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Anima

L'anima (du latin anima « souffle, Ăąme Â», d'oĂč vient le terme animal) est, dans la psychologie analytique du psychiatre suisse Carl Gustav Jung, la reprĂ©sentation fĂ©minine au sein de l'imaginaire de l'homme. Il s'agit d'un archĂ©type, donc d'une formation de l'inconscient collectif, qui a son pendant chez la femme sous le nom d'animus.

Cet archĂ©type se manifeste tout au long de la vie, projetĂ© inconsciemment, d'abord sur le parent du sexe opposĂ©, puis sur les personnes rencontrĂ©es auxquelles sont alors prĂȘtĂ©es les caractĂ©ristiques de cette image.

Origine de la notion

Des rencontres avec Toni Wolff naissent les concepts d'« anima », d'« animus » et de « persona ».

DĂ©finition en psychologie analytique

Animus et anima

Ces deux éléments fondamentaux de la psyché ne sont pas symétriques ; en effet, l'Anima est l'archétype de la vie en soi, qui procure expérience et connaissance chez l'homme. C'est une fonction régulatrice, qui a pour but d'adapter le conscient à l'inconscient, or l'Animus est lui un logos désignant une fonction de discrimination. Leurs manifestations sont également divergentes :

« Pour dĂ©crire en bref ce qui fait la diffĂ©rence entre l'homme et la femme Ă  ce point de vue, donc ce qui caractĂ©rise l'animus en face de l'anima, disons : alors que l'anima est la source d'humeurs et de caprices, l'animus, lui, est la source d'opinions ; et de mĂȘme que les sautes d'humeur de l'homme procĂšdent d'arriĂšre-plans obscurs, les opinions acerbes et magistrales de la femme reposent tout autant sur des prĂ©jugĂ©s inconscients et des a priori [1]. »

Archétype de la fonction inconsciente

L'anima chez l'homme et l'animus chez la femme sont les archĂ©types du sexe opposĂ©, c'est pourquoi Jung nomme ce couple « contra-sexuel ». Ils ont une fonction de rĂ©gulation ou d'adaptation et contiennent une certaine charge psychique les rendant relativement autonomes au Moi[F 1]. L’anima est ainsi une image innĂ©e de la femme chez l’homme (c'est la part fĂ©minine de l’homme), l’animus, une image innĂ©e de l’homme chez la femme (c'est la part masculine de la femme). Tous deux sont perçus dans les rĂȘves et se distinguent des autres archĂ©types personnels par la charge Ă©motionnelle qu'ils vĂ©hiculent. Leur intĂ©gration permet de relier le conscient Ă  l'inconscient et forme le travail prĂ©liminaire de l'individuation. Pour Jung, tout homme a une image (ou « imago ») psychique de la femme, reprĂ©sentant dans sa psychĂ© personnelle sa propre relation avec l'inconscient. C'est pourquoi, pour les hommes, l'anima reprĂ©sente les sentiments et les affects. L'anima ne renvoie pas au complexe d'ƒdipe : il s'agit d'une fonction psychique personnifiĂ©e, celle de la relation du Moi masculin Ă  l'inconscient et qui a pour but de compenser la conscience[E 1].

Influence sur la personnalité

Contrairement Ă  l'anima, l'animus fĂ©minin n'est pas un homme unique mais une pluralitĂ© virile[E 2]. Chez la femme, il est Ă  l'origine de comportement et de paroles acerbes et magistrales, pĂ©remptoires. Ces deux archĂ©types peuvent fasciner le Moi, c'est-Ă -dire l'envahir psychiquement. Jung parle alors de « possession par l'animus ou l'anima » lorsque l'un ou l'autre envahit le champ du conscient. L'Ă©tude des manifestations de l'anima ou de l'animus a donnĂ© lieu Ă  une littĂ©rature abondante, d'Emma Jung (La LĂ©gende du Saint Graal) Ă  Marie Louise von Franz (La Femme dans les contes de fĂ©es), de Clarissa Pinkola EstĂ©s (Femmes qui courent avec les loups) Ă  Annick de Souzenelle (Le FĂ©minin de l'Être. Pour en finir avec la cĂŽte d'Adam).

