Avortement aux Ătats-Unis
L'avortement aux Ătats-Unis fait l'objet de nombreux dĂ©bats de part et d'autre du champ politique. Depuis l'arrĂȘt Roe v. Wade de la Cour suprĂȘme, en 1973, la justice amĂ©ricaine fĂ©dĂ©rale considĂšre que le droit d'une femme Ă l'avortement relĂšve du droit Ă la vie privĂ©e protĂ©gĂ© par le IVe amendement, et autorise donc l'avortement au niveau fĂ©dĂ©ral, au titre du respect de la constitution. Cet arrĂȘt est abrogĂ© en 2022, et fait porter le choix du droit Ă l'avortement sur les lĂ©gislations de chacun des Ătats. Une vingtaine d'entre eux a prĂ©vu ou prĂ©voit de l'interdire, avec souvent une forte pĂ©nalisation et l'absence d'exception y compris en cas de viol, inceste ou raison de santĂ©.
Droit fédéral
De 1973 Ă 2022, l'avortement est autorisĂ© dans tous les Ătats, Ă la suite des arrĂȘts de la Cour suprĂȘme Roe v. Wade (1973) et Planned Parenthood v. Casey (1992)[1]. Selon Roe v. Wade jusqu'Ă la fin du premier trimestre, la dĂ©cision de l'avortement est laissĂ©e au jugement de la femme enceinte ; au cours du second trimestre, l'Ătat, ayant comme objectif la santĂ© de la femme enceinte peut, Ă©ventuellement, rĂ©guler cet avortement de façon raisonnable relativement Ă la santĂ© « maternelle ». Selon Planned Parenthood v. Casey (1992) les Ătats ne peuvent pas instituer un « fardeau excessif » (undue burden) avant la viabilitĂ© fĆtale[1]. Toutefois la Cour suprĂȘme a reconnu aux Ătats les droits d'apporter des restrictions raisonnables aux modalitĂ©s d'avortement. 487 lois ont Ă©tĂ© adoptĂ©es pour rĂ©duire sa portĂ©e ; ainsi des notifications parentales dans 33 Ătats. Entre 1992 et 2002, mille Ă©tablissements pratiquant l'avortement ont disparu[2] et 80 % de ceux restants font l'objet de manifestations de la part d'opposants « pro-vie ». En 2016, la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis a rĂ©affirmĂ© le droit constitutionnel des femmes Ă se faire avorter en l'arrĂȘt Whole Woman's Health v. Hellerstedt[3] - [4].
Barack Obama abroge en janvier 2009 la disposition instaurĂ©e par George Bush interdisant dâattribuer des fonds publics aux ONG qui pratiquent des avortements ou prodiguent des conseils dans ce domaine dans les pays en dĂ©veloppement[5].
Le 24 juin 2022, la Cour suprĂȘme abroge l'arrĂȘt Roe v. Wade et supprime le droit fĂ©dĂ©ral Ă l'avortement, laissant aux Ătats la possibilitĂ© de faire fluctuer individuellement leur droit sur le sujet[6] - [7] - [8].
Financement fédéral
L'usage du budget fĂ©dĂ©ral des Ătats-Unis pour une aide financiĂšre en cas d'avortement fut vivement discutĂ© au CongrĂšs des Ătats-Unis conduisant sous la prĂ©sidence Carter Ă trois arrĂȘts des activitĂ©s gouvernementales aux Ătats-Unis 1977 et un 1979 Ă la suite de dĂ©saccords entre les deux chambres. Un accord est trouvĂ© accordant le financement pour les cas d'avortement rĂ©sultant d'un viol, d'un inceste ou dans le cas oĂč la vie de la mĂšre est en danger.
Situation dans les Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s
Dans des Ătats comme le Mississippi, le Nebraska, le Missouri, plus de 95 % des comtĂ©s ne compteraient plus aucune clinique pratiquant l'IVG[2]. Si Roe v. Wade devait ĂȘtre dĂ©jugĂ© et les Ătats libres d'autoriser ou non l'avortement, 21 pourraient de nouveau la bannir. Certains disent que les restrictions y sont parfois dĂ©jĂ si Ă©levĂ©es que la situation n'en serait guĂšre changĂ©e dans la pratique.
La proposition d'interdire l'avortement dans le Dakota du Sud a été rejetée par les citoyens par le référendum du 7 novembre 2006[10] et celui du 4 novembre 2008[11].
Depuis 2017, au Texas, les avortements sont exclus des assurances maladie.
En mars 2018, un projet de loi (l'"House Bill 565"), visant à élargir la notion de "personne" à "tout humain à naßtre", est déposé à la chambre des représentants de l'Ohio (en), celui-ci rendrait l'avortement équivalent de facto à un homicide, et les personnes le pratiquant deviendraient donc passibles de la peine de mort[12].
En mai 2019, le Sénat de l'Alabama vote la loi anti-avortement la plus répressive du pays[13]. Elle fait encourir jusqu'à 99 ans de prison pour un médecin pratiquant l'IVG[13]. Aucune exception n'est possible en cas de viol ou d'inceste[14].
Depuis que l'Alabama a prĂ©sentĂ© la premiĂšre lĂ©gislation anti-avortement moderne en avril 2019, cinq autres Ătats ont Ă©galement adoptĂ© des lois sur l'avortement, notamment le Mississippi, le Kentucky, l'Ohio, la GĂ©orgie et, plus rĂ©cemment, la Louisiane le 30 mai 2019[15] - [16] .
L'objectif des promoteurs du texte est d'aller Ă la Cour suprĂȘme, pour pouvoir contester l'arrĂȘt Roe v. Wade[13].
En 2021, l'Arkansas vote l'interdiction de l'avortement, mĂȘme en cas de viol ou d'inceste[17]. En 2021 et 2022, les Ătats du Texas puis de l'Idaho adoptent des lois restreignant l'IVG Ă six semaines maximum de grossesse (l'Idaho restant moins restrictif en cas de viol ou d'inceste) ; toutefois, ces lois ne respectent pas l'arrĂȘt Roe v. Wade de la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis, qui autorise dans ce pays l'IVG jusqu'Ă environ 23 semaines[18].
En mai 2022, la Cour suprĂȘme qui, sous la prĂ©sidence de Donald Trump, est devenue majoritairement conservatrice avec 6 membres sur 9, laisse fuiter un document de travail selon lequel elle s'apprĂȘte Ă annuler l'arrĂȘt Roe v. Wade. Pourtant, les trois juges nommĂ©s par Donald Trump avaient sous serment, lors de leur confirmation devant le SĂ©nat, affirmĂ© qu'ils ne reviendraient pas sur ce droit. AussitĂŽt, l'Oklahoma vote une loi durcissant les conditions d'accĂšs Ă l'avortement. Au total, 26 Ătats amĂ©ricains s'apprĂȘteraient Ă limiter trĂšs durement ou Ă interdire l'avortement dĂšs l'abrogation de l'arrĂȘtĂ© par la Cour suprĂȘme, ce qui aurait des consĂ©quences sociales sur les femmes, notamment les plus dĂ©munies, les plus exposĂ©es, les afro-amĂ©ricaines en premier lieu, qui ne pourraient voyager dans d'autres Ătats pour tenter de trouver une clinique. Les discussions sur le texte sont prĂ©vues jusqu'Ă fin juin 2022[19]. Le 25 mai 2022, lâOklahoma promulgue une loi interdisant totalement lâavortement dĂšs la fĂ©condation, y compris en cas de viol ou d'inceste[20] - [21]. Le gouverneur de cet Ătat, Kevin Stitt ayant promis de signer tous les textes anti-avortement qui lui seraient prĂ©sentĂ©s, et les ayant signĂ©s, certains des cinq excluent les cas d'inceste et de viol du pĂ©rimĂštre de leur application, comme ce dernier texte, tandis qu'un autre, interdisant l'avortement aprĂšs 6 semaines de grossesse, ne prĂ©voit aucune dĂ©rogation pas plus que celui prĂ©voyant 1 an de prison ou 100 000 $ d'amende Ă toute personne ou organisation ayant aidĂ© une femme Ă avorter. Il s'agit de lois pour certaines inapplicables au moment de leur vote, mais prĂ©voyant de l'ĂȘtre dĂšs lors que l'arrĂȘt Roe contre Wade aurait Ă©tĂ© invalidĂ©, ce qui s'est produit le 24 juin 2022[22].
Dans la plupart des 25 Ătats ayant prĂ©vu de passer des lois anti-avortement aprĂšs l'invalidation de l'arrĂȘt Roe contre Wade, il n'est pas prĂ©vu d'exception pour viol, inceste (Alabama, Arkansas, Floride, Kentucky, Louisiane, Missouri, Oklahoma, Ohio, Dakota du Sud, Tennessee, Texas et au Mississippi) ou pour raison de santĂ© (Idaho, Dakota du Sud et en Arkansas), alors que c'Ă©tait pourtant le cas dans des textes de loi prĂ©cĂ©dant cet arrĂȘt. Dans certains cas, comme en Floride qui a prĂ©vu un texte interdisant l'avortement aprĂšs 15 semaines de grossesse, l'exception ne concerne que les cas oĂč la vie de la femme est en danger ou en cas « de risque grave d'atteinte physique substantielle et irrĂ©versible », ce qui du point de vue des mĂ©decins peut entrainer une violation de leurs serments professionnels envers leurs patients[23].
MĂȘme si les lois « Ă dĂ©clenchement »â c'est-Ă -dire prĂ©vues pour ĂȘtre effective sitĂŽt l'arrĂȘt Roe contre Wade invalidĂ©, ou sous un bref dĂ©lai â ne sont pas formellement en vigueur dans tous les Ătats qui les ont prĂ©vues, le Texas a par exemple prĂ©venu que les procureurs pourraient dĂšs l'invalidation de l'arrĂȘt appliquer les lois prĂ©existantes, ce qui a conduit l'ensemble des grandes cliniques, centres d'avortement et organisme finançant l'accĂšs aux soins Ă cesser d'en proposer ou de le rembourser[24].
Opinion publique
Les principaux acteurs du dĂ©bat sur lâavortement sont souvent prĂ©sentĂ©s comme «pro-choix», croyant quâune femme a le droit de choisir de poursuivre ou non sa grossesse, par opposition à «pro-vie», croyant que le fĆtus a le droit de vivre. Mais la plupart des AmĂ©ricains adopte une position intermĂ©diaire en accord avec certaines positions de chaque cĂŽtĂ©. Un sondage Gallup de 2018 a rĂ©vĂ©lĂ© que les pourcentages de rĂ©pondants « pro-choix » ou « pro-vie » Ă©taient Ă©gaux (Ă 48 %). Les rĂ©sultats du sondage ont Ă©galement indiquĂ© que les AmĂ©ricains nourrissent des opinions diverses et changeantes sur le droit lĂ©gal Ă lâavortement. LâenquĂȘte a rĂ©vĂ©lĂ© que 29% des personnes interrogĂ©es pensaient que lâavortement devrait ĂȘtre lĂ©galisĂ© en toutes circonstances, 50% quâil devrait l'ĂȘtre dans certaines circonstances et 20% quâil devrait ĂȘtre illĂ©gal en toutes circonstances. Le mĂȘme sondage a rĂ©vĂ©lĂ© que le soutien Ă lâavortement lĂ©gal Ă©tait de 60 % au cours du premier trimestre de grossesse, tombant Ă 28 % au deuxiĂšme trimestre et Ă 13 % au troisiĂšme trimestre[25].
En mai 2022, 70 % des AmĂ©ricains sont opposĂ©s Ă l'annulation de l'arrĂȘt Roe v. Wade envisagĂ©e par la Cour suprĂȘme[19].
Statistiques
Selon l'institut Guttmacher, un organisme amĂ©ricain spĂ©cialisĂ©, citĂ© par Le Monde du [2], 1 290 000 femmes ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d'un avortement en 2002 aux Ătats-Unis, soit un taux proche de 20 pour mille, qui est un des plus forts des pays riches. 67 % d'entre eux concernent des femmes non mariĂ©es. Le nombre de femmes ayant avortĂ© est passĂ© de 30 pour mille dans les annĂ©es 1980 Ă 17 pour mille en 2011[26].
Notes et références
- (en) « Planned Parenthood of Southeastern Pa. v. Casey, 505 U.S. 833 (1992) », sur Justia Law (consulté le ).
- Corine Lesnes, « Une dĂ©cision qui attisera la « guerre » sur l'avortement », Le Monde,â , p. 4 (lire en ligne)
- (en) « Whole Woman's Health v. Hellerstedt », sur documentcloud.org (consulté le ).
- Marie Desnos, « La Cour suprĂȘme amĂ©ricaine confirme son attachement au droit Ă lâavortement », Paris Match,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Le gouvernement sâassoit sur les droits des femmes », sur Le Monde diplomatique,
- « Droit Ă lâavortement : la Cour suprĂȘme des Etats-Unis revient sur lâarrĂȘt Roe vs Wade et laisse les Etats amĂ©ricains libres dâinterdire lâIVG », sur Le Monde (consultĂ© le ).
- « Ătats-Unis : la Cour suprĂȘme rĂ©voque le droit Ă l'avortement, rendant les Ătats libres de l'interdire », sur Le Figaro (consultĂ© le ).
- (en) « Roe v Wade overturned as supreme court strikes down federal right to abortion », sur The Guardian (consulté le ).
- State Bans on Abortion Throughout Pregnancy, sur guttmacher.org, consulté le 27 juin 2022.
- « Le Dakota du Sud rejette l'interdiction totale de l'avortement », dans Libération du 08/11/2006, « http://www.liberation.fr/actualite/monde/215788.FR.php »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?) ; Bureau Audiovisuel Francophone, « Echec du référendum anti-avortement au Dakota du Sud », du 08/11/2006, [lire en ligne] ; 7 sur 7, « L'interdiction de l'avortement rejetée dans le Dakota du Sud », 08/11/2006, « http://www.7sur7.be/hlns/cache/fr/det/art_294624.html?wt.bron=RSS »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?)
- (en) « National ballot questions »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?), Boston.com (consulté le )
- L. D., « Dans l'Ohio, une loi pourrait rendre l'avortement passible de la peine de mort », sur NouvelObs.com, (consulté le )
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- « La Cour suprĂȘme contre "Roe vs Wade" : un coup fatal au droit Ă l'avortement aux Etats-Unis ? », sur TV5MONDE, (consultĂ© le )
- « Aux Ătats-Unis, l'Oklahoma interdit totalement l'avortement », sur Le HuffPost, (consultĂ© le )
- « L'Oklahoma interdit l'avortement dÚs la fécondation avec le vote de la loi la plus stricte des Etats-Unis », sur lindependant.fr (consulté le )
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- (de) « Usa - Abtreibung - Avortement - Aborto - Schwangerschaftsabbruch - Interruption de grossesse - Interruzione di gravidanza », sur Abtreibung - Avortement - Aborto - Schwangerschaftsabbruch - Interruption de grossesse - Interruzione di gravidanza (consulté le ).