islamique Ă travers les traitĂ©s arabes anciens et la pratique actuelle au Maroc », Actes du 2e Colloque europĂ©en dâethnopharmacologie et de la 11e ConfĂ©rence internationale dâethnomĂ©decine,â 24-27 mars 1993, p. 43-52 (lire en ligne).
- Série cuisine algérienne, ENTV, Algérie.
- LeĂŻla TaĂŻbi, « Medh, taknata et berkoukĂšs », Le Temps d'AlgĂ©rie,â (lire en ligne).
- « Berkoukes et sfenj Ă Tlemcen », Le Temps d'AlgĂ©rie,â (lire en ligne).
- Camille Lacoste-Dujardin, Dictionnaire de la culture berbĂšre en Kabylie, Paris, La DĂ©couverte, , 394 p. (ISBN 2-7071-4588-2), p. 107.
- France Inter, 1er février 2015.
- « Saveurs de Gafsa : Présélection Concours de Berkoukech les 2 et 3 mars à Gafsa », sur tunisie.co (consulté le )
- « "Berkoukech", "FermÚs", "Gritfa" & "MourchÚne": les délices de la cuisine gafsienne », sur © mangeons bien, (consulté le )
- « Barkoukech dar chaabane », sur www.bennasafi.com (consulté le )
- Fabien Bellahsen, Daniel Rouche, DĂ©lices de Tunisie, Editions consulaires, (ISBN 2-906750-67-0), Berkoukech de Dar-Chaabane, Rafik Tlatli, p. 56-57
- « Berkoukech à la Tunisienne », sur Cuisine Marocaine (consulté le )