Antoine Melchior Gaspard de Bernier de Pierrevert
Antoine Melchior Gaspard Balthazar de Bernier de Pierrevert, né le à Pierrevert (Royaume de France, aujourd'hui Alpes de Haute-Provence) et mort le sur la côte de Ceylan à Trinquemalay, est un navigateur et Lieutenant de vaisseau français.
Antoine Melchior Gaspard Balthazar de Bernier de Pierrevert | |
Naissance | Pierrevert (Royaume de France) |
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Décès | Trinquemalay (Ceylan) Mort au combat |
Origine | Royaume de France |
Arme | Marine royale française |
Grade | Lieutenant de vaisseau |
Années de service | vers 1770 – 1782 |
Faits d'armes | Prise de la Grenade ; Pradja près du Cap-Vert ; Inde |
Biographie
Origines familiale
Issu d'une famille originaire du Piémont italien, passée en France à la fin du XVe siècle, Antoine Melchior Gaspard Balthazar de Bernier de Pierrevert est le quatrième enfant de Paul Auguste de Bernier de Pierrevert, lieutenant des maréchaux de France, et de son épouse Euphrosine Madeleine de Suffren de Saint-Tropez, sœur du bailli de Suffren. Né le au château de Pierrevert. Il a sept frères et sœurs[1].
Carrière dans la Marine royale
Il est présenté en 1774 dans l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem[2] mais ne pourra pas être nommé chevalier car il ne peut pas faire ses caravanes, puisqu'en 1779 il participe à l'expédition du comte d'Estaing.
Jeune officier, il participe à la prise de Grenade qui est une expédition de l'armée française dirigée par le comte d'Estaing en qui aboutit à la prise de l'île de Grenade, une des colonies de la Compagnie des Indes orientales. Cet évènement entre dans le cadre de la guerre d'indépendance des États-Unis. Le débarquement intervient le et les troupes françaises prennent ensuite d'assaut les fortifications britanniques d'Hospital Hill surplombant la capitale Saint-Georges. Il est à bord du Fantasque sous les ordres de son oncle maternel, le bailli de Suffren, qui sûr de son talent semble épanoui au milieu de la bataille. Un autre témoignage, celui de François-Palamède de Suffren confirme le comportement de son commandant au feu et nous donne de nombreux détails sur la violence du combat[3]. Le Fantasque compte 22 tués et 41 blessés.
L'amiral d'Estaing rejette les termes de la capitulation de Macartney et met en avant ses propres conditions particulièrement dures. Macartney les rejette à son tour et préfère opter pour la reddition inconditionnelle. D'Estaing permet ensuite à ses troupes de piller la ville et Macartney est envoyé en France comme prisonnier de guerre. Les forces françaises rembarquent le lorsqu'elles apprennent l'arrivée d'une flotte britannique dirigée par l'amiral John Byron. Les deux flottes engagent le combat le jour suivant et les Français infligent de lourds dommages aux navires britanniques. À la suite de cet engagement, les deux flottes se retirent vers leurs bases respectives. Finalement, l'île de Grenade revient aux Britanniques à la fin de la guerre en 1783.
Le retour vers l'Europe est particulièrement difficile. Le , une terrible tempête disloque l’escadre, le Fantasque étant même frappé par la foudre. Trois navires, le Zélé, le Marseillais et le Sagittaire avec une prise anglaise rallient Toulon. Le gros des vaisseaux, dont le Fantasque, gagne Brest autour du César comme chef d’escadre. Il était temps de rentrer : le Fantasque, navire de 64 canons est dans un triste état. Il faut pomper jour et nuit et les trois quarts des matelots souffrent du scorbut.
L'escadre de Suffren dans l'océan Indien, en 1781, a pour mission de porter secours aux Hollandais à la suite de la déclaration de guerre de l'Angleterre aux Provinces-Unies en . En effet, le soutien de l'Espagne à la France n'apporte pas les résultats escomptés mais permet de trouver un nouvel allié. Cependant, si les Provinces-Unies peuvent combattre sur les eaux européennes, face aux vaisseaux anglais sur les océans lointains, ils ne peuvent résister seuls. Suffren à 51 ans prend le commandement de sa première escadre après trois années dans le conflit américain, sa réputation de marin combatif est maintenant établie. Il appareille de Brest pour l'Île-de-France le (actuellement l'île Maurice). Il fait escale en à False Bay près de la ville du Cap après une première confrontation avec la flotte anglaise à Porto Praya le .
Arrivé à l'Île-de-France le , Suffren commandant Le Fantasque, se place alors sous les ordres du commandant de l'escadre, le comte Thomas d'Estienne d'Orves (1727-1782), auquel il joint ses forces. Le 21, arrive la frégate La Bellone, armée de 32 canons. Elle escortait un important convoi de 13 navires marchands partis de Lorient avec des vivres et des précieux gréements, mais celui-ci a été intercepté par un vaisseau anglais au large du Cap. Le convoi a été dispersé et deux transports ont été pris. C’est un coup dur pour les Français, même si la frégate est porteuse de 1,5 million de livres en piastres, destinée aux négociations à mener en Inde[4]. Port-Louis est cependant un port assez bien équipé, aménagé depuis longtemps par l'ancienne compagnie des Indes. Pendant six semaines, les vaisseaux réparent leurs avaries, grâce à un travail intensif de remâtage et de carènes à flot.
Le , l'escadre appareille pour l'Inde. Le , Thomas d'Estienne d'Orves meurt à bord de son vaisseau laissant le commandement à Suffren. Le , c'est le premier combat à Sadras contre la flotte anglaise commandée par le contre-amirale Edward Hughes. Comme ce sera souvent le cas la victoire de l'escadre française est incomplète, laissant échapper l'escadre anglaise. L'escadre française débarque à Porto-Novo pour refaire ses forces. Suffren prend alors contact avec le nabab Haidar Alî qui apporte des moyens financiers et matériels aux français. Le , les forces terrestres françaises débarquées, sous les ordres du général Duchemin, et avec l'appui des troupes de Haidar Alî, s'emparent du port de Gondelour où elles resteront en garnison.
Sur la route de Ceylan un deuxième affrontement a lieu au large de l'ilot de Provédien, les 12 et , et tourne à la mêlée générale au profit d'aucune flotte. L'escadre française fera escale dans le port de Batticaloa. Suffren va engager des discussions avec le gouverneur de l'île, Willem Falk, qui apporte tout le soutien de la colonie hollandaise. Cette aide ne manquera jamais tout au long de la campagne.
Les flottes françaises et anglaises se cherchent pour se rencontrer pour la troisième fois au large de la colonie néerlandaise de Negapatam le . L'escadre de Suffren, ayant une puissance de feu inférieure à celle des Anglais, affronte l'escadre de Hughes dans un combat en ligne de file. Une saute de vent désorganise l'ordre de bataille. L'affrontement est sanglant au profit d'aucun des combattants mais les Français comptabilisent des pertes supérieures à celles qu'ils ont infligé aux Anglais. L'escadre française rentre sur Gondelour pour réparer et refaire ses forces. Le nabab Haidar Alî (1720-) vient en grande pompe rendre visite à Suffren. Les deux chefs décident d'une collaboration renforcée entre les Français et les Indiens.
« Le , Suffren appareille pour Ceylan. Il dispose des munitions nécessaires pour mener « un petit siège » et a pris soin d’embarquer à bord du Héros, M. des Roys, chef du génie du corps expéditionnaire, et quelques artilleurs. Il veut pouvoir assiéger Trincomalé si les circonstances sont favorables. La Bellone est envoyée en éclaireur pour prévenir les Hollandais du retour de l’escadre. La courte traversée est marquée par un accident de mer. Le 7 août, un abordage entre l’Orient et la Fine, cause des avaries assez sérieuses à l’avant de la frégate dont le nouveau capitaine fait ses premières armes. Le lendemain, l’escadre française mouille à Batticaloa et y retrouve pour quelques jours ses habitudes »[5].
Suffren décide d'attirer l'escadre anglaise à lui en s'emparant de Trinquemalay et de ses deux forts, ce qui est réussi entre le 26 et le . L'escadre de Hughes se présente devant la baie de Trinquemalay le . Une fois de plus l'affrontement est indécis sans vaincu ni vainqueur, mais au cours de la bataille, Antoine Melchior Gaspard Balthazar de Bernier de Pierrevert a la tête emportée par un boulet de canon.
Armoiries
- « D'azur à trois pals d'argent, et un écusson de gueules brochant posé en cœur chargé d'un lion d'argent armé et lampassé de gueules »[6].
- Devise : « Hostium terror tutarur amicos ».
Hommage
- La municipalité de Pierrevert a donné son nom à une artère de la commune[7].
Notes et références
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- Charles IV Eugène de Bernier de Pierrevert (1751-?) : docteur en Sorbonne, député de l'Assemblée générale du clergé en 1775, prieur de la maison de Sorbonne en 1776, abbé nommé par le roi à la tête de l'abbaye de Mazan de 1784-1790, vicaire-général du diocèse d'Aix-en-Provence et Sisteron, Chanoine de l'église de Forcalquier (cf. Louis-Charles de Waroquier, État général de la France, enrichi de gravures, tome 1, p. 528, Paris, 1789 (lire en ligne)) ;
- Sophie Thérèse Fortunée Bernier de Pierrevert (1752-1823), demoiselle de Saint-Cyr, épouse le vicomte Antoine Elzéar de Flotte de Roquevaire, ancien officier des vaisseaux du roi ;
- Antoine Melchior Gaspard de Bernier de Pierrevert (1753-1782), mort le au commandement de la Bellone lors d’un combat naval aux côtés de son oncle, le bailli de Suffren. Il a participé à la guerre d'indépendance des États-Unis ;
- Marie Thérèse Julie Jéronime de Bernier de Pierrevert (1755-?), épouse le marquis de Monier de Castellet, chevalier de Saint-Louis et de Cincinnatus, capitaine es vaisseaux du roi ;
- Ferdinand Marc Antoine Bernier de Pierrevert (1761-1786), lieutenant de vaisseau, participant à la guerre d'indépendance des États-Unis, membre de l'état-major de l'expédition de La Pérouse, mort noyé dans la baie ces Français à Lituya (Alaska) le ;
- Dorothée Proxilène Aimée de Bernier de Pierrevert.
- Louis de la Roque, Catalogue des Chevaliers de Malte appelés successivement Chevaliers de l'Ordre militaire et hospitalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, Paris, Alp. Desaide, 1891.
- « Notre vaisseau fit des merveilles, nous tirâmes 1 600 coups de canons, autant que le Languedoc [le navire amiral] qui tint son poste. Il n'y eut jamais une manœuvre de cassée dans le temps du combat. Le bailli de Suffren gratifiait tous ceux qui montaient au feu. Le poste que je commandais fut très maltraité, j'eus deux canons démontés, tout mon monde fut tué ou blessé. Il semblait qu'un bon génie m'accompagnait, quand je passais d'une place à l'autre pour donner des ordres, un boulet ennemi venait le balayer. Si je quittais celui-là , il en arrivait de même. J'étais si près d'un matelot dont la tête fut emportée par un boulet de canon que mon visage fut couvert de cervelle : jamais sensation plus horrible. J'eus les dents ébranlées voulant viser un canon parce qu'il me paraissait que le chef de pièce tirait sans pointer : un boulet anglais vint emporter la tête du canon et comme j'avais le menton appuyé de l'autre bout, la commotion me repoussa et me fit saigner toutes les gencives. Je sauvai les jambes au chevalier de Pierrevert qui venait de porter des ordres du bailli de Suffren. Il passa derrière le canon au moment qu'on y mit le feu. Je n'eus que le temps de le prendre par le basque de son habit et l'abattre à mes pieds » (Manuscrit de François-Palamède de Suffren, enseigne de vaisseau sur le Fantasque, op. cit., p. 40).
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, 1994, 427 p. (ISBN 2-7373-1129-2).
- Rémi Monaque, Suffren, Éditions Tallandier, 2009, chapitre XII, p. 261.
- Jean Gallian . Scipion Du Roure (1858-1924) (baron), Les maintenus dans la noblesse en Provence par Belleguise (1667-1669), Imprimerie générale du Sud-Ouest,Bergerac, 1923, t.I., p. 342
- « Montée Gaspard de Bernier », Le Renard d'Or, no 148, hiver 2019, p. 6.
Voir aussi
Bibliographie
- Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire », , 451 p. (ISBN 2-7181-9503-7).
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0, BNF 38825325).
- Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, coll. « Dictionnaires », , 537 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2847340082).
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655).
- Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883).
- Patrick Villiers, La France sur mer : De Louis XIII à Napoléon Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6).
- Jean-Michel Roche (dir.), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, éditions LTP, , 530 p. (lire en ligne).
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4).
- Rémi Monaque, Suffren : un destin inachevé, Paris, édition Tallandier, , 494 p. (ISBN 978-2-84734-333-5).
- Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 1, Paris, Challamel aîné, 1867-1868, 453 p. (lire en ligne).
- Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 2, Paris, Challamel aîné, , 469 p. (lire en ligne).
- Georges Lacour-Gayet, La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XV, Honoré Champion éditeur, 1902, édition revue et augmentée en 1910 (lire en ligne).
- Georges Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XVI, Paris, éditions Honoré Champion, (lire en ligne).
- Claude des Presles, Suffren dans l'océan indien (1781 - 1783), Economica, 1999.
- Joseph Siméon Roux, Le Bailli de Suffren dans l'Inde (en ligne).
- Pierre André de Suffren, Journal de bord du bailli de Suffren dans l'Inde (1781-1784), préface d'Edmond Jurien de La Gravière, Paris : Challamel, Henri Moris, 1888.