Archives de Nicanor
Les archives de Nicanor sont un ensemble de documents datés du Ier siècle figurant sur des ostraca retrouvés en Égypte. « Il s’agit principalement de reçus pour le transport de marchandises entre Coptos et Bérénice et entre Coptos et Myos Hormos. Ils s’échelonnent entre 6 avant J.-C. et 68 après J.-C., la plupart étant écrits durant les règnes de Tibère (14-37) et Claude (41-54)[1]. »
Présentation
Les ostraca des archives de Nicanor ont été publiés par Tait[2] en 1930 et republiés en 2012 (O.Petr. Mus. 112-206)[1]. « Il s’agit principalement de reçus pour le transport de marchandises entre Coptos et le port de Bérénice sur la mer Rouge et entre Coptos et Myos Hormos[1]. Ils s’échelonnent entre 6 av. J.-C. et 68 de notre ère, la plupart étant écrits durant les règnes de Tibère (14-37) et de Claude (41-54)[1]. » Ils constituent un des deux groupes principaux de la documentation au sujet de la ville de Bérénice au Ier siècle[1].
Soixante-quatre des quatre-vingt-cinq ostraca de Coptos publiés par Tait sont connectés avec la famille de Nicanor avec certitude, « alors qu'on ne peut prouver l'appartenance à ce groupe pour seulement six d'entre-eux et que quinze ne peuvent pas être classés en raison de leur illisibilité partielle[2]. » Ces soixante-quatre ostraca forment une famille conventionnellement appelées « archives de Nicanor »[2]. Le nom de Nicanor fils de Panes (Πανῆς) apparaît quarante-deux fois dans ces ostraca[2]. Un de ses frères, Philostratos fils de Panes, y apparaît 42 fois et Apollos, un autre de ses frères, n'y est cité qu'une seule fois[2]. « Deux fils de Nicanor, Peteharpocrates et Miresis, sont respectivement mentionnés 11 et 7 fois[2]. »
Les archives
« Presque tous les ostraca se rapportant à cette famille sont des reçus écrits par diverses personnes qui reconnaissent à Nicanor ou à l'un de ses frères ou de ses fils, la livraison de certaines marchandises qui leur sont expédiées depuis Coptos[3]. » Comme tous les reçus accusent réception de marchandises livrées soit à Myos Hormos soit à Bérénice et chargées depuis Coptos, « on peut conclure que le siège social de l'entreprise de transport de Nicanor était à Coptos » et que ses caravanes opéraient sur les lignes qui reliaient Coptos aux ports de Myos-Hormos et de Bérénice, tous deux situés sur la mer Rouge[3].
Nicanor et Marcus Iulius Alexander
« Ce reçu a été remis à Nicanor par un agent du marchand Marcus Iulius Alexander[4]. »:
ο̣υ̣ς Μ̣άρκου Ἰουλίου Ἀλεξάνδρου Νικάνο-
ρι Πανῆτος χαίρειν. ἔχω παρὰ σου̑ ἐπὶ Βε-
ρενείκης εἰς τὸν Μάρκου Ἰουλίου Ἀλε-
ξάνδρου του̑ ἐμου̑ κυρίου λόγον φάλανγας
φι̣λυρίνας ἑπτὰ (ἔτους) γ Τιβερίο̣υ̣ Κλα̣υδί̣ο̣υ
Κα̣ί̣σ̣α̣ρος Σεβαστου̑ Γερμαν̣ι̣κ̣ο̣υ̑ Αὐτοκ̣ρ̣ά̣-
τ̣ο̣ρ̣ο̣ς̣ Ἐπε <passage à une autre écriture'>
Κόσμος Μάρκου Ἰ̣ο̣υ̣λ̣ί̣ο̣υ̣ Ἀλεξάν̣δ̣ρ̣ο̣υ̣
ἔχω τὰ προκίμενα.
(O.Petr. Mus. 173 = O.Petr. 267 = C.Pap. Jud. 2, 419c)
- Traduction
« -ous, esclave de Marcus Iulius Alexander à Nicanor fils de Panes, salut. J’ai reçu de ta part à Bérénice sur le compte de mon maître, Marcus Iulius Alexander, 7 poutres en bois de tilleul. En l'an 3 de Tiberius Claudius César Augustus Germanicus Empereur, Epeiph 20. (écrit par une seconde main) Moi, Kosmos, esclave de Marcus Iulius Alexander, je détiens les produits susmentionnés »[5].
Par ce reçu, daté du 14 juillet 43 (an 3 de l'empereur Claude), un esclave de Marcus Iulius Alexander nommé Kosmos, reconnaît la livraison de poutres en bois de tilleul[4]. Elles sont portées au compte (ou logos) de son maître[4].
« Marcus Iulius Alexander est un parfait exemple de ces hauts personnages impliqués dans le commerce à travers le désert Oriental[4]. » Plusieurs de ses agents ou de ses esclaves apparaissent dans les ostraca. « Membre d’une famille juive de premier plan établie à Alexandrie[4]. », son frère, Tiberius Julius Alexander était epistratège de Thébaïde au moment où ce reçu a été émis[6]. C'est-à-dire qu'il dirigeait la région où ces échanges commerciaux ont eu lieu. Par la suite, il sera procurateur de Judée de 46 à 48, puis préfet d'Égypte. Son oncle, qui est donc aussi celui de Marcus est le philosophe Philon d'Alexandrie[7]. Leur père, Alexander, Alabarque ou arabarque à Alexandrie, « était chargé de la collecte des droits de douane[4]. » La richesse d'Alexander est proverbiale. Il est connu pour avoir « payé le placage en argent et en or de neuf portes du Temple de Jérusalem[8] »[2], à l’exception de la porte de Nicanor[9] - [10] (voir: Tombe de Nicanor L'inscription de Nicanor). Marcus lui-même a été marié sous le patronage de l'empereur à Bérénice, la fille du roi Agrippa Ier, à peine pubère[11], dès que Claude est parvenu au pouvoir avec l'aide d'Agrippa[7] - [12] - [13]. « Quelle que soit l’échelle de mesure, il s’agit de personnages de la plus haute société[4]. » Ce document établi que Marcus Iulius Alexander était donc encore vivant en 43. Il meurt à peu près au même moment qu'Agrippa[14] (44) et Bérénice se retrouvant veuve est remariée à son oncle Hérode de Chalcis[14] avec qui elle aura deux fils (Bérénicianus et Hyrcan). La mort de son deuxième époux en 48 provoquera son remariage avec Marcus Antonius Polemo II[15], roi client de Cilicie[16] - [17], avant qu'elle devienne la maîtresse du futur empereur Titus[17], en 67, alors qu'il conduit une légion sous les ordres de son père, Vespasien, pour reconquérir la Galilée et la partie de la Batanée qui s'est révoltée: territoires appartenant au royaume d'Agrippa II, le frère de Bérénice.
Bibliographie
- (en) Alexander Fuks, Social Conflict in Ancient Greece, Leiden, BRILL, , 363 p. (ISBN 978-965-22-3466-7, BNF 34985331, présentation en ligne), « Notes on the Archive of Nicanor ».
- Joseph Mélèze-Modrzejewski, Un peuple de philosophes : Aux origines de la condition juive, Paris, Fayard, , 462 p. (ISBN 978-2-213-66416-3, présentation en ligne).
- Fabienne Burkhalter, Les fermiers de l'arabarchie : notables et hommes d'affaires à Alexandrie, Alexandrie : une mégapole cosmopolite : Actes du 9ème colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 2 & 3 octobre 1998, coll. « Publications de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres » (no 9), 14 p. (lire en ligne), p. 41-54.
- Rodney Ast et Jean-Pierre Brun (dir.), Le désert oriental d'Égypte durant la période gréco-romaine : bilans archéologiques, Paris, Collège de France, , 756 p. (ISBN 978-2-7226-0481-0, présentation en ligne, lire en ligne), « Bérénice à la lumière des inscriptions, des ostraca et des papyrus », p. 119-134.
- Christian-Georges Schwentzel, Hérode le Grand, Paris, Pygmalion, , 321 p. (ISBN 978-2-7564-0472-1, BNF 42449704).
- Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : des prêtres aux rabbins, Paris, puf, coll. « Nouvelle clio », , 968 p. (ISBN 978-2-13-056396-9, BNF 42664447, présentation en ligne).
- Mireille Hadas-Lebel, Rome, la Judée et les Juifs, Paris, A. & J. Picard, , 231 p. (ISBN 978-2-7084-0842-5, BNF 41484629, présentation en ligne), chap. VI (« Caligula, Agrippa Ier et les Juifs »).
- (en) Joshua Schwartz, Once More on the Nicanor Gate, vol. 62, Hebrew Union College Press, coll. « Hebrew Union College Annual », , 39 p. (JSTOR 23508608), p. 245-283.
- (en) Alan Applebaum, David T. Runia (dir.) et Gregory E. Sterling (dir.), The Studia Philonica Annual : Studies in Hellenistic Judaism, vol. XXX, Atlanta, SBL Press, , 244 p. (ISBN 978-1-62837-230-4, présentation en ligne), « A Fresh Look at Philo's Family ».
Notes et références
- Ast et Brun 2018, p. 119.
- Fuks 1984, p. 312.
- Fuks 1984, p. 313.
- Ast et Brun 2018, p. 121.
- Ast et Brun 2018, p. 120-121.
- Mimouni 2012, p. 122.
- Schwentzel 2011, p. 231.
- Applebaum, Runia et Sterling 2018, p. 96-97.
- Schwartz 1991, p. 249-250, note no 19.
- Heinrich Graetz, « Histoire des Juifs, Chapitre XV — Les Hérodiens : Agrippa Ier ; Hérode II — (37-49) ».
- Schwentzel 2011, p. 148.
- Hadas-Lebel 2009, p. 81.
- Pour une description détaillée, voir: Tal Ilan, "Integrating Women Into Second Temple History" (Mohr Siebeck, Germany 1999), Part 3: Women and the Judaean Desert Papyri, Chapter Eight: Julia Crispina: A Herodian Princess in the Babatha Archive, p. 217-233.
- Burkhalter 1999, p. 42-43.
- Fils de Marcus Antonius Polemo Ier, prêtre de Laodicée du Lycos, dynaste d'Olba puis roi en Cilicie.
- Schwentzel 2011, p. 255.
- Burkhalter 1999, p. 43.