Figures de l'anima

L'anima apparaĂźt souvent dans les rĂȘves et les fantasmes, sous les traits d'une femme sĂ©ductrice ou diabolique qui est porteuse de valeurs fĂ©minines souvent trĂšs Ă©loignĂ©es des valeurs masculines conscientes du rĂȘveur. C'est au cours du processus d'individuation, souvent dans la seconde moitiĂ© de la vie, que l'homme se trouve confrontĂ© Ă  cette figure de son inconscient : « L'anima est fĂ©minine ; elle est uniquement une formation de la psychĂ© masculine et elle est une figure qui compense le conscient masculin. Chez la femme, Ă  l'inverse, l'Ă©lĂ©ment de compensation revĂȘt un caractĂšre masculin, et c'est pourquoi je l'ai appelĂ© l'animus. Si, dĂ©jĂ , dĂ©crire ce qu'il faut entendre par anima ne constitue pas prĂ©cisĂ©ment une tĂąche aisĂ©e, il est certain que les difficultĂ©s augmentent quand il s'agit de dĂ©crire la psychologie de l'animus. Le fait qu'un homme attribue naĂŻvement Ă  son Moi les rĂ©actions de son anima, sans mĂȘme ĂȘtre effleurĂ© par l'idĂ©e qu'il est impossible pour quiconque de s'identifier valablement Ă  un complexe autonome, ce fait qui est un malentendu se retrouve dans la psychologie fĂ©minine dans une mesure, si faire se peut, plus grande encore. Pour dĂ©crire en bref ce qui fait la diffĂ©rence entre l'homme et la femme Ă  ce point de vue, donc ce qui caractĂ©rise l'animus en face de l'anima, disons : alors que l'anima est la source d'humeurs et de caprices, l'animus, lui, est la source d'opinions ; et de mĂȘme que les sautes d'humeur de l'homme procĂšdent d'arriĂšre-plans obscurs, les opinions acerbes et magistrales de la femme reposent tout autant sur des prĂ©jugĂ©s inconscients et des a priori. »[2]

Psyché et Eros.

DĂšs 1921, Jung dĂ©finit l'anima et l'animus dans son ouvrage Types psychologiques pour rendre compte de l'expĂ©rience des dĂ©lires de psychotiques dont il a eu la charge au Burghölzli, et qu'il a lui-mĂȘme vĂ©cu lors de sa pĂ©riode de confrontation Ă  l'inconscient, aprĂšs sa rupture avec Freud. C'est notamment son Ă©pisode avec Sabina Spielrein qui crĂ©a chez lui les premiers linĂ©aments d'une thĂ©orie des archĂ©types sexuĂ©s au sein de la psychĂ© de chaque genre.

Les figures fĂ©minines de la catĂ©gorie anima se rĂ©vĂšlent en gĂ©nĂ©ral aux hommes. C’est pourquoi on la nomme la part fĂ©minine de l’homme. Dans le cadre de la clinique, ou simplement en suivant ses rĂȘves, jour aprĂšs jour, sur une longue pĂ©riode, et en prenant conscience de cette part fĂ©minine, ces personnages qu’il a en lui, le masculin rĂ©el de l’homme se met Ă  se dĂ©velopper. Ce processus se nomme l’individuation. L’aboutissement de cette rĂ©alisation se fait en gĂ©nĂ©ral, par la rencontre avec la figure de la femme sage vers la fin du processus. Les personnages masculins (bien que relevant en gĂ©nĂ©ral de la psychĂ© fĂ©minine) apparaissant parfois dans l’homme au cours de ce processus.

Constituant l'anima, Jung distingue en 1946 quatre niveaux, se révélant au fil du processus d'individuation[3] :

Commentant le fait que la sagesse l'emporterait sur la sainteté, Jung se contente de préciser : « bien souvent, un peu moins signifie davantage. »[4]

Chaque niveau correspond Ă  un niveau de maturitĂ© psycho-affective. En rĂ©alitĂ©, l'anima a une fonction rĂ©gulatrice : « La prĂ©sence d'une figure de l'anima dans le rĂȘve fait en effet toujours supposer l'existence d'une fonction de relation. L'anima reprĂ©sente toujours chez l'homme la fonction de relation. »[5]

Anima dans les rĂȘves

Dans les rĂȘves, oĂč apparaĂźt de maniĂšre privilĂ©giĂ©e l'anima, celle-ci joue un rĂŽle de guide, Ă  travers des figures fĂ©minines rĂ©vĂ©latrices : « L'anima exprime en quelque sorte le dĂ©sir. Elle reprĂ©sente certains dĂ©sirs, certaines attentes. C'est pourquoi on la projette sur la personne d'une femme, Ă  laquelle se voient attribuĂ©es certaines attentes, des attentes unilatĂ©rales, tout un systĂšme d'attentes. »[6]

Une inspiratrice des arts

Si l'on ne prend qu'une forme d'art bien particuliĂšre, en l'occurrence la bande dessinĂ©e, il n'est pas difficile de trouver de nombreux artistes masculins ayant une anima trĂšs puissante qu'ils personnifient dans leurs personnages principaux : Jean-Claude Forest avec Barbarella et Hypocrite, Georges Pichard et Paulette (entre autres), WalthĂ©ry et l'hĂŽtesse de l'air Natacha, beaucoup de personnage de Jean-Pierre Gibrat, Valentina de Crepax, Les exemples sont lĂ©gion. C'est assez logique car, pour faire vivre un personnage fĂ©minin fictif et le rendre crĂ©dible quand on est un auteur masculin, il faut ĂȘtre trĂšs connectĂ© Ă  sa propre part fĂ©minine, savoir l'Ă©couter, penser au fĂ©minin, etc.

D'autres formes artistiques peuvent montrer le mĂȘme phĂ©nomĂšne, mais c'est la bande dessinĂ©e qui, de par la reprĂ©sentation graphique, donc physique, des personnages qui sont amenĂ©s Ă  vivre une vĂ©ritable vie sur le papier, est la mieux Ă  mĂȘme d'illustrer ce concept de l'anima chez les artistes.

Anima dans la thérapie jungienne

Confrontation avec l'anima

La confrontation avec cet autre, étape décisive de l'individuation, est génératrice d'angoisse, aux limites de la folie, néanmoins elle permet une intégration complÚte et harmonieuse des différentes instances composants la psyché[7].

Illustration du dialogue de l'homme avec son anima : représentation de Psyché et Cupidon.

Dialogue intérieur et anima

Dans la thérapie jungienne, la technique du dialogue intérieur, comme celle de l'imagination active, permet, par un dialogue réel avec ses contenus inconscients personnifiés, sous le contrÎle critique du Moi, d'intégrer son image : « Tout l'art de ce dialogue intime consiste à laisser parler, à laisser accéder à la verbalisation le partenaire invisible, à mettre en quelque sorte à sa disposition momentanément les mécanismes de l'expression (...)[8]. »

La déesse Athéna.

Notes et références

Ouvrages de C. G. Jung utilisés comme sources

  1. « L’anima compense le conscient masculin. Chez la femme l’élĂ©ment de compensation revĂȘt un caractĂšre masculin, et c’est pourquoi je l’ai appelĂ© l’animus », in Dialectique du moi et de l’inconscient, Gallimard, 1971, p. 214.
  2. « Si, chez l’homme, l’anima apparaĂźt sous les traits d’une femme, d’une personne, chez la femme l’animus s’exprime et apparaĂźt sous les traits d’une pluralitĂ© », in Dialectique du moi et de l’inconscient, Gallimard, 1971, p. 215.
  • Dialectique du moi et de l'inconscient, Gallimard, coll. « Folio », , 334 p. (ISBN 978-2-07-032372-2)
    premiĂšre publication en 1933
  • (fr) Henri F. Ellenberger, Histoire de la dĂ©couverte de l'inconscient, Paris, Fayard, , 975 p. (ISBN 978-2-213-61090-0, BNF 37649250)
    le chapitre IX est consacré à Jung et à la psychologie analytique
  1. p. 728-729.
  • (fr) Charles Baudouin, L'ƒuvre de Carl Jung et la psychologie complexe, Paris, Petite bibliothĂšque Payot, coll. « numĂ©ro 133 », , 522 p. (ISBN 978-2-228-89570-5, BNF 38820124)

    Autres sources utilisées

    1. C.G. Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient, Idées / Gallimard, 1973, p. 181.
    2. C.G. Jung " Dialectique du moi et de l'inconscient ", Idées / Gallimard, 1973 p. 179 et 181.
    3. C. G. Jung, Psychologie du transfert, Albin Michel, 1980, pp. 26-27
    4. Ibid. p. 27
    5. C.G. Jung, Sur l’interprĂ©tation des rĂȘves, Albin Michel, 1998, p. 224.
    6. C.G. Jung, Sur l’interprĂ©tation des rĂȘves, Albin Michel, 1998, p. 149.
    7. « Les éléments du monde intérieur nous influencent subjectivement de façon d'autant plus puissante qu'ils sont inconscients ; aussi, pour quiconque est désireux d'accomplir un progrÚs dans sa propre culture (et n'est-ce pas chez l'individu isolé que la culture commence ?), est-il indispensable d'objectiver en lui les efficacités de l'anima, afin de tenter de découvrir quels sont les contenus psychiques à l'origine des efficiences mystérieuses de l'ùme. De la sorte, le sujet acquerra adaptation et protection contre les puissances invisibles qui vivent en lui », C.G. Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient, Gallimard, 1973, p. 178.
    8. C.G. Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient, Gallimard, 1973, pp. 171-172.

    Voir aussi

    Articles connexes

    Les quatre stade de l'anima

    Bibliographie complémentaire

    • (fr) Annick de Souzenelle, Le FĂ©minin de l'Etre. Pour en finir avec la cĂŽte d'Adam, Albin Michel,
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