Belvédère (Petit Trianon)
Le Belvédère du Petit Trianon, ou Pavillon du rocher, est une fabrique de jardin de style néoclassique, érigée entre 1778 et 1781 par Richard Mique, pour la reine de France Marie-Antoinette, au sein du Jardin anglais du Petit Trianon, dans le parc du château de Versailles.
Partie de | |
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Destination initiale |
Salle à manger d'été |
Destination actuelle | |
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Architecte | |
Construction |
1778-1781 |
Patrimonialité | |
Site web |
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Coordonnées |
48° 49′ 00″ N, 2° 06′ 30″ E |
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Petit pavillon d'architecture octogonale, il fait partie des fabriques disposées dans le nouveau jardin du Petit Trianon par l'architecte de la Reine et sert de salon de musique. Il est flanqué d'un rocher artificiel d'où jaillit une cascade et est entouré de montagnes en miniature, l'ensemble composant un jardin alpin. Il est gardé par huit sphinges de pierre, sculptées par Joseph Deschamps. Ce dernier est aussi à l'origine de la décoration des huit façades, dont les bas-reliefs sont une allégorie aux quatre saisons et dont les frontons sont ornés des attributs de la chasse et du jardinage. Le salon intérieur est luxueusement décoré, les arabesques peintes sur du stuc représentent des scènes de la nature, le sol est pavé de marbre et le plafond, œuvre de Jean-Jacques Lagrenée, évoque des angelots évoluant dans un ciel bleu.
Endommagés par deux siècles de dégradations et d'altérations, le belvédère et le rocher retrouvent en 2012 leur état d'Ancien Régime, à la suite d'une restauration complète du jardin alpin. Classé avec le château de Versailles et ses dépendances au titre des monuments historiques par la liste de 1862 et par arrêté du 31 octobre 1906[1], il est accessible au public dans le cadre du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, au sein du Domaine de Marie-Antoinette.
Construction
Peu de temps après avoir pris possession du Petit Trianon, offert par le roi Louis XVI, Marie-Antoinette souhaite profiter de la liberté dont elle dispose pour aménager le domaine selon ses désirs et ses inspirations. Pour constituer l'Éden de ses rêves, elle s'entoure d'un nouvel architecte, Richard Mique, du peintre Hubert Robert et des jardiniers nommés par Louis XV, Antoine et Claude Richard[a 1]. Pour la réalisation de ce jardin anglais, on applique les idées du retour à la nature de Jean-Jacques Rousseau, que l'on mêle de brusques changements de décor, caractéristiques de la campagne d'outre-Manche, et de notes intellectuelles et littéraires françaises[a 2]. Signe de cette instabilité paysagère, le belvédère, seul élément visible depuis le château, apparaît isolé, alors que, depuis l'autre côté du petit lac, il s'intègre à un paysage accidenté[a 3].
Le belvédère est l'édifice principal de ce jardin alpin, lui-même part intégrante du jardin anglo-chinois ainsi créé. Il fait partie de la série de fabriques construites par Richard Mique, « l'alliance pittoresque de l'architecture et de la végétation étant portée à son plus haut degré de raffinement[2] ». Centre de la composition du jardin anglais, il est réalisé dans le style néoclassique afin de respecter une harmonie avec le château d'Ange-Jacques Gabriel et de conserver cette sobre élégance[a 4].
Il est édifié de mars 1778 à mai 1781[3]. Sa création donne lieu à l'élaboration de cinq modèles différents permettant d'atteindre l'élégance désirée des proportions[b 1]. Le coût de ce pavillon dépasse les 65 000 livres[b 2].
Description
Architecte extérieure
Ce petit pavillon de forme octogonale, surmonté d'un dôme de plomb caché par une balustrade, se dresse sur une butte dominant le petit lac[4]. De par sa situation, il est destiné à « embrasser d'un coup d'œil toutes les merveilles du Jardin anglais[b 3] ». Cependant, au fil des années et des siècles, la nature reprenant ses droits et provoquant une croissance de la végétation alentour moins maîtrisée, cet effet s'atténue et les perspectives d'origine en sont réduites[b 1] - [d 1].
Son architecture extérieure est octogonale alors que l'intérieur est circulaire. Le pavillon est élevé sur un socle de pierre aussi octogonal auquel accèdent quatre emmarchements gardés par des paires de sphinges. Celles-ci sont exécutées en 1778 par Joseph Deschamps en pierre de Conflans de quatre pieds de long[5]. Ces « gardiennes de l'harmonie » sont coiffées d'attributs symbolisant les saisons[6] - [note 1]. Fort endommagées après la Révolution et certaines même disparues au cours du XIXe siècle, ces statues ont été restituées ou copiées en pierre de Tercé ; quatre originaux sont conservés dans les réserves[5].
- Sphinge représentant le printemps.
- Sphinge représentant l'été.
- Sphinge représentant l'automne.
- Sphinge représentant l'hiver.
Les huit façades de l'édifice sont ouvertes de quatre portes et quatre fenêtres alternées. La décoration sculptée est aussi l'œuvre de Joseph Deschamps[11], qui est assisté du jeune Pierre Cartellier[12] - [note 2]. Les frontons surmontant les portes, dont les premières ébauches, abandonnées, ont figuré des groupes d'enfants, sont finalement ornés des attributs de la chasse et du jardinage[note 3]. Ils sont ceints d'une frise composée d'un riche fleuron et pendant de rinceaux de feuilles d'acanthe. Les bas-reliefs surplombant les croisées représentent des figures assises de profil en allégorie des quatre saisons[note 4]. Une longue frise d'entablement, formée d'une guirlande florale de plomb autrefois peinte de couleurs[6], est fixée sur la pierre.
Salon intérieur
Le pavillon abrite un luxueux salon circulaire. Les murs intérieurs sont revêtus de stuc par Louis Mansiaux, dit Chevalier, stucateur du Roi[d 1] - [note 5], et sont peints d'arabesques à l'huile par Sébastien-François Leriche[d 1]. Le projet retenu, parmi les trois proposés à Marie-Antoinette, est multicolore et rehaussé d'or : les huit trumeaux figurent des trophées variés ornés de fleurs[b 4] - [note 6].
La coupole est peinte par Jean-Jacques Lagrenée le Jeune[note 7] et représente des Amours dans un ciel bleu, jouant avec des fleurs parmi de légers nuages[b 2].
Le sol est, quant à lui, pavé d'une mosaïque de marbre bleu turquin, vert, blanc veiné et rouge, d'un coût de 4 839 livres[b 2], inspirée des pavements du XVIe siècle, comme ceux de Vincenzo Scamozzi à la bibliothèque Marciana de Venise ou de Philibert Delorme à la chapelle d'Anet[12].
Ce petit pavillon est utilisé par Marie-Antoinette comme salon de musique. Un mobilier de huit fauteuils en bergère et huit chaises à dossier cintré en plan, à l'image de la courbe de la pièce, est livré en 1781 : conçu par François II Foliot sur un modèle de l'architecte du Garde-Meuble de la Couronne, Jacques Gondouin[d 1], il est recouvert de soie blanc et bleu peinte et garni de luxueuses passementeries[12]. Sous l'Ancien Régime, le pavillon n'est meublé que lorsque la Reine s'y rend et uniquement à la belle saison[16].
- Plafond exécuté par Jean-Jacques Lagrenée.
- Arabesque de Sébastien-François Leriche (détail).
- Arabesque de Sébastien-François Leriche (détail).
- Chaise destinée au Belvédère[note 8].
Grand rocher
Le « Grand rocher », dont la construction, laborieuse, nécessite quatre années, est le pendant naturel du belvédère : cette montagne artificielle, entourée de conifères, est la source même de l'effet aquatique de cette « petite Suisse[d 2] », parfois aussi surnommée le « Jardin alpin ». Depuis un réservoir situé à l'arrière et alimenté par le bassin du Trèfle, les eaux se jettent en torrent dans le lac. Une passerelle de bois — une pergola à colonnes est sans doute à l'origine prévue comme l'indique une vue de Claude-Louis Châtelet[12] — permet la promenade à proximité de la cascade : en la traversant, le visiteur est « censé ressentir la terreur, l'exaltation et la félicité de Rousseau traversant les montagnes de Savoie[a 4] ».
Le petit lac se déverse dans la rivière sinueuse qui traverse le jardin anglais pour former une île au sein de laquelle se trouve le temple de l'Amour et se séparer en deux bras, dont l'un se termine en un ravin destiné à dissimuler la décharge des eaux et situé à proximité de la « porte verte »[b 6] - [note 9]. Sous l'Ancien Régime, il est garni de carpes, perches et barbillons, pour le plaisir de la pêche, mais autorise aussi les promenades en barques ou en gondoles[b 7], malgré un envasement régulier et l'apparition fréquente d'un dépôt blanchâtre en surface[b 8]. Un embarcadère permet un accès facile aux montagnes du jardin alpin[a 5].
Fêtes du belvédère
Claude-Louis Châtelet, 1781.
Marie-Antoinette fait de cette petite construction un pavillon de musique, mais elle aime aussi y prendre son petit déjeuner[c 2] - [18], assistant, dès le printemps venu, à l'éveil de la nature sur les parterres de myrtes, de roses et de jasmins[19]. Centre de la composition paysagère, le belvédère est aussi le lieu où se concentre toute l'attention à l'occasion des fêtes organisées par la Reine au sein du domaine de Trianon, à quelques mètres du théâtre. L'une des plus célèbres d'entre elles, objet d'une toile de Claude-Louis Châtelet, est donnée à l'occasion de la visite de son frère Joseph II, en août 1781. Elle succède de quelques jours à la réception de Monsieur, frère du Roi : « Les invités trouvèrent le rocher illuminé et entouré de transparents figurants des amoncellements de roches couvertes de feuillages. Toutes les saillies du belvédère étaient accusées par des cordons de lumières, et des lanternes, dissimulées dans des touffes de roseaux factices, jetaient des reflets sur le lac[b 9] ».
Restaurations
Par manque d'entretien et d'attention à compter de la Révolution, le belvédère et le rocher décrépissent lentement, sans pour autant être l'objet de dégradations volontaires. La nature reprend rapidement ses droits et la végétation désordonnée finit par fermer les perspectives originales. Quelques restaurations sont néanmoins entreprises à la fin du XIXe siècle, en particulier la réfection de six nouvelles sphinges et la reprise de quelques ornements des façades[5]. Mais les repeints intérieurs réalisés au cours de ce siècle sont peu conformes aux originaux picturaux[2].
Après une année de travaux de restauration financés par les mécènes Vinci et World Monument Fund pour un montant d'un million d'euros, le belvédère et son rocher sont inaugurés le 6 juin 2012[20]. Les structures sont consolidées, les sculptures et pierres de taille reprises, les décors intérieurs fixés, harmonisés et protégés, et les effets de fontainerie rétablis selon les dispositions d'origine[2] - [21] - [22].
Annexes
Bibliographie
- Christian Duvernois (trad. de l'anglais, ill. François Halard), Trianon : le domaine privé de Marie-Antoinette, Arles, Actes Sud, , 224 p. (ISBN 978-2-7427-7838-6)
- Gustave Desjardins, Le Petit Trianon : Histoire et description, Versailles, L. Bernard, , 470 p. (lire en ligne)
- Desjardins, p. 197
- Desjardins, p. 199
- Desjardins, p. 90
- Desjardins, p. 198
- Desjardins, p. 198–199
- Desjardins, p. 133
- Desjardins, p. 202
- Desjardins, p. 201
- Desjardins, p. 210
- Léon Rey, Le Petit Trianon et le hameau de Marie-Antoinette, Paris, Pierre Vorms, , 84 p.
- Christian Baulez, Visite du Petit Trianon et du Hameau de la Reine : Versailles, Paris, Éditions Art Lys, , 55 p. (ISBN 978-2-85495-078-6)
- Nicolas Jacquet, Versailles secret et insolite : Le château, ses jardins et la ville, Paris, Parigramme, , 208 p. (ISBN 978-2-84096-664-7), « Les gardiennes de l'harmonie », p. 180
- Nicolas Jacquet, Secrets et curiosités des jardins de Versailles : Les bosquets, le domaine de Trianon, le Grand parc, Paris, Parigramme, , 192 p. (ISBN 978-2-84096-814-6), « Gardiennes de l'harmonie », p. 130
Notes
- Cheveux nattés, couronne de fleurs et draperies à franges pour le printemps[7], coiffure à l'égyptienne avec épis, housse à glands pour l'été[8], coiffure à pampres et grappes de raisons sur l'épaule pour l'automne[9], drapé à l'antique sur la tête pour l'hiver[10].
- Pierre Cartellier (1757-1831) est un sculpteur et décorateur français, assistant de Deschamps au début de sa carrière[13].
- Un chien en arrêt devant des canards ; une couronne de roses ; une scène de chasse avec deux perdreaux attachés, un fusil et un cor de chasse ; un panier rempli de fleurs et de fruits[14].
- Flore couronnée de roses pour le printemps ; Cérès couronnée d'épis de blé pour l'été ; Bacchus couronné d'un cep de vigne pour l'automne ; Saturne en vieillard se chauffant au feu pour l'hiver[15].
- Originaire de Ceintrey, en Lorraine, il est mort le 26 juillet 1781 à Auxerre, le Belvédère est son dernier ouvrage pour Versailles.
- Desjardins en fait une description détaillée, qui correspond précisément aux restaurations de 2012 : « Ces trophées se composent d'instruments de musique, d'outils de jardinage ou de pêche, de flambeaux, de thyrses, de caducées, de carquois, de cages ouvertes, de corbeilles et de chapeaux de paille, avec accompagnement de poignards croisés, de cœurs percés de flèches, de colombes qui se becquètent, de couronnes. Ici pend un médaillon orné d'un groupe d'enfants sur fond noir, ailleurs, l'aigle d'Autriche déploie ses ailes : on n'y voit pas les lis de France. Les trépieds et les tables portent, soit de longs vases aux formes variées, soit des brûle-parfums. Sur l'un d'eux sont posés un flacon de vin, un verre et une assiette de biscuits, avec un voile, un chasse-mouche et un éventail ; sur un autre, un singe lutine des poissons qui nagent dans une vasque de cristal, tandis qu'à côté un écureuil grignote des fruits[b 5] ».
- Il a reçu 500 livres pour cette fresque. Il avait aussi exécuté le plafond du théâtre de la Reine en 1779.
- Cet unique exemplaire de chaise est conservé dans le salon de compagnie du château du Petit Trianon[17].
- La « porte verte » est la porte de droite de la cour d'entrée du château du Petit Trianon[c 1].
Références
- Notice no PA00087673, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Communiqué de presse, « Inauguration du Belvédère de Trianon et de son rocher restauré », sur chateauversailles.fr, (consulté le ).
- Le patrimoine des communes des Yvelines, t. II, collection Le patrimoine des communes de France, Flohic Éditions, 2000 (ISBN 2842340701), p. 1088.
- Château de Versailles, Le domaine de Marie-Antoinette, « Le Jardin anglais », sur chateauversailles.fr (consulté le ).
- Béatrix Saule, « Le Belvédère : Huit sphinges des saisons », sur Versailles, décor sculpté extérieur,, (consulté le ).
- Nicolas Jacquet 2011, p. 187
- « Deux sphinges couronnées de fleurs, le Printemps », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- « Deux sphinges coiffées à l'égyptienne avec épis, l'Été », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- « Deux sphinges coiffées de pampres, l'Automne », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- « Deux sphinges drapées à l'antique, l'Hiver », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- Béatrix Saule, « Le Belvédère : introduction », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- Pierre Arizzoli-Clémentel, L'Album de Marie-Antoinette : Vues et plans du Petit Trianon à Versailles, Montreuil, Alain de Gourcuff, , 112 p. (ISBN 978-2-35340-042-3), p. 71
- « Cartellier, Pierre » (consulté le ).
- « Quatre scènes ou trophées champêtres », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- « Quatre figures des Saisons », sur sculpturesversailles.fr (consulté le ).
- Jean-Jacques Aillagon, « Restauration du Belvédère de Trianon », sur le blog de Jean-Jacques Aillagon, (consulté le ).
- Notice no 50200018351, base Joconde, ministère français de la Culture.
- (de) Friedrich Johann Lorenz Meyer, Fragmente aus Paris im IVten Jahr der Französischen Republik, vol. II, Hambourg, Karl Ernst Bohn, , 84 p. (lire en ligne), p. 310
- Nicolas Jacquet 2013, p. 130
- « Le Belvédère et son Rocher restaurés », sur chateauversailles.fr (consulté le ).
- « Restauration du Belvédère : visite de chantier », sur la page Facebook du château de Versailles, (consulté le ) : « Galerie de photos relative à la restauration du belvédère ».
- [vidéo] La restauration du Belvédère et son Rocher sur YouTube.
Articles connexes
Liens externes
- (fr) « Le jardin anglais », sur chateauversailles.fr.