Arabe tlemcénien
Le tlemcénien ou l'arabe tlemcénien est le parler originel de la ville de Tlemcen[1] - [2]. Parler pré-hilalien citadin[3] - [4], il est influencé par l'arabe andalou. Il est l'une des composantes régionales de l'arabe algérien [5] de la famille des parlers arabes maghrébins.
Tlemcénien | |
Pays | Algérie |
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RĂ©gion | Tlemcen |
Typologie | SVO flexionnelle |
Classification par famille | |
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Historique et usages
à la suite de l'introduction de la langue arabe à Tlemcen dans les premiers siÚcles suivant l'islamisation de la région, la ville sert de « foyer d'arabisation » de la région, selon un « triangle » Tlemcen-Honaine-Rachgoun. Ce processus d'arabisation donne alors naissance au parler citadin de la ville ainsi qu'aux parlers villageois des environs, également pré-hilaliens[6].
ParlĂ© Ă l'origine par les citadins de Tlemcen â soit les TlemcĂ©niens « de souche[7] » â, l'interaction avec les populations issues des mouvements d'exode rural qu'a connu la ville au XXe siĂšcle mĂšne Ă l'adoption d'une koinĂš urbaine Ă traits ruraux[1] - [8]. Ainsi, la majoritĂ© des citadins de sexe masculin tend Ă pratiquer la koinĂš urbaine en public, restreignant l'usage de l'arabe tlemcĂ©nien aux cercles familiaux[9], tandis que la majoritĂ© des locuteurs de sexe fĂ©minin en prĂ©serve l'usage courant[10].
Alphabet et prononciation
Il est caractĂ©risĂ© principalement par le remplacement du « qaf » â issu de lâarabe â par la « a » ou hamza, cas unique en AlgĂ©rie, mais que lâon retrouve dans les dialectes citadins de lâĂgypte, du Liban et de la Syrie, ainsi que de FĂšs. Il est Ă signaler que les lettres K (de l'arabe K comme dans le prĂ©nom Kamal ou le mot Kassar - casser) et G (du GA comme dans Gra3 - chauve ou bien guetoune - tente) sont prononcĂ©s normalement comme elles le sont dans le langage algĂ©rien gĂ©nĂ©ral. Le Qaf arabe n'est jamais prononcĂ© et est toujours remplacĂ© par la hamza arabe ou A dâoĂč l'expression parler avec le A Ă Tlemcen.
Voyelles
Les voyelles ont une prononciation particuliÚre, celle de la langue arabe en général, mais pas toujours, comme le « A » atténué et le « A » fort, comme dans Malika (reine) qui se prononce melika ou plutÎt Mailika, qui est différent du a de batata (pomme de terre). Par ailleurs, il est à noter que le a dans les syllabes finales donne un son entre le o et le a.
Le son « O », inexistant en arabe, est bel est bien présent, comme dans zrodiya (carottes), babor (bateau) ou kora (sphÚre).
Consonnes
Les consonnes qui font la particularité de la langue arabe comme le tha (proche du th anglais) ou le Dha ne sont pas prononcés en tlemcénien.
Les consonnes utilisées dans le tlemcénien sont les suivantes :
- BA : bota (citerne) - blata (trĂšs grosse pierre), balto (veste)
- TSA : tsezdam (porte-feuilles) différent du TA
- DJA : djib (poche ou ramĂšne), djelban (petit pois), le « JA » nâexiste pas sauf exception comme dans jdada (poule)
- KHA : khodra (légumes), khoudmi (couteau)
- HHA : Hhaffaf (coiffeur), son que lâon fait lors dâune douleur, diffĂ©rent du « H » de lâanglais Hello
- DA : derbouka (tambourin), dar (maison)
- RA : Re-a-d (il sâest endormi)
- ZA : zaouche (oiseau)
- SA : ssamssa (gĂąteau typique), assem (quoi), sa-a-ya (robinet)
- CHA : chemche (soleil), chouf (regarde)
- TA : Tomateche (tomates), tadjine
- 3a : Correspond au Űč arabe. Exemple « 3abba » (il a pris) ou 3alem (savant)
- GHA : ghellaya (cafetiĂšre), meghoufel (chevelure fournie)
- FA : fazed (inutilisable), fechta (fĂȘte)
- KA : ka3k (gùteau tlemcénien), Kred (frisé)
- LA : lan-e-rat (lâapocalypse), llim (citron)
- MA : Ma (eau), mechtsi (radis), m-ass (ciseaux), mtar-a (marteau)
- NA : nà à la (sandales) ou mieux écrit « nn3ala » plutÎt que «n3ala »
- HA : houwa (lui), hrissa (le gùteau Qalbelouz algérois)
- WA : werralou (il lui a montré)
- YA : Yatguerrad (il se détend), yabess (sec)
- PA : du français comme Parasol ou patraka (tacot)
- VA : uniquement pour des mots en français comme vélo ou véranda mais pas valise qui se dit "faliza".
- GA : gred (il a cassé), griwech (gùteau au grains de sésame), Gra3 : (chauve), gafla (Caravane),
- TCHA : letchine (oranges), tchen-tchana, moutchou (masseur), tchbĂ tche-e (objets de ferraille), consonne rare
Vocabulaire
Le vocabulaire est assez diffĂ©rent de lâarabe classique et sâinscrit dans une approche algĂ©rienne.
Exemple : berka (arrĂȘte) tsameskinate (pauvretĂ©), tabla (table), gnina (lapin), 3Ă wd (cheval), 3ĂŽd (luth mais aussi branche ou bĂąton), erfed (prends), gra3 (chauve) et la liste est trĂšs longue.
Grammaire
La grammaire et la conjugaison comportent également des différences notables ; par exemple, Salah khou Karim (Salah le frÚre de Karim)en algérien ou Salah akhou Karim (en arabe classique) se dit, à Tlemcen : Salah khah eddi Karim.
Conjugaison
- Exemple du verbe kla "manger":
Present continu | Passé | Futur |
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ĂnĂ hĂ ni nĂ koul | ana klitse | ĂnĂ Douk nakoul |
TsinĂ rek tsakoul | tsina klitse | TsinĂ Douk tsakoul |
Houwa rĂ h yakoul | houwa klĂ | Houwa Douk yakoul |
Hiya reha tsakoul | Hiya klĂ tse | Hiya Douk tsakoul |
HhnĂ renĂ nĂ klou | hhnĂ klina | HhnĂ Douk nĂ klou |
TsoumĂ ne rikoum tsĂ klou | TsoumĂ ne klitsou | TsoumĂ ne Douk tsĂ klou |
Houmen rohoum yaklou | Houmen klĂ w | Houmen Douk yaklou |
NB : Douk est souvent remplacĂ© par âDeu-e »
Impératif
- TsinĂ koul
- TsoumĂ ne koulou
Le langage est facilement reconnaissable par la quantitĂ© de variations avec lâalgĂ©rien courant et, paradoxalement, difficile Ă utiliser, notamment en raison du nombre de diffĂ©rences disparates dont les modalitĂ©s ne sont pas systĂ©matiquement rĂ©gies par des rĂšgles ou des conventions protocolaires.
Notes et références
- (en) Catherine Miller (CNRS-Iremam, universitĂ© dâAix en Provence, France), « Impact of migration on Arabic Urban vernaculars : Advocating a comparative analysis », 5th International Aida Conference, Cadiz, Spain,â , p. 6 (lire en ligne [PDF]) : « Their old urban dialect is associated with the old urban elite; it is no longer prestigious enough to be acquired by new-comers, and is even declining among the young generations of the original urban dwellers. Instead, the new-comers adopt the national urban koine and urban dwellers tend to speak this urban koine in public space, keeping their own vernacular at best for family communication. This is the case in many North African cities like Fes, Tangiers, Tlemcen, and even capital cities such as Rabat and Tunis, where the old urban vernacular has become increasingly restricted to old women and is associated with an effeminate way of speaking »
- C. Miller, Quelles Voix pour quelles Villes arabes ?, publié dans "Les boites Noires de Louis Jean Calvet, Moussirou, A. & Bourgeois, C. (Ed.) (2008)
- Khaoula Taleb Ibrahimi, « LâAlgĂ©rie : coexistence et concurrence des langues », dans L'AnnĂ©e du Maghreb, vol.1 (2004) (Lire en ligne)
- Le français en Algérie: lexique et dynamique des langues Par Ambroise Queffélec p.35
- Algérie: Situation géographique et démolinguistique sur tlfq.ulaval.ca
- Dominique Caubet, Questionnaire de dialectologie du Maghreb, E.D.N.A (5), 2000-2001
- Isabelle Berry-Chikhaoui, « Les notions de citadinitĂ© et dâurbanitĂ© dans lâanalyse des villes du Monde arabe », Les Cahiers dâEMAM, 18 (2009) (lire en ligne)
- C. Miller, Quelles Voix pour quelles Villes arabes ?, publié dans "Les boites Noires de Louis Jean Calvet, Moussirou, A. & Bourgeois, C. (Ed.) (2008), P.13 : « (...) mais aussi par la quasi-disparition ou la régression de vieilles formes de parlers citadins arabes associées aux anciennes élites et aux minorités (vieux parlers citadins du Maghreb, vieux parler de Damas, parler juif de Baghdad, etc.) et remplacées par de nouvelles koinÚ urbaines à traits ruraux ou bédouins »
- M. Woidich, M. Haak, R.-E. de Jong, C.-H.-M. Versteegh, Approaches to Arabic dialects, dans : Studies in Semitic languages and linguistics, vol.38, (ISBN 9004132066 et 9789004132061) (lire en ligne)
- Fiona Mc Laughlin, The Languages of Urban Africa, Continuum International Publishing Group, 2009, pp.35-36 (ISBN 1847061168 et 9781847061164) (lire en ligne) : « It is found among schoolgirls the majority of whom do not to be swayed to shift to the urban koiné